Aucun ouvrage traitant de la
guérison divine ne saurait être
complet s'il n'essaye pas d'indiquer ce que doivent
être les rapports de l'Eglise, quand elle
exerce le ministère de guérison, et
du corps médical (1).
Comment pourrait-on ne pas
reconnaître que Dieu bénit abondamment
le travail accompli par les médecins, ou que
l'humanité souffrante a contracté une
très grande dette de reconnaissance à
l'égard du corps médical, de sa
compétence et de son
dévouement ? Nombreux pourtant sont
ceux qui croient manquer de foi lorsqu'ils font
usage de médicaments. Cela n'a d'ailleurs
rien à voir avec l'attitude de la Science
chrétienne à l'endroit des
médecins, attitude qui résulte de la
négation pure et simple de toute
réalité d'ordre matériel.
Celui qui croit à la guérison divine,
et qui admet la terrible réalité de
la maladie, ne peut éprouver que de
l'admiration pour la lutte engagée contre ce
fléau par la médecine officielle.
La question est en somme la
suivante : Peut-on croire à la
guérison divine et prendre en même
temps des médicaments, ou ne devrait-on pas
s'en remettre entièrement à la
puissance de guérison du Christ ? Il
semble bien que la réponse dépende
essentiellement du niveau spirituel auquel on est
parvenu. Si, en ce qui nous concerne,
l'expérience personnelle d'une
présence constante du Christ est aussi
réelle que l'était sa présence
visible pour ceux qui le suivaient en
Galilée, alors je ne vois pas pourquoi nous
aurions plus besoin de médicaments qu'eux,
guéris seulement par sa main ou sa parole.
Mais si, par contre, nous n'en sommes pas encore
là, nous ne saurions nous permettre de nous
en passer.
Ne cherchons surtout pas
« à faire des
expériences », comme
d'« essayer » de nous passer de
remèdes sous prétexte que nous
« devrions » obtenir la
guérison sans y avoir recours, directement
de Dieu. De telles expériences ne peuvent
conduire qu'au désastre. Il nous faut
absolument faire appel aux ressources de la
médecine aussi longtemps que nous ne pouvons
pas les remplacer par quelque chose de
meilleur.
Je m'explique au moyen d'un exemple.
Supposez que vous soyez habitué à
prendre un somnifère en vous couchant.
À un moment donné, vous croyez devoir
« faire un effort » pour vous
en passer : « Ce soir, dites-vous,
je vais essayer de m'endormir sans
cela ». Il est infiniment probable,
cependant, que vous vous avouerez vaincu avant le
jour et que vous prendrez votre somnifère.
À supposer, pourtant, que vous ayez assez de
volonté pour aller jusqu'au matin, vous vous
lèverez les
nerfs à bout après une nuit
d'insomnie, ou presque. Le fait même d'avoir
tenté un « essai »
prouve que dans votre subconscient vous admettiez -
prévoyiez - un échec. Il était
pour ainsi dire dans la nature des choses. Avant de
pouvoir vous passer de la drogue, il est
indispensable qu'elle ait été
effectivement remplacée (dans votre esprit)
- à moins, naturellement, qu'il ne s'agisse
d'un moyen tout occasionnel, à quoi l'on a
eu recours pour surmonter une défaillance
passagère.
Affirmer donc votre conviction que le
Saint-Esprit est en vous. Si vous n'en avez pas
l'assurance intime, dites-vous que sa
présence ne dépend pas de ce que vous
ressentez, mais bien plutôt de la promesse
même du Fils de Dieu. En vertu de cette
promesse et de votre affirmation, par
conséquent, vous pourrez dire en toute
vérité : « Parce que
je sais que le Saint-Esprit est en moi, et qu'il
communique la paix, je sais aussi que je puis
recevoir cette paix par la grâce de
Dieu ». Faites de cela un sujet de
prière. Comptez sur Dieu pour être
comblé. Et puis, rendez grâce comme
l'ayant déjà reçue. Enfin,
persuadez-vous que, puisque effectivement la paix
de Dieu vous remplit, vous n'avez absolument plus
besoin de tranquillisant. Si l'être tout
entier s'ouvre à la paix, le sommeil viendra
tout naturellement
(2).
À
partir de ce moment, vous ne renoncez plus à
quelque chose dont vous craignez en secret d'avoir
encore besoin ; vous y renoncez effectivement,
parce que
vous
êtes sûr d'avoir trouvé
mieux.
Une courte digression me sera permise
ici. C'est une grave erreur que de prier pour
retrouver le sommeil, même si le besoin s'en
fait impérieusement sentir. L'effort que
l'on fait pour prier dans ce sens trahit la crainte
de l'insomnie. Pourquoi cet effort de prière
si la crainte n'était pas là ?
Il ne fait au fond que la nourrir en y attachant la
pensée, et chasse ainsi le sommeil. Il
faudrait plutôt s'ouvrir à une
grâce par la prière confiante, la
grâce de se laisser pénétrer de
la paix promise à quiconque reçoit
l'Esprit, parce qu'elle en est le fruit. Le sommeil
est un état naturel. Il vient donc tout
naturellement quand l'esprit, l'âme et le
corps sont en paix.
Mais revenons à notre sujet. je
me suis servi de l'exemple des narcotiques pour
mieux faire comprendre qu'il ne faut jamais se
laisser aller à faire des
expériences. Nous ne saurions nous permettre
de rejeter les remèdes ordinaires de la
médecine si nous ne sommes pas en mesure de
les remplacer par quelque chose de plus efficace.
En cette matière, au demeurant, il faut se
garder de confondre expériences et actes de
foi. Ce qu'il s'agit de condamner ce sont les
essais que l'on tente - par acquit de conscience,
mais sans conviction réelle - les
« actes de foi » qui n'en sont
pas.
L'acte de foi s'accompagne de conviction
authentique et opérante, parce qu'il
implique, non la confiance en soi, mais
l'intervention de la grâce de Dieu et
l'accomplissement de sa promesse.
J'espère être bien compris
maintenant, quand j'affirme que
le recours aux médicaments est fonction du
niveau spirituel auquel on est parvenu. C'est en
somme une question de foi. Nous ne pouvons pas nous
passer d'aide médicale tant que subsiste en
nous ne serait-ce qu'une crainte latente de
négliger quelque chose qui soit susceptible
de contribuer à notre guérison. Par
ailleurs, aussi longtemps que nous utilisons des
médicaments, nous devons le faire en y
voyant un don de Dieu et en appelant sa
bénédiction sur cette utilisation. En
fait, il s'agit en l'occurrence de
« rendre grâce » comme
à l'occasion d'un repas. Il ne saurait
être question d'avoir recours à la
médecine en y voyant une mesure de
précaution, pour parer à
l'échec d'une guérison d'ordre
divin.
Dans son Manuel de Guérison
divine, le rév. J.T. Butlin fait
allusion à un cas où il fut
amené à s'occuper d'un malade qui,
tout en ayant recours à son intervention,
continuait à suivre scrupuleusement son
traitement médical. Il n'y avait rien de
répréhensible à cela, à
la condition toutefois qu'il fût
persuadé que ce traitement était
voulu de Dieu pour sa guérison. Mais M.
Butlin eut le sentiment très net que cet
homme était en train d'expérimenter
les deux méthodes, de peur que l'une ou
l'autre fût vaine. Il espérait
seulement augmenter ainsi ses chances de
guérison. M. Butlin lui déclara, par
conséquent, qu'il lui fallait choisir. Le
malade renonça au traitement médical,
mit toute sa foi en Dieu et s'achemina
aussitôt vers la guérison.
On prétend parfois que, puisque
Dieu a donné à l'homme la
connaissance nécessaire à
l'utilisation des médicaments et
l'habileté chirurgicale, ce sont là,
pour notre génération, les voies
normales de la guérison. En
conséquence, nous ne devrions pas chercher
ailleurs, car, suggère-t-on, ce serait
mépriser les dons de Dieu.
Il est assez surprenant de rencontrer
des prédicateurs de l'Évangile qui
nous demandent de croire qu'il soit possible de
progresser dans la foi tout en négligeant
les moyens spirituels les plus évidents,
pour s'en tenir aux moyens matériels.
Pareille attitude, d'ailleurs, ne résiste
pas aux faits. Que notre reconnaissance aille
à Dieu pour l'existence des médecins
et pour tout ce qu'ils font pour combattre la
maladie ; mais, en mettant les choses au
mieux, la science et l'art médical ne sont
qu'un bien pauvre succédané de la
guérison par le Christ et du
ministère de son Église.
Si cette guérison n'était
plus pour nous, je ne serais pas en train
d'écrire ces pages. La science est toujours
impuissante à combattre la maladie du
sommeil, et c'est uniquement par la grâce de
Dieu qu'il y a sept ans, alors que les docteurs
avouaient ne rien pouvoir pour moi, je fus
guéri de cette maladie par
l'intermédiaire de M. James Moore Hickson.
On découvrira sans doute un jour le
remède spécifique du cancer ou de la
phtisie, mais on n'y est pas encore parvenu, et
c'est par milliers qu'on compte chaque année
les victimes de ces maladies. Il y en aurait bien
plus encore si un nombre croissant de malades ne
s'adressaient pas au Christ comme à celui qui peut
les guérir, et
ne trouvaient pas en lui celui qui est toujours le
même qu'aux jours où il
guérissait les malades en
Galilée.
Les moyens et le savoir-faire du corps
médical sont certainement donnés par
Dieu à l'humanité souffrante ;
mais ils ne doivent pas remplacer la
guérison qu'assure la foi au Christ. Il
semblerait plutôt qu'ils aient
été accordés pour que les
enfants du Père qui est amour ne soient pas
livrés à leurs maux en un temps
où son Église se révèle
défaillante sur ce point.
Qui donc pourrait mettre en doute
l'importance énorme des vaccins et des
sérums dans la lutte actuelle contre
certaines maladies ? N'est-il pas
étonnant que nous en soyons venus à
combattre la maladie en l'inoculant, alors que le
Christ qui guérit est là pour
l'expulser par la toute-puissance de son
Amour ? Où va notre
préférence ? À la Vie
divine du Fils de Dieu qui nous
pénètre tout entier, esprit,
âme et corps, ou à l'injection de
millions de bacilles dans notre organisme
(3) ?
Comment, selon vous, Dieu doit-il
procéder ? Sera-t-il offensé si,
vous détournant des bacilles, vous acceptez
la Vie triomphante (4) de son
Fils ? La
guérison par le Christ serait-elle pour vous
un don moindre que celui des drogues ?
Si nous sommes encore incapables de nous
passer des médecins et de
médicaments, il importe que nous leur
donnions leur vraie place. Le médecin nous
soigne, mais c'est de Dieu seul que peut nous venir
la guérison. Ambroise Paré a
dit : « je le pansai, Dieu le guérit ».
Nous
devons faire appel au médecin comme à
celui que Dieu a préposé aux soins du
corps, en demandant qu'il soit utilisé plutôt
qu'aidé par Dieu.
Une tradition très largement
répandue veut que Luc, en tant que
médecin, ait accompagné saint Paul
pendant une partie de ses voyages missionnaires.
Seule l'idée généralement
admise que le recours à la médecine
est absolument nécessaire explique une telle
supposition. Habitués pour la plupart
à ce qu'il en soit ainsi, nous admettons
comme allant de soi que Luc, étant
médecin, accompagnât saint Paul
à ce titre. Rien pourtant, ne prouve qu'il
le soignât jamais. De fait, nous l'avons
écrit déjà, il semble bien
plutôt que Paul s'adressait directement
à Dieu pour être guéri.
Remarquons aussi que, lorsque les malades de
l'île de Malte furent amenés pour
être guéris, c'est à Paul qu'on
les amena, et non au médecin. Il est donc
plus que vraisemblable que saint Luc, après
qu'il fût devenu évangéliste,
guérit les malades en comptant sur la
grâce du Christ plutôt que sur l'emploi
de remèdes.
On nous accuse parfois de faire courir
aux médecins le risque de « perdre
leur clientèle ». On pourrait tout
aussi bien dire cela de ceux qui cherchent à
prévenir la maladie. Le corps médical
continuera d'être pleinement occupé
tant que la société
(5) dans
son
ensemble ne se tournera pas vers Dieu et que
l'homme ne s'ouvrira pas à l'Esprit du
Christ. À supposer même que nous
n'éprouvions plus le besoin d'avoir recours
aux drogues et aux médicaments, nous continuerions
presque
tous
à considérer le médecin comme
un conseiller qualifié et tout
désigné quand il s'agit de ce qui
touche au corps, tout comme nous irions au
prêtre ou au pasteur pour les questions
d'ordre spirituel. Précisons notre
pensée au moyen d'un exemple. Si une
personne souffre du diabète, elle voudra
savoir quels aliments elle doit proscrire
jusqu'à sa complète guérison
par le Christ, et cela même s'il s'agit de
quelqu'un qui croit fermement à la
guérison par le Christ. Ou, s'il y a
fracture osseuse, on fera certainement appel
à l'aide du docteur pour la réduire.
De même s'il s'agit de réunir les
lèvres d'une plaie ouverte au moyen de
sutures.
Si maintenant nous considérons
dans leur ensemble le corps médical et le
service hospitalier, sans doute ne pourrait-on
trouver nulle part ailleurs un tel
dévouement au devoir et un tel esprit de
sacrifice pour soulager la souffrance humaine. Je
ne puis souhaiter qu'une chose : c'est que
tous - comme beaucoup déjà -
comprennent qu'ils ne se dépensent pas
seulement pour faire reculer la maladie et soulager
la souffrance, mais qu'ils sont
« ouvriers avec Dieu » pour
vaincre le mal. On verrait alors coopérer
beaucoup plus étroitement le corps
médical et le clergé - ce que nous
souhaitons et recherchons.
On me demanda un jour d'intervenir
auprès d'une personne qui, en dépit
de deux opérations importantes, ne faisait
toujours que de très lents progrès.
Ce qui me réjouit surtout, ce fut
d'apprendre que le médecin traitant non
seulement souhaitait que sa malade demandât
une aide spirituelle, mais qu'il désirait lui-même
assister à
l'onction d'huile. Ai-je besoin d'ajouter que, le
soir même, une grande amélioration se
produisit et que le rétablissement fut
ensuite rapide ?
Mais - je le comprends parfaitement -
les médecins ne sauraient rechercher la
collaboration d'un clergé qui déprime
leurs malades en parlant de la mort sur un ton
lugubre, ou en les exhortant à porter la
croix dont, dit-il, Dieu les a chargés, ou
qui encore fait d'interminables visites sans
apparemment se rendre compte de ce qu'un malade
peut supporter. Par contre, il ne fait aucun doute
qu'ils acceptent avec empressement la collaboration
de ceux qui apportent espérance et courage
à leurs malades, car ils comprennent fort
bien l'importance primordiale des facteurs moraux,
quand bien même ils ne seraient pas encore
gagnés à la cause de la
guérison spirituelle.
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