Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE 2

LES MYSTÈRES DU ROYAUME DE DIEU

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L'annonce du Royaume de Dieu charpente le Nouveau Testament. Jésus débute son ministère par cette proclamation "Repentez-vous car le Royaume des cieux est proche" (Mat. 4. 17) et, selon l'Évangile de Marc (1. 15) : "Le temps est accompli et le Royaume de Dieu est proche. Repentez-vous et croyez à la bonne nouvelle. " Il y a de cela presque vingt siècles ; que signifie : le Royaume de Dieu est proche ? Il est proche parce que Jésus entre dans son ministère, et que son oeuvre aura pour objectif d'annoncer le Royaume de Dieu, de l'enseigner et d'en ouvrir l'accès tant à sa génération qu'à toutes celles qui entendront l'appel de Dieu et y répondront.

Il n'y a pas lieu d'établir une différence entre le Royaume des cieux et le Royaume de Dieu ; les deux expressions interviennent dans des contextes équivalents. L'Évangile de Matthieu emploie surtout la première, tandis que Marc et Luc emploient la seconde. Le Royaume des cieux tient tout d'en haut, et le Royaume de Dieu a Dieu pour roi ; l'un et l'autre proclament le règne de Dieu qui va très bientôt s'exercer. (même mot en grec pour royaume et règne)

En entendant Jean Baptiste et Jésus annoncer le Royaume des cieux, personne parmi les auditeurs du moment ne demande qu'on précise immédiatement comment ce royaume va se présenter et s'ouvrir, car les juifs attendaient en effet un royaume (Luc 19. 11 ; Daniel 2. 44 et 7. 18).

Tout, dans l'enseignement de Jésus, a pour orientation le Royaume. Aux douze disciples qu'il envoie, ses instructions sont d'abord : "Allez, prêchez et dites : Le Royaume de Dieu est proche... " (Mat. 10. 7). À l'homme qui, avant de le suivre, voulait d'abord ensevelir son père, il lui dit : "Laisse les morts ensevelir les morts, et toi, va annoncer le Royaume de Dieu" (Luc 9. 59-60). La révélation qu'il apporte a trait au Royaume des cieux comme le montre cette parole : "Pourquoi leur parles-tu en paraboles ? Jésus leur répondit : parce qu'il vous a été donné de connaître les mystères du Royaume des cieux, et que cela ne leur a pas été donné. " (Mat. 13. 10-11) L'Eglise elle-même aura à prêcher la bonne nouvelle du Royaume jusqu'à la fin du temps qui lui sera imparti, (Mat. 24. 14 ; Ac. 19. 8 ; 20. 25). Cette prédication fait irruption en plein royaume de Satan. Celui-ci en affirme d'ailleurs la possession à la face même de Jésus : "Je te donnerai toute cette puissance et la gloire de ces royaumes ; car elle m'a été donnée et je la donne à qui je veux" (Luc 4. 6). Ayant triomphé d'Adam, Satan tient les êtres humains entravés, liés. Il ne cesse de s'opposer à l'extension du Royaume de Dieu, n'ayant pu empêcher la venue du Fils de Dieu. Il use des procédés les plus divers, et déploie une active stratégie. Par exemple il enlève la semence (la parole de Dieu), il sème l'ivraie dans le blé. Deux royaumes sont donc confrontés, si bien que le combat se poursuit à travers le plus grand nombre d'épisodes du Nouveau Testament. Cependant, la victoire appartiendra au Seigneur qui pourra dire : "Prenez courage, j'ai vaincu le monde" (Jean 16. 33), si bien que ses fidèles obtiendront, eux aussi, une victoire certaine sur le monde (1 Jn. 5. 3-5).

À l'époque où nous sommes parvenus, en cette fin du 20ème siècle, Satan est arrivé à renforcer son emprise sur le monde ainsi qu'à imposer son autorité au sein de certaines parties du christianisme. Un observateur averti écrivait récemment : "Ce que nous montre aujourd'hui le monde autour de nous, c'est la violence sans habillage, c'est l'horreur à l'état brut. De tout côté, parviennent, sous forme de dépêches, d'images, de reportages, de rapports, des nouvelles qui font frémir. On dirait que les hommes s'efforcent de prouver qu'ils n'ont pas besoin de systèmes universels pour se massacrer les uns les autres et qu'ils sont mauvais parce qu'ils sont des hommes. Tout pays où on ne se tue pas à grande échelle semble un pays béni… Voilà qu'en Bosnie-Herzégovine, les accusations de viol collectif auxquelles nous avions fait écho se précisent de plus en plus. On parle de 20.000 musulmanes violées. " (La chronique du temps qui passe ; Jean d'Ormesson - le Figaro-magazine du 16 Janvier 1993) Voici une autre analyse de l'état désastreux en lequel la société se retrouve aujourd'hui : "En parlant de l'effondrement du système chrétien, je ne mesure pas le déclin des pratiques religieuses, qui est, en lui-même sidérant. Je n'évoque pas non plus celui de la foi, qui peut, ici et là, reverdir avec ou sans le parrainage des Églises. Non, ce qui s'effondre, sans histoires, c'est un univers mental séculaire, un corps de croyances ou de préjugés qui s'imposait aux chrétiens comme aux non-chrétiens. Il définissait, par exemple, les principaux impératifs sociaux, inspirait notre "idée" biblique du travail, maintenait la solidité des mariages. Bref, il diffusait la morale dominante.

