Je fis observer : « J'ai
vu, parmi les nombreuses âmes
rachetées auprès desquelles je suis
passé tandis que mon brillant messager
m'amenait auprès de vous, que certaines
paraissaient briller d'un éclat plus grand
que d'autres. Y a-t-il, parmi les rachetés,
différents degrés de
gloire ? »
« Le bonheur et la gloire dont
jouissent tous les rachetés sont les
résultats de leur communion avec le Dieu
béni et de leur amour pour Lui dont la
vision splendide est leur source éternelle.
Plus nous voyons le Seigneur, plus nous L'aimons et
l'amour rend la nature de nos âmes semblable
à la Sienne, de là résulte
notre gloire. Ceci détermine une
différence dans les degrés de gloire.
Il n'y a ici non plus aucun mécontentement
chez celui qui voit une autre gloire plus grande
que la sienne. Le Dieu à jamais béni
est un océan sans bornes de lumière
et de vie, de joie et de bonheur, emplissant
continuellement chaque vase humain posé
là jusqu'à ce qu'il ne puisse
contenir davantage. Et bien que les vaisseaux
soient de plusieurs tailles, puisque chacun d'eux
est rempli, il n'y en a aucun qui puisse se
plaindre. C'est pourquoi ma réponse à
ta question est celle-ci : ceux qui ont les
facultés les plus développées
aiment le plus Dieu et par là sont rendus le
plus semblables à Lui. Sa ressemblance est
la gloire la plus haute que le ciel puisse donner.
Il ne doit pas davantage te sembler étrange
que même parmi les plus flamboyants des anges
de Dieu, il existe des ordres différents et
de différents degrés de gloire.
Peut-être en as-tu vu quelques-uns de ceux-ci
tandis que tu venais jusque
là ».
Pendant que je m'entretenais ainsi avec
le prophète, une forme brillante approcha.
C'était celle d'un racheté. il me dit
qu'il avait laissé son corps dans la tombe,
et qu'ici, il se reposait dans l'espérance
de la résurrection, et quoiqu'il (son
âme) soit encore une substance, elle est si
différente de la substance terrestre qu'un
mortel ne peut pas la toucher. »
Le prophète continua :
« Nous contemplons ici la vision de grand
prix pour laquelle on peut donner sa vie :
l'Agneau béni de Dieu, le Sauveur de gloire.
Ici nous le voyons dans l'état de
royauté qui lui appartient dans la fonction
royale qui lui vaut le titre de Roi des rois et
Seigneur des seigneurs.
Mais toute la glorieuse grandeur de
notre Rédempteur béni ne rend pas Sa
bonté moins accessible. Le fait de Le
trouver régnant ici Lui qui a tant souffert
pour moi dans le monde d'en bas, rend le ciel
encore plus précieux pour moi. Le bonheur de
notre Rédempteur qui est si grand et si
ineffable accroît le nôtre et nous
incite à L'aimer davantage. C'est ici qu'Il
invite chaque serviteur » à entrer
dans la joie du Maître ».
« Dans le ciel, non seulement nous
voyons notre frère aîné,
Christ, mais aussi tous nos amis et relations.
Ainsi, bien qu'Elle ait vécu dans le monde
d'en bas bien antérieurement à notre
époque. nous ne l'avons pas plus tôt
vu que nous l'avons reconnu. Et de même, vous
connaîtrez Adam quand vous le verrez. Ici,
nous nous communiquons l'un l'autre, le plaisir le
plus pur et un amour ardent et sincère unit
notre pure société tout
entière. Ici, chacun est parfaitement
aimable et parfaitement aimant. Et oh !
combien cet état d'amour est heureux !
Combien je suis ravi de voir mes saints compagnons
rayonnant d'une immortelle amabilité.
Où existe un tel amour, tout doit être
délices ! Et comment peut-il en
être autrement puisqu'en cette
société bénie, il y a un
continuel échange d'amour et de joie et que
la conversation et les relations sont un
ravissement ? »
« Mais à part tout le
bonheur qui nous vient de la connaissance de nos
amis et de nos relations, et de celui qui nous
vient de la communion que nous avons ici avec Dieu
et avec notre prochain, c'est pour moi une
puissante joie de comprendre tous ces profonds et
obscurs mystères religieux que les
théologiens les plus savants et les plus
profonds du monde d'en bas ne peuvent nous faire
entièrement saisir. Ici, nous discernons une
harmonie parfaite entre ces textes qui, alors que
nous étions dans le monde d'en bas, nous
semblaient se contredire. Ici, nous sommes
transportés avec émerveillement et
gratitude, spécialement à la
découverte de la bonté divine envers
chacun de nous en particulier. O Epenetus !
J'ai vu autour de moi non seulement
nécessité et justice, mais même
la miséricorde de ces afflictions qu'une
fois (pendant que j'étais sur la terre)
j'avais imputées à la
sévérité de Dieu. Et
maintenant, je suis pleinement convaincu que, des
coups que j'ai pu recevoir dans le monde d'en bas,
et j'en ai reçu beaucoup, de même que
j'ai éprouvé de grandes afflictions,
aucun n'est venu plus tôt ou n'est
tombé plus pesamment ou n'est demeuré
plus longtemps qu'il n'était
nécessaire. Et je suis sûr que si,
parfois, mes espérances ont
été déçues,
c'était seulement pour m'assurer un droit
à des choses meilleures que celles que
j'attendais ».
« Mais je n'oublie pas,
Epenetus, que tu es encore dans un corps et tu peux
être fatigué d'entendre ce que je
pourrais te dire encore, tellement vaste est le
bonheur que je possède et si grand le
plaisir que j'ai à en parler. Je n'ajouterai
qu'une chose concernant notre joie : la vaste
multitude des âmes bénies qui
participent à cette joie et à cette
gloire ne diminue en rien la part qui revient
à chacun. Car cet océan de bonheur
est sans fond, à un tel point que tous les
saints et les anges ne pourront jamais
l'épuiser. Ceci n'est pas étrange
car, dans le monde d'en bas, chaque nation se
réjouit de même du bienfait de la
lumière. Aucun ici ne se plaint que sa joie
soit moindre parce qu'un autre en jouit aussi. Mais
tous se réjouissent de ses bienfaits aussi
pleinement que s'ils étaient les seuls
à en jouir. Vraiment, voici la
différence entre le Soleil de Justice et ce
soleil qui brille sur le monde d'en bas :
tandis que le soleil du monde éclipse toutes
les planètes (ses suivantes) le Soleil de
Justice, par Sa présence, communique Sa
splendeur à tous Ses saints. Si une
multitude de personnes boivent à la
même rivière, aucune d'elles n'est
capable de l'épuiser ; et cependant,
chacune d'elles a la pleine liberté de boire
autant qu'elle peut. Aussi, qui jouit de Dieu jouit
pleinement de Lui ou du moins, jouit de Lui en
rapport avec sa
capacité. »
« Ainsi, Epenetus, je t'ai
donné un bref aperçu de notre Canaan
céleste. Ce n'est pas la millième
partie de ce que je pourrais te dire, cependant
c'est assez pour te permettre de voir que c'est un
Pays ruisselant de lait et de miel. Et cela peut te
servir à aiguiser ton désir de le
connaître et de l'expérimenter
davantage. Car personne ne peut connaître
pleinement le bonheur dont nous jouissons ici tant
qu'il n'est pas venu pour y
participer. »
« Dans ce lieu bienheureux,
les relations mondaines cessent ; ni
mâle, ni femelle ici, mais tous sont pareils
aux anges. Car il ne peut pas y avoir pour les
âmes de distinction de sexes, C'est pourquoi
toutes relations sont absorbées en
Dieu ».
Aussitôt après ces paroles,
il me prit par la main et, prompt comme la
flèche s'échappant d'un arc, il me
fit passer près de nombreuses formes
revêtues de robes d'immortalité qui
semblaient étonnées de me voir parmi
elles. Il me dit : « Au revoir, mon
Epenetus, ton ange gardien sera avec toi sur le
champ et te reconduira dans le monde d'en
bas ».
Je m'approchai de la forme brillante
d'un racheté qui se tenait devant moi et qui
m'apparaissait extrêmement glorieux,
environné de rayons d'un lustre
éblouissant. Je pouvais à peine me
tenir devant ce personnage à cause de
l'excessive clarté de son visage. Il me
dit : « Quant à ce que je
suis, à Celui qui est sur le trône
soit toute la louange et la gloire. La robe de
gloire dont tu me vois revêtu n'est que le
reflet de Ses propres rayons
brillants ».
« Vous parlez comme quelqu'un
qui éprouve de puissantes joies »,
dis-je. Il répondit : « Ne
pense pas que ceci soit étrange ; les
puissantes merveilles de l'amour divin et de la
grâce seront à jamais l'objet de notre
chant. Ici, toutes les relations humaines cessent
pour être toutes absorbées en Dieu qui
est seul Père de toute cette famille
céleste. Depuis que j'ai été
débarrassé du corps, je me suis
débarrassé avec lui de toutes les
relations de la chair, et ici, je n'en ai aucune
autre. Nous sommes tous enfants d'un seul
Père ici et serviteurs d'un Maître
dont le service béni est notre parfaite
liberté. Et comme pour ceux que j'ai
laissés derrière moi dans le monde
d'en bas, je les ai confiés à Dieu,
je serai heureux de les voir Siens dans Son
héritage béni. Mais s'ils se tenaient
près du grand ennemi des âmes et
refusaient la grâce qui leur est offerte et
ainsi périssaient dans leur
incrédulité, Dieu serait
glorifié dans Sa justice, et dans Sa gloire,
je me réjouirais encore ».
Je désirai alors savoir si les
rachetés savent ce qui continue de se passer
dans le monde d'en bas et s'ils s'y
Intéressent. À cette question, mon
interlocuteur me répondit :
« En ce qui concerne les affaires
particulières des personnes, nous ne nous y
intéressons pas et nous les ignorons.
Être présent en tous lieux est un
attribut particulier à Dieu seul dont la vue
sur chaque créature est manifeste, bien que
la prospérité ou la misère de
l'Eglise d'en bas dans son état militant
soit présenté par les anges qui sont
des esprits à son service envoyés
pour assister ceux qui seront héritiers du
salut. Et ce que nous apprenons de la terre par eux
nous pousse à multiplier nos louanges
à Celui qui est sur le
trône ».
Il n'eut pas plus tôt fini de parler qu'il partit et la forme brillante qui m'avait amené depuis le monde, d'en bas jusqu'à ce lieu de bonheur se présenta. « J'ai, dit l'ange, la mission de te reconduire dans le monde d'en bas, non seulement sur la terre d'où je t'ai amené, mais dans les régions du prince des ténèbres pour que tu puisses voir le salaire du péché et ce que la juste colère de Dieu prépare pour les rebelles qui avaient voulu s'exalter au-dessus du trône du Très-Haut. Mais cependant, ne sois pas effrayé, car, de même que j'ai la mission de te prendre ici, j'ai celle de te ramener dans le monde où je t'ai pris pour te quitter ensuite.
Quitter le ciel pour la terre fut
extrêmement désagréable et
m'aurait rendu malheureux si je n'avais pas su que
telle était la volonté divine. Mais
quitter le ciel pour l'enfer me retourna le coeur
au dedans de moi. Cependant, quand je sus que le
bon plaisir divin était que je retourne sur
la terre de nouveau, que là, un jour, je
sois dépouillé de ma mortalité
et qu'ensuite, je sois reconduit au ciel, je fus un
peu réconforté et trouvai en
moi-même une entière
résignation à la volonté de
Dieu. C'est pourquoi je dis avec quelque assurance
à mon guide brillant : « Je
serai toujours disposé à obéir
à ce que la volonté du Dieu
béni a ordonné, de la grande
miséricorde de qui j'ai toujours fait une si
grande expérience, que, même en enfer,
je ne serai pas effrayé si le puis avoir Sa
présence avec moi ».
À ceci, mon brillant gardien
répondit : « Partout
où le Dieu béni concède Sa
présence. c'est le Ciel et tandis que nous
serons en Enfer, Il sera avec
nous ».
Alors, après s'être
incliné très bas devant le
Trône de la Toute-Puissance, plus rapide que
la pensée, mon ange gardien me transporta
plus de 10.000 lieues plus bas que l'empire des
cieux où, quand j'avais vu ces puissants
globes de feu, ces lampes brûlant toujours
dans les cieux éthérés,
j'avais dit à mon brillant conducteur que
j'avais entendu dire, quand j'étais sur la
terre, que chacune de ces étoiles fixes
était un monde ; je croyais qu'elles
pouvaient l'être parce que, bien que vues
d'ici, elles soient d'une si puissante grandeur,
elles ne nous semblaient à nous qui les
voyions de la terre, simplement de petits objets,
comme la terre nous apparaissait vue d'ici.
« Mais ajoutai-je, je désirerais
volontiers être informé par vous de la
vérité sur cette
question ».
