Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE 5

À L'IMAGE DU FILS DE DIEU

-------

Le plan que Dieu a établi pour conduire à la gloire beaucoup de fils (et de filles), se décompose en plusieurs parties comparables aux maillons d'une chaîne, et comprend en phase finale : la parfaite ressemblance à l'image de son Fils, ce qu'affirme le passage suivant de l'épître aux Romains.
"Nous savons du reste, que toutes choses concourent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. Car ceux qu'il a connus d'avance, il les a aussi prédestinés à être semblables à l'image de son Fils, afin que son Fils fût le premier-né entre plusieurs frères. Et ceux qu'il a prédestinés, il les a aussi appelés ; et ceux qu'il a appelés, il les a aussi justifiés ; et ceux qu'il a justifiés, il les a aussi glorifiés. " (Ro. 8. 28-30)

L'épître aux Éphésiens déclare que les saints et les fidèles en Jésus-Christ ont été élus avant la fondation du monde pour la sainteté. Le verset 29 de la citation ci-dessus apporte un appui à la révélation d'une élection préalable à la création de la terre et précise même que cette élection fut bien individuelle. En effet, elle intéresse ceux que Dieu "a connus d'avance". Ceux-là seulement prennent part à la prédestination à devenir les images vivantes de Christ, qui occupera donc la position du "premier-né" de toute la nombreuse lignée des élus devenus ses frères.

L'expression "premier-né" nous amène à penser à la résurrection, en rapport avec la 1ère épître aux Corinthiens :
"Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ, mais chacun en son rang ; Christ comme prémices, puis ceux qui appartiennent à Christ lors de son avènement. " (1 Cor. 15. 22-23)

En somme, c'est par la résurrection que s'accomplira tout à fait ce à quoi Dieu prédestine ceux qu'il a "pré connus" c'est-à-dire la parfaite et glorieuse ressemblance au Fils premier-né. Paul en reprend la vision d'autre part, et écrit que lorsque le Seigneur Jésus apparaîtra du ciel avec les anges de sa puissance, il sera "en ce jour-là" glorifié dans ses saints et admiré dans tous ceux qui auront cru (2 Thes.1. 10) ; ce qui signifie que l'admiration de la Personne du Seigneur s'élargira à toute l'escorte des saints, parce que ceux-ci offriront tous à la vue l'image parfaite du Seigneur, recouverte de la même gloire que lui-même.

Pourquoi Paul écrit-il en Romains 8. 29 "semblables à l'image de son Fils" et non pas seulement "semblable à son Fils" ?
En réponse, on peut considérer en premier lieu que Christ est lui-même une image, ainsi que Paul l'écrit aussi :
"Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né de toute la création
" (Col. 1. 15) ; puis, l'épître aux Hébreux dit également que le Fils est le reflet de la gloire et l'empreinte de sa personne (la Personne de Dieu) (1. 3). En second lieu, Christ ressuscité et glorifié est un modèle à la ressemblance duquel doivent arriver les "pré connus", si bien que le terme image prend le sens de modèle. Le Christ a achevé son oeuvre de rédemption en devenant "l'homme nouveau" ou le "dernier Adam" destiné à se reproduire en chacun de ses rachetés. C'est ce dont Paul fait mention en 1 Corinthiens 15. 49 : "Et de même que nous avons porté l'image du terrestre, nous porterons aussi l'image du céleste. " L'oeuvre de la rédemption parvient donc à ce prodigieux aboutissement : un nouveau type d'homme est créé en la personne du Fils de Dieu, à l'effet d'y conformer tous ceux qui auront cru. Leur ressemblance sera totale en raison du pouvoir que possède le Fils de "s'assujettir toutes choses" (Ph. 3. 21).


LA RESSEMBLANCE PERDUE

Dans la logique et la sagesse du plan de Dieu, intervient le principe de la transmission de la vie qui veut qu'un nouvel être ressemble à un autre être l'ayant précédé. Telle est la loi fondamentale et universelle de la vie. On l'a nommée : "loi de la continuité génétique", ou encore : "loi de la conformité au type de l'espèce". Quand nous reviendrons à la voie du salut, nous retrouverons ce principe de la conformité. Le Seigneur l'a énoncé de façon simple :
"cueille-t-on des raisins sur des épines ou des figues sur des chardons ? " (Mat. 7. 16) ; puis, dans un autre enseignement :
"Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l'esprit est Esprit. " (Jn. 3. 6).

Dieu a proclamé qu'il utilisait l'équivalent de ce principe en créant l'homme :
"Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance... Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme. " (Gen. 1. 26-27).

Dieu s'était donc reconnu en sa créature humaine. L'homme était à la fois créature et image du Dieu incréé ! Pour caractériser (dans une humble mesure) cette ressemblance, on peut admettre sommairement que l'homme a reçu de son Créateur, outre le corps et l'âme, un esprit (Zach. 12. 1), la sagesse, l'intelligence, ainsi qu'une volonté libre lui permettant de suivre la voie de la sagesse et la crainte de L'Éternel, ou bien de s'en écarter et de succomber. Toutefois, ces merveilleuses facultés allaient se trouver confrontées à l'épreuve ; il le fallait ; Job nous le dit :
"Alors il (Dieu) vit la sagesse et la manifesta. Il en posa les fondements et la mit à l'épreuve. Puis il dit à l'homme : Voici, la crainte du Seigneur, c'est la sagesse ; s'éloigner du mal, c'est l'intelligence. " (Job 28. 27-28)

Dans le jardin d'Eden, vaste comme une province, Dieu avait placé un arbre particulier dont le fruit ne devait pas être mangé, parmi des milliers, ou des dizaines de milliers d'autres arbres d'espèces variées, qui, tous, étaient "agréables à voir et bons à manger". C'était le seul arbre susceptible de devenir l'objet de la tentation. D'autre part, rien ne s'opposait à ce que Satan, le tentateur, entre dans le jardin. Ainsi, l'épreuve de l'homme allait résulter de la présence d'un objet de tentation, et d'un tentateur ; comme il en sera plus tard pour Jésus dans le désert :
"Après avoir jeûné 40 jours et quarante nuits, il eut faim. Le tentateur s'étant approché lui dit... " (Mat. 4. 2-3).

Nous-mêmes, dans notre vie chrétienne, après être nés de nouveau, nous subissons l'épreuve. Elle est indispensable. En Eden, pour s'épargner les terribles conséquences de la désobéissance, à eux et à leur postérité, il aurait fallu qu'Adam et Eve n'écoutent pas le tentateur, c'est-à-dire n'écoutent aucune autre parole que celle de Dieu, et ils auraient alors pu supporter aisément la présence de l'arbre au fruit interdit, comblés qu'ils étaient par ailleurs. Nous, membres de l'Eglise, nous sommes toujours face à la situation d'entendre d'autres paroles que celles de Dieu ; notre sauvegarde nécessite que nous nous en tenions à la parole de Dieu, que nous n'écoutions qu'elle. Bien sûr, les tentations et les convoitises ne nous manquent pas, elles se sont multipliées car Satan a amplifié son pouvoir sur l'humanité qui le subit. La force toute-puissante de Jésus-Christ permet seule de résister à la séduction, si tenace soit-elle, sous la condition d'une fidélité fermement observée.

L'intérêt du récit de la création de l'homme et de la femme et de leur chute ne se borne pas à celui d'une information, il ne reste pas celui d'un savoir historique, car il se prolonge jusqu'à nourrir en nous une utile réflexion dont nous avons un besoin permanent. En effet, la tragédie qui s'est déroulée dans le jardin d'Eden étend toujours ses terribles lendemains sur l'humanité et sur chacun de nous en particulier ; elle nous a introduits dans la mort, alors qu'en Adam nous étions créés pour la vie ; elle a déchaîné la souffrance et la haine ; elle tue des millions d'enfants nés ou à naître ; elle amplifie ses ravages et ses destructions sur un monde qu'elle a perverti. Pour arrêter la marche en avant de ses conséquences, qui se nomment le mal et le péché, Dieu a dû employer les moyens extrêmes de sa miséricorde en donnant son Fils unique comme victime, afin que, mourant sur la croix en portant notre péché, il en fasse l'expiation et satisfasse pour nous la justice de Dieu :
"Celui qui n'a point connu le péché, il (Dieu) l'a fait devenir péché pour nous, afin que nous devenions en lui justice de Dieu. " (2 Cor. 5. 21)

La vérité de tout cela ne prendra tout son poids en nos coeurs que si nous laissons le récit de la chute nous remuer intérieurement, si nous restons profondément conscients que la mort éternelle, destin redoutable, ne nous emportera plus parce que nous appartenons à notre Sauveur et vivons maintenant par lui et pour lui. Il importe que la vérité de cette délivrance demeure implantée en nous, non comme une doctrine (car ce n'est pas la doctrine qui sauve) mais en une puissante et réelle conviction de la foi. Réalisons encore quel prix nos coeurs doivent attacher à la vérité, car c'est par le mensonge que le péché a enveloppé le premier couple. Au dire de Satan, Adam et Eve allaient devenir "comme des dieux" s'ils décidaient de manger le fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Le mensonge était gros, car ils portaient l'image du Dieu Créateur, et rien au-dessus de cela ne pouvait advenir.

Après avoir cédé à la tentation, les voici séparés de leur Dieu. Ils allaient vivre encore, mais seuls, sans force, sans direction, sans toutes les marques d'amour de leur Créateur. Satan venait de les prendre en otages. Leur ressemblance à Dieu tristement se perd.


LE RETOUR DE L'IMAGE

"Ta foi t'a sauvée, va en paix. " (Luc 7. 50) dit Jésus à la femme pécheresse. "Sauvée !" en quoi cela consiste-t-il ? L'on est sauvé par l'oeuvre de Jésus-Christ ; sauvé de la condamnation, conséquence inéluctable de l'état de péché et cette condamnation a atteint tous les hommes (Ro. 5. 18). Si elle subsiste, elle conduit à la perdition : "large est la porte, spacieux est le chemin qui mènent à la perdition" (Mat. 7. 13) ; soyons-en épargnés ! Selon une autre expression, l'on est sauvé de la colère (Ro. 5. 9). Qu'est-ce que la colère de Dieu ? La colère de Dieu est l'envers de son amour. En effet, l'amour de Dieu possède les moyens de pardonner les péchés de l'homme qui s'en repent, et de le sauver, mais lorsqu'on le repousse ou le méprise, la justice éternelle accomplit son office en condamnant, puisque aucune personne n'héritera la vie éternelle si, faute de repentance et de foi, elle a conservé le poids de ses péchés. Le mobile de Dieu en toutes ses oeuvres, c'est l'amour, mais la justice, base du règne de Dieu, a des droits imprescriptibles. L'amour et la justice de Dieu ont trouvé leur conciliation à la croix où le Fils a expié les péchés des hommes, cependant que si l'on refuse les effets de cette conciliation, les péchés ne peuvent plus être effacés, et la juste colère de Dieu s'allume.

N'oublions pas malgré cela, que l'Éternel est un Dieu miséricordieux et compatissant, "lent à la colère, riche en bonté et en fidélité, qui conserve son amour jusqu'à mille générations, qui pardonne l'iniquité, la rébellion et le péché, mais qui ne tient point le coupable pour innocent... " (Ex. 34. 6-7).

Dieu a pour dessein de revêtir celui qui entre dans la voie du salut (c'est-à-dire dans le plan de Dieu) de l'image de son Fils. Il a résolu de créer son image en sa créature humaine pour la seconde fois par un Nouvel Adam, établi Chef d'une nouvelle lignée, ou, si l'on veut, d'une nouvelle humanité sortie de la première.
Pour y parvenir, ce second Adam, le Fils de Dieu, a dû prendre l'image et la forme de l'homme perdu :
"Car, chose impossible à la loi, parce que la chair la rendait sans force, Dieu a condamné le péché dans la chair, en envoyant, à cause du péché, son propre Fils dans une chair semblable à celle du péché... " (Ro. 8. 3) ;
"En conséquence, il a dû être rendu semblable en toutes choses à ses frères, afin qu'il fût un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle dans le service de Dieu, pour faire l'expiation des péchés du peuple ; car, ayant été tenté lui-même dans ce qu'il a souffert, il peut secourir ceux qui sont tentés. " (Héb. 2. 18)

Quoique prenant l'image et la forme de l'homme perdu, il apportait aussi l'empreinte de la Personne du Père (Héb. 1. 3 ; 2 Cor. 4. 4 ; Col. 1. 15). En l'homme nommé Jésus, le Père apparaissait pour qui savait voir : "Celui qui m'a vu a vu le Père" (Jn. 14. 9). Dans le cours de sa vie sur la terre, dans ses souffrances, ses épreuves, dans sa mort, Celui qui porte l'image de Dieu demeure soumis à sa volonté, et rétablit en l'homme la capacité d'obéir à Dieu (Héb. 5. 7-8), car la puissance du péché a détruit cette capacité. Il a donc fallu que la nature humaine de Jésus apprenne l'obéissance dans la souffrance ; et cela nous montre combien profondes sont les destructions de cette puissance en l'homme, et combien la tentation peut être exigeante.

Après la résurrection, le Serviteur de l'Éternel apparut sous une autre forme (Marc 16. 12). Il venait d'être déclaré "Fils de Dieu avec puissance, selon l'Esprit de sainteté" (Ro. 1. 4). C'est ainsi que la résurrection a fait de lui le "premier-né" d'entre beaucoup de frères. Son oeuvre achevée, sa personne tout entière se voyait élevée selon la parole du prophète Esaïe : "Mon serviteur prospérera, il montera, il s'élèvera bien haut" (52. 13). Voilà comment parut "l'homme nouveau" dont le revêtement constitue l'objectif capital de tout enfant de Dieu.


LA STATURE PARFAITE DE CHRIST

C'est ce que l'épître aux Éphésiens nous propose d'atteindre. Les saints (membres de l'Eglise) y parviendront si leur formation se poursuit par l'action des ministères et s'ils s'emploient à construire une Église forte et active. La maturité spirituelle de chacun d'eux résultera de leur perfectionnement et ira de pair avec la maturité collective de l'Eglise, avec l'unité de la foi, l'unité de la connaissance du Fils de Dieu, ainsi qu'avec la croissance à tous égards en Christ, considéré comme le Chef ou la tête. Le corps lui-même connaîtra un accroissement harmonieux en se construisant dans l'amour. On ne cherchera plus à régler les problèmes intérieurs de l'Eglise ; ils disparaîtront en raison de la puissance de l'Esprit de Christ à l'oeuvre (Eph. 4.10-16).

La mesure de la stature parfaite de Christ qui correspond à "l'état d'homme fait", et que nous venons d'appeler "maturité spirituelle" peut encore se rapprocher du passage suivant de l'épître aux Hébreux :
"Or quiconque en est au lait n'a pas l'expérience de la parole de justice, car il est un enfant. Mais la nourriture solide est pour les hommes faits, pour ceux dont le jugement est exercé par l'usage à discerner ce qui est bien et ce qui est mal. " (5. 13-14)

Ainsi au compte de la maturité spirituelle à laquelle tous doivent avoir à coeur de parvenir, nous mettons trois facteurs :

1°- la connaissance de toute la parole de Dieu, non pas tellement par la mémoire, mais surtout par notre enrichissement en les fortes valeurs spirituelles que nous aurons dégagées en la méditant ;
2°- l'expérience de la parole de justice, autrement dit, l'acquis obtenu au cours de nos préoccupations journalières de la mise en pratique de la parole de Dieu qui, nous l'aurons compris, a pour objet essentiel de nous apprendre à vivre selon la justice de Dieu.
3°- le discernement du bien et du mal, qui va de pair avec la pratique de la justice, et a ceci de particulier qu'il découle de l'intelligence et de la sagesse spirituelles venant d'en haut. Ces dernières se confirment en nous en même temps que s'accroît l'amour envers Dieu (Ph. 1. 9-10).

Le livre d'Ezékiel met l'accent sur le discernement que Dieu désire :
"Ils (les sacrificateurs) enseigneront à mon peuple à distinguer ce qui est saint de ce qui est profane, ils lui feront connaître la différence entre ce qui est impur et ce qui est pur. " (44. 23) Notre Dieu veut, en effet, que ce discernement agisse en son Église, et qu'il ne soit jamais en défaut, parce que, sans lui, il ne peut y avoir de juste ou de vraie obéissance à la parole. "Discerner ce qui est bon, agréable et parfait", voilà ce qui nous mettra en bonne capacité d'accomplir la volonté de Dieu.

La stature parfaite de Christ individuelle mais aussi collective fera naître d'heureux résultats et sera notamment la cause d'une marche ascendante de l'Eglise et de chacun deses membres. On peut la regarder comme le stade actuellement accessible de la ressemblance à l'image du Christ qu'il faut atteindre.


PARTICIPANTS DE LA NATURE DIVINE

"Simon, Pierre, serviteur et apôtre de Jésus-Christ, à ceux qui ont reçu en partage une foi du même prix que la nôtre, par la justice de notre Dieu et du Sauveur Jésus-Christ ; que la grâce et la paix vous soient multipliées par la connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur ! Comme sa divine puissance nous a donné tout ce qui contribue à la vie et à la piété, au moyen de la connaissance de celui qui nous a appelés par sa propre gloire et par sa vertu, lesquelles nous assurent de sa part les plus grandes et les plus précieuses promesses, afin que par elles vous deveniez participants de la nature divine, en fuyant la corruption qui existe dans le monde par la convoitise... " (2 Pi. 1. 1-4)

Ce sont les promesses "les plus grandes et les plus précieuses" qui contiennent en germe le moyen de "devenir participants de la nature divine". Là encore nous trouvons une avancée progressive, comme il en est pour accéder à la stature parfaite de Christ. La foi continue (ou persévérante) qui met en expérience la parole de justice conduit à l'accomplissement certain des grandes promesses en lesquelles survient la participation à la nature divine, dont le seul énoncé nous remplit de joie.

Notre mise en relation avec notre Dieu a commencé par la nouvelle naissance, puis, notre foi restant active, cette relation a suivi un développement vers la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ notre Seigneur (2 Pi. 1. 2). Or, en cette connaissance, Dieu connaît l'homme et l'homme connaît Dieu. Leur union défie toute appréciation par le langage, elle répond, pouvons-nous dire seulement, au voeu de Jésus-Christ dans la prière sacerdotale :
"Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, afin qu'ils soient un comme nous sommes un, moi en eux, et toi en moi, afin qu'ils soient parfaitement un, et que le monde connaisse que tu m'as envoyé et que tu les as aimés comme tu m'as aimé. " (Jn. 17. 21-23)

Dans cette union parfaite, le Père et le Fils sont là avec les perfections divines : "En lui habite corporellement toute la plénitude de la divinité. Vous avez tout pleinement en lui, qui est le Chef... " (Col. 2. 9-10)

Une union parfaite ! Seul l'Esprit saint peut unir ainsi les personnes sans les confondre, et malgré la grande inégalité entre Dieu et l'homme. Celui-ci obtient une cession de la nature divine (non pas de l'essence divine qui est incommunicable) quoiqu'il appartienne toujours au domaine du fini étant en ce monde. En considérant une telle union, notre pensée se reporte au temps où Dieu créa l'homme à son image, ce qui avait déjà établi une union entre le Créateur incréé et sa créature. La parole nous révèle clairement que l'amour de Dieu qui entend dispenser la vie véritable, le plus grand des biens, veut aussi faire participer l'homme régénéré à la nature divine qui, seule, correspond à cette vie qui est celle de Dieu.

Qu'est-ce que la nature divine, ou plutôt quels sont ses caractères ? Selon la révélation qu'est la Bible, nous pensons d'abord aux réalités éternelles que nous voyons en Dieu : l'Esprit, la sainteté, l'amour, la vie, la justice, la paix, l'intelligence et la sagesse, si bien que la participation à la nature divine comporte la possession de ces puissantes réalités qui forment une indestructible chaîne. L'apôtre Pierre a pris soin d'ajouter que cette participation a pour corollaire une vie de sainteté et le ferme rejet des convoitises venant d'un monde corrompu. Participer à la nature divine ce sera donc aussi triompher du monde par la foi (1 Jn. 5. 4) ; ce sera opposer la force de Christ à la puissance du péché et de la mort.

Par un autre texte, il nous est dit que nous sommes devenus "participants de Christ" pourvu que nous retenions fermement jusqu'à la fin l'assurance que nous avions au commencement (Héb. 3. 14). La nouvelle naissance a marqué pour tout chrétien la fin du mode de vie qui la précédait, ainsi que le commencement de la vie nouvelle qui est une vie de communion avec le Sauveur. Reprenons la formule de Paul et disons : "Christ en nous l'espérance de la gloire" (Col. 1. 27).

La vie de communion ressemble à un rameau greffé dont l'histoire se confond avec celle de l'arbre sur lequel il a été greffé. En effet, le disciple accompli participe à la vie divine de Christ ; il participe donc à son incarnation, à sa crucifixion (Gal. 2. 20), et à sa résurrection. Il participe au passé terrestre, au présent, ainsi qu'à l'éternité de Jésus-Christ. Après avoir été enlevé à la rencontre du Seigneur avec le "corps de Christ" et emmené dans l'éternité avec lui, il paraîtra avec Christ dans la gloire de sa parousie (Col. 3. 4).

Un lien vital unit le Christ (Eph. 2. 6) aux membres de son corps, lesquels ne vivent plus pour eux-mêmes mais de la vie qui anime tout le corps. Quel nom faut-il donner à ce corps ? On l'appelle "l'Eglise", mais il peut aussi s'appeler"Christ" comme l'apôtre Paul le fait dans le verset suivant :
"Car comme le corps est un et a plusieurs membres, et comme tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps, ainsi en est-il de Christ." (1 Cor. 12. 12)
A la fin de ce verset, on attendait : "Ainsi en est-il de l'Eglise" ; pourtant, l'inspiration a fait écrire "Christ", ce qui montre que l'Eglise, dans cette représentation d'un corps, reçoit le nom de son Chef (de sa tête). À n'en pas douter, ce que veut l'Esprit saint qui a inspiré l'Écriture, c'est bien que la foi saisisse la vision d'un corps et regarde l'Eglise de cette manière seulement, et non pas comme une société de conception humaine. Dans le mariage, Dieu veut que l'homme s'attache à sa femme afin que les deux deviennent une "seule chair" ; or Christ et l'Eglise sont unis selon le même principe, ce qui fait dire à Paul :
"Ce mystère est grand, je dis cela par rapport à Christ et à l'Eglise" (Eph. 5. 31-32). L'apôtre a dit encore :
"Christ est ma vie et la mort m'est un gain" (Ph. 1. 21), convaincu qu'il était que ce n'était plus lui qui vivait, c'était Christ qui vivait en lui (Gal. 2. 20). En ces témoignages devenus parole inspirée de Dieu, n'avons-nous pas une émulation capable de nous mettre dans la même situation que Paul et avec la même foi ? Tout chrétien qui entend vivre vraiment sa foi les prendra à son compte.

CINQ CONFORMITÉS

Le chrétien a donc vocation à devenir participant de la nature divine pour atteindre à la parfaite ressemblance de son Seigneur. Appelons cette ressemblance : conformité à l'image, et décomposons la comme l'Écriture le fait, sans toujours employer le terme "conformité".

À l'orée de la vie chrétienne, nous avons deux conformités jumelées : "En effet, si nous sommes devenus une même plante avec lui par la conformité à sa mort, nous le serons aussi par la conformité à sa résurrection. " (Ro. 6. 5) Ces deux conformités forment la base indispensable de l'entrée dans la vie chrétienne et elle reprennent la notion de "nouvelle naissance d'eau et d'Esprit", car pour naître, il faut mourir, et pour vivre, il faut ressusciter (Ro. 6. 11).

Ensuite, au cours de sa marche, le chrétien rencontrera une autre conformité qu'on peut appeler "conformité de condition" : nous en avons l'exposé dans les passages suivants : Mat. 10. 22-33 ; Jn. 15. 18-25. Le Seigneur y donne à l'Eglise un avertissement de nature à lui éviter d'être déconcertée par la haine, les persécutions, et toutes les oeuvres d'hostilité dont elle sera la cible. Cet état de choses subsistera constamment, il s'apparente à la contradiction dont nous avons parlé (chapitre 4 - ce qu'est l'Eglise). Le Maître étant parti, l'Eglise, son corps, recueille le traitement qu'il a supporté lui-même de la part du monde. Même ceux qui se convertiront un jour commencent parfois par une détestation hostile. Ce sera une situation constante, inéluctable, résultant de l'antinomie entre la société des hommes pécheurs et le royaume des cieux, entre les ténèbres et la lumière.
Ceux qui, aujourd'hui, caressent le dessein de fonder une Église en cherchant à convertir les gens soit par, de savantes discussions, soit par une persuasion conciliante, soit au moyen d'artifices plaisants et agréables, bâtiront avec du bois, du foin et du chaume, leur oeuvre ne résistera pas à l'épreuve du temps ; la repentance et l'humilité en seront restées étrangères. Pour amener toute pensée captive à l'obéissance de Christ, le seul véritable moyen consiste à "renverser des forteresses" en combattant avec les armes puissantes de la vertu de Dieu (2 Cor. 10. 3-5). Ce genre de combat qui est celui de la foi, l'Éternel l'avait mis en main à Jérémie : "Regarde, je t'établis aujourd'hui sur les nations et sur les royaumes, pour que tu arraches et que tu abattes, pour que tu ruines et que tu détruises, pour que tu bâtisses et que tu plantes. " (Jér. 1. 10)

Voici le principe qui généralise la "conformité de condition" : "Le disciple n'est pas plus que le Maître, ni le serviteur plus que son Seigneur. Il suffit au disciple d'être traité comme son Maître et au serviteur comme son Seigneur. " (Mat. 10. 24-25)

Considérons maintenant la "conformité de comportement", dont voici le principe : "Devenez donc les imitateurs de Dieu comme des enfants bien-aimés ; et marchez dans l'amour à l'exemple de Christ qui nous a aimés et qui s'est livré lui-même à Dieu pour nous comme une offrande et un sacrifice de bonne odeur. " (Eph. 5. 1-2)
"Celui qui dit qu'il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même. " (1 Jn. 2. 6)

Dans ce dernier passage, le verset 5 met en valeur le fait de "garder sa parole" c'est-à-dire de garder tout l'enseignement du Seigneur. S'il en est ainsi, la perfection de l'amour se trouve atteinte ; de plus, il en résulte l'assurance que "nous sommes en lui". Nous touchons ici au sommet de la vie chrétienne authentique.

Cependant, celui qui pourra se dire qu'il garde la parole du Maître ne risquera-t-il pas de s'abuser, ou de se glorifier lui-même ? Il faut y penser, mais le verset 5 ne manque pas de netteté : c'est en sachant qu'il garde la parole du Maître qu'il saura aussi qu'il demeure en lui, et il pourra même se le dire. Certes une véritable et constante humilité sera nécessaire, ainsi que le recours au témoignage du Saint-Esprit, selon Romains 8. 16 ; mais n'ôtons pas de l'Écriture un encouragement aussi stimulant. Le verset 6 va encore plus loin en déclarant que si quelqu'un peut se dire qu'il "demeure en lui" (et qu'alors il garde sa parole) il devra également marcher comme il a marché lui-même. En somme, ce sont deux examens auxquels ce quelqu'un se soumettra. D'abord il jugera son comportement pour voir s'il se caractérise réellement par l'obéissance ; ensuite, il regardera sa marche à travers le temps et les circonstances de la vie, et la rapprochera de celle du Seigneur, sur laquelle il aura médité attentivement. De cette manière, il se donnera deux guides : l'un étant les commandements et les instructions du Seigneur, l'autre, l'exemple de sa marche. En y veillant avec application, il satisfera la "conformité de comportement".
Relevons dans l'Écriture quelques indications relatives à une marche chrétienne empruntant celle du Seigneur :

"faire aux autres ce qu'il a fait lui-même" (Jn. 13. 15)
"aimer comme il a aimé" (Eph. 5. 1-2) ;
"pardonner comme il a pardonné" (Col. 3. 13) ;
"donner notre vie pour les frères comme il l'a donnée pour nous" (1 Jn. 3. 16) ;
"avoir en soi les sentiments (ou dispositions de coeur) qui étaient en lui" (Ph. 2. 5)

Nous venons de réunir quatre "conformités" : conformité à sa mort, conformité à sa résurrection, conformité de condition (le disciple est traité comme son Maître), conformité de comportement (parole observée, marche suivie). Elles conduisent à une cinquième conformité, celle de la ressemblance à l'image du "Premier-né".

Ainsi se voit tracé le chemin de la vie chrétienne aboutissant à la stature parfaite de Christ pour aller jusqu'à la ressemblance à l'image qu'il nous offre.


LE PORTRAIT

Aujourd'hui un portrait s'obtient généralement par la photographie, quoiqu'il puisse fort bien emprunter un mode descriptif. Nous en avons un bel exemple au chapitre 5 de l'Évangile de Matthieu, où l'ensemble des versets 1 à 12 forme un véritable portrait en différents traits de dispositions d'ordre spirituel. De qui est donc ce portrait ? De tous ceux qui ont reçu un "coeur nouveau" et sont soutenus par une foi ardente ; c'est le portrait de tout véritable enfant de Dieu. De lui seul ? ce ne serait pas possible ! Ce portrait est aussi celui du Seigneur Jésus-Christ, et on y trouve toutes les dispositions de coeur qui étaient en lui.

Voilà donc bien un merveilleux portrait qui reflète tout autant les traits du Maître que de ceux avec lesquels il est en communion. Cette pensée nous reporte ainsi à une ressemblance : le Maître porte en lui une image modèle, et les disciples la reflètent. On peut encore dire, à l'inverse, que les béatitudes qui emploient le pluriel, réunissent l'ensemble des caractéristiques de coeur et de vie qu'on devra trouver en tout disciple accompli, et qui conviennent tout à fait au Seigneur lui-même. En voyant les choses de cette manière, on va de la reproduction à l'image modèle, et l'on s'aperçoit que la conformité de l'une à l'autre est parfaite.

Pour contempler ce portrait, pour le vouloir à soi, la vallée où se tenait d'abord le Maître entouré de ses disciples n'offrait pas le lieu propice : allées et venues, paroles profanes, mouvements et rires. Non ! il fallait monter sur la montagne et pouvoir librement s'y retirer afin de ne rien entendre que la voix de la vérité, il fallait que l'oreille tendue fut celle d'un coeur avide et conquis, il fallait suivre le Maître sur la montagne, car là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté.

"Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux" (Mat. 5. 3)

Qui sont-ils ? Ce sont ceux qui se savent pauvres en eux-mêmes, en leur vie intérieure, ceux qui ne s'illusionnent pas et sentent le vide spirituel du fond d'eux-mêmes. Les voilà donc pleins du désir de recevoir les richesses qui leur manquent, et c'est vers Dieu qu'ils dirigent leurs aspirations à connaître les vérités qui ne sont ni en l'homme, ni dans le monde et dont la vie dépend, dont le coeur a soif. On peut les reconnaître en ceux que le Seigneur a appelés "les enfants" (Mat. 11. 25) par opposition aux "sages et aux intelligents". Aux enfants seuls les vérités révélées sont réservées.

Deux des béatitudes (versets 3 et 10) comportent une promesse au présent (la même) "le royaume des cieux est à eux", alors que les autres béatitudes sont associées à une promesse formulée au futur. Pourquoi ne pas admettre que la forme du présent indique une possession immédiate et dire, par conséquent, que les pauvres en esprit et ceux qui sont persécutés pour la justice possèdent d'ores et déjà le royaume des cieux. Ils ont en leur coeur la lumière de ce royaume, à savoir, la justice, la paix et la joie par le Saint-Esprit (Ro. 14. 17). En effet, ces termes fort riches résument les caractères qui fondent le royaume des cieux.

"Heureux les affligés car ils seront consolés" (Mat.5. 4).

Quelle bonne chose que de ressentir de l'affliction en réfléchissant à notre indigence morale, celle de notre nature ; puis, d'autre part, de déplorer les ravages profonds de l'état de péché au sein de la société humaine, au point d'en pleurer comme le fit Jésus devant Jérusalem en voyant à l'avance les destructions et les morts dont elle souffrirait en raison de ce qu'elle n'aura pas connu le temps de la grâce de son Dieu.

Il s'agit donc d'une affliction ou d'une tristesse "selon Dieu" qui appelle toujours la consolation. Le Seigneur l'a bien dit :
"voici sur qui je porterai mes regards : sur celui qui souffre et qui a l'esprit abattu, sur celui qui craint ma parole" (Es. 66. 2).

"Heureux les doux car ils hériteront la terre" (Mat. 5. 5).

L'exemple vient tout droit de Jésus qui a dit : je suis doux et humble de coeur. Cette béatitude utilise un paradoxe car, dans notre monde, ceux qui s'emparent de l'espace n'ont généralement pas la douceur comme qualité première ; celle-ci étant peu compatible avec l'ambition et l'esprit d'accaparement ou de domination. Ce sont les violents de toute sorte qui s'emparent des sols, des territoires, des pays. Bien au contraire, la douceur propre à l'Évangile se plaît à concéder aux autres et non à s'accaparer ; elle sait renoncer aux biens de ce monde. Cependant c'est elle qui disposera de la terre comme si elle possédait une grande puissance ! Quand et où cela ? Sur la terre du millénium ou sur la nouvelle terre qui portera la nouvelle Jérusalem ? Pensons plutôt que la promesse d'hériter la terre constitue dans le grand ordre éternel un principe de libre jouissance du royaume de Dieu et de ses possessions, comme nous le discernons dans la prière sacerdotale de Jésus : "tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi" (Jn. 17. 10). On peut aussi rapprocher notre béatitude du psaume 37, verset 11 (TOB) : "mais les humbles posséderont le pays, ils jouiront d'une paix totale" (le pays de Canaan).

L'Écriture nous exhorte à mettre dans nos relations entre frères de la douceur. Celle-ci compte parmi les vertus spirituelles en compagnie de la miséricorde, de la bonté, de l'humilité et de la patience ; elle y a bien sa place ainsi que parmi les neuf aspects du "fruit de l'Esprit" (Gal. 5. 22) où elle figure également.

"Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés". (Mat. 5. 6)

Le prix qui s'attache à la justice est tellement élevé que l'on comprend que les coeurs livrés à Dieu, en ressentent un besoin tel qu'il se montre exigeant comme la faim et la soif d'un organisme en pleine santé. Ils seront rassasiés ! Cela aussi se comprend aisément puisqu'ils sont infiniment agréables à Dieu. Ceux qui aspirent si vivement à la justice seront comblés, car, en même temps, ils aspirent à la vie éternelle. Ils la veulent, cette justice de Dieu, tant en eux-mêmes comme le plus beau des vêtements que dans toute l'action de leur être.

"La grâce de Dieu nous enseigne à vivre dans le siècle présent selon la sagesse, la justice et la piété. " (Tite 2. 12) Nous aimerions affirmer à nouveau combien il doit être cher à tout disciple de Christ de se placer en tous temps sous l'empire de la justice de Dieu, grand ordre moral et spirituel où la vie parfaite et impérissable trouve son atmosphère. Sachons qu'elle est indestructible, inflexible, inéluctable ! Tant que nous vivons sur cette terre, appliquons-nous à l'observer et à la faire pénétrer dans toutes nos intentions. De plus, apprenons à nous servir de la justice de Dieu, à l'enseigner autour de nous ; rappelons-nous la prophétie suivante de Daniel :
"Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude brilleront comme les étoiles, à toujours et à perpétuité. " (Dan 12. 3)

Jésus-Christ n'est-il pas le roi de justice et de paix ? Il ne peut y avoir de paix sans justice (celle de Dieu assurément).

"Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde" (Mat. 5. 7)

En général, la miséricorde bénéficie d'une bonne presse, mais n'est-elle qu'un sentiment humain, ou une heureuse disposition de caractère ? Certes, nous n'en méprisons rien et tout bon mouvement des coeurs ne peut que recevoir encouragement. Cependant, notre béatitude nous présente tout autre chose qu'un bon côté humain, elle nous parle d'une authentique vertu chrétienne dont la grande supériorité lui vient de ce qu'elle ressemble à la miséricorde divine et s'exerce en vue du salut éternel de ceux qui en sont l'objet. En effet, cette miséricorde a pour principal office de pardonner au coupable afin de le conduire dans la voie du salut :
"Mais toi tu es un Dieu prêt à pardonner, compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche en bonté... " (Néh. 9. 17)

Étant miséricordieux, eux aussi, les disciples de Christ doivent avoir à coeur de pardonner toujours et sans réticences à ceux qui leur font tort ou les maltraitent. Le faire entre dans leur mission de témoins et contribue à la puissance qu'ils déploient. Nous ne pouvons que nous souvenir des heureuses circonstances où nous avons vu des âmes rebelles et agressives plier soudain et s'émouvoir jusqu'aux larmes devant l'attitude chrétienne du pardon immédiat. Et quand un tel revirement se produit chez notre interlocuteur, son coeur s'ouvre et la parole de Dieu peut s'y glisser.

"Heureux ceux qui ont le coeur pur, car ils verront Dieu". (Mat. 5. 8)

Certains ruisseaux coulant doucement à travers une prairie offrent à la vue une eau limpide dont on dit aussitôt qu'elle est une eau pure. Elle laisse apercevoir le fond de sa route creuse ainsi que les corps étrangers qui peuvent s'y trouver. C'est à cette image qu'il semble intéressant de comparer le coeur pur. En effet, celui-ci se caractérise essentiellement par sa limpidité, si bien qu'on voit jusqu'au fond de ce coeur, que l'intéressé voit lui-même jusqu'au fond de son coeur et qu'il peut enlever toute impureté accidentelle. C'est un coeur qui ne dissimule rien et que l'on peut maintenir en état de propreté, car l'homme d'un tel coeur tient à cette netteté, et sa prière s'apparente à celle de David :
"Purifie-moi avec l'hysope et je serai pur ; lave-moi et je serai plus blanc que la neige. " (Ps. 51. 9)

Aussi celui qui veille sur son coeur pour le garder pur sera-t-il prompt à discerner en lui la moindre velléité d'hypocrisie, ou l'assaut de toute subtile séduction, de toute amorce de tentation, de tout risque de superstition, et réagira-t-il alors avec la fermeté de la foi dans le sang de Jésus qui purifie de tout péché, mais qui préserve aussi d'y succomber. Le profond et constant désir de sauvegarder son coeur de toute embûche exclura l'éventuel malheur de tomber dans le partage si hautement réprouvé (on ne peut servir deux maîtres à la fois), comme de se laisser atteindre par la superstition ou l'idolâtrie aux formes si diverses, ou encore empêchera que l'on s'occupe trop de soi-même, de sa santé, de son existence et de ses intérêts. L'apôtre Paul déplore que des chrétiens cherchent leurs propres intérêts et non ceux de Jésus-Christ (Ph. 2. 21).

En définitive, le coeur pur est aussi un coeur libre à l'égard de tout enchaînement, de tout ce qui éloigne de la communion avec le Seigneur, un coeur qui fait l'objet d'une vigilance de tout moment.
"Car ils verront Dieu". Promesse suprême et la plus haute des espérances de toujours.
"Pour moi, dans mon innocence, je verrai ta face ; dès le réveil, je me rassasierai de ton image" (Ps. 17. 15). Rappelons aussi : "Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté ; mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté, nous serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il est. " (1 Jn. 3. 2)

Ne sentons-nous pas qu'au-dedans de nous-mêmes réside un désir constant de voir Dieu ? Ne nous étonnons donc pas de découvrir un sens particulier et mystérieux s'attachant au terme "voir", autrement dit un sens qui émane de l'Esprit. L'une des terribles conséquences de la chute n'est-elle pas d'avoir séparé le Créateur de sa créature faite à son image ! L'amour, mobile absolu des oeuvres de Dieu, ne le voulait pas ! Mais, en Eden, l'homme a contracté un état étranger à sa nature première, l'état de péché, qui rompt, qui détruit et introduit la mort. Comprenons bien que nous sommes nés sur la terre du péché, et que nous y menons une existence enserrée dans les conditions de la plus étrange anomalie qui soit. Nous y sommes des morts-vivants et le restons tant que la grâce rédemptrice n'a pas fait son oeuvre en nous pour nous réconcilier avec notre Dieu.

Qu'elle est donc estimable et précieuse, cette réconciliation qui prélude au temps prochain où nous verrons Dieu, où le Père éternel et son enfant se retrouveront face à face, dans le rayonnement de l'amour et de la sainteté. Depuis la réconciliation et jusqu'à ce que nous puissions voir Dieu (Dieu lui-même sera avec eux, Apo. 21. 3), aucun vide ne subsiste pourtant, car l'Esprit Saint étant venu en nous, il nous a unis avec le Seigneur Jésus-Christ et avec notre père céleste au moyen de cette "connaissance" personnelle et intérieure dont nous avons déjà parlé.

L'avertissement selon lequel l'homme ne peut voir Dieu et vivre (Ex. 33. 20) ne signifie pas que Dieu serait d'essence invisible, mais seulement que son absolue sainteté ne peut recevoir aucun regard de l'homme entaché du péché, ou même du seul fait qu'il n'est pas encore transformé en toute sa personne (esprit, âme et corps) et n'a pas atteint la perfection absolue. Jésus nous a dit que les anges des petits enfants voient continuellement la face de Dieu le Père qui est dans les cieux (Mat. 18. 10). Après complète rédemption, c'est-à-dire lorsque les élus auront revêtu le corps céleste, ils verront face à face et connaîtront comme ils ont été connus (1 Cor. 13. 12). Nous aimons lire et relire la merveilleuse assurance qu'exprime aussi l'apocalypse :
"Il n'y aura plus de malédiction, le trône de Dieu et de l'agneau sera dans la cité, et ses serviteurs lui rendront un culte, ils verront son visage et son nom sera sur leurs fronts. Il n'y aura plus de nuit, nul n'aura besoin de la lumière du flambeau ni de la lumière du soleil, car le Seigneur Dieu répandra sur eux sa lumière et ils régneront aux siècles des siècles. " (Apo. 22. 3-5 - TOB)

Actuellement nous marchons par la foi et non par la vue et nous demeurons "loin du Seigneur" (2 Cor. 5. 6-7). Ce passage établit clairement la différence entre la situation présente et celle qui attend les élus après leur résurrection.

"Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu !" (Mat. 5. 9)

Considérer certaines personnes comme pacifiques ne signifie pas pour autant qu'elles procurent la paix. Le mot grec "eïrênêpoïountés" désigne ceux qui ont le pouvoir d'établir la paix. Ils en ont les ressources et la vocation en eux, comme il le faudrait chez tous les disciples de Christ accomplis. Qu'est-ce que la paix dans notre béatitude ? Il s'agit uniquement de celle que Jésus-Christ donne :
"Je vous donne ma paix. Je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre coeur ne se trouble point, et ne s'alarme point. " (Jn. 14. 27) Ajoutons cette autre citation : "Et la paix de Dieu qui surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées en Jésus-Christ" (Ph. 4. 7).

D'autre part, nous voyons tout de suite la parfaite relation entre la justice mise en pratique et la paix venant l'une et l'autre de Dieu dans les passages suivants :
"À celui qui est ferme dans ses sentiments, tu assures la paix, la paix, parce qu'il se confie en toi" (Es. 26. 3) ; "Éternel tu nous donnes la paix, car tout ce que nous faisons, c'est toi qui l'accomplis pour nous" (Es. 26. 12) ; "la justice et la paix s'embrassent" (Ps. 85. 11).

Considérons que la justice et la paix de Dieu ont place dans cette puissante chaîne des vérités fondamentales et éternelles que voici : VIE, AMOUR, VÉRITÉ, JUSTICE, PAIX, SAINTETÉ, JOIE. Cette chaîne, on peut la contempler comme la lumière dont la possession par le Saint-Esprit s'offre à tout ardent disciple de Christ. En conséquence, et avant toute autre considération, procurer la paix, n'est-ce pas tout simplement rendre témoignage au Prince de la paix, pour, en son nom, annoncer la repentance, le pardon des péchés et la réconciliation avec Dieu. Sur la route d'un enfant de Dieu, bien d'autres circonstances s'ouvrent en lesquelles il sera porteur et messager de la paix de Dieu. C'est pour lui qu'Esaïe dit :
"Qu'ils sont beaux sur les montagnes, les pieds de celui qui apporte de bonnes nouvelles, qui publie la paix !" (52. 7).

Au sein de l'Assemblée, il sait dissiper les dissensions, et, par le rayonnement de son amour, il chasse les ombres. Le triomphe de l'amour et de la soumission apporte toujours la paix.

Pourquoi ceux qui procurent la paix seront-ils appelés fils de Dieu ? La désignation d'enfant de Dieu résulte d'un décret du Très-Haut qui l'accorde toujours à ceux qui naissent d'eau et d'esprit, mais notre béatitude promet aux porteurs de la paix de les reconnaître hautement comme fils du "Dieu de paix" puisque, par son Esprit, ils font ce qui lui est tellement agréable. Pensons toujours que Jésus est le roi de justice et de paix, si bien que tous ceux qui se sentent investis de la mission de faire régner autour d'eux la justice et la paix, reflètent déjà son image.

"Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux est à eux !" (Mat. 5. 10)

Nous avons vu que le Seigneur Jésus-Christ serait toujours un signe qui provoquera la contradiction, et, comme il l'a dit : "s'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi". La raison de ces persécutions tient à ce que l'Évangile annonce le royaume de Dieu et sa justice. Or, cette justice heurte l'esprit et l'état de notre monde, dont les réactions, conduites par Satan, se manifestent beaucoup en persécutions de tous ordres. Ceux qui ne se laissent pas arrêter par elles et poursuivent leur mission d'enseigner et de manifester la justice de Dieu en les supportant ont vraiment part au royaume des cieux.

"Heureux serez-vous... Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse... " (Mat. 5. 11-12)

Les versets qui terminent l'ensemble des béatitudes opposent le bonheur et la joie aux outrages, aux calomnies, aux persécutions et à l'accablement susceptible de décourager les fidèles de Christ. Au lieu de sombrer dans le désespoir, la foi leur permettra de se réjouir dans l'attente certaine d'une grande récompense qu'ils recevront dans les cieux et qui, maintenant déjà, illumine et soutient leur coeur.

Ainsi, les béatitudes brossent le portrait des fidèles disciples et également celui de leur Maître. Lorsque la foi se conjugue à l'obéissance dans l'amour, ce n'est plus l'homme qui vit, c'est Christ qui vit et agit en lui, ce qui fait qu'il porte les mêmes traits caractéristiques que lui.




Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant