Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE 4

LE TEMPS DE L'EGLISE

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 L'Eglise se différencie du Royaume de Dieu. Celui-ci se prépare au sein de l'Eglise et par son oeuvre, mais pour qu'on la considère comme un royaume, il faudrait qu'elle en ait la structure : un roi, un peuple, un pays, une capitale, une loi ; or, elle ne l'a pas. Assurément, sans Jésus-Christ, il ne serait même pas question de l'Eglise. Il en est le corps et le constructeur. L'épître aux Éphésiens nous dit :
"Il a tout mis sous ses pieds, et il l'a donné pour chef suprême à l'Eglise, qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous. " (1. 22-23)

Nous retrouvons la relation "chef-corps" dans les passages suivants : Eph. 4. 15 ; 5. 23 ; Col. 1. 18, 1. 24, 2. 19 ; le terme "chef" étant la traduction du grec "cephalè". L'Eglise est regardée comme un corps : "Vous êtes le corps de Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part. " (1 Cor. 12. 27) ; "Ainsi, nous qui sommes plusieurs, nous formons un seul corps en Christ, et nous sommes tous membres les uns des autres. " (Ro. 12. 5)

En tant que "tête" le Christ assume une action vivifiante en son corps. Lui seul fait vivre l'Eglise et il assure la croissance, caractère essentiel de la vie nouvelle, comme de la vie physique (Eph. 4. 15-16). Chacun des membres de l'Eglise doit recevoir sa part de la puissance de vie, il faut bien fortement le souligner, tellement nous avons intérêt à y attacher notre foi de jour en jour. Voyons comment Jésus a enseigné cette transmission de vie : "Comme le Père qui est vivant m'a envoyé, et que je vis par le Père, ainsi celui qui me mange vivra par moi. " (Jn. 6. 57)

En somme, la vie divine se concentre en Christ où elle recueille le fruit du crucifiement et, au niveau humain, se transmet à chacun des membres du corps. La Bible du semeur exprime Eph. 4. 16 de la manière suivante :
"C'est de lui (le Christ) que le corps tout entier (l'Eglise) tire sa croissance pour s'affermir dans l'amour ; sa cohésion et sa forte unité lui venant de toutes les articulations dont il est pourvu, pour assurer l'activité attribuée à chacune de ses parties. "

Comment l'Écriture qualifie-t-elle cette vie dont la source est en Dieu et que le Christ, qui la reçoit en premier, déverse en chacun des membres de son corps ? Elle parle d'abondance (Jn. 10-10) et même de surabondance (semeur) ; puis, de plénitude. Que signifient ces termes ? Que la vie transmise aux saints de l'Eglise conserve l'intégrité de celle qui anime "le Chef". Elle est totale et parfaite. Nous tous qui poursuivons notre marche de chaque jour dans les luttes, prenons conscience, au-dessus de nos préoccupations et avec une foi ardente, de cette vie surabondante qui, à tout instant, doit couler en nous, nous venant du Seigneur ; et alors, soyons forts de Sa force, afin de vivre la vie triomphante.

Mais, de quelle manière la vie de notre Maître nous parvient-elle ? Puisque le rapport entre le Christ et l'Eglise correspond à celui de la tête et du corps, il existe une communication entre eux. Elle se nomme "communion" ou "con- naissance du Fils de Dieu" selon Eph. 4. 13, et elle prend une si haute importance dans le message biblique qu'en plus, elle apparaît en d'autres expressions que voici :
"en Christ", "en Lui", "dans le Seigneur", "demeurer en lui", "avec lui un seul Esprit", "Christ habite dans vos coeurs". Toutes, elles visent le lien personnel et vivant qui doit unir l'Esprit de Christ à chacun de ses rachetés. La connaissance personnelle de Jésus-Christ peut suivre un processus de croissance, auquel nous sommes invités à nous prêter en le désirant fortement. Nous n'insisterons jamais trop en situant la connaissance de Dieu et de Jésus-Christ au tout premier plan de la vie de foi. L'apôtre Paul témoigne qu'il l'a vécue :
"J'ai été crucifié avec Christ, et si je vis, ce n'est plus moi qui vis, c'est Christ qui vit en moi" (Gal. 2.20)
De plus, Jésus déclare que c'est par cette connaissance de Dieu et de Lui-même que l'on hérite la vie éternelle. (Jn. 17. 3)

La comparaison avec le corps humain a servi à l'apôtre Paul dans sa démonstration de l'égale utilité de tous les membres (1 Cor. 12. 12-26). Elle peut encore nous servir pour illustrer les relations de la tête avec le corps. Dans l'organisme physique, ces relations sont assurées par un appareil nerveux complexe, véritable réseau aux multiples circuits. Si toutes les ramifications de cet appareil fonctionnent bien, il y aura une bonne communication des impulsions du cerveau vers toutes les parties du corps qui contribueront à l'harmonie d'ensemble des organes et des membres. Il n'en serait plus de même si quelque partie du corps se trouvait isolée du cerveau ; un désordre en résulterait. C'est ce qui arrive dans la vie chrétienne. Des poisons tels que le péché, ou l'orgueil peuvent interrompre la communication d'un membre de l'Eglise avec la tête de celle-ci, le Christ. L'apôtre Jean le dit explicitement (1 Jn. 1. 6) :
"Si nous disons que nous sommes en communion avec lui (Dieu), et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons et nous ne pratiquons pas la vérité. "

Cette marche dans les ténèbres a interrompu la communion, et, par conséquent, la communication de la vie. Dans ce cas, c'est à tort que nous penserions ou dirions que nous sommes toujours en communion en nous basant sur le principe de notre position chrétienne ; nous trahirions la vérité. L'épître aux Colossiens (2. 18-19) envisage l'hypothèse d'un homme qui, sous une apparence d'humilité est en réalité enflé d'orgueil ; il ne saurait être attaché au Chef, et ne peut recevoir son assistance. L'on peut dire de façon certaine que toute situation compromise chez un chrétien le coupe de la communion avec Christ. Jean indique la solution à laquelle il faut recourir sans délai :
"Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner et pour nous purifier de toute iniquité. " (1 Jn. 1. 9)

Pour sauvegarder notre communion et notre communication vitale avec Christ, notre foi devra s'employer dans une vigilance active.
Dans le modèle de prière que le Seigneur nous a donné, il a inclus la demande suivante : "Que ton règne vienne" car l'Eglise travaille et lutte en vue du Royaume de Dieu auquel elle aspire, s'appliquant à hâter l'avènement du jour de Christ. Actuellement, pour elle, le Seigneur c'est l'Esprit. L'apôtre Pierre la voit comme une maison spirituelle, un saint sacerdoce, offrant des "victimes spirituelles agréables à Dieu par Jésus-Christ" (1 Pi. 2. 5).


CE QU'EST L'EGLISE

En dehors de toute autre considération, l'Eglise est un peuple "acquis", le peuple de Dieu qui a obtenu miséricorde (1 Pi. 2. 9-10). On peut encore dire qu'elle est la communauté ou le rassemblement de tous les rachetés du Seigneur qui ont vocation à marcher d'une manière digne de lui, qui persévèrent dans la foi, et ont été scellés du Saint-Esprit pour le jour de la rédemption (Eph. 4. 30 ; Col. 1. 10). De cela découlent des conséquences à bien prendre en compte, et notamment celle-ci :
"Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit qui est en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez point à vous-mêmes. " (1 Cor. 6. 19)

Le fidèle membre de l'Eglise doit avoir lui-même adopté librement la règle de conduite voulant qu'il ne fasse plus ses propres volontés et s'en remette à celle de Dieu en toutes choses. Comment procède-t-il car il faut bien qu'il décide de ses actes les plus courants ? Il va discerner quelle est la volonté de Dieu, si elle n'est pas apparente au premier moment, il usera de cette sagesse et de cette intelligence spirituelles que Dieu lui a accordées, et, par le moyen de ces facultés venues d'en haut, il pourra discerner ce qui est "bon, agréable et parfait". Là se trouve la volonté de Dieu vis-à-vis du problème d'ordre pratique qu'il doit résoudre. Le Saint-Esprit ne le laissera pas dans l'indécision, il réussira à tout faire pour la gloire de Dieu. Il aura pu user de sa liberté selon le sage principe : "tout est permis, mais tout ne convient pas ; je ne me laisserai asservir par quoi que ce soit" (1 Cor. 6. 12, 10. 23). Ni la chair, ni les convoitises, ni les séductions ne l'asserviront.

Le peuple d'Israël avait un pays défini (le pays de Canaan) tandis que l'Eglise n'en a pas, ce que souligne l'apôtre Pierre :
"Bien-aimés, je vous exhorte comme étrangers et voyageurs sur la terre, à vous abstenir des convoitises charnelles qui font la guerre à l'âme. " (1 Pi. 2. 11)

L'Eglise vit et milite au milieu du monde sans lui appartenir. Le Seigneur l'a solidement affirmé :
"Si vous étiez du monde le monde aimerait ce qui est à lui, mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela, le monde vous hait. " (Jn. 15. 19)

La vie chrétienne expérimente constamment cette énonciation du Seigneur, car elle se déroule dans un milieu qui, non seulement montre de l'hostilité, mais qui, bien plus, lui est contraire. Vivre résolument selon les principes de l'Évangile et l'annoncer, c'est aller au devant de la contradiction, voire de l'ironie, des propos désobligeants, haineux même, quand ça ne va pas plus loin, c'est-à-dire jusqu'à des actes de violence.

En venant dans le monde pour vivre et accomplir l'Évangile, Jésus apportait, lié à sa personne, le principe actif d'un combat, ainsi que le vieux Siméon en a eu la révélation :
"Sache-le : cet enfant est destiné à être pour beaucoup en Israël, une occasion de chute ou de relèvement. Il sera un signe qui suscitera la contradiction ; ainsi seront dévoilées les pensées cachées de bien des gens... " (Luc 2. 34-35)

Par ses actes, par ses paroles, par toute sa personne, Jésus soulèvera la contradiction. La vie qu'on lui verra vivre ne sera pas supportable à beaucoup. Qu'il soit le chemin, la vérité et la vie, la terre du péché ne le supporte pas. Jean écrit : "Elle (la Parole) est venue chez les siens, et les siens ne l'ont point reçue" (Jn. 1. 11). L'épître aux Hébreux nous le rappelle :
"Considérez, en effet, celui qui a supporté contre sa personne une telle opposition de la part des pécheurs... " (12. 3). Le Seigneur désenchanta peut-être certains de ses auditeurs lorsqu'il dit : "Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre ; je ne suis pas venu apporter la paix, mais l'épée, car je suis venu mettre la division entre l'homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère. " (Mat. 10. 34-35)

Jésus excite la contradiction dans le milieu humain où il est entré, mais lui-même contredit l'homme et sa pensée. C'est dans cette double contradiction que l'état de péché du monde se révèle. Il y a désaccord entre le coeur de l'homme et la pensée de Dieu ; telle est la principale conséquence de la chute en Eden. Il y a totale antinomie. Dieu et les hommes ne s'entendent plus du tout. Ceux-ci appellent le mal bien et le bien mal. En cette fin du 20ème siècle, le renversement du mal et du bien est tellement évident qu'il prend l'aspect d'une règle. Jacques Monod (qui fut prix Nobel de physiologie et de médecine) pose cette question : Qui dit le bien et le mal ? Il répond que l'homme sait maintenant que l'éthique et les valeurs sont à lui seul, il en est le maître. (in : Le hasard et la nécessité ; Ed. du Seuil Paris 1970, p. 188). Nous voici donc en pleine réapparition de la parole du serpent : "Vous serez comme des dieux connaissant le bien et le mal" (Gen. 3. 5).

Jésus est venu dans ce monde en puissant contradicteur. Son premier appel engage la contradiction : "Repentez-vous car le royaume des cieux est proche" (Mat. 4. 17).

Dieu veut réconcilier tout avec lui-même ; il faut donc transformer la terre pour la mettre à l'unisson avec les cieux. Ainsi Jésus contredit le monde, et le monde le contredit. Quant à tout pécheur repentant, il faudra que le monde soit crucifié pour lui. Rien moins que cela ; les demi-mesures, non !
Ainsi se fait jour la nécessité essentielle pour le chrétien de vivre dans la séparation d'avec le monde, et de se placer du même côté de la contradiction que son Sauveur.

Aussitôt après la chute d'Adam et Eve, la contradiction apparaissait dans les paroles de l'Éternel Dieu comme conséquence caractérisant la situation nouvelle. Elle allait engendrer un conflit à long terme, ensanglanter la terre et dresser la croix :
"Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité ; celle-ci t'écrasera la tête et tu lui blesseras le talon. " (Gen. 3. 15)

Certaines versions emploient le terme "hostilité" au lieu de "inimitié" ; il est plus fort, donc préférable. Deux lignées se constituent dans la descendance du premier couple ; elles vont aller en s'amplifiant, surtout celle de l'hostilité. D'un côté se formera la lignée des hommes de la "voie de Caïn", qui ressembleront à Caïn. Elle persécutera l'autre lignée, celle des hommes qui ressembleront à Abel, le juste. Quant viendra l'heure, à la pointe du combat, le Christ vaincra le monde et obtiendra la condamnation de Satan ("le prince de ce monde sera jeté dehors"). La diatribe que Jésus adressa aux scribes et aux pharisiens met en lumière les luttes incessantes entre les deux lignées :
"Serpents, race de vipères ! comment échapperez-vous au châtiment de la géhenne. C'est pourquoi, voici, je vous envoie des prophètes, des sages et des scribes. Vous tuerez et crucifierez les uns, vous battrez de verges les autres dans vos synagogues et vous les persécuterez de ville en ville, afin que retombe sur vous tout le sang innocent répandu sur la terre, depuis le sang d'Abel le juste jusqu'au sang de Zacharie, fils de Barachie, que vous avez tué entre le temple et l'autel. Je vous le dis en vérité tout cela retombera sur cette génération. " (Mat. 23. 33-36)

Aujourd'hui, l'hostilité n'a pas désarmé. L'Eglise supporte des persécutions persistantes et violentes en différents endroits de la terre ; des croyants innocents eux aussi, subissent des sévices de la part des milieux religieux ou politiques et plusieurs meurent encore en raison de leur foi. Mais Satan sait qu'il n'en a plus pour longtemps. L'inimitié ou l'hostilité se retrouve dans "l'affection de la chair" véritable révolte contre Dieu, tout à fait analogue à celle d'Adam et d'Eve. L'apôtre Jacques la voit également dans les contacts avec le monde.
"Adultères que vous êtes ! Ne savez-vous pas que l'amour du monde est inimitié contre Dieu ? Celui donc qui veut être ami du monde se rend ennemi de Dieu. " (4. 4) L'apostrophe "adultères que vous êtes" fait de ce verset une sévère admonestation sur laquelle il faut arrêter la pensée et humblement réfléchir. L'on ne peut aimer à la fois les deux côtés de la contradiction : Dieu et son adversaire ; l'on ne saurait donner son coeur à l'un comme à l'autre. Pensons qu'il suffit d'une tendance complaisante à l'égard des voix ou des propositions du monde pour que l'on verse dans le camp des "adultères". Un peu plus loin, Jacques va dire ce que sont les remèdes à tout glissement vers le monde et son esprit, à toute compromission ou à tout partage du coeur entre Dieu et lui. À son tour, Jean met aussi le doigt sur le penchant de l'amour du monde et de ses attraits, amour condamnable puisqu'il y a antagonisme avec l'amour envers Dieu (1 Jn. 2. 15). Ne perdons pas de vue que cet antagonisme n'est autre que celui qui oppose la lumière aux ténèbres.

Jésus-Christ est venu sur cette terre ayant en lui le signe de la contradiction pour clouer à la croix la condamnation des hommes de foi repentant, pardonner leurs péchés et les rendre à la vie. Cette mission sublime, il l'a accomplie comme prophète, par sa parole, et comme souverain-sacrificateur qu'il est toujours. Ne pas rester avec lui du même côté de la contradiction aboutit à le contredire et à révoquer son oeuvre. L'insistance sur cet aspect essentiel de la rédemption bien souvent oublié est actuellement et particulièrement opportune. Si, dans le cours d'une vie chrétienne, l'on n'a pas Jésus-Christ comme Souverain-sacrificateur, on ne l'aura jamais comme Roi.


CE QU'EST LA LOI

L'Eglise est le peuple de Dieu acquis. De même que Jésus a dit : "Mon royaume n'est pas de ce monde", son peuple peut dire que sa patrie n'est pas en ce monde. Cependant il en a une ailleurs :
"Mais notre cité à nous est dans les cieux d'où nous attendons aussi comme Sauveur le Seigneur Jésus-Christ. " (Ph. 3. 20)

Dès maintenant, le coeur du vrai chrétien s'affectionne aux biens d'en haut, et il aspire à son héritage éternel. Sa patrie se situe dans les cieux où sa vie est cachée avec Christ en Dieu. Il n'a donc ici-bas ni pays, ni capitale. Cependant, il possède une loi. Quelle est cette loi ? Selon une vue générale, on peut l'appeler "la loi de Christ" comme Paul, ou bien "la loi parfaite", la "loi de liberté", "la loi royale", comme Jacques. Ces désignations ont beaucoup d'intérêt en ce qu'elles qualifient comme il convient l'ensemble des enseignements auxquels les fidèles ont à faire face pour se conduire selon la foi et pour se juger eux-mêmes. Elles englobent à cet égard tout le Nouveau Testament, ainsi que les prescriptions de l'Ancien Testament qui s'accordent avec lui (en dehors de ce qui est particulier à Israël).

L'accord entre les deux testaments a pour évidence le fait que le Seigneur Jésus et les auteurs du Nouveau Testament ont puisé dans l'ancien beaucoup de citations, des expressions et des analogies. En somme, la loi parfaite est une loi sans faille constituant les bases d'une obéissance parfaite, par la force d'un amour lui-même parfait. L'appellation "loi de Christ" (Gal. 6. 2) lui convient aussi, de même celle de "loi de liberté" puisque son observation fidèle incombe à l'amour que rien ne peut contraindre. Quant à la désignation "loi royale" elle se justifie aisément puisqu'elle est attribuée au commandement qui renferme tous les autres et les domine (Gal. 5. 14).

Comment faut-il interpréter la démonstration de l'apôtre Paul opposant la situation dite "sous la loi" à celle dite "sous la grâce" ? (par exemple : Ro. 6. 15 et 7. 6). Ces situations diffèrent entre elles en ce que, dans la première, celle où se trouvait le peuple d'Israël, l'obéissance à tous les commandements était seule susceptible de procurer la faveur de Dieu, tandis que dans la seconde, c'est la foi en Jésus-Christ qui donne accès au salut éternel au moyen de la grâce apportant au pécheur repenti le pardon de ses péchés, la justification et la sanctification. De plus, la présence de l'Esprit en l'homme justifié par grâce lui communique une puissance de vie capable de surmonter celle du péché et de la mort :
"Ainsi vous-mêmes, regardez-vous comme morts au péché et comme vivants pour Dieu en Jésus-Christ. " (Ro. 6. 11)

La loi de Moïse était impuissante à justifier le pécheur ; son office consistait à le rendre conscient de son péché. L'apôtre Paul le dit de la manière suivante : "Je n'ai connu le péché que par la loi" (Ro. 7. 7) ; et aussi : "Sachez donc hommes frères, que c'est par lui (le Christ) que le pardon des péchés vous est annoncé, et que quiconque croit est justifié par lui de toutes les choses dont vous ne pouviez être justifiés par la loi de Moïse" (Ac. 13. 38-39).

La loi par elle-même est bonne et sainte (Ro. 7. 12 et 16), et nous ne pouvons avoir que de sages raisons de nous référer aux dix commandements ainsi qu'aux très nombreux exemples de ce qu'il ne faut pas faire ou faire, et aux enseignements divers qui contribuent à notre édification. Le principe actif de la loi parfaite consiste à saisir tout élément de la parole de Dieu comme nourriture, afin de grandir dans les voies de l'amour.


LE SERMON SUR LA MONTAGNE

Dans le sermon sur la montagne, Jésus déclare que, loin de prétendre abroger la loi ou les prophètes, il vient l'accomplir sans en supprimer le plus petit trait de lettre (Mat. 5. 17-18).

Comment le Seigneur a-t-il fait cet accomplissement ? De trois manières :

1°- En vivant dans le parfait respect de tous les commandements, sans jamais en enfreindre un seul. Ce fut l'accomplissement personnel.

2°- En révélant la portée véritable des commandements, au-delà de l'observation traditionnelle et seulement extérieure des conceptions juives. En montrant que l'accomplissement des commandements devait réaliser une justice bien supérieure à celle des scribes et des pharisiens, condition pour entrer dans le Royaume des cieux. Les commandements vraiment observés aboutissent à établir la justice de Dieu.

3°- En réalisant parfaitement la mission que le Père lui avait confiée, et que la loi et les prophètes ont révélée, soit prophétiquement, soit de façon figurée par les sacrifices et les modalités du sacerdoce. En apportant à Israël d'abord, puis à tous les hommes l'Alliance nouvelle fondée sur l'offrande de sa vie.

Au moment où il allait rendre l'esprit, Jésus a prononcé cette parole "tout est accompli" (Jn. 19. 30).
Le discours de Jésus sur l'accomplissement de la loi est des prophètes se complète d'un grave avertissement à l'adresse de quiconque se donnerait la liberté de supprimer "l'un de ces plus petits commandements" et d'enseigner les autres à l'imiter. Celui-là serait appelé "le plus petit dans le royaume des cieux" (Mat. 5. 19).

En conséquence, la volonté de Dieu révélée en toute sa parole appelle un accomplissement sous tous ses aspects, sans qu'un seul en soit volontairement omis. Aujourd'hui prend-on réellement à coeur cet avertissement ? S'applique-t-on scrupuleusement à le suivre ? Que chacun se pose cette question, car négativement, la fidélité serait en défaut. Mais ceux qui ont pour Dieu un amour profond ne peuvent rien supprimer de la parole de Dieu ; s'ils le faisaient, leur conscience en souffrirait.


L'ÉVENTAIL DE LA LOI PARFAITE

"Donne-moi l'intelligence pour que je garde ta loi et que je l'observe de tout mon coeur. " (Ps. 119. 34)
La loi connue à la lumière de l'intelligence d'en haut, voilà ce que Jésus montre ensuite au moyen de quelques exemples, tout au long des versets 33 à 48 du chapitre 5 de Matthieu. Quel beau sujet de méditation ! Pour étendre la portée des commandements qu'il choisit jusqu'à leur juste accomplissement, Jésus emploie six fois l'expression charnière :
"Mais moi je vous dis...". Avant, le commandement est cité ; après, il est interprété selon la conception qu'il convient de lui accorder.

"Tu ne tueras point".
Est-ce seulement la défense de commettre un meurtre ? Non pas ; la colère ou l'injure envers un frère en sont également coupables. Bien plus, dans les prolongements de ce commandement, un différend non réglé avec un frère en constituerait l'inobservation. Préalablement à tout acte de piété, il importerait d'aller bien vite se réconcilier avec ce frère. S'approcher de Dieu en laissant en suspens une mésentente ou une rupture d'amitié avec un frère serait chose contraire au commandement et offenserait Dieu.

S'agirait-il encore des torts qu'un croyant aurait à l'égard d'un adversaire, il faudrait qu'il recherche un règlement au plus vite, et à cela, le commandement lui fait obligation morale. L'apôtre Paul y revient en disant :
"s'il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes. " (Ro. 12. 18).

Ce premier exemple montre que, comme Paul le dit (Ro. 7. 6), les fidèles de l'Eglise servent Dieu dans un esprit nouveau, et non plus seulement dans la limite du sens littéral de l'Écriture, auquel on a souvent le tort de s'arrêter. Un seul commandement balaie loin de sa signification première et il alerte la conscience chrétienne dans un large rayon autour de lui. Il concourt ainsi à parfaire la sainteté de la vie. Telle est la volonté de Dieu.

"Tu ne commettras point d'adultère. " (Mat. 5. 27-32)
Faudrait-il ne voir comme interdit que l'acte d'adultère lui-même ? Impossible déclare le Seigneur, car, convoiter une femme tombe sous la même rigueur que l'acte lui-même. En effet, Dieu regarde au coeur.

En parlant de l'oeil droit qu'il y aurait intérêt à arracher, et de la main droite à couper pour les jeter au loin avec horreur, le Seigneur use de deux images marquant l'intransigeance du conseil donné. Ces amputations figurées ont pour objet de montrer que si l'on veut conserver la grâce du salut, il ne faut pas hésiter à rompre catégoriquement avec des entraînements susceptibles de provoquer une chute grave aux conséquences irréversibles (être jeté dans la géhenne).

Il faudrait alors accepter des déchirements douloureux en rompant net avec la dure emprise d'une tentation, plutôt que d'encourir le risque de se perdre ; d'une tentation ou d'un attachement. Le jeune homme riche qui accourut vers Jésus pour lui demander comment hériter la vie éternelle s'en retourna tout triste car il ne put consentir à se séparer des grands biens qu'il possédait (Marc 10. 17-22). Il lui fut dur "d'arracher son oeil droit" ou de "couper sa main droite".

"Que celui qui répudie sa femme lui donne une lettre de divorce" (Mat. 5. 31-32).
Ici le Seigneur revient sur la liberté que cette prescription accordait à un homme de répudier sa femme à condition qu'il lui remette une lettre de divorce, et il y substitue une toute autre disposition sauvegardant le lien matrimonial.

Il interviendra à nouveau sur cette importante question au chapitre 19. 3-12, et il dira pourquoi il rejette toute répudiation en dehors du cas d'infidélité. "Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a joint".

"Tu ne te parjureras point" (Lev. 19. 12).
Le terme "parjure" désigne le fait de jurer faussement ; mais le Seigneur déclare qu'il ne faut pas jurer du tout, et, par conséquent n'avoir aucun recours aux objets sur lesquels les juifs appuyaient leurs serments en jurant : le ciel, la terre, Jérusalem... etc.

L'Ancien Testament porte des dispositions qui validaient le serment, comme celle-ci : "Tu craindras l'Éternel ton Dieu, tu le serviras et tu jureras par son nom" (Deut. 6. 13), ou cette autre : "Si tu jures l'Éternel est vivant ! Avec vérité, avec droiture et avec justice, alors les nations seront bénies en lui, et se glorifieront en lui" (Jér. 4. 2).

Avant tout, le Seigneur entend prohiber les habitudes d'un langage où l'on jure à tout propos, bien inutilement. Le verset 37 : "Que votre parole soit oui, oui, non, non ; ce qu'on y ajoute vient du malin" accrédite cette intention. En effet, le Seigneur recommande ainsi la sobriété en paroles, et il semble dire : pourquoi prétendre appuyer vos affirmations en jurant ; elles devraient suffire par elles-mêmes ; le oui ou le non que l'on prononce devrait avoir le même poids qu'un serment fait en jurant.

Notons que l'apôtre Paul n'a pas retenu de ce quatrième exemple l'interdiction formelle du serment ou de ce qui en approche, ainsi que les textes suivants le montrent : "Dieu que je sers en mon esprit dans l'Évangile de son Fils m'est témoin que je fais sans cesse mention de vous" (Ro. 1. 9) ; "Je prends Dieu à témoin sur mon âme, que c'est pour vous épargner que je ne suis plus allé à Corinthe" (2 Cor. 1. 23) (ici Paul engage Dieu et sa propre personne) ; "Dans ce que je vous écris, voici, devant Dieu, je ne mens point" (Gal. 1. 20).

Cependant, par la suite, la pratique du serment qui engage Dieu a disparu de l'Eglise et, de façon plus générale, nous pouvons dire que le Seigneur accorde attention aux paroles que nous prononçons, nous invitant à les peser afin d'en châtier tout ce qui serait vain et non vrai. Il a dit, en effet :
"Je vous le dis : au jour du jugement, les hommes rendront compte de toute parole vaine qu'ils auront proférée, car par tes paroles tu seras justifié, et par tes paroles tu seras condamné. " (Mat. 12. 36-37)

Si l'on se souvient que les paroles de l'Éternel sont des paroles pures (Ps. 12. 7), comment celles d'un homme consacré seraient-elles impures ou excessives ? À nous d'y veiller attentivement. Voici un autre avertissement : "Celui qui parle beaucoup ne manque pas de pécher, mais celui qui retient ses lèvres est un homme prudent. " (Pro. 10. 19)

"Oeil pour oeil et dent pour dent" (Mat. 5. 38-42).
C'est ce qu'on appelle la loi du talion. La loi de Moïse ajoute : "main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, blessure pour blessure, meurtrissure pour meurtrissure" (Ex. 21. 24-25), puis : "fracture pour fracture. À celui qui blesse son prochain, il lui sera fait comme il a fait" (Lév. 24. 20).

"Mais moi je vous dis... " Jésus n'a pas à étendre ; tout au contraire, il renverse ce principe de la réciproque, et, à sa place, il introduit les effets du commandement d'amour. Avec un coeur nouveau, le disciple du Maître a de toutes autres réactions lorsqu'on le frappe, qu'on veut le dépouiller, ou qu'on exige de lui une assistance ou un prêt d'argent. Que fait-il ? Il cède ou consent. Cependant, ne va-t-il pas encourager la méchanceté, le mal ou les abus ? Répondons à cela sur le terrain de la foi, et disons que le Christ n'abandonne pas celui qui l'écoute et le suit. La fidélité de ce dernier va mettre en oeuvre le témoignage de l'amour et sa puissance, si bien que le vindicatif se trouvera soudain désarmé et que cet amour percera son coeur. À ce moment-là, l'Esprit saint pourra même le convaincre de péché.

De tels enseignements du Seigneur ne se raisonnent pas ; ils appartiennent à l'Évangile qui manifeste toujours la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit et ils ont le domaine de l'Esprit pour cadre d'action. Bien sûr, s'ils donnaient lieu à une pratique systématique, provocatrice ou abusive, un sage discernement en dévoilerait l'intention et leur mise en accomplissement pourrait être modulée en conséquence. Nous pensons notamment à des demandes d'argent cupides et réitérées ainsi que nous l'avons vu quelquefois, et qui, si elles étaient satisfaites ne contribueraient qu'à contenter l'esprit de lucre des demandeurs pour leur perte.

"Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi" (Mat. 5. 43-48).
La seconde partie de cette citation ne figure pas dans l'Ancien Testament ; elle vient d'une tradition pharisaïque qui s'était implantée. Cette tradition ne suivait toutefois pas la loi écrite qui, au contraire, engageait l'israélite à assister son ennemi (Ex. 23. 4-5 ; Pro. 25. 21-22). "Mais moi je vous dis... " Jésus conduit son Église à ne conserver que la première partie de la citation. Ses fidèles aimeront leurs ennemis dans les mêmes termes que le prochain, même si ceux-ci les maltraitent ou les persécutent. Et c'est en raison de cet amour qu'ils leur feront du bien et les présenteront à Dieu dans leurs prières. Ils seront ainsi dans les vraies dispositions de coeur des fils du Père céleste : "afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux".

Lui-même, le Dieu puissant n'opère aucune séparation entre les méchants et les bons, ou les justes et les injustes en ce qui concerne la lumière du soleil et l'eau de la pluie dont tous ont besoin pour tirer leur nourriture du sol.
Mais voilà, selon le défaut commun à beaucoup : l'amitié et la considération sont réservées à ceux dont on les reçoit, et dont on apprécie la serviabilité. Ce sont ceux-là qu'on aime. Seulement, cette amitié conditionnée ne possède aucune valeur au jugement de Dieu ; elle laisse apparaître l'égoïsme de la nature humaine. Pour un accomplissement du commandement d'aimer qui plaise à Dieu, le disciple du Christ aimera ses ennemis autant que ses amis, et il manifestera son empressement généreux envers tous sans distinction, porté à cela par les dispositions de son coeur régénéré par grâce.

Pour nous exhorter, le Seigneur nous invite à être parfaits comme notre Père céleste est parfait, ce qui nous apprend que l'observation profonde du commandement d'aimer peut élever notre niveau spirituel jusqu'à supporter ce parallèle avec la perfection de notre Dieu. Quel puissant encouragement ! Et puis, cette parole de Jésus nous dit encore qu'il faut regarder haut et prendre pour but ce qui nous paraît inaccessible maintenant, et qui est le but que Dieu nous propose. Lors de la naissance du Seigneur Jésus, les mages se sont laissé guider par une étoile qu'ils n'ont pas atteinte, et qui marchait devant eux afin qu'ils ne manquent pas de bien suivre leur route.


RECOMMANDATIONS DU SEIGNEUR

Les discours du Seigneur qui occupent les chapitres 6 et 7 de l'Évangile de Matthieu présentent le caractère de recommandations plutôt que celui de lois ou de prescriptions. Ils n'en sont pas moins précieux et contraignants en vue de la vie de sainteté. Regardons-les comme s'intégrant dans les instructions que mentionne le verset 29 du chapitre 11 :
"Prenez mon joug sur vous et recevez mes instructions... ", ce que les versions plus récentes que celle de Segond traduisent : "Mettez-vous à mon école... " (Jérusalem, TOB, Semeur), ou bien encore : "Laissez-moi vous instruire... " (BFC).

Que va-t-on apprendre à l'école du Seigneur ? Nous apprenons tout simplement à mettre la justice en pratique dans l'esprit même de cette justice. La justice ! le grand ordre de Dieu que Jésus est venu établir dans les coeurs, dans le déroulement des vies, dans nos relations avec Dieu, dans les relations entre hommes, et bientôt, comme nous l'avons vu, sur toute la terre où le Seigneur Jésus régnera.

Sans cesse nous voulons nous redire qu'ayant été justifiés et transformés en notre être intérieur, nous avons pour pressante consigne de revêtir l'homme nouveau (Eph. 4. 24). En quoi cet homme est-il nouveau ? D'abord parce qu'il a été créé selon Dieu, par l'oeuvre de Jésus-Christ ; ensuite, ses caractères se nomment : justice et sainteté, et proviennent de la vérité. Il faut que le vrai chrétien soit devenu cet homme-là, et qu'il puisse ainsi mener une vie juste et sainte. Voilà ce que l'on apprend à l'école du Maître doux et humble de coeur. Ses leçons se poursuivent au cours des chapitres 6 et 7.

C'est après les grands bienfaits de cet enseignement que soupirait le psalmiste d'autrefois :
"Enseigne-moi tes statuts. Fais-moi comprendre la voie de tes ordonnances, et je méditerai sur tes merveilles. " (Ps. 119. 26-27) "Je choisis la voie de la vérité, et je place tes lois sous mes yeux" (v.30) "Je cours dans la voie de tes ordonnances, car tu élargis mon coeur" (v.32).

Le psalmiste désire être enseigné quant au bon sens et à l'intelligence des voies de Dieu, car elles font ses délices et il les aime. Jésus-Christ a pleinement exaucé les aspirations de cette nature.

Avant tout, veut nous dire le Seigneur, il faut de la vérité en toutes vos actions ou vos attitudes, et jamais la moindre ostentation, jamais céder à l'envie de paraître saint, fort, sage, devant les autres, alors qu'on a seulement besoin de le devenir. Les bonnes oeuvres très appréciées de Dieu, les secours donnés ou les prières devront s'entourer de discrétion, en évitant soigneusement de s'en prévaloir et en repoussant toute velléité d'orgueil. Un coeur droit et confiant cachera ce qu'il entend faire (et ce qu'il a fait) pour honorer Dieu et lui plaire.

En cédant à la tentation de montrer ou de faire savoir à d'autres avec quel zèle nous nous appliquons à la prière et aux bonnes oeuvres, que ferions-nous sinon rechercher la considération de notre entourage sur nos mérites. L'homme naturel voudrait ainsi s'accorder une satisfaction impie et une fausse gloire. L'on nous dit quelquefois que tel homme de Dieu consacre 2 ou 3 heures ou davantage dans la prière chaque jour, et l'on pense augmenter sa renommée de cette manière. Non ! En vérité, seul l'exercice apprécié de son ministère aura de la valeur par la richesse du conseil de Dieu.
En outre, toute ostentation appelle sur soi le redoutable qualificatif d'hypocrite (6. 5) qui ne saurait convenir à celui qui veut rester humble et vrai.

Quand on prétend mettre en évidence sa propre fidélité, on ne peut pas manquer de tomber dans l'hypocrisie puisqu'on l'amplifie et la déforme, ce que nous n'oserions pas faire devant Dieu.

"En priant ne multipliez pas de vaines paroles comme les païens... " (6. 7-8) dit aussi le Seigneur. De telles paroles ont d'abord le tort d'être vaines, puis, celui de leur inutile redite, et enfin, celui d'avoir les païens pour modèle du genre. Elles sont vaines en ce qu'elles ne correspondent à aucun besoin réel et ne sont aucunement susceptibles d'exaucement. Ce sont des "paroles en l'air". La prière du chrétien s'écarte donc de ces défauts et, avant tout, elle doit monter d'un coeur rempli de foi et de connaissance, qui connaît bien ses besoins, éclairé par l'Esprit, connaissant aussi les besoins de sa communauté et dont la volonté rejoint celle de Dieu devant les luttes à soutenir.

On peut avoir des dispositions naturelles d'élocution et se sentir capable d'une certaine abondance dans la prière, voire même charmer les oreilles d'alentour, et pourtant ne rien faire monter vers le ciel qui puisse contribuer au bien de l'Eglise ou de soi-même. Il ne faut pas hésiter à tarir le flot des prières inefficaces. À titre d'exemple, on raconte parfois qu'un pasteur se voyait obligé d'annoncer le chant d'un cantique en disant : pendant ce chant notre frère pourra terminer sa prière. Il devait s'agir de quelqu'un qui était connu pour ses prières interminables. La sobriété et l'objectivité sont aussi de mise en prière. Par contre, certains sujets de prière auront à être repris de jour en jour parce qu'ils possèdent une valeur particulièrement grande, et qu'ils correspondent à un besoin constant des membres de l'Eglise. Ce sont alors des prières de soutien ; elles reçoivent leur exaucement, mais sont toujours utiles. Il en est ainsi de la prière de Paul au chapitre 1er des Colossiens (9-11). L'apôtre dit d'ailleurs : "nous ne cessons de prier Dieu pour vous et de demander que vous soyez remplis de la connaissance... "

"Voici donc comment vous devez prier : " Le Seigneur propose un modèle de prière non pas afin que nous en fassions le "par coeur" à répéter chaque jour, mais pour nous apprendre à prier, comme les apôtres l'avaient d'ailleurs demandé : "enseigne-nous à prier, comme Jean l'a enseigné à ses disciples" (Luc 11. 1). La brièveté et la concision de ce modèle ne signifient pas qu'il faudra strictement les imiter. Un modèle ne pouvait qu'être court. Malgré cela, il contient d'importantes ressources propres à nourrir nos prières.

Quelles en sont les pensées essentielles ?

- "Notre Père qui es aux cieux !" Ce nom donné à Dieu exprime beaucoup de choses :

a) - la relation avec Dieu étant celle de fils aimant leur Père, le chrétien doit se savoir dans sa condition nouvelle d'enfant de Dieu ; sa pensée s'attachant à cette glorieuse vérité.
b) - la réconciliation a donc son plein effet, et il n'y a plus d'ombre entre le Père et ses fils. L'épître aux Hébreux nous certifie que nous avons une "libre entrée dans le sanctuaire par la route nouvelle et vivante qu'il a inaugurée pour nous au travers du voile, c'est-à-dire de sa chair... "
c) - Il doit nous être aisé d'apporter à Dieu toute notre confiance ainsi que notre soumission. Elles ne souffrent aucune restriction.
d) - l'attente certaine de l'exaucement, car Jésus a rappelé que le Père céleste ne refuse rien à ses enfants (Luc 11. 10-13).

- "Que ton nom soit sanctifié. " Par ce voeu et cette demande l'Eglise désire et demande que tous les hommes en arrivent à connaître, à craindre le Nom (c'est-à-dire la Personne) de Dieu jusqu'à s'humilier devant lui. À plus forte raison, les membres de l'Eglise seront-ils pénétrés de la grandeur infinie de Dieu, de sa sainteté absolue, au point que leurs paroles ou leurs chants soient toujours emprunts de la crainte de l'Éternel, et qu'ils sachent la transmettre par leur témoignage.

- "Que ton règne vienne ; que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. " Le règne de Dieu s'établit maintenant dans les coeurs des croyants, où il apporte justice, paix et joie par le Saint-Esprit (Ro. 14. 17). Mais la prière de l'Eglise appelle son extension parmi les hommes ainsi que l'accroissement de sa puissance avec, pour perspective, la venue du règne de Christ annoncé et désiré.

Parallèlement, l'observation de la volonté divine s'étendant à l'humanité au gré de l'action de l'Eglise, puis, au temps marqué, sur la terre entière, fait l'objet d'une constante prière. L'accomplissement de la volonté de Dieu se généralisera sur la terre, la mettant alors sur le même plan que le ciel à cet égard. Ce sera l'état de justice en lequel la vie s'épanouit. Bénissons Dieu à l'avance, comme le psalmiste l'a fait :
"L'Éternel a établi son trône dans les cieux, et son règne domine sur toutes choses. Bénissez l'Éternel vous ses anges, qui êtes puissants en force et qui exécutez ses ordres, en obéissant à la voix de sa parole ! Bénissez l'Éternel vous toutes ses armées, qui êtes ses serviteurs, et qui faites sa volonté ! Bénissez l'Éternel vous toutes ses oeuvres, dans les lieux de sa domination ! Mon âme bénis l'Éternel !"

- "Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien" Les hommes oublient que sans un Dieu et sans sa miséricorde, la famine sévirait partout, comme en certaines régions aujourd'hui. L'Eglise demande ce qu'elle sait que son Père céleste veut lui donner. Le Christ donne le "pain de vie" descendu du ciel à ceux qui croient en lui, mais les besoins en nourriture de la vie physique font également l'objet de la miséricorde divine, comme il l'affirme dans ce chapitre 6 (v. 33) :
"Cherchez premièrement le royaume et la justice de Dieu, et toutes choses vous seront données par-dessus. "

Remarquons que le Seigneur nous fait demander au pluriel : "donne-nous" et non pas "donne-moi". C'est là la bonne orientation que toutes nos prières ont à prendre, afin que chaque membre de l'Eglise demande pour les autres ce qu'il désire pour lui-même, dans l'esprit d'union fraternelle.

- "Pardonne-nous nos offenses... " Cette partie de la prière modèle montre que le besoin de pardon de Dieu se renouvelle tout au long de la vie chrétienne, parce que, malheureusement, les offenses, elles aussi, se renouvellent. Elle nous montre encore qu'il ne faudrait pas poursuivre notre marche à travers le temps en négligeant le recours à la grâce de Dieu pour effacer les péchés du chemin parcouru. Que la recommandation de l'apôtre Jean ne quitte pas notre pensée :
"Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner. "

Si nous savons nous juger, nous serons poussés à le faire sans tarder, et surtout, si nous souffrons de nos péchés. Le pardon de Dieu ne nous fera pas défaut, ainsi que le Seigneur nous en donne l'assurance. Toutefois une importante condition s'interpose, et elle est très insistante dans la parole de Dieu : il faut que nous pardonnions, nous aussi, aux autres, qu'ils soient ou non nos frères.

- "Ne nous induis pas en tentation, mais délivre-nous du malin".
Il est utile de relire 1 Corinthiens 10. 13, où nous avons comme le commentaire de la demande ci-dessus. Ce texte nous assure que toute tentation quelle qu'elle soit reste toujours dans des limites humainement supportables, et, en conséquence, le disciple de Christ doit pouvoir lui résister, d'autant mieux qu'il sera soutenu et assisté par la grâce de Dieu. L'homme aura sa part dans cette résistance, car il faut qu'il apprenne à lutter, mais Dieu lui aura tracé le chemin de sa victoire.

Reprenons : "... mais délivre-nous du malin" (ou du mal). En Matthieu les deux termes sont possibles (malin ou mal) ; le malin est le tentateur qui suggère le mal et pousse à lui faire accueil.

Cependant, à l'avance, l'Eglise prie afin que lui soient épargnées les épreuves qui par leur répétition et leur charge aboutiraient à entraver sa marche et les progrès de ses membres, puisque l'ennemi s'en servirait à tout moment. Elle demande même à être délivrée du mal en général, à savoir de la puissance avec laquelle le mal occasionne des maux souvent très lourds, et, d'autre part, gagne les hommes de proche en proche, si bien que l'Eglise a besoin d'une protection. Dans la prière sacerdotale, Jésus a présenté à son Père la requête suivante : "Je ne te prie pas de les ôter du monde, mais de les préserver du mal. " (Jn. 17. 15)


LE MAL

Attardons-nous un peu à réfléchir sur le mal, oeuvre du malin, le tentateur. Avant la chute de ce dernier, le mal n'existait pas et le bien constituait l'état normal de toutes les pensées et de tous les actes ; on ne lui connaissait pas de contraire. On ne supposait même pas qu'il pût exister ; nous disons cela d'Adam et Eve avant qu'ils n'aient mangé du fruit de l'arbre de la connaissance du bien et du mal (temps peut-être assez court). Le mal a donc pour origine un nouvel état de fait engendré par la révolte de Satan contre la justice de Dieu, c'est-à-dire contre le grand ordre dont Dieu s'entoure, et dont il avait entouré sa création.

Pratiquement, les hommes savent bien ce qu'est le mal ; ils le subissent et y contribuent en conséquence de leur état de péché où Satan les a introduits, ainsi que par leur refus de se soumettre à Dieu (refus et impossibilité). On ne contient pas le mal ni sa puissance de destruction, de désordre et, en définitive, de mort. On ne contient pas davantage cette frénésie qu'il communique à tant d'humains, les poussant à aller toujours plus loin dans le renversement de l'ordre et de la vie normale et pure. C'est pourquoi le Seigneur a vu d'avance l'iniquité s'accroître à la fin des temps où nous sommes parvenus (Mat. 24. 12).

La vie donnée par Dieu à ses créatures humaines ne peut subsister dans une atmosphère morale autre que celle résultant de la justice divine, qu'il convient de considérer comme le règne de la "loi parfaite". Peut-on vivre sans l'air que l'on respire ? Pourrait-on vivre sur une planète dont l'atmosphère ne contient pas d'oxygène ? De plus, quand en quelque ville ou région de notre terre actuelle l'atmosphère est atteinte par une pollution excessive, les maladies se développent et la mort prématurée survient. Il en est de même quand l'iniquité, le contraire de la justice de Dieu, pénètre la société.

Voyons le mal à la lumière de la parole de Dieu ; il y apparaît comme un "contraire". Il ne se borne pas à être conçu, imaginé, résolu, il agit à l'opposé des lois de la justice de Dieu. Quand il a élu domicile dans le coeur de l'homme, il engendre le péché, comme le Seigneur l'a montré :
"C'est du coeur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les adultères, les impudicités, les vols, les faux-témoignages, les calomnies. Voilà les choses qui souillent l'homme... " (Mat. 15. 19-20)

Dans le développement de ses conséquences, le mal va toujours plus loin, rien ne l'arrête, il va jusqu'à ce qu'il ait tout détruit. Le déluge en a fourni un exemple caractéristique, et la Genèse en indique la cause :
"L'Éternel vit que la méchanceté des hommes était grande sur la terre, et que toutes les pensées de leur coeur se portaient chaque jour uniquement vers le mal. " (6. 5).

De même le péché de Sodome et de Gomorrhe étant "énorme", ces villes furent détruites. Certes, ce fut bien l'Éternel qui fit ces destructions, mais il devança celles qui seraient intervenues d'elles-mêmes, et il le fit en vue de conserver l'humanité pour la conduire jusqu'à ce que s'ouvre la voie du salut éternel. Si actuellement, Dieu laissait aller le cours des événements, la destruction de l'humanité et de la terre en seraient l'aboutissement ; notre société le sait bien comme le montre le film d'anticipation sur le désastre résultant d'une guerre atomique. L'actualité se charge des plus grands risques d'extinction de la vie en raison des maladies en recrudescence ou nouvelles comme le sida, ou des conséquences qu'engendrent les pollutions de tous ordres, ou encore de la désertification en progression et de la destruction des forêts. La Bible n'ignore pas ces fléaux ; elle les a mentionnés en des temps où ils étaient encore bien loin d'apparaître. Aujourd'hui, nous les constatons et sommes impuissants à les conjurer. Comme dans les situations compromises d'autrefois, Dieu interviendra bientôt. L'Évangile de Matthieu nous en dit la raison :
"Vraiment, si le Seigneur n'avait pas décidé de réduire le nombre de ces jours, personne n'en réchapperait, mais à cause de ceux qu'il a choisis, il abrégera ce temps de calamité. " (Mat. 24. 21 - Bible du semeur)

Le prophète Esaïe a vu prophétiquement cette pente fatale sur laquelle glisse notre terre et notre monde :
"La terre se déchire et se fissure, elle vacille, elle oscille et titube, pareille à un ivrogne, et elle est ébranlée tout comme une cabane, car le poids de son crime pèse sur elle. Elle tombe et jamais ne se relèvera. " (24. 19-20 - Bible du semeur)

Nous avons vu que la terre serait réduite en un sinistre désert, et que, à son avènement, le Seigneur Jésus-Christ lui apportera un nouvel engendrement.

L'Écriture met en confrontation le bien et le mal. Elle le fait déjà en mentionnant l'arbre caractéristique du jardin d'Eden, où, sur l'instigation du serpent, Adam et Eve ont obtenu sans droit la connaissance du bien et du mal, alors qu'auparavant, le bien seul leur était connu ; mais cette connaissance usurpée s'est traduite en pratique du mal. Parlant pour tous, l'apôtre Paul en fait le tragique constat :
"Quand je veux faire le bien, le mal est attaché à moi. Je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas. Je vois dans mes membres une autre loi qui lutte contre la loi de mon entendement, et qui me rend captif de la loi du péché qui est dans mes membres. " (Ro. 7. 19-23)

Le bien et le mal sont des "contraires", le premier est en faveur de la vie, le second produit la mort. L'Éternel l'avait dit à Israël :
"Voici, je mets devant toi la vie et le bien, la mort et le mal" (Deut. 30. 15).

Pour choisir la vie, il faut choisir le bien, ou, autrement dit, la pratique de la justice de Dieu.
Cependant l'homme, dans la perversité de son coeur est allé jusqu'à inverser le mal et le bien, regardant le mal comme un bien et le bien comme un mal. (Es. 5. 20). Cette triste aberration du coeur humain a traversé le temps et atteint notre génération, où elle s'est érigée en règle. Les chefs d'Israël eux-mêmes ont encouru ce grave reproche :

"Vous haïssez le bien et vous aimez le mal" (Mich. 3. 2). C'est hélas ce qu'on ne peut s'empêcher de penser aujourd'hui de ceux qui libéralisent l'homosexualité ou l'avortement, par exemple. Le pouvoir du mal en l'homme et l'impossibilité pour lui de s'y soustraire projettent une vive lumière sur l'impérieuse nécessité d'une voie de salut.
"Misérable que je suis ! Qui me délivrera du corps de cette mort ? Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ notre Seigneur !" (Ro. 7. 24).

Dieu ne crée pas pour la mort ; il avait donc créé l'homme pour la vie éternelle, mais la connaissance du bienet du mal a dirigé son destin vers la mort. Il devint "l'homme charnel" ou "psychique" ayant le mal en lui et se trouvant alors enchaîné au péché. Comment l'Éternel allait-il le délivrer de cette situation irréversible ? Pour une telle délivrance qui, partie de Dieu devait s'accomplir en plein coeur de l'humanité, il fallait qu'un Sauveur sorti de Dieu soit envoyé sur la terre, paraissant comme un simple homme et vint expier le péché de tous les hommes, se rendant aussi vainqueur du mal et du malin. Ce Sauveur a de plus créé en lui-même l'homme nouveau pour que ses disciples en soient revêtus, car cette personnalité nouvelle n'est pas captive de la puissance du péché et de la mort et le mal ne la domine pas ; elle hérite la vie éternelle.

Nous supplions Dieu que personne dans son Église ne reste en arrière mais que tous les appelés saisissent la vie éternelle, et pour cela, deviennent "l'homme nouveau" auquel l'Écriture donne aussi le nom de Jésus-Christ : "Revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et n'ayez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises. " (Ro. 13. 14)

On ne saurait admettre que la marche du chrétien se déroule sous deux aspects. Le prophète Elie a caractérisé ce double comportement en ces termes : "Jusques à quand clocherez-vous des deux côtés ?" (1 Rois 18. 21) ; ce qui signifie : jusqu'à quand boiterez-vous des deux pieds ? On le dit quelquefois couramment : un pied dans le monde, un pied dans l'Eglise. L'apôtre Paul exprime ce défaut en un langage clair :
"Ne savez-vous pas qu'en vous mettant au service de quelqu'un comme esclaves pour lui obéir, vous êtes esclaves de celui à qui vous obéissez, soit du péché qui conduit à la mort, soit de l'obéissance qui conduit à la justice ?" (Ro. 6. 16 TOB) ; puis, au verset 18 : "libérés du péché, vous êtes devenus esclaves de la justice".

La position chrétienne implique un choix, un choix qui est fondamental et qu'il faut absolument maintenir avec vigilance et fermeté. Ce choix est celui d'une vie consacrée sous les directions de l'Esprit qui éclaire l'esprit du fidèle et son coeur. Il s'agit de vivre selon l'Esprit, mettant constamment en pratique l'Évangile, et de retirer tout pouvoir à l'homme naturel (la chair), de refuser d'entendre ses suggestions ou de céder à ses désirs. On ne peut pas vivre deux sortes de vies à la fois, ou servir deux maîtres. Le Seigneur n'agrée jamais le partage. Il n'en existe pas dans le ciel. Le temps presse, n'hésitons pas à nous examiner afin de rectifier notre conduite autant qu'il le faudra pour vivre entièrement la vie de l'Esprit, et à tout moment.




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