Il est autre chose encore qu'il nous faut
examiner de plus près. Je veux parler de nos
mobiles. Il ne suffit pas en effet de
désirer la guérison pour être
soulagé et pour l'obtenir.
Prenons l'exemple du
péché. Est-ce uniquement pour assurer
notre salut personnel que nous recherchons le
pardon des péchés ?
Sûrement pas. Nous voulons que notre coeur
lui-même en soit purifié, afin que
Dieu puisse nous remplir de son Esprit et nous
utiliser à son service. La vraie repentance,
par conséquence, doit procéder du
douloureux regret d'avoir rejeté l'amour de
Dieu, de l'avoir blessé par notre
péché, et non du regret de nous
être mis nous-mêmes en mauvaise posture
ou de nous être
déconsidérés à nos
propres yeux.
Il en va de même quand il s'agit
de guérison personnelle, quelque
légitime qu'elle puisse être. C'est la
gloire de Dieu que nous devons avoir en vue,
désireux avant tout que notre corps soit
à nouveau pleinement utilisable par lui. Il
ne s'agit donc pas, dans la
maladie, de nous apitoyer sur nous-mêmes,
mais de nous affliger du délabrement que
subit en nous le temple (vivant de
l'Esprit).
Je me souviens à ce propos d'un
cas typique ; celui d'une femme qui avait
été affligée pendant longtemps
d'une très pénible maladie. Elle
avait prié avec ferveur et constance pour en
être soulagée, mais sans
résultat aucun. En fin de compte, elle
comprit qu'il s'agissait pour elle de rechercher
d'abord la présence même du Christ, et
la grâce qu'elle demanda désormais fut
celle d'éprouver réellement cette
présence
(1).
Elle
était prête à supporter
n'importe quoi pour y parvenir. Elle accueillerait
même avec joie la souffrance, si cette
souffrance pouvait l'aider à faire cette
expérience. À partir de ce
moment-là, elle ressentit un grand
soulagement et sa guérison s'en trouva
amorcée. Aussi longtemps qu'elle n'avait
songé qu'à son propre soulagement,
elle n'avait rien pu recevoir ; mais
aussitôt qu'elle mit le Christ lui-même
à sa vraie place, elle fut en état de
tout recevoir.
Dieu se glorifie lui-même en
guérissant ses enfants, et c'est sa gloire
que nous aussi nous devons rechercher (dans la
guérison). C'est ce qui ressort avec force
de l'épisode des dix lépreux
(Luc
17:11-19). Les neufs qui ne
revinrent pas sur leurs pas sont
généralement taxés
d'ingratitude, mais Jésus ne les en accuse
pas. Il s'étonne seulement qu'un seul soit
revenu pour « donner gloire à
Dieu ». Rien de bien surprenant que ce
fût un Samaritain
(verset
16) et qu'il se fût
montré plus reconnaissant
que les juifs. N'avait-il pas effectivement plus de
raisons que les autres, lui étranger,
d'être reconnaissant, puisqu'il avait
été guéri par un
prophète
(2)
juif ?
Ce qui, par contre, peut paraître surprenant,
c'est que ce soit lui, le Samaritain, qui ait
compris que Dieu était glorifié par
sa guérison. Il ne fait guère de
doute que les neuf autres éprouvèrent
également de la gratitude, mais leur
hâte de se voir reconnus guéris, de
retourner chez eux et de retrouver leur famille est
telle, qu'elle leur fait oublier leur premier
devoir, qui est de « donner gloire
à Dieu ». Seul le Samaritain fait
passer cela avant le reste (3).
N'y a-t-il pas quelque chose d'exaltant
à se dire que la gloire du Dieu
Tout-Puissant peut être manifestée en
nous ? Qu'il est non seulement consentant,
mais désireux de nous libérer de
toute manifestation du mal, qu'il s'agisse de
l'âme ou du corps, en sorte qu'il puisse
visiblement rendre son Amour opérant en nous
et par nous ?
La meilleure prédication, si elle
ne s'accompagne pas de mise en pratique, ne
convertira jamais le monde. De fait, elle
l'éloigne plutôt, parce qu'elle
suscite la critique. Quant au contraire on verra
l'enseignement du Christ vécu par ceux qui
se réclament de lui, on sera tenté de
rechercher la même grâce. Et c'est
ainsi, également, que lorsqu'on verra se
produire des guérisons chez ceux qui
regardent au Christ pour être
délivrés de leurs maux, on sera
porté à rechercher la même délivrance.
Nous relevons fréquemment une
ressemblance entre parents et enfants... Il s'agit
parfois de ressemblance physique. D'autres fois,
c'est une similitude de caractère. Les
enfants de Dieu, créés à son
image, ne devraient-ils pas révéler
quelque chose de sa perfection
(4). Par
ailleurs, le simple aspect ou comportement des
enfants nous renseigne sur la qualité du
milieu familial auquel ils appartiennent.
Il en est qui, bien que d'origine
manifestement modeste, sont soignés et
propres. Leurs vêtements sont
irréprochablement raccommodés et bien
entretenus. D'autres au contraire, même s'ils
paraissent venir de milieux plus aisés, sont
sales et négligés. Les enfants de
Dieu - ceux du moins qui revendiquent comme tels
leur héritage - ne devraient-ils pas
apporter par leur vie la preuve que le Père
(dont ils se réclament) prend effectivement
soin de leur corps et de leur âme, en sorte
qu'il manifeste en eux sa gloire ? Cela vaut
mieux que tous les sermons du monde, parce que cela
oblige ceux qui en sont les témoins de
remonter à la source même de ces
grâces.
On rencontre souvent des gens qui, par
excès de zèle, font beaucoup de mal
en se vantant à la légère
d'avoir bénéficié de la
guérison divine, alors que cette
guérison est demeurée
incomplète. Ils sont sincèrement
désireux d'apporter leur témoignage,
mais ils oublient que le monde réclame des
faits dûment établis et qu'il ne se
laisse pas convaincre si on lui dit que telle
personne « se sent mieux ».
Quand on se réclame de
guérison divine, on invite à la
critique ; et si la guérison n'est pas
radicale, elle est ridiculisée. Si, par
contre, la guérison s'impose vraiment, si
tous les symptômes négatifs ont
disparus, alors amis et connaissances
s'enquièrent de la cause de ce changement.
Leur état d'esprit sera réceptif au
lieu d'être critique. Ils seront
désireux de s'informer et accepteront un
témoignage irrécusable. Et Dieu,
alors, sera glorifié.
Il en est qui estimeront peut-être que
c'est pousser à l'hypocrisie que d'insister
sur la nécessité de mettre la gloire
de Dieu au premier plan. On peut demander en
effet : « Dois-je prétendre
que je désire être guéri pour
glorifier Dieu, alors que je sais fort bien, par
devers moi, que mon vrai désir est
d'être débarrassé d'une
souffrance qui me torture, ou d'une
infirmité qui m'empêche de gagner ma
vie ? En somme, ce n'est que très
humain de chercher d'abord à être
soulagé ».
La vraie question est
précisément de savoir s'il s'agit ici
d'un simple désir. Par nature, l'homme est
parfaitement en état de faire preuve de
courage et ne recule pas devant la souffrance - si
du moins il croit que la cause en vaille la peine.
Songez un peu à la somme de souffrance
délibérément envisagée
et joyeusement supportée par des hommes et
des femmes en temps de guerre. Ou encore par des
explorateurs, des fervents de la montagne ou des
ambitieux de la fortune qui affrontent de
sérieux risques pour l'obtenir. Pensez aussi à
tous ceux qui, parmi nous, acceptent de souffrir
pour le sport, s'astreignent à un
entraînement pénible, à des
courses ou à des jeux qui sont souvent la
cause d'accidents graves. Pensez enfin à ce
que de tout temps la femme a souffert avec le
sourire pour se conformer à la mode, quand,
par exemple, il fallait avoir une taille de
guêpe, ou quand il s'agissait de se chausser
beaucoup trop à l'étroit. Toutes ces
souffrances furent acceptées parce qu'on
estimait que la fin poursuivie valait le sacrifice
exigé. Et c'est ainsi qu'un nombre
incalculable de gens subirent également la
persécution et le martyre. Leur amour du
Sauveur crucifié les rendait capables de
tout supporter pour lui. Quand on aime, en effet,
on est toujours prêt au sacrifice et à
la souffrance, et, quand la communion au Christ est
authentique, on aime assez pour donner un sens
à la souffrance qu'on accepte en son
nom.
Vous direz sans doute que je me
contredis, puisque j'insiste sur la
nécessité d'avoir en vue, tout
d'abord, la gloire de Dieu en recherchant la
guérison, et qu'en même temps je vous
exhorte à souffrir avec patience pour
l'amour du Christ. Puisque Dieu veut nous
guérir pourquoi est-il nécessaire
d'accepter encore la souffrance ?
Cela peut sembler paradoxal, et pourtant
il n'en est rien. Si je ne consens pas à
souffrir pour l'amour du Christ, cela prouve que je
pense d'abord à moi, et il est
évident que je ne donne pas la
première place à Dieu. Si, par
contre, j'accepte de souffrir pour l'amour du
Christ (5), ce
n'est plus dans un but purement égoïste que je veux
être
guéri. Je suis en état de juger
objectivement de la situation et de me rendre
compte de quelle façon je puis glorifier
Dieu le plus complètement.
Tout cela est d'ailleurs fondé
psychologiquement aussi. Lorsque ma plus grande
préoccupation est de ne plus souffrir, ma
pensée s'attache à ma souffrance et
s'en inquiète au point que, tout en
souhaitant avant tout d'être guéri, je
m'installe en réalité dans mon mal,
en sorte que je ne puis en être
libéré. Au contraire, si je me
persuade que je suis parfaitement en état de
l'endurer, j'en éprouve une telle
libération que la grâce de Dieu peut
alors me guérir.
Ce qui est vrai de notre propre guérison
l'est aussi de celle des autres. Pourquoi la
demandons-nous ? Est-ce pour que Dieu soit
glorifié, ou est-ce parce que nous les
aimons au point de ne pouvoir envisager de les
perdre ? Il faut que, pour l'amour du Christ,
nous en arrivions à accepter
l'éventualité de cette perte pour
être vraiment en état de prier afin
que Dieu se glorifie en les guérissant.
Aussi longtemps que nous ne pensons qu'à
notre grande affection pour l'être
aimé, nous avons si peur de le perdre que
nous l'enveloppons d'appréhension et
d'angoisse, ce qui non seulement sape notre foi
personnelle, mais ébranle également
la sienne.
Par ailleurs, il ne saurait être
question, ici, de simple
résignation. Nous pouvons être
amenés à dire, lorsque nos efforts
sont restés vains : « Que la
volonté de Dieu soit
faite ! ». Mais c'est là tout
autre chose que de confier ses bien-aimés au
Christ sans réserve aucune. Cet acte de foi
est-il donc hors de notre portée ? Il
l'est moins que de les confier à l'art du
chirurgien, car le Christ a porté leurs
maladies sur la Croix.
Qu'il s'agisse de guérison
personnelle ou de celle des autres, c'est de notre
amour pour le Christ que dépendra notre
capacité de lui faire confiance et de tout
lui remettre. Or cet amour est inséparable
de la vraie connaissance, non pas celle, toute
cérébrale, du Christ historique, mais
la connaissance qui résulte d'une
expérience de communion personnelle. Si nous
voulons aimer le Christ au point de pouvoir
souffrir pour lui, il faut qu'il soit devenu pour
nous le Vivant, bien réellement agissant
(6). J'ai
essayé déjà de montrer de
quelle façon on peut parvenir à cette
expérience. Mon propos n'est donc ici que
d'insister encore sur sa
nécessité.
Peut-être vous demandez-vous si
vous avez bien fait l'expérience en
question. Vous n'en êtes pas très
sûr. Cela dépend des moments.
Voulez-vous un sûr critère ? Le
voici : si vous êtes prêt à
souffrir librement pour le Christ, et à
faire passer la gloire de Dieu avant toute autre
considération, alors je crois pouvoir
affirmer qu'en ce qui vous concerne
l'expérience est faite. Notre amour est
fonction de la réalité de notre communion.
Lorsqu'il est
authentique, il dépasse infiniment l'amour
de l'argent, du succès personnel, des
satisfactions d'amour-propre, ou de tout ce que le
monde peut offrir. Et quand un tel amour emplit le
coeur, il ne saurait y avoir ombre même
d'hypocrisie à déclarer qu'en
recherchant la guérison on veut qu'avant
tout soit manifestée la gloire du Dieu
Tout-Puissant.
Si c'est effectivement pour assurer la
gloire de Dieu que nous demandons la
guérison, nous ne pouvons nous attendre
qu'à quelque chose de parfait. Trop souvent
nous ne voyons dans la guérison qu'un
« replâtrage », au lieu
d'un renouvellement complet. Supposons que nous
utilisions un objet quelconque et que l'usure
survienne : nous procédons alors
à une réparation. Mais si elle est
impossible, nous remplaçons l'objet.
De toute façon, une réparation n'en
aurait pas fait un objet neuf. Elle aurait
même laissé subsister en nous un doute
quant à son efficacité. Il en va de
même pour nous. Quand une maladie -
réputée chronique en particulier - a
été guérie, nous continuons
souvent à redouter un retour de mal. Il
s'agit à nos yeux d'un simple
replâtrage plutôt que d'un
renouvellement complet des tissus malades.
Le Christ peut « faire toutes
choses nouvelles ». Si nous faisons
passer sa gloire avant tout, et si nous nous en
remettons entièrement à lui de notre
état de santé, il peut nous donner un
« coeur » nouveau, dans lequel
les peurs d'autrefois n'ont plus de place. Il peut
imprimer dans ce coeur l'image de perfection qui
seule représente le plan divin à
notre égard. Il peut donc
rendre dignes de ce plan les cellules et les tissus
que la maladie avait
détériorés.
J'ai connu un enfant dont l'un des
poumons avait été atteint d'une
pneumonie particulièrement grave. Il fut
guéri en réponse à la
prière et, un an plus tard, le
médecin était incapable de dire
lequel de ses poumons avait été
malade. La guérison assurée par le
Christ avait été parfaite.
Recherchez sa gloire, et il se
glorifiera en vous. Ne mettez pas de limite
à sa puissance en n'attendant qu'une
guérison partielle. Que la recherche de ce
qui est parfait occupe entièrement votre
esprit, et il manifestera en vous cette perfection.
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