Mon guide brillant me répondit :
« À Celui qui est Tout-Puissant,
rien n'est impossible, pas plus qu'il ne peut y
avoir de bornes à l'infini. Notre Dieu
à jamais béni employa 6 jours
à créer le monde d'en bas, mais
aurait aussi bien pu le faire en un instant s'il
s'y était déterminé. Ce fut Sa
Toute-Puissance qui le décida à agir
ainsi, et ce que cette puissance peut accomplir,
personne, sauf Lui qui la possède, ne peut
le dire. Mais c'est Sa volonté qui fournit
un argument à Sa Puissance et non une bonne
logique dans l'école du ciel. Il fait ce qui
Lui plaît à la fois dans le ciel
au-dessus et sur la terre en bas, et ce qu'il lui
plaît de nous révéler, cela
seul, nous le savons ; ce qu'Il n'a pas
révélé, ce sont des secrets
enfermés dans Son propre conseil
éternel, et c'est de la part d'une
créature une insolente et
présomptueuse curiosité que de s'en
informer. Sans aucun doute, il peut faire autant de
mondes qu'il y a d'étoiles dans le ciel si
cela lui plaît. Mais ce qu'Il a fait et qu'Il
n'a pas révélé, Il n'est pas
de notre devoir de nous en enquérir.
À ce moment, nous fûmes
entraînés vers les régions les
plus basses de l'air où je vis une multitude
de formes effrayantes et de lugubres apparitions
noires s'enfuyant loin de la rayonnante
présence de mon brillant conducteur.
« Assurément, dis-je,
ce sont quelques avant-gardes de l'enfer, ces
formes si noires et si
effrayantes ? »
« Ce sont, dit mon conducteur,
quelques esprits apostats qui errent à
l'aventure, çà et là, dans
l'air et sur la terre, comme des lions rugissants,
cherchant qui ils pourront dévorer. Et, bien
qu'ils soient entraînés ici, tu les
verras rapidement dans leurs sombres territoires,
car nous nous dirigeons maintenant vers la
frontière de l'abîme infernal.
Je m'aperçus vite que les paroles
de mon guide étaient très vraies, car
nous fûmes bientôt entourés de
ténèbres plus noires que la nuit
accompagnées d'une puanteur plus suffocante
que celle du soufre brûlant. Mes oreilles
furent aussi remplies des hurlements horribles des
esprits damnés en comparaison desquels les
notes les plus discordantes entendues sur la terre
semblaient une musique mélodieuse.
« Maintenant, dit mon ange
gardien, tu es sur le bord de l'enfer mais ne
crains pas le pouvoir du destructeur, car ma
mission, donnée par le trône
impérial, t'assure contre tous dangers. Ici,
tu peux entendre, des démons et des
âmes damnées elles-mêmes les
causes maudites de leur perte éternelle. Ce
que tu désires demander, demande-le et ils
te répondront. Les démons ne peuvent
te faire de mal, bien qu'ils le veuillent car leur
pouvoir est limité par Celui qui m'a
délégué, dont ils ont la
connaissance, auquel ils sont sensibles, ce qui les
fait rager, s'agiter, rugir, et mordre leurs
chaînes haïes, mais tout est
vain ».
Nous étions arrivés
maintenant dans les territoires de l'enfer
situés dans le centre de la terre.
Là, dans un lac sulfureux de feu liquide,
limité par la chaîne de diamant du
décret fixé par le ciel, Lucifer
était assis sûr un trône
brûlant, ses yeux effrayants
étincelant d'une fureur infernale, et plein
de rage à cause de ses douleurs ardentes.
Ces démons errants que nous avions vu voler
devant nous tandis que nous venions du ciel
avaient, - je le remarquai, - averti de notre
arrivée, ce qui excitait le vacarme de tout
l'enfer. Lucifer exhalait ses horribles
blasphèmes contre le Dieu béni, et
les prononçait d'un air plein d'arrogance et
d'orgueil. « Que désire
celui-qui-envoie-le-tonnerre ? Il a toujours
ce ciel dont le sceptre radieux aurait du
être tenu par ma main ; et, au lieu de
ces espaces où jamais la lumière ne
s'éteint, Il me confine hors de mon
héritage légitime, dans cette sombre
maison de mort, de tristesse et de douleur !
Quoi ! voudrait-il me prendre l'enfer aussi,
pour qu'il vienne m'insulter jusqu'ici ?
Ah ! ne pourrais-je obtenir une autre bataille
pour l'éprouver ; je voudrais
ébranler le ciel et faire vaciller son
trône brillant ! Je n'aurais pas peur
non plus du dernier degré de sa puissance
bien qu'il ait des flammes plus ardentes que celles
dans lesquelles il me jette. Bien qu'autrefois,
j'aie perdu la bataille la faute n'en fut pas
à moi ! Aucun esprit ailé sous
la voûte du ciel ne promet la victoire plus
que je ne le fis. Mais, ah ! continua-t-il
avec une voix changée, cette bataille est
perdue et je suis jugé, condamné pour
toujours à ces sombres territoires ! Du
moins, est-ce encore un réconfort pour moi
que le chagrin de l'humanité tienne
compagnie à ma douleur. Et depuis, je ne
peux rien contre celui-qui-lance-le-tonnerre, je
veux assouvir ma rage extrême sur les
humains ! »
Je fus stupéfié d'entendre
son discours. impie et ne pus m'empêcher de
dire à mon guide « Combien ses
blasphèmes sont récompensés
avec justice ! »
« Ce que tu as entendu de cet
esprit apostat est tout à la fois son
péché et sa punition ; pour
chaque blasphème qu'il vomit contre le ciel
il rend l'enfer plus brûlant pour
lui ».
Nous partîmes ensuite plus loin
où nous assistâmes à des
scènes lugubres de chagrin sans
mélange ; nous vîmes deux
misérables âmes tourmentées par
un démon qui, sans cesse, les plongeait dans
le feu liquide et le soufre brûlant, tandis
qu'au même moment, ils s'accusaient et se
maudissaient l'un l'autre. L'un d'eux dit à
son camarade tourmente : « 0, que ta
face soit maudite, que jamais je ne fixe mes yeux
sur toi ! C'est à toi qu'est due ma
misère, je peux t'en remercier, car ce sont
tes conseils qui m'ont amené ici, tu m'as
tenté, c'est toi qui m'as pris ainsi au
piège. C'est ta cupidité et ta
tromperie et ton oppression et ton
écrasement du pauvre qui m'ont conduit ici.
Si tu m'avais seulement donné un bon
exemple ! comme on fait à un
méchant, j'aurais pu être dans le ciel
où j'aurais été aussi heureux
que je suis maintenant misérable ! Oh
malheureux que je fus ! C'est parce que J'ai
suivi tes pas que j'en suis réduit à
cet état misérable et perdu pour
toujours ! Oh ! que je n'aie jamais vu
ton visage ou que tu ne sois jamais né pour
faire à mon âme tout le mal que tu lui
as fait ! »
L'autre misérable
répondit :
« Et ne puis-je pas aussi bien
te blâmer ? Car ne te souviens-tu pas
combien, en tel temps et en tel lieu, tu m'as
tenté, tu m'as conduit dehors et tu m'as
demandé si je ne voulais pas aller avec toi
quand j'étais occupé à mon
autre travail, ma profession légale ?
Mais tu m'as appelé à la quitter et
c'est pourquoi tu es aussi fautif que moi. Si
j'étais cupide, toi, tu étais
orgueilleux, et si tu as appris de moi ta
cupidité, je suis sûr que j'ai appris
de toi mon orgueil et mon ivrognerie et si tu as
appris de moi à tricher, toi, tu m'as
enseigné à convoiter, à
mentir, à me moquer de la bonté.
Ainsi, bien que je t'aie fait commettre des fautes
en certaines choses, toi, tu m'as
entraîné à trébucher sur
beaucoup d'autres ; c'est pourquoi, si tu me
blâmes, je peux te blâmer tout autant.
Et si j'ai à répondre de tes actions
les plus malpropres, tu as aussi à
répondre pour quelques-unes des miennes. Je
souhaite n'être jamais venu ici ; ta
seule vue blesse mon âme en rendant de
nouveau présent à mes yeux le
péché. Ce fut avec toi, avec toi que
j'ai péché. O douleur de mon
âme ! Et depuis, Je ne peux
éviter ta compagnie ici, oh ! que ne
puis-je être Ici sans
toi ! »
D'après ce triste dialogue, je
compris bientôt que ceux qui, sur la terre,
ont été compagnons de
péché seront aussi en enfer,
compagnons de châtiment. Et bien que, sur
terre, ils aient aimé leur compagnie
réciproque, Ils ne se soucient pas de la
conserver en enfer. Ceci, je crois, fut la vraie
raison pour laquelle le riche
(Luc
16) parut être si
préoccupé de la destinée de
ses frères jusqu'à prier Abraham de
faire avertir ses compagnons de péché
sur la terre. Ce fut l'amour de lui-même et
non d'eux qui le fit agir, parce que s'ils
étaient venus là, ses propres
tourments auraient par cela été
accrus, par leur présence et le souvenir du
péché pratiqué avec eux.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |