Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VII

Tortures de l'enfer

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 Mais il y eut encore de plus tragiques scènes de douleur, car, en quittant ces deux malheureux maudits s'accusant chacun d'être l'auteur de la misère de l'autre, nous partîmes plus loin, considérant plusieurs spectacles douloureux, entre autres, celui de quelqu'un tourmenté par un esprit qui versait dans sa gorge du soufre enflammé, ce qu'il faisait avec une si horrible et insolente cruauté que je ne pus que lui dire : « Pourquoi te délectes-tu à tourmenter ce malheureux maudit, en versant ainsi perpétuellement cette liqueur enflammée, et infernale dans sa gorge ? »

« Ce n'est qu'un juste châtiment, répondit le démon. Pendant sa vie, cette femme était si sordide et si misérable Que malgré qu'elle possédât assez d'or, elle n'était jamais satisfaite, et c'est pourquoi, maintenant, j'en verse dans sa gorge. Elle ne s'occupait pas de ceux qu'elle ruinait et perdait, pourvu qu'elle s'empare de leur or. Quand elle eut amassé un trésor si grand qu'elle ne pouvait pas le dépenser, son amour de l'argent ne lui permettant pas de l'utiliser pour son usage personnel et les nécessités de la vie, elle allait souvent avec l'estomac vide, bien que ses coffres soient pleins, elle s'arrangeait pour se nourrir aux dépens des autres. Quant à ses vêtements, ou ils ne vieillissaient jamais, ou ils étaient toujours si rapiécés qu'il était difficile de dire quel morceau était l'original. Elle n'avait pas de maison parce qu'elle ne voulait pas payer d'impôts, ni aucun trésor en mains par peur d'être volée ; elle ne plaçait pas son or, n'achetait pas d'obligations ou de valeurs bancaires de peur d'être trompée quoiqu'elle trompât toujours tant qu'elle pouvait et était elle-même une si grande tricheuse qu'elle frustrait son corps de sa propre nourriture et son âme de miséricorde. Puisque l'or a été son dieu sur la terre, n'est-il pas juste qu'elle en ait le ventre rempli en enfer ? »

Quand son tourmenteur eut fini de parler, Je demandai s'il disait la vérité, oui ou non. Elle me répondit : « Non, à mon grand chagrin, ce qu'il dit est faux ! » « Comment ! dis-je, à votre grand chagrin ? » - « oui, à mon grand chagrin, dit-elle. Parce que, si ce que mon bourreau vous dit était vrai, je serais plus satisfaite. Il vous dit que c'est de l'or qu'il verse dans ma gorge. mais c'est un démon menteur et il parle faussement. Si c'était de l'or je ne me serais jamais plainte. Mais il m'abuse, et au lieu d'or, Il me donne seulement du soufre horrible et fétide. Aurais-je mon or, je serais heureuse encore ; si j'en avais ici, je l'emploierais entièrement à corrompre le ciel pour pouvoir être éloignée de ce lieu ».

Je ne pus m'empêcher de dire à mon guide combien j'étais stupéfait d'entendre une malheureuse en enfer même se cramponner ainsi à ses richesses, malgré qu'elle ait dû les laisser sur la terre et que, maintenant, elle se trouve entre les mains de ses bourreaux.

« Ceci peut te convaincre, dit-il, que le péché est le plus grand de tous les maux, et quand l'amour du péché règne dans une vie, la plus grande punition d'un homme est d'être abandonné à cet amour. L'amour de l'or, auquel cette créature maudite s'était abandonnée et qui la poursuit jusqu'ici sans qu'elle puisse le satisfaire, est un châtiment plus pénible pour elle que celui que les esprits mauvais lui infligent en ce lieu ».

« Oh ! dis-je, ne serait-il pas possible aux hommes méchants, sur terre, d'appliquer un petit moment l'oreille à la bouche de l'enfer et d'entendre les cris effrayants des âmes damnées : ils ne pourraient plus jamais aimer le péché ». « La Bible nous dit, d'autre part, que ceux qui n'écoutent pas la Parole prêchée par les serviteurs de Dieu, pas plus qu'ils n'ont de respect pour ce qu'elle contient, ne se laisseraient pas persuader, même si quelqu'un venait droit de l'enfer pour les avertir ».

Nous n'arrivâmes pas beaucoup plus loin avant d'apercevoir une âme damnée étendue sur un lit de fer brûlant, presque étouffée par le soufre, et qui criait comme quelqu'un en proie à une angoisse mortelle, avec une note de désespoir qui me fit exprimer à mon guide le désir de nous arrêter un moment pour que je puisse écouter plus attentivement ce qu'elle disait, et c'est ainsi que je l'entendis parler comme suit :

« Oh ! misérable damné ! Perdu pour toujours ! Pour toujours ! Oh ! ces mots tuant, pour toujours ! Un millier de milliers d'années ne serait-il pas suffisant pour porter cette douleur que si je pouvais la fuir, je ne voudrais pas supporter pour un millier de milliers de mondes ? Non, non, ma misère n'aura jamais de fin, après le mille milliers d'années, ce sera encore POUR TOUJOURS. Oh ! malheureux ! malheureux état vraiment est-ce : POUR TOUJOURS qui est l'enfer de l'enfer. Oh ! malheureux maudit ! Maudit pour toute l'éternité ! Comment me suis-je perdu volontairement ? Oh ! de quelle immense folie me suis-je rendu coupable en choisissant le plaisir bref et momentané du péché au prix coûteux de la souffrance éternelle ! Combien de fois ne m'a-t-on pas dit qu'il en serait ainsi ? Combien de fois n'ai-je pas été engagé à quitter ces sentiers de péché qui me conduiraient sûrement aux chambres de la mort éternelle ? Mais non, tel l'aspic sourd, je ne prêtai point l'oreille à ces enchanteurs qui parlaient si sagement. Ils m'ont dit souvent que les brefs plaisirs de la vie se termineraient rapidement dans les peines éternelles, et maintenant, une trop triste expérience me le montre, me le dit ainsi, en vérité, mais Il est trop tard pour y remédier car ma situation est fixée pour jamais dans l'éternité. Pourquoi ai-je eu une raison à me donner ? Pourquoi ai-je été fait avec une âme immortelle et en ai-je si peu pris soin ? Oh ! combien ma propre négligence me perce à mort, et cependant, je sais que je ne peux pas, que je ne dois pas mourir ! Mais vivre une vie mourante. plus mauvaise que dix mille morts ! Et pourtant, une fois, j'ai pu y remédier et je n'ai pas voulu ! Oh ! c'est le ver qui ronge et ne meurt point! J'aurais pu une fois être heureux ; une fois le salut me fut offert et je l'ai refusé. Oh ! ne m'aurait-il été offert qu'une fois mon refus eût été une impardonnable folie, mais il m'a été offert mille fois, et cependant, misérable que je fus, je l'ai mille fois refusé. O péché maudit qui, avec ses plaisirs trompeurs ensorcelle l'humanité et la conduit à la ruine éternelle ! Dieu a si souvent appelé, mais j'ai autant de fois refusé ; Il a étendu son bras, mais je n'ai pas voulu comprendre, Que de fois j'ai réduit à néant son conseil, Que de fois j'ai refusé sa réprimande !
Mais maintenant, la scène est changée, le cas est autre : car maintenant, il rit de ma détresse, se moque de la destruction qui fond sur moi. Dieu m'avait tendu une main secourable ; mais à ce moment, je n'ai pas voulu la saisir, c'est pourquoi ces peines éternelles auxquelles je suis condamné ne sont que la juste rétribution de ce que j'ai fait ».

Je ne pouvais entendre ces douloureuses lamentations sans réfléchir à la grâce merveilleuse que le Dieu à jamais béni m'avait montrée ; louanges éternelles à son saint Nom ! Car mon coeur me disait que pareil à ce triste damné, j'avais mérité aussi la colère éternelle, et c'est sa grâce seule qui a fait que nous différons. Oh ! combien Ses conseils sont insondables ! Et qui peut pénétrer Son secret divin ?

Après ces réflexions, je m'adressai à celui qui se plaignait si douloureusement et lui dis que j'avals entendu ses réflexions désolées, elles me faisaient comprendre que sa misère était grande et sa perte Irréparable ; je lui dis que je désirais plus particulièrement savoir si quelque amoindrissement à ses souffrances était possible.

« Non, Pas du tout ! Mes douleurs sont telles qu'elles n'admettent aucun soulagement, même pas pendant un court moment. Mais la question que tu me poses me laisse comprendre que tu es un étranger ici ; puisses-tu le demeurer. Ah ! s'il me restait encore le moindre espoir, combien je m'agenouillerais et crierais et prierais à jamais pour être racheté d'ici ! Mais, ah ! C'est en vain, je suis perdu pour toujours. Bien que tu puisses être gardé de venir dans ce lieu, je veux te dire ce que les damnés souffrent ici.





CHAPITRE VII

Une âme perdue parle

« Nos supplices, dans ce cachot infernal, sont de deux sortes : ce que nous avons perdu et ce que nous subissons. De celle-ci et de ses différents points, je parlerai ensuite. D'abord, ce que nous avons perdu :

1° Dans ce triste et sombre séjour de misère et de chagrin, nous avons perdu la présence de Dieu à jamais béni. Et c'est ce qui fait de ce séjour l'enfer. Aurions-nous perdu mille mondes, ce ne serait pas autant que cette seule perte. Si le moindre rayon de Sa grâce pouvait entrer ici, nous pourrions être heureux : mais nous l'avons perdue pour notre malheur éternel ».

« 2° De même ici, nous avons perdu la compagnie des saints et des anges ; et à leur place, nous n'avons rien, sauf les démons qui nous tourmentent ».

« 3° Ici, nous avons aussi perdu le ciel, le siège de la bénédiction. Il y a un profond abîme entre nous et le ciel de sorte que nous en sommes exclus pour toujours. Ces portes éternelles qui introduisent le racheté dans la joie sont maintenant et pour toujours fermées pour nous ».

« 4° Pour que notre misère soit rendue encore plus douloureuse nous avons perdu l'espoir de jamais parvenir à une situation meilleure, ce qui rend notre condition vraiment sans espérance. Le plus misérable sur la terre garde cependant un espoir en réserve, et c'est pourquoi un proverbe populaire dit que s'il n'avait pas d'espoir, le coeur se briserait. Nos coeurs pourraient bien se briser depuis que nous sommes ici à la fois sans espoirs et sans secours. C'est ce que nous avons perdu qui est assez grand, quand on y pense, pour déchirer, lacérer et ronger nos misérables âmes à jamais. Pourtant, oh ! si c'était tout ! Mais nous avons la perception de la douleur aussi bien que de la perte. Et maintenant que je t'ai montré ce que nous avons perdu, je vais te montrer ce que nous subissons. »

« 1° En premier lieu, nous subissons une grande variété de tourments ; nous sommes tourmentés de mille façons. Ceux qui ont été affligés sur la terre ont souffert rarement de plus d'un mal à la fois. Mais s'ils avaient eu en même temps la peste, la goutte, la pierre et la fièvre, combien Ils se trouveraient malheureux ! Cependant, tout cela n'est que la piqûre d'une puce en comparaison de ces douleurs poignantes et intolérables que nous endurons. Ici, toutes les variétés odieuses de l'enfer se trouvent aux prises avec nous : le feu inextinguible pour nous brûler, un lac de soufre en fusion pour nous faire suffoquer, des chaînes éternelles pour nous lier ; là, des ténèbres extrêmes pour nous effrayer et un ver de conscience qui nous ronge éternellement. Un seul d'entre eux est plus pénible à supporter que tous les tourments que l'humanité a jamais eu à subir sur la terre.

« 2° Mais, de même qu'ici nos tourments sont variés, Ils sont universels aussi, c'est-à-dire qu'ils affectent n'importe quelle partie de notre corps et tourmentent toutes les puissances de l'âme ce qui rend plus insupportable encore ce que nous souffrons. Au cours de ces malaises qui vous saisissent, vous, les hommes, sur la terre, si l'un de vos organes est atteint les autres sont indemnes. Bien que votre corps puisse être en mauvais état votre tête peut être intacte, et si votre tête est malade, vos organes vitaux peuvent être libres ; ou bien qu'ils soient affectés, vos bras et vos jambes peuvent encore vous servir. Mais ici, Il en est tout autrement : toutes les parties de l'âme et du corps sont tourmentées à la fois.

« L'oeil est tourmenté par la vue des démons qui lui apparaissent sous les formes les plus horribles et les noirs aspects que le péché peut leur donner. L'oreille est continuellement tourmentée par les hurlements éclatants et les continuelles clameurs des damnés ; les narines, à cause des flammes sulfureuses : la langue, par des ampoules brûlantes, et le corps tout entier roule dans les flammes du feu liquide. Et toutes les puissances et les facultés de nos âmes sont tourmentées. L'imagination par la pensée de la douleur présente, la mémoire par ses réflexions sur le ciel que nous avons perdu et toutes les occasions que nous avions eues d'être sauvés. Nos cerveaux sont torturés ici en considérant comment nous avons vainement passé notre temps précieux, et combien nous l'avons mal employé. Notre entendement est tourmenté à la pensée de tous nos plaisirs passés, de nos afflictions présentes, et de nos futurs chagrins qui devront durer à jamais. Et nos consciences sont torturées par un ver qui ronge continuellement ».

« 3° Autre chose qui rend notre misère terrible est l'excès de nos tourments. Le feu qui nous brûle est si violent que toute l'eau de la mer ne suffirait à l'éteindre. Les peines que nous souffrons sont si extrêmes qu'elles sont impossibles à connaître, sauf par ceux qui les ressentent.

« 4° Une autre caractéristique de notre misère est que nos tourments sont incessants, Aussi variés, aussi universels et extrêmement violents qu'ils soient, ils sont de plus continuels et ne nous laissent pas le moindre repos, Si nous pouvions connaître quelque relâchement, Ils pourraient être allégés. Mais ce qui rend notre condition si déplorable, c'est qu'il n'y a pas d'apaisement pour nos tourments ; ce que nous souffrons maintenant, nous devrons le souffrir toujours ».

« 5° La société que nous avons ici est un autre des éléments de notre misère. Des démons qui sont nos bourreaux et des âmes tourmentées sont toute notre compagnie ; les épouvantables cris perçants et les hurlements sous la cruauté de nos peines sont toute notre conversation. Et ici, les tourments endurés par nos amis d'en bas, au lieu d'amoindrir notre misère à la pensée que d'autres souffrent comme nous, accroissons notre souffrance ».

« 6° Le lieu dans lequel nous souffrons est une autre cause de l'accroissement de nos douleurs. C'est ici l'abrégé de toute la misère, une prison, un cachot, un abîme sans fond, un lac de feu et de soufre, une fournaise de feu qui brûle pendant l'éternité, la noirceur des ténèbres à jamais, en un mot, l'enfer lui-même. Naturellement, la vue d'un tel lieu ne fait qu'accroître nos souffrances ».

« 7° La cruauté de nos bourreaux est encore une chose qui s'ajoute à nos tourments. Nos bourreaux sont des démons en qui Il n'y a aucune pitié ; étant tourmentés eux-mêmes, ils prennent plaisir à nous tourmenter ».

« 8° Tous ces détails que je t'ai énumérés sont très graves ; mais, ce qui les rend plus graves, c'est qu'il en sera toujours ainsi et toutes nos souffrances les plus intolérables dureront toute l'éternité. « Éloignez-vous de moi, vous, maudits, et allez dans le feu éternel » est ce qui résonne perpétuellement à mes oreilles. Oh ! que je puisse annuler cette fatale sentence ! Oh ! qu'il y ait une seule possibilité de le faire. Ainsi, Vais-je montré l'état misérable où nous sommes et serons à jamais. »

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