Ce modèle se décompose. Pourtant, ni la croyance en Dieu, ni même les Églises chrétiennes ne subissent aujourd'hui d'assauts critiques des pouvoirs intellectuels. Plus de Voltaire, plus de Homais ! Au contraire : la science n'est plus scientiste ; l'athéisme se tait, l'agnosticisme n'a plus de doctrinaires. En réalité, Le système chrétien s'engloutit, dirait-on, parce que toute la modernité, celle d'une société industrielle, consommatrice et urbanisée, plus cathodique que catholique, est vécue comme rétrécissant, étouffant chaque jour un peu plus les espaces du Dieu chrétien. Non par quelque extinction métaphysique du divin, mais par la lente décadence historique d'un ordre mental, moral et religieux. À peu près comme s'éteignit la civilisation antique devant, justement, le lent investissement du Dieu chrétien. "
(Claude Imbert - Le POINT, 17 Octobre 1992)

Nous assistons, en effet, à la décadence d'un ordre mental, moral et religieux. Au regard de la Bible, cet ordre n'est autre que celui sur lequel la vie des individus et celle de la société humaine devrait reposer pour subsister et il se nomme "justice de Dieu". Les Psaumes 89 et 97 mettent cet ordre en pleine lumière dans les termes suivants : "la justice et l'équité sont la base de ton trône", ce qui veut dire que le règne de Dieu doit sa perfection, sa pérennité, sa capacité à établir le bonheur et la paix parfaite au maintien de la justice éternelle, fondement indestructible de la vie véritable. Ainsi, la justice de Dieu est un ordre magistral et unique sur lequel et en lequel la vie peut rester elle-même en conservant toutes ses perfections. Bien entendu sur la terre des hommes pécheurs, elle a toujours été constamment bafouée, d'où la suite ininterrompue de malheurs et de désastres ; cependant, jusqu'au milieu du 20ème siècle approximativement, la morale chrétienne prévalait encore en occident, elle avait introduit ses principes dans la législation, n'étant pourtant qu'un modèle bien imparfait de la justice de Dieu. Depuis ce temps elle n'a cessé d'être battue en brèche pour, en définitive, se voir bannie à toujours. Comme nous l'avons remarqué, une autre "morale", c'est-à-dire des principes opposés lui ont été substitués ; or ceux-ci disposent aussi d'une puissance qui n'est plus celle de la conservation de la vie, mais de sa destruction.

C'est à un Royaume inébranlable que Dieu appelle les hommes qu'il absout de leurs péchés et qu'il revêt de la justice de son fils Jésus (Héb. 12. 28). C'est pourquoi l'Ecriture dit encore que "la justice délivre de la mort", qu'elle "conduit à la vie", qu'elle est à voir comme "un niveau", le seul capable de conserver à la vie son éclatante puissance et sa parfaite stabilité. Nous reviendrons sur ces considérations infiniment élevées ; auparavant, nous allons nous attarder encore un peu sur le spectacle de notre monde, à tous points de vue effroyable. Ce monde est le théâtre où les forces du mal se donnent maintenant libre carrière. Satan y exerce son autorité qu'il est parvenu à dégager des entraves qu'un christianisme fort pouvait opposer. On ne peut pas exactement parler d'une extinction comparable à celle des civilisations du passé, car c'est à un effondrement de ce que Claude Imbert appelle un "ordre mental, moral et religieux" que nous assistons. La prophétie biblique annonce que Dieu ébranlera les cieux et la terre, ainsi que toutes les nations (Aggée 2. 6-7 ; Héb. 12. 26), pour faire place aux "choses inébranlables" qui, elles seules, subsisteront.

Dans l'épître aux Colossiens, (1. 17), le fils de Dieu (fils de son amour) nous apparaît comme ayant existé avant toutes choses, et comme étant celui en lequel toutes choses subsistent. Toutefois, va-t-il continuer à soutenir la société humaine qui se détourne de lui et de l'Évangile ? Il l'a soutenue à travers toutes ses vicissitudes, afin qu'elle soit ensemencée par la parole pour le salut du plus grand nombre ; mais s'il retire son soutien, tout aussitôt Satan s'empresse de renforcer son oeuvre de subversion avec des moyens accrus. Prince de ce monde, il l'est toujours, et il le conduit au gré de sa volonté, à l'encontre de la justice de Dieu qu'il foule aux pieds. Il a amené la majorité des hommes à décrier la morale chrétienne et à l'évincer. Par contre, il a introduit la liberté débridée et exigeante de droits, à l'exclusion de tout devoir ; puis, de la recherche du plaisir, il a fait la base de la nouvelle morale qui se nomme "hédonisme". Tout lui ayant cédé, il a obtenu la légitimation de l'homosexualité, et lui a fait accorder le droit de cité à l'égal du mariage. L'ennemi de Dieu peut parler haut maintenant ; il emprunte des voix autorisées de même que celles des médias. Il ne faut plus s'étonner actuellement que l'authentique vertu subisse condamnation, au bénéfice de ce qu'elle avait autrefois pour sagesse de condamner. Nous sommes en présence d'un retournement des principes qui fondaient la vie sociale équilibrée et le comportement moral individuel. En somme, nous avons en face de nous l'envers du Royaume de Dieu ; c'est ce à quoi Satan a conduit le monde. Or cet envers va prendre un nom, celui de "BABYLONE LA GRANDE". De cette imposante machination de la fin des temps, l'Apocalypse nous dit : "Elle est devenue une habitation de démons, un repaire de tout esprit impur, un repaire de tout oiseau impur et odieux" (18. 2).

Préalablement, des avertissements retentissent, au chapitre 8, verset 13, d'abord : "Malheur, malheur, malheur aux habitants de la terre, à cause des autres sons de la trompette des trois anges qui vont sonner !" Puis au chapitre 12, verset 12 : "Malheur à la terre et à la mer ! car le diable est descendu vers vous, animé d'une grande colère, sachant qu'il en a pour peu de temps." Les dernières phases du combat entre les deux royaumes, celui de Satan et celui de Dieu, seront terrifiantes, cependant que, du haut du ciel, une voix proclame la victoire des élus : "Ils l'ont vaincu à cause du sang de l'agneau et à cause de la parole de leur témoignage, et ils n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort. " (12. 11)

De façon bien évidente pour tout esprit chrétien, le dieu de ce siècle (Satan) a réussi à éliminer les vérités et les convictions chrétiennes pour y substituer des principes philosophiques et sociaux mensongers, lesquels, bien malheureusement, s'insinuent dans les coeurs où ils parviennent à se faire accepter. Certaines personnes ayant gardé une appartenance chrétienne ne se rendent pas compte qu'elles affirment et défendent, avec quelque candeur, des conceptions anti-évangéliques, estimant y voir un progrès en faveur de la libération de l'homme, ou en direction d'une connaissance scientifique évoluée. Le danger de sombrer dans les productions mensongères du diable nous guette de près, aussi faut-il s'en méfier à chaque instant, reconsidérer les pensées nouvelles et ne pas se hâter de parler. Pour se bien garder, il sera bon de se souvenir des paroles du Seigneur relatives à la fin des temps : "Prenez garde que personne ne vous séduise" (Mat. 24. 4) et : "Plusieurs faux prophètes s'élèveront et ils séduiront beaucoup de gens" (Mat. 24. 11) ou également : "Retiens ce que tu as afin que personne ne prenne ta couronne" (Apo. 3. 11).

Le Seigneur avertit les églises de tous les lieux que, le temps venu de cette séduction universellement répandue, le fidèle ne pourra pas s'en protéger par sa seule attention, et il faudra que Lui-même le prémunisse contre ce danger redoutable ; et Il le fera, à la condition qu'il ait eu la sagesse de bien garder la consigne de persévérer en Lui le Véritable (celui qui ouvre et personne ne fermera, celui qui ferme et personne n'ouvrira). Qu'on nous permette d'affirmer que le temps de la puissante séduction est arrivé, de telle sorte qu'il faut bien vite adopter l'attitude d'une constante et ferme assiduité dans la prière, l'adoration, la méditation, en priorité à toutes autres choses. Nous apprenons actuellement que beaucoup de croyants des États-Unis particulièrement, et quelques-uns en Europe, ont cru bon d'amalgamer l'enseignement évangélique avec ceux d'une psychologie aventureuse, pour en retirer des consignes incompatibles avec la saine doctrine dont ils font le contenu d'un nouveau témoignage. Nous avons donc déjà beaucoup à craindre des interprétations qui se donnent comme provenant d'une pénétration profonde et moderne des textes bibliques. Méfions-nous des "profondeurs de Satan" qu'affectionnaient quelques membres de l'Eglise de Thyatire (Apo. 2. 24).

Ce sujet brûlant appelle bien d'autres réflexions et nous nous proposons de le reprendre. Concluons provisoirement en appuyant sur l'urgence d'une marche persévérante aux côtés du Seigneur Jésus. Nous pouvons être persuadés à fond que ceux qui se laissent distancer de Lui et ne le suivent pas ne peuvent échapper à l'influence du monde et donc du royaume de Satan, dont peu à peu ils finissent par devenir prisonniers. Ils ne peuvent pas vivre autrement qu'en cédant, même à leur insu, aux exigences de l'homme naturel, c'est-à-dire aux contraintes de la chair, bien loin par conséquent des orientations de l'Esprit. Or, "l'affection de la chair, c'est la mort, tandis que l'affection de l'Esprit, c'est la vie et la paix." (Ro. 8. 6)


ENSEIGNEMENTS SUR LE ROYAUME

Le chapitre 13 de l'Évangile de Matthieu a pour contenu les enseignements de Jésus quant aux différents aspects sous lesquels on apprend à connaître le Royaume des cieux. Ce sont des paraboles dont les vérités imagées ne conviennent qu'à ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, c'est-à-dire aux personnes capables de tirer tout de suite le bon parti de ce qu'ils voient, de recevoir la parole de Dieu en tant que vérité, et de la comprendre en allant de la signification littérale jusqu'au mystère qu'elle renferme. Qu'y a-t-il à voir ? Dans l'homme visible que fut Jésus, discerner le Père éternel par la foi, ce que Philippe n'avait pu faire seul (Jean 14. 8-11). Pour nous qui, aujourd'hui ne connaissons pas le Seigneur par la vue, nous sommes cependant intérieurement assurés de sa divinité. Nous recevons sa parole comme celle du Fils de Dieu ; l'Esprit saint nous en donne le moyen. Que fallait-il entendre ? Une parole de très grand poids, saisissante, allant au coeur et y apportant un enseignement divin d'une immense portée. Que fallait-il comprendre ? Qu'en des histoires bien simples un grand mystère se révélait et qu'il importait de le pénétrer selon un désir intérieur, car c'était la vie, le bonheur de l'homme, sa réconciliation avec Dieu qu'il concernait.

Si les yeux et les oreilles du corps ont un premier office à assurer, le coeur, lui aussi a reçu du Créateur des yeux pour voir et des oreilles pour entendre, qui, eux surtout doivent rester bien ouverts, afin qu'il y ait une libre communication entre les sens physiques de la vue et de l'ouïe, sens de perception, et les voies d'assimilation du fond de l'être. Grâce à cette communication, la parole de Dieu pénètre intérieurement, y bouleverse les pensées naturelles, enrichit le coeur de la pensée de Dieu, et transforme la vie. Comment les yeux et les oreilles peuvent-ils ne rien voir ni ne rien entendre ? Jésus en définit clairement les causes : insensibilité, endurcissement, obscurcissement ou refus délibéré, et il ajoute : "de peur qu'ils ne voient de leurs yeux, qu'ils n'entendent de leurs oreilles, qu'ils ne comprennent de leur coeur, qu'ils ne se convertissent et que je ne les guérisse. " Tant de gens aujourd'hui se ferment à la parole de Dieu. Ils ont quelquefois ressenti le désir de la connaître, désir passager, mais une force ennemie de leur vie les en a détournés et ils se sont blottis dans l'indifférence, voire même dans une position hostile. Le livre de l'Ecclésiaste entrevoit l'origine de ces yeux et de ces oreilles de caractère spirituel que tout homme possède en lui-même, et qui correspondent aux sens physiques de perception, quand il dit :
"Dieu a fait toute chose bonne en son temps ; même il a mis dans leur coeur (les fils de l'homme) la pensée de l'éternité, bien que l'homme ne puisse pas saisir l'oeuvre que Dieu fait, du commencement à la fin." (Ec. 3. 11)

Il est certain que le Créateur a doté l'homme d'un sens spirituel, analogue à ceux de la vue et de l'ouïe, et ce sens ne demande normalement qu'à s'éveiller quand, aux oreilles du corps, la parole de Dieu retentit. C'est ce que Paul déclare :
"Comment donc invoqueront-ils celui en qui ils n'ont pas cru ? Et comment croiront-ils en celui dont ils n'ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler, s'il n'y a personne qui prêche ?" (Ro. 10. 14)

La parole de Dieu est armée d'une admirable puissance, celle de l'amour de Dieu, et lorsqu'elle se fait entendre aux oreilles du corps, le sens spirituel inné s'émeut, il reconnaît la vérité et la saisit ; à moins que le coeur ne se soit endurci et repousse la douce approche de l'amour. Alors, l'Esprit, toujours présent, se retire et fait ce que Jésus a dit en rappelant la prophétie d'Esaïe : "vous entendrez de vos oreilles et vous ne comprendrez point... "

Pourquoi le coeur de certains hommes devient-il insensible ou s'endurcit-il alors qu'il dispose d'un sens, ou si l'on veut, d'un organe spirituel capable de recevoir le message de Dieu ? Cela arrive lorsqu'on se raidit contre l'Évangile, parce qu'on pense tout autre chose à quoi l'on tient fortement, et qu'on s'est résolu à ne rien céder même quand l'authentique vérité se fait reconnaître. Dans le christianisme si divisé, l'insensibilité se rencontre souvent ; elle a beaucoup de responsabilité dans la persistance de son cloisonnement. Toutefois, dans une même communauté disposant d'une doctrine unifiée et de liens fraternels entre ses membres, l'on trouve encore des coeurs insensibles que la parole de Dieu ne remue pas ; la cause en est à la survivance de l'orgueil ou à la négligence dont souffre la piété et la consécration. Que se produit-il en pareil cas ? L'enseignement, l'exhortation, n'opèrent plus rien. Les oreilles entendent et oublient, si même elles entendent, puisqu'il arrive que la pensée erre bien loin de ce qui se dit dans les réunions de l'Eglise. Parlant des orgueilleux, le psalmiste dit : "leur coeur est insensible comme la graisse", et il ajoute : "Moi, je fais mes délices de ta loi. Il m'est bon d'être humilié, afin que j'apprenne tes statuts" (Ps. 119. 70-71). L'humilité nous garantit, en effet, qu'il nous sera possible de conserver un coeur sensible, ouvert à tout conseil ou avertissement de la parole de Dieu, dont il fera le meilleur profit.

L'endurcissement des oreilles provient quelquefois du refus formel d'entendre et d'obéir, comme le fit le peuple d'Israël, qui, par exemple, répondit à l'Éternel de la manière suivante :
"Non, nous n'y marcherons pas" (dans la bonne voie)
"Nous n'y serons pas attentifs" (au son de la trompette) (Jér. 6. 16-17).

Cet endurcissement peut également provenir du défaut de considérer le sérieux des enseignements de Dieu et d'être saisi de leur gravité. Alors, leur écoute reste superficielle ; l'oreille entend, mais le coeur n'enregistre pas le message de la parole entendue, et l'abandonne aussitôt. C'est en prévision d'un tel blocage que Jésus a donné cet avertissement :
"Prenez donc garde à la manière dont vous écoutez ; car on donnera à celui qui a, mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il croit avoir. " (Luc 8. 18)

Le prophète Esaïe savait que le Seigneur lui avait ouvert l'oreille et que, même, chaque matin, il éveillait son oreille afin qu'il soit en mesure d'écouter comme écoutent des disciples (Es. 50. 4-5). Comment des disciples écoutent-ils ? Ils ont faim et soif de la parole qui leur est destinée ; elle est leur raison d'être et de vivre. N'est-ce pas une grâce du même ordre que nous serions bien avisés de demander à Dieu, afin de bien recevoir et de "garder" les leçons que l'Esprit et la parole nous donnent chaque jour. En adressant cette requête à Dieu, nous éviterons de nous fier seulement à nos bonnes dispositions. La marche du chrétien a besoin du concours entre le surnaturel et le naturel, c'est-à-dire entre l'apport de l'Esprit et les facultés naturelles de l'homme mobilisées par la foi. Nous touchons là au sujet capital de la vie de l'esprit.

En tête des paraboles sur le Royaume des cieux, celle du semeur nous place devant l'image d'une semence (la parole du Royaume) lancée à pleine main mais qui ne rencontre pas que des sols favorables à sa germination et à son développement. Les oiseaux, la pierre, le soleil, les ronces envahissantes l'enlèvent ou la coupent de sa destination. Cependant, lorsqu'elle tombe sur une terre meuble, son milieu approprié, elle donne normalement son fruit. De même, enseigne Jésus, il faut que la parole, semence de vie, soit reçue dans les coeurs qui s'offriront à elle comme le terrain qui l'attendait, des coeurs qui, par leur sensibilité, la retiendront et seront l'occasion d'un fruit abondant.

Il nous semble que cette parabole se rapporte exclusivement à l'évangélisation qui, en effet, consiste à ensemencer les âmes auxquelles la parole n'a pas encore été annoncée. Toutefois les leçons si nettes qu'elle offre prolongent leur utilité au-delà de la conversion au bénéfice de la marche du chrétien. Il est certain que celui-ci devra veiller constamment à conserver la parole qui l'a engendré à la vie, attendant d'elle l'apport de son fruit en son être intérieur. De plus, il n'oubliera pas le conseil du Fils de Dieu : "ce que vous avez, retenez-le jusqu'à ce que je vienne" (Apo. 2. 25). En outre, il prendra garde que les soucis, les richesses, les plaisirs de la vie dont l'ennemi se sert si facilement, ne l'empêchent de porter le fruit attendu de Dieu. "Si vous portez beaucoup de fruit, c'est ainsi que mon Père sera glorifié et que vous serez mes disciples. " (Jn. 15. 8)

Le chapitre 13 de l'Évangile de Matthieu attribue au Royaume des cieux de petits commencements, des commencements discrets, à partir desquels il se développera dans le monde (le champ c'est le monde). Il nous fait également considérer le Royaume des cieux comme un grand trésor à l'acquisition duquel il va de soi que l'on sacrifie tout. Telle est d'ailleurs la notion du dépouillement exprimée comme suit : "... c'est en lui (Christ) que vous avez été instruits à vous dépouiller, eu égard à votre vie passée, du vieil homme qui se corrompt par les convoitises trompeuses, à être renouvelés dans l'esprit de votre intelligence, et à revêtir l'homme nouveau créé selon Dieu dans une justice et une sainteté que produit la vérité." (Eph. 4. 21-24)

LA MOISSON

Vient ensuite la parabole du blé et de l'ivraie qui a trait à la moisson, autrement dit à la fin du monde, laquelle sera la fin des temps ayant commencé aux lendemains de la chute de l'homme en Eden, ou, en d'autres termes, la fin de l'histoire actuellement en cours. La Bible et le Seigneur Jésus lui-même l'évoquent par le seul mot "la fin" qui désigne en premier lieu un jour tout à fait particulier appelé "jour de l'Éternel". Le prophète Zacharie l'annonce de la manière suivante : "En ce jour-là, il n'y aura point de lumière ; il y aura du froid et de la glace. Ce sera un jour unique connu de l'Éternel et qui ne sera ni jour ni nuit ; mais vers le soir la lumière paraîtra. " (Zach. 14. 6-7) Lui aussi,l'Éternel paraîtra ; ce sera l'avènement du Seigneur Jésus venant établir son règne sur la terre. Nous en avons l'évocation saisissante au chapitre 19 de l'Apocalypse (versets 11 à 21). Jésus en a fait une très claire mention en ces termes :
"Aussitôt après ces jours de détresse, le soleil s'obscurcira, la lune ne donnera plus sa lumière, les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Alors le signe du Fils de l'homme paraîtra dans le ciel, toutes les tribus de la terre se lamenteront, et elles verront le Fils de l'homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire. " (Mat. 24. 29-30)

Ce jour unique sera toutefois précédé d'une période de grande détresse absolument exceptionnelle (Mat. 24. 21-22) également incluse dans ce que le terme "la fin" entend désigner. Cette période sera abrégée, déclare le Seigneur, car autrement, "personne ne serait sauvé" (littéralement : aucune chair ne survivrait), ce serait un anéantissement, ce à quoi le mal conduit immanquablement. Cette détresse figure aussi dans le livre de Daniel : "… ce sera une époque de détresse telle qu'il n'y en a point eu de semblable depuis que les nations existent jusqu'à cette époque. En ce temps-là, ceux de ton peuple qui seront trouvés inscrits dans le livre de vie seront sauvés. Plusieurs de ceux qui dorment dans la poussière de la terre se réveilleront, les uns pour la vie éternelle, et les autres pour l'opprobre, pour la honte éternelle. " (12. 1-2)

Ce sont là de graves sujets de réflexion auxquels il faut savoir s'attarder car ils sont empreints d'une importance sans égale. En lisant ces prophéties si concises, nous avons tendance à nous rassurer tout aussitôt à la pensée qu'appartenant à l'Eglise de Jésus-Christ, nous ne connaîtrons jamais le temps d'intense souffrance qu'elles annoncent, parce que la ligne de notre glorieuse destinée aura quitté la terre auparavant. Nous appelons cela avoir la foi. Certes, mais la foi doit remplir deux offices : d'une part accorder pleine confiance aux promesses ; d'autre part, agir en chacune de nos journées conformément aux instructions de la parole avec beaucoup de vigilance. Saisir les promesses, il le faut, mais mettre en pratique toutes les recommandations qui nous sont faites, il le faut aussi. Les promesses ne vont pas sans l'obéissance d'un réel amour pour le Seigneur ; elles forment un ensemble et ne sauraient être dissociées. C'est donc en raison d'une foi qui réunit promesses et obéissance que nous recevrons les vêtements blancs dont seront revêtus ceux qui vaincront au cours de leur existence terrestre (Apo. 3. 5).

D'autre part, la grande détresse finale s'appesantira sur des multitudes d'êtres humains dont les noms ne figurent pas dans le livre de vie ; notre pensée ne saurait les oublier. Elle nous presse au contraire d'aller dès maintenant au secours de ceux qui nous entourent en leur apportant un vivant témoignage du Sauveur de tous les hommes de foi. Décidément, l'insouciance ou le laisser-aller sont incompatibles avec une authentique vie chrétienne. Étant destinés à resplendir "comme le soleil dans le Royaume de notre Père" en tant que "justes", la parole de Dieu nous enjoint d'être actuellement "irréprochables et purs, des enfants irrépréhensibles au milieu d'une génération perverse et corrompue, au sein de laquelle vous brillez comme des flambeaux dans le monde, portant la parole de vie... " (Ph. 2. 15-16)

LES MOISSONNEURS

La parabole du blé et de l'ivraie qui suit celle du semeur montre l'opposition à laquelle le développement du Royaume des cieux sera en butte. Elle montre aussi que son aboutissement conduira à un triage opéré à la fin du monde actuel par les anges. Ceux-ci seront, en effet, les moissonneurs envoyés par le Seigneur pour séparer les "méchants" d'avec les justes (méchants : ceux qui commettent l'iniquité). Ne faut-il pas rapprocher ce tableau prophétique de celui de Matthieu (24. 40-41), ou de celui de Luc (17. 34-36) où, à trois reprises le Seigneur déclare : "l'un sera pris, l'autre laissé" ? Remarquons bien que ces prophéties sont prononcées à l'adresse des disciples, de ceux à qui il est demandé de veiller, car le jour où l'enlèvement de l'Eglise aura lieu ne sera jamais révélé. Il devra surprendre même ceux qui veilleront fidèlement.

Le rapprochement avec la parabole du blé et de l'ivraie ne doit pas nous faire penser de façon certaine à une identification entre l'aspect du triage révélé dans cette parabole et la séparation entre ceux qui sont pris et ceux qui sont laissés, car le triage du blé et de l'ivraie s'opère dans un champ, et ce champ c'est le monde, dit le Seigneur ; alors que l'avertissement de Matthieu 24 et de Luc 17 s'adresse à ceux qui ont pour consigne de veiller. Dans ces deux derniers passages, l'intention du Seigneur ne paraît pas avoir été la même qu'en Matthieu 13.

Le Royaume s'établira d'abord sur la terre actuelle pendant la période que l'on nomme "le millénium". Notre terre malheureuse retrouvera sa magnificence première, et les pollutions qui l'avilissent actuellement disparaîtront. La Bible nous en parle largement, cependant que le Nouveau Testament met l'accent sur les conditions d'accès au Royaume, et sur l'heureuse destinée des enfants de Dieu. Après l'enlèvement de l'Eglise et à la suite du règne de l'Antichrist ainsi que des fléaux qui frapperont la terre, s'ouvrira le règne de Jésus-Christ, règne auquel l'épouse (l'ensemble des élus ressuscités) participera.

Les apôtres avaient cru bon d'imaginer comment s'organiserait ce règne et ils tenaient à savoir qui parmi eux serait le plus grand, le premier ministre en quelque sorte. À cette vaine préoccupation, Jésus oppose deux choses : d'abord le plus grand dans le Royaume ne pourra être que celui qui se rendra humble comme un petit enfant ; ensuite, ce qui importe avant tout c'est d'y entrer, et pour cela, de s'être converti, afin que les travers de l'homme naturel aient disparu et que les dispositions de coeur inverses se soient manifestées, l'humilité surtout. Ainsi, dans sa sagesse, la parole de Dieu enseigne en priorité la voie d'accès au Royaume qui est celle du salut éternel. À cet égard, nous sommes éclairés par plusieurs paraboles, dont celle des noces, où le revêtement d'un "habit de noces" se trouve mis en relief. Esaïe l'appelle "le vêtement du salut" ou "le manteau de la justice" (61. 10 TOB). Dans la parabole, celui qui ne porte pas cet habit se voit rudement rejeté du Royaume et abandonné aux ténèbres du dehors "où il y aura des pleurs et des grincements de dents" (Mat. 22. 1-14), ce qui évoque une situation de souffrances terribles dans le plus noir désespoir. Nous avons besoin de bien considérer un tel avertissement. Il ne concerne pas ceux qui auront revêtu la justice qui s'obtient par la foi, mais les autres, ceux qui négligent un si grand salut et laissent les jours s'écouler dans l'insouciance sans veiller quotidiennement à l'état de leur coeur, comptant sur les promesses, ce qui est une bonne chose, mais délaissant en pratique les exhortations pressantes dont la parole de Dieu abonde, et s'appauvrissant à leur insu ; n'ont-ils pas un urgent besoin de se ressaisir en méditant sur le douloureux destin des hommes rejetés du Royaume ?

PARABOLES DES DIX VIERGES ET DES TALENTS

La parabole des dix vierges nous amène à considérer l'enlèvement de l'Eglise, tel que l'apôtre Paul nous le décrit en 1 Thessaloniciens 4. 13 à 18. En effet, cette parabole ne sépare pas les bons d'avec les méchants, ou le blé d'avec l'ivraie (ceux qui commettent l'iniquité), mais elle différencie deux positions opposées. Il y a d'une part les vierges qui entrent dans la salle des noces et partent avec l'époux ; d'autre part, celles qui se heurtent à une porte fermée irrévocablement. Pourtant les dix vierges sont venues à la rencontre de l'époux, toutes avec le même désir d'être admises dans la salle des noces. Or, l'époux a un notable retard, si bien que les vierges s'endorment toutes uniformément. Jusque-là aucune différence n'apparaît entre elles. Quand, à minuit, l'époux arrive, cinq de ces vierges manquent d'huile dans leurs lampes, et elles manquent donc de lumière. Elles sont appelées "vierges folles". Les cinq autres ont eu la prudente sagesse de se munir d'une réserve d'huile pour être à même de remplir leurs lampes et de les conserver allumées. Celles-là entrent dans la salle des noces ; quant aux cinq vierges folles, arrivant plus tard, elles sollicitent leur admission devant la porte fermée, et elles s'entendent dire par l'époux (qui représente le seigneur Jésus-Christ) : "Je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas".

La leçon de cette parabole est sans équivoque. Les dix vierges représentent l'ensemble de ceux qui savent que la parole de Dieu annonce le retour du seigneur et qu'il convient de l'attendre, car il viendra chercher son peuple. Ils croient cela, sans aucune réticence. Voilà un premier point. Le contexte qui précède la parabole affirme que le jour où le Seigneur reviendra ne sera jamais connu et que l'on pourra seulement en pressentir l'approche en observant les événements en rapport avec les révélations prophétiques du seigneur. Ne connaissant pas le jour, les fidèles disciples auront à veiller constamment afin de pouvoir se tenir prêts (non de se préparer, ce qui nécessiterait du temps) (Mat. 24. 44)

Rappelons qu'un peu plus haut (24. 40-41) figure l'avertissement du Seigneur "l'un sera pris l'autre laissé", comme en Luc (17. 26-36) ; c'est ce qu'expriment les vierges de la parabole. N'entrent dans la salle des noces que celles qui sont prêtes, et qui parmi les dix étaient préalablement connues du Seigneur. Elles représentent donc ceux qui vivent dans une communion vivante avec le Seigneur, étant avec lui "un seul esprit" selon l'expression de 1 Cor. 6. 17. Ce n'est pas à l'ultime moment, celui de l'enlèvement inopiné de l'Eglise que l'on pourra entrer en la réelle communion du Seigneur, la parabole des vierges nous enseigne de façon impérative qu'il est indispensable de le connaître pendant la vie chrétienne en une relation personnelle, et même de croître dans cette connaissance. Pensons aussi que "connaître", c'est aimer. La parabole du cep et des sarments enseigne elle aussi, avec d'autres termes, cette impérieuse nécessité :

"Demeurez en moi, et je demeurerai en vous. Comme le sarment ne peut de lui-même porter du fruit, s'il ne demeure attaché au cep, ainsi vous ne le pouvez non plus, si vous ne demeurez en moi. Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit, car sans moi vous ne pouvez rien faire. Si quelqu'un ne demeure pas en moi, il est jeté dehors, comme le sarment, et il sèche ; puis on ramasse les sarments, on les jette au feu, et ils brûlent. " (Jean 15. 4-6)

Il importe donc tant de demeurer en Christ que de porter du fruit, le fruit de l'Esprit d'abord et le fruit des oeuvres justes. Celui qui ne demeure pas en Christ, même s'il se dit chrétien, ne peut pas participer à la sève vivifiante, ni à la vie du cep, c'est-à-dire du Seigneur. Comme les vierges folles, il manque d'huile et de lumière ; il n'a pas la vie de l'Esprit, il "n'est pas lumière dans le Seigneur", et ne porte pas "le fruit de la lumière qui consiste en toute sorte de bonté, de justice et de vérité" (Eph. 5. 8-9). Comment pourrait-il entrer dans le Royaume de Dieu ? Les textes que nous venons de voir montrent avec évidence que l'accès au Royaume ne laisse place