Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IV

LA PRIÈRE DE LA FOI

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 Comme nous l'avons vu déjà, saint Jacques dit clairement que c'est « la prière de la foi » qui sauvera le malade. Il n'attache pas la même certitude à celle de l'espérance, ou du désespoir.

En parlant de la prière, il écrit en effet : « Qu'il... demande avec foi, sans douter ; car celui qui doute est semblable au flot de la mer, que le vent agite et soulève. Qu'un tel homme ne s'imagine pas qu'il recevra quelque chose du Seigneur ».
Comme fondement, la foi a besoin de connaissance.

Nous savons en premier lieu que Dieu peut guérir. De cela, nous avons de nombreux témoignages.

Par ailleurs, nous savons que notre guérison se situe dans la volonté de Dieu, puisque le Christ a porté nos maladies sur la Croix. C'est pourquoi nous ne devons pas ajouter une réserve à notre prière en terminant par les mots : « si telle est ta volonté ». Il ne viendrait pas à l'esprit de faire cette réserve quand il s'agit du pardon des péchés. Alors, pourquoi la faire lorsqu'il s'agit de recevoir la grâce de guérison qui nous a été acquise en même temps et de la même manière ?
La foi, cependant, va bien au-delà de toute connaissance doctrinale, quelles que soient nos certitudes sous ce rapport.

Croire vraiment, c'est « connaître » Dieu lui-même, (d'une façon immédiate). Il ne suffit pas d'en savoir beaucoup à son sujet ; il nous faut le connaître, lui. Ou bien - ce qui est sans doute plus à la portée de la majorité d'entre nous - il nous faut connaître Jésus-Christ comme Seigneur et Sauveur vivant (1).

Seule une expérience personnelle du Christ Jésus nous permet de surmonter les adversités de la vie en nous appuyant sur les promesses de l'Écriture.

Supposez que, souffrant, vous demandiez une consultation à un éminent spécialiste, une sommité médicale, et que celui-ci, après examen approfondi, vous déclare atteint d'un mal incurable ; la valeur de son verdict sera pour vous fonction de son autorité personnelle. Il en résultera une réaction de crainte qui envahira votre subconscient et deviendra une idée fixe. Une fois là, cette idée ne pourra être surmontée que par une idée animée d'un dynamisme plus grand. Or, ce sont les paroles de l'Écriture, les promesses faites par notre Seigneur lui-même, qui devraient avoir pour vous ce dynamisme supérieur. Mais comment pourrait-il en être ainsi, si ces paroles et ces promesses n'ont même pas à vos yeux l'autorité que confère au verdict du spécialiste sa forte personnalité ? Ce n'est pas tant que vous doutiez de leur réalité, mais elles sont incapables de vaincre en vous l'appréhension. Or, c'est l'idée qui « de fait » domine votre subconscient - et non celle que vous « souhaiteriez » y voir dominer - qui s'impose à vous pratiquement et règle votre conduite. Il est impossible de vaincre semblable crainte par la force de la volonté. De fait, plus on s'y acharne et plus on l'ancre en soi. Chaque effort dans ce sens est en réalité une façon de reconnaître son existence et d'accroître sa virulence. Si elle n'était pas là, on n'aurait nul besoin de la combattre, et le seul fait de la combattre prouve qu'on la redoute.

Cette crainte ne peut être surmontée que par quelque chose de plus puissant, la force de la Vérité. Nous avons vu déjà que la Vérité est un « accord avec la réalité ». Mais la réalité en question peut ne pas être celle qui s'accorde à la Vérité la plus haute, la Vérité qui est principe éternel de ce qui doit être, la Vérité que représente la vie de Jésus.

En tant qu'assertion d'un fait, il peut être conforme à la vérité apparente de dire qu'une personne souffre d'une certaine maladie. La Vérité telle que nous la découvrons en Jésus est autre, cependant. Elle consiste à dire que le poids de cette maladie a été porté par lui sur la Croix, et que, par conséquent, elle ne doit pas détériorer le corps, temple du Saint-Esprit.

Il résulte de tout cela que si la Vérité est la puissance qui doit nous libérer, il faut nécessairement qu'elle s'appuie sur ce qu'apporte d'absolu la personne de Jésus ; et elle ne saurait le faire pour nous, aussi longtemps que nous n'avons pas une expérience personnelle du Christ Jésus.
Cette expérience est-elle à la portée de tous ?

Très certainement, pourvu que nous la recherchions comme elle doit l'être. Il ne s'agit pas ici d'émotions. La rechercher de cette manière-là ne conduit qu'à des alternances d'exaltation et de dépression. Il est alors des moments où la prière et les sacrements semblent nous unir au Christ, et puis, à d'autres moments, nous nous sentons complètement abandonnés.

Ce n'est donc pas dans les émotions, mais par l'Esprit, que nous pouvons trouver le Christ. Il s'agit par conséquent de s'en tenir fermement à la vérité qu'il est toujours en nous, que sa présence ne dépend pas de ce que nous pouvons éprouver, mais de sa promesse. Alors, nous sommes dans les conditions voulues pour qu'il puisse se révéler à nous. Beaucoup de chercheurs font des efforts, désespérés parfois et sincères toujours, pour trouver le Christ, sans se rendre compte que cet effort même est pour eux un empêchement, parce que dans l'effort on exalte le sentiment et les émotions. Mais si nous ne pouvons pas le trouver ainsi, il peut, lui, se révéler à nous, parce que son Esprit est en nous, et que c'est par l'Esprit que doit venir la révélation. Il se révélera dans la mesure où, dans l'adoration, la louange et l'entière disponibilité de l'abandon vrai, nous reconnaîtrons sa présence par l'Esprit. C'est « de par Dieu que nous sommes dans le Christ Jésus ». Autrement dit, c'est Dieu (agissant par) le Saint-Esprit (2), et lui seul, qui nous donne l'assurance intime de cette présence, assurance qui peut être aussi convaincante que celle qui résulte de la vue elle-même.

Il s'agit donc de croire à la promesse, et d'agir ensuite comme celui qui croit. Alors on reçoit. Dans la mesure où la communion devient ensuite plus réelle, ses promesses aussi deviennent plus certaines, parce qu'elles sont faites par celui qui est l'Homme (3).

Quand il s'agit d'un jeune enfant, Jésus est pour lui parfaitement réel. Je me souviens d'un enfant de cinq ans qui souffrait d'une forte rougeole. Alors qu'il était en pleine éruption, il demanda à Jésus de le guérir, car on lui avait enseigné que Jésus guérissait les malades. Sa prière était donc la prière de la foi, et, deux jours après le docteur le déclara guéri.

Un autre exemple de foi enfantine est celui d'un garçonnet de huit ans, éprouvé par l'asthme au point que le docteur craignait qu'il ne pût passer encore un hiver. je priai avec lui et lui imposai les mains au nom de Jésus-Christ. Deux jours plus tard, il pouvait rentrer chez lui. je lui fis savoir que j'étais disposé à lui imposer encore une fois les mains avant sa sortie de l'hôpital, afin d'appeler sur lui une nouvelle grâce. On revint me dire qu'il ne croyait pas en avoir besoin : il avait tout obtenu la première fois ; pourquoi aurait-il besoin de venir de nouveau ? En somme, il avait parfaitement raison. Il avait reçu sa grâce, et il était guéri de son asthme.

Quand le Seigneur nous dit que nous devons ressembler aux petits enfants, il n'entend pas que nous devions leur ressembler en innocence seulement, mais aussi par la simplicité de notre foi, et par notre empressement à nous laisser instruire par lui. Vous ne pouvez rien apprendre à quelqu'un qui croit savoir déjà tout ce que vous pourriez lui enseigner. Dieu non plus ne peut nous instruire de sa Vérité aussi longtemps que nous nous fions à notre acquis d'ordre intellectuel. Par contre, nous sommes prêts à recevoir la vraie connaissance dès l'instant où nous commençons à reconnaître que nous ne savons rien. Dieu alors ne tardera guère dans sa tentative de se révéler à nous. Ce fut en tout cas ma propre expérience, et je ne commençai à « connaître » Dieu d'une façon qui pût me satisfaire qu'à partir du moment où je me rendis à l'évidence que, pour l'essentiel, je ne savais rien. je ne veux pas dire par là, bien sûr, que nous ne devions pas nous servir de nos facultés intellectuelles ou de nos facilités de raisonnement, mais que nous devons les utiliser à la lumière du Saint-Esprit, et non à la seule lumière de la sagesse du monde et d'une connaissance toute humaine.

Ce qu'il y a lieu de souligner avant tout, c'est l'absolue nécessité d'une expérience personnelle du Christ vivant.

Ce n'est même plus une question de guérison seulement. C'est une question de vie. En dehors de cette expérience, notre religion n'a que bien peu de valeur effective, et c'est précisément dans nos moments d'extrême détresse ou de plus grand désarroi qu'elle nous trahira. Nous pouvons certes avoir observé scrupuleusement la « loi », ou rempli les obligations du culte public et du service organisé, notre religion s'effondrera au premier choc décisif si nous n'avons pas du Christ la connaissance que donne la puissance de l'Esprit qui habite en nous.

C'est très bien de dire que nous sommes sûrs d'avoir reçu le Saint-Esprit, parce que nous avons été baptisés, puis confirmés, et que nous communions régulièrement. La question n'est pas tant de savoir si la grâce de recevoir le Saint-Esprit nous a été faite - cela ne souffre aucun doute ; elle est bien plutôt de savoir si nous sommes devenus comme « instinctivement » - ou « naturellement » - conscients de sa présence en nous, au point d'être amenés à agir, et cela effectivement, avec la certitude que c'est bien lui qui est la source même de notre vie, de notre force et de notre paix. J'ai connu maints disciples dévoués du Christ, qui avaient même donné leur vie pour le servir, mais qui ne furent amenés à faire cette expérience que tard dans la vie. Je prêchai moi-même l'Évangile pendant plus de vingt ans, pleinement convaincu de sa vérité, mais secrètement obligé d'espérer que ceux à qui je le prêchais y trouvaient plus de solide et pratique réalité que moi-même. Depuis le jour où j'avouai ne rien savoir d'essentiel encore, je suis en état de prêcher cet Évangile avec la certitude que donne l'expérience de sa vérité.

Cette certitude d'expérience est donnée aux uns et aux autres de façons différentes. C'est sans doute le plus souvent en réponse à l'abandon personnel véritable, quand le coeur y est tout à fait et que tout est déposé sur l'autel du culte que Dieu réclame, quand on est prêt à lui donner tout ce qu'il peut demander, non seulement les biens matériels, mais encore les relations qu'on peut avoir, les désirs, les idées, les doutes, les craintes, les espoirs et les ambitions, tout en un mot.

Cette certitude d'expérience résulte parfois du risque total qu'accepte de courir la foi, de la réponse audacieuse que, dans l'obéissance, on donne à l'appel de la conscience, en faisant confiance à l'Esprit pour recevoir lumière et force indispensables dans pareille aventure.

À d'autres, elle est donnée dans l'allégresse d'une gratitude débordante, alors qu'ils ont été l'objet d'une grâce insigne ne pouvant venir que de Dieu.

D'autres, par contre, l'ont trouvée au cours d'une méditation tranquille, alors que, dans l'adoration intérieure de l'Esprit, il leur semblait être à l'unisson de l'Infini.

D'autres encore y parviennent en face de telle parole de l'Écriture, quand, sous un nouvel éclairage, le sens profond s'en dégage et vient s'insérer, vivant, dans leur expérience personnelle. Cela peut s'accompagner d'une manifestation de puissance ou d'une extase bienheureuse qui envahit le coeur et l'esprit, indépendamment de toute influence extérieure ; tandis que dans d'autres cas ce sera plutôt le sentiment profond de « la paix qui surpasse toute intelligence » (Phil. 4 : 7).

Notons enfin que cette certitude s'établit parfois de façon si graduelle qu'on ne saurait préciser à quel moment elle s'est imposée. Quelle qu'en soit la cause, cependant, ou la façon dont elle s'installe, une chose est certaine, c'est que notre conception de la vie en est entièrement transformée : au lieu de demander à Dieu de nous aider dans notre travail, nous en arrivons à comprendre qu'il s'agit de son travail (4) à lui, que nous devons assumer dans la puissance qu'il donne.

Souvenons-nous que cette connaissance, qui résulte pour nous de l'expérience, est toujours le don de Dieu, Elle ne peut être acquise en faisant appel aux émotions, c'est l'oeuvre du Saint-Esprit dans un coeur ouvert pour recevoir, et qui prouve sa disponibilité par quelque acte de foi.

Peut-être penserez-vous que je fais de cette recherche de la guérison quelque chose de trop difficile, d'inaccessible au commun des mortels, dont la vie est très remplie et qui n'ont que peu de temps à consacrer à la prière et à la méditation. C'est loin d'être mon intention, et, bien qu'il me faille insister sur l'importance de l'expérience personnelle quand il s'agit pour le chrétien de progresser, je sais par ailleurs que Dieu est plein de miséricorde et qu'il regarde au désir secret de nos coeurs.

Nombreux sont les malades qui ont été - et qui continuent d'être guéris, même sans être parvenus encore au stade de l'expérience personnelle. De ce fait, ils n'ont pas pu venir avec la foi dans sa plénitude. Mais si l'on est tant soit peu sincère dans sa quête de Dieu, et si l'on cherche honnêtement à courir l'aventure de la foi, même bien imparfaitement en réalité, Dieu accepte le peu de foi qu'on peut lui apporter. Ce ne sera peut-être pas grand-chose, mais si c'est « tout ce que nous possédons », comme il en était de la veuve et de son obole, il y répondra par sa grâce, et ce sera suffisant pour nous combler.

Il va sans dire, toutefois, que si Dieu accorde souvent ses grâces en réponse aux élans encore très imparfaits de la foi, cela ne doit nullement nous inciter à croire que la foi dans sa plénitude, telle que saint Jacques la conçoit, n'est pas nécessaire. Nous ne devons, au contraire, avoir de cesse que nous y soyons parvenus.

« La foi est la substance (ou la ferme assurance) des choses qu'on espère, la démonstration de celles qu'on ne voit pas » (Hébr. 11 : 1). Elle est, en d'autres termes, prise de conscience du spirituel. C'est pourquoi la foi est à la portée de tous. Elle ne dépend pas de la faculté que nous pourrions avoir de nous obliger d'admettre ce que ne peut accepter notre raison, mais de la puissance du Saint-Esprit, qui nous rend capables de saisir la réalité du spirituel. Quand nous parlons de notre foi, nous devons entendre par là, la foi qui est la nôtre en vertu seulement de l'usage que nous en faisons. En elle-même, la foi ne saurait être nôtre. C'est toujours celle, en nous, du Christ, car c'est l'Esprit qui nous rend conscients de la réalité de l'invisible.

La difficulté, pour la plupart d'entre nous, n'est pas tant le manque de foi que son inutilisation pratique. Dieu nous la donne (5), mais il s'agit pour nous de nous en servir toujours à nouveau, jusqu'à ce que nous le fassions instinctivement. C'est faute de comprendre cela au point d'en vivre que tant de gens sont poussés à parler de leur foi, ou à se lamenter parce qu'ils n'ont pas la foi.

Tel enfant peut être remarquablement doué pour la musique, mais ce don naturel ne fera pas de lui un musicien virtuose s'il n'accepte pas des années de travail persévérant. Nous sommes de même naturellement en état de percevoir la réalité spirituelle, mais cette faculté de perception ne se développera et ne nous permettra de nous appuyer sur elle, qu'à la condition d'en faire un usage aussi patient et persévérant que celui dont a fait preuve notre musicien. À quoi cela sert-il de souhaiter pouvoir jouer du violon comme un Kreisler, si l'on refuse de s'astreindre aux longues heures d'étude et d'entraînement technique sans lesquelles on ne saurait y parvenir.

C'est ainsi, également, qu'il est vain pour nous d'aspirer à la foi d'un George Muller ou d'un Hudson Taylor, à moins d'être prêts à compter absolument sur Dieu comme ils le firent, et de nous comporter en tout selon les exigences du Saint-Esprit en nous.
Il y a lieu de faire observer, pourtant, que très rares sont les êtres doués pour devenir des virtuoses du violon, alors que « le Père céleste donne l'Esprit Saint à ceux qui le lui demandent » (Luc 11 : 13). Nous ne pouvons pas tous devenir de grands violonistes, parce que nous n'en avons pas reçu le don ; mais tous nous pouvons ressembler à Georges Muller, à la condition de nous donner à Dieu comme il le fit.




Nous comprenons mieux, maintenant, ce qu'entend saint Jacques par « la prière de la foi ».
Il s'agit d'aller au Père, celui que nous fait connaître le Christ Jésus, non pas tant pour demander que pour recevoir ; ou, si l'on préfère, pour lui dire que nous sommes là, tout prêts à recevoir ce dont nous sommes sûrs qu'il veut nous combler.

Certes, il est beaucoup de choses que nous aimerions recevoir, mais dont nous ne sommes pas sûrs qu'il veuille nous les donner. C'est pourquoi nous nous sentons obligés d'ajouter à notre prière : « si telle est ta volonté ». Mais il s'agit en ce moment de la question de la guérison, et nous savons qu'à ce sujet nous n'avons pas à faire de réserve, parce qu'il nous a fait comprendre que sa volonté est bien de nous guérir. C'est parce que nous savons cela par les données certaines des Écritures, et parce que nous le connaissons dans la puissance de révélation de l'Esprit qui est en nous, que nous pouvons nous approprier la prière de la foi, cette prière dont saint Jacques nous dit qu'elle guérit le malade.

« Tout ce que vous demandez dans vos prières, croyez que vous l'avez reçu, et cela vous sera accordé » (Marc 11 : 24). Quand notre prière est conforme à ce que nous savons être la volonté de Dieu, et qu'elle est offerte, non seulement au nom de Jésus, mais aussi avec la foi qui est la sienne, alors nous sommes sûrs de recevoir. Nous pouvons donc immédiatement rendre grâces. Quand bien même l'accomplissement de la promesse serait différé - nous en verrons par la suite quelques-unes des raisons - la foi du début, celle qui vient de Jésus et qui inspira notre prière, entretiendra vivante en nous l'assurance éprouvée jusqu'à ce que se manifeste la guérison. Elle nous rendra capables de persévérer dans l'action de grâces, même alors qu'aucun signe d'exaucement n'est encore en vue.

Et puis, il y a aussi ceux qui semblent voir dans la prière persévérante une preuve de foi. J'ai entendu des propos comme ceux-ci dans la bouche d'un malade : « je crois fermement à l'efficacité de la prière, et je crois fermement aussi que Dieu peut me guérir. J'ai prié pendant des mois pour cela et je continue de prier. Si je n'avais pas la foi, je ne le ferais pas. » À ce malade je suis tenté de dire : « Si vraiment vous êtes si bien convaincu que Dieu veuille vous guérir et qu'il puisse le faire, où donc est pour vous la nécessité d'une prière aussi persévérante ? Pourquoi demander toujours à nouveau à Dieu ce qu'il est tout disposé à donner, puisque vous en êtes sûr ? Pensez-vous peut-être n'avoir pas réussi encore à attirer son attention sur votre besoin, ou pensez-vous peut-être qu'il soit nécessaire de lui rappeler toujours à nouveau sa promesse ? La foi vraie ne s'affirme-t-elle pas plutôt dans l'action de grâce, après qu'on ait pleinement exposé à Dieu son besoin de guérison par la prière ? »

Les Évangiles nous disent bien sûr de persévérer dans la prière, mais c'est essentiellement dans l'affirmation devant Dieu que nous croyons à son action providentielle et souverainement efficace en notre faveur que nous devons persévérer, beaucoup plus qu'à essayer avec acharnement de l'obtenir.

On gâche aussi bien souvent sa prière par toutes sortes de requêtes détaillées. Quand nous tombons dans ce travers, la prière devient pour nous l'occasion de nous appesantir sur nos insuffisances et nos soucis de toutes sortes, au lieu qu'elle devrait être celle de lever un regard paisible et confiant vers le Père, afin d'en être fortifiés et rassurés. Plus nous nous arrêtons aux détails pénibles, et plus nous rendons difficile notre guérison. Notre esprit est toujours plus obsédé, en effet, par la chose même dont nous aspirons à être délivrés.

L'objet vrai de la prière n'est pas d'arriver à persuader Dieu de la légitimité de nos désirs, afin qu'il en assure la réalisation ; il est de « perdre notre vie » dans la contemplation de la sienne, afin qu'il puisse remplir nos coeurs du désir de faire sa volonté. C'est lorsqu'ainsi nous nous perdons en lui, qu'il peut nous donner l'assurance de l'accomplissement en nous de ses desseins. Ainsi, nos prières pour la guérison cessent d'être des tentatives répétées d'obtenir de lui quelque chose ; elles deviennent des moments de silence intérieur où l'on apprend à compter sur lui, en sorte qu'il peut désormais accomplir en nous ses oeuvres et nous délivrer du mal qui trop souvent profane le temple de son Saint-Esprit.




Un obstacle fréquent à l'exaucement de la prière en question est de demander au-delà de ce que l'on est réellement en état d'attendre et de recevoir. Nous pouvons croire fermement qu'il est possible à Dieu de nous guérir, et qu'il le veut ; mais il ne nous est pas facile, pour autant, d'attendre vraiment de lui une guérison complète et immédiate. Il y faut une foi totale.

Prenons un exemple. Supposons qu'une personne ait souffert d'arthrite pendant des mois, des années peut-être. Elle sait alors d'instinct que chaque mouvement est l'occasion d'une douleur aiguë. Il lui est par conséquent difficile de faire abstraction d'une donnée constante de l'expérience, et d'être en état d'accueillir une délivrance instantanée. Il ne suffit pas en effet que le conscient seul s'y emploie il faut que le subconscient en fasse autant, lui aussi sinon, bien que le malade puisse faire un essai téméraire, une peur latente de la douleur subsistera encore en lui.

Au fond, nous sommes ici confrontés à une occasion de courir l'aventure de la foi. Il se peut que l'esprit ne soit pas préparé encore à prévoir la disparition définitive de toute souffrance, mais il devrait être en état de prévoir du moins un répit temporaire. À quelqu'un qui souffre, je dirais, par conséquent : « Demandez que cette souffrance vous soit ôtée pendant dix minutes, par exemple ; et puis, fixez aussitôt votre attention sur quelque chose qui la captive au point de la détourner de vous-même. Priez aussi pour d'autres personnes qui souffrent, ou lisez tels psaumes de louanges ; - et vous vous sentirez soulagé. Si les symptômes douloureux reparaissent, répétez votre acte de foi et, dans la mesure où vous serez aidé, prolongez la période de répit ».

J'ai moi-même constaté que la douleur occasionnée par un abcès dentaire avait aussi été soulagée au point que le sommeil était revenu avant la fin de la troisième phase. Il va sans dire qu'on n'éprouvera aucun soulagement aussi longtemps qu'on épiera - ou qu'on attendra - la disparition de la souffrance. Lorsqu'on a prié, il faut simplement croire assez à l'exaucement de cette prière pour ne plus avoir à se mettre en peine à ce sujet. De pareilles tentatives partielles se révèlent utiles pour parvenir à la foi qui, elle, est à même d'accueillir la guérison complète.

De toute façon, rappelons-nous qu'on ne saurait se jouer du subconscient. Il n'obéit d'ailleurs pas à la raison. Il s'impose brutalement, automatiquement pour ainsi dire. Une idée fixe saisit toutes les occasions pour s'imposer, et, une fois partie, elle suit son chemin - à moins qu'une idée plus forte ne vienne la remplacer. Nous comprenons maintenant que l'appréhension toute instinctive de la souffrance ne puisse être surmontée que par la Vérité. Or, la Vérité qui guérit s'installe dans la conscience et la subconscience quand le Saint-Esprit impose la réalité de la guérison divine au coeur aussi bien qu'à la raison. Mais les tentatives partielles de la foi ont souvent préparé le terrain.

En d'autres termes, il ne suffit pas de dire que nous croyons si, dans le même temps, nous avons le sentiment secret qu'une crainte quelconque se dissimule au fond de notre coeur. S'il en est ainsi, nous ne devons pas dire seulement : « Seigneur, je crois », mais nous devons ajouter, comme le père de l'enfant démoniaque, « viens au secours de mon incrédulité » (Marc 9 : 24), et lui remettre notre crainte secrète avec la certitude que le Saint-Esprit peut lui ôter tout pouvoir. Nous serons alors en état de recevoir, parce qu'en état de vraie réceptivité.




Une des preuves les plus convaincantes que la maladie est d'origine et de nature mauvaise, c'est qu'elle rend souvent la prière difficile, sinon impossible. Ce sont alors les proches ou les amis du malade qui doivent avoir recours à la prière de la foi. Dans de nombreux cas, les amis peuvent plus facilement faire preuve de foi, et prieront par conséquent avec plus d'efficacité, que ne peut le faire le malade lui-même. Leurs facultés, en effet, ne sont pas diminuées par la maladie.

Quand, par ailleurs, on prie pour un être cher, on risque fort - en raison même de l'affection qu'on lui porte - d'entretenir une atmosphère lourde d'angoisse, de sorte qu'il sera environné de crainte au lieu de foi. Je m'étendrai davantage à ce propos dans un autre chapitre, mais je tiens à signaler dès maintenant ce danger. Lorsque nous prions pour les autres, il est essentiel que nous fassions tout pour chasser l'angoisse : il faut en particulier que nous évitions d'être écrasés nous-mêmes par la pensée de leurs souffrances. Il s'agit donc d'entourer nos malades de pensées qui les soutiennent, et non de les déprimer avec des pensées négatives. Enfin, si nous les apportons au Christ, nous ne devons pas seulement croire qu'il en aura pitié, mais qu'il les guérira.

Il y a quelque temps, il était question dans la revue Science of Thought d'une malade qui n'avait plus de tympan et qui souffrait, en outre, d'un ramollissement de l'os environnant. Un an plus tard, son médecin fut stupéfait de constater qu'elle avait un tympan absolument normal. Sa fille avait prié pour elle ; mais au lieu de le faire en s'apitoyant sur son sort, et en ne pensant qu'à son infirmité, elle s'était efforcée de se la représenter avec une oreille en parfait état et conforme au plan divin. La prière de la foi avait permis à la grâce divine d'opérer la guérison.




Je ne puis me défendre du sentiment que c'est une erreur, de la part de ceux qui intercèdent en groupe pour un malade, d'énumérer minutieusement les divers aspects de son mal. Sans doute ne suffit-il pas de le nommer. Il faut « personnaliser son cas en disant dans les grandes lignes de quoi il s'agit, mais la dernière chose à faire est de fixer la pensée du groupe sur le mal lui-même, en tant que mal bien défini.

Il est des gens qui vous disent qu'ils ne peuvent prier efficacement s'ils ignorent ce dont souffre, d'une façon précise, le malade. Je crois pour ma part que c'est une erreur. En fait, l'efficacité de la prière est souvent compromise, sinon entièrement éliminée, par une information de cette nature, car alors, si la maladie est de celles qu'habituellement on qualifie d'incurables, ou du moins de très graves, la prière risque fort d'en être influencée et de n'être plus qu'un acte d'espérance, sinon même de désespoir, plutôt qu'un acte de foi. Notre prière pour les autres doit revêtir un caractère positif et non négatif ; elle doit s'arrêter à la perfection à quoi Dieu les appelle, et non à leur condition imparfaite du moment. Il ne saurait y avoir de pensée plus haute, pour inspirer cette prière, que de demander pour le malade la grâce d'être recréé à l'image du Christ, aussi bien dans son corps que dans son âme, puisque cela inclut tous les besoins de l'homme et fait confiance à Dieu pour le reste.

Il est en réalité tout à fait déplacé d'exposer à Dieu notre sentiment personnel, et de lui dire ce que nous croyons être bon pour celui qui a besoin de notre prière. Il sait cela mieux que nous. Et puis que de prières insolites doivent lui être présentées avec ferveur, pour la guérison de maladies inexistantes, par des gens induits en erreur par un mauvais diagnostic !

En somme, intercéder, c'est s'offrir à Dieu pour qu'à travers nous sa grâce puisse atteindre les autres. Lorsque nous parlons du Christ comme de notre intercesseur, nous ne voulons pas dire qu'il se tienne entre un Dieu courroucé et nous-mêmes, plaidant pour obtenir notre pardon. Nous voyons en lui, au contraire, le Rédempteur, celui dont la passion a brisé la barrière dressée par le péché, qui se tient effectivement entre Dieu et nous, mais afin de nous conjoindre et permettant à l'amour du Père de se répandre sur ses enfants. Et quand, nous-mêmes, nous prions en intercesseurs, nous entrons, comme autant de maillons, dans une grande chaîne, ou, si l'on préfère, nous offrons notre coeur pour qu'à travers lui l'amour qui guérit puisse atteindre ceux pour lesquels nous prions. C'est un peu comme si nous mettions une main dans celle de Jésus et l'autre dans celle de notre ami, bien assurés que l'amour divin atteint cet ami à travers nous. Nous prendrons bien garde, par conséquent, que rien en nous ne vienne contrarier le courant.

J'ai l'expérience de diverses méthodes d'intercession, et j'en suis venu à la conclusion que la meilleure est celle que nous pratiquons journellement dans notre petite chapelle (6). Nous commençons par énumérer distinctement les noms de ceux en faveur desquels nous recherchons l'aide d'En-Haut ; cela, sans aucun détail particulier, ni conseils sur ce que nous croyons devoir convenir aux uns ou aux autres. Ensuite, nous observons ensemble un moment de silence, avec la certitude que Dieu se sert de nos coeurs ainsi offerts pour répandre sa grâce sur ceux que nous lui présentons, afin que se réalise son dessein, qui dépasse en perfection tout ce que nous pourrions demander de meilleur.

Pareille intercession ne saurait demeurer sans effet. Aussi bien, nous ne demandons pas à Dieu de faire quelque chose de particulier, avec un doute éventuel quant à la possibilité d'être entendus ou exaucés. Nous nous offrons à Dieu, tout simplement, afin qu'il dispose de nous pour que se réalise son dessein. Peut-être ne pourrons-nous pas plus mesurer ce qui en résultera que nous ne pouvons mesurer la croissance d'un arbre jour après jour. Mais, de même que nous savons que jour après jour le soleil a lui sur l'arbre et qu'en conséquence la croissance a eu lieu, de même aussi, nous savons que chaque fois que notre coeur s'est offert à la grâce de Dieu en faveur des malades, le soleil de son amour a brillé sur eux.

La question de savoir s'il est utile que nous continuions à prier pour une personne, quand il ne semble pas y avoir d'exaucement, ne se pose même pas, car nous savons que Dieu daigne se servir de nous. Si nous continuons de nous offrir toujours pour être utilisés par lui, la croissance se poursuivra même imperceptible. Il est essentiel, pourtant, que nous ayons soin de laisser la grâce passer librement et qu'aucun doute, qu'aucune crainte ne vienne obstruer la voie. Revenons à la promesse : « La prière de la foi sauvera le malade, et le Seigneur le relèvera... » (Jacq. 5 :15).

Quand il s'agit de maladies mentales, la prière de la foi offerte par de vrais intercesseurs est d'une importance capitale. Comment douterions-nous de l'efficacité de la guérison qu'apporte le Christ dans toutes les affections de l'esprit ou du corps dont l'homme peut être victime ? Mais, pour nous en tenir aux désordres mentaux - qu'ils soient dus à des perturbations biochimiques affectant le cerveau ou à des phénomènes de « possession » par des entités mauvaises - ils ressortissent au plan de la Rédemption. Notre Seigneur a déclaré en effet, en parlant des signes qui accompagnent la foi : En mon nom, ils chasseront les démons » (Marc 16 : 17). Nous avons ainsi la certitude que le ministère de la guérison doit apporter la délivrance à ceux qui sont possédés mentalement aussi bien qu'à ceux qui sont mentalement malades pour des raisons biochimiques. Ici, du reste, nous avons affaire à beaucoup de malheureux qui sont bien incapables de prier pour eux-mêmes et qui, par conséquent, ont besoin de toute l'aide que peut procurer l'intercession. Encore faut-il que cette intercession soit de bon aloi, qu'elle s'inspire uniquement de ce qu'il y a de plus haut dans l'Amour divin qui guérit et qu'elle soit prête à faire preuve, pendant longtemps s'il le faut, de patiente persévérance sans être encouragée par une amélioration visible.

Vous pensez peut-être que je fais preuve moi-même d'un manque de foi véritable dans la puissance de guérison du Christ en spécifiant que la guérison peut être longue à venir dans des cas comme ceux auxquels je viens de faire allusion. Ce n'est absolument pas que j'aie le moindre doute quant à cette puissance de guérison ; mais ce sont les circonstances qui en rendent la manifestation difficile. C'est une nécessité absolue de maintenir les malades mentaux sous surveillance, et c'est pourquoi ils sont hospitalisés dans des établissements spéciaux. Il n'est pourtant rien de plus contraire à leur guérison que l'atmosphère inévitablement créée par la promiscuité qui en résulte. Pour le moment, on ne saurait y remédier, de sorte que ces malheureux ont d'autant plus besoin de l'aide que peut leur apporter la prière. L'Union de prière pour les malades mentaux (7) fait énormément déjà pour eux en organisant l'intercession. Elle s'efforce en ce moment d'assurer dans tout le pays cette aide spirituelle aux hospitalisés. On cherche à grouper le plus grand nombre possible d'intercesseurs, de façon à mettre les malades au bénéfice d'une intercession régulière, systématique, en formant pour ainsi dire un cercle de prière autour de chaque établissement.
Il y a là une occasion d'accomplir un excellent travail (8).


1
« La vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ » (Jean 17 : 3). 

2 On pourrait dire aussi : « Dieu en tant que Saint-Esprit ». Litt. : Dieu le Saint-Esprit (rem. du traducteur). 

3 Litt. : Elles ont derrière elles la force de sa personnalité. 

4 Nos moindres tâches ou occupations peuvent devenir « son travail » si nous les accomplissons avec lui, en y introduisant quelque chose de sa perfection (rem. du traducteur). 

5
En ce sens qu'elle est toujours là pour nous, de sa part (rem. du traducteur). 

6 A Crowhurst.

7 Prayer Union for Mental Sufferers.

8 Suivent les renseignements pour adhérer à l'Union.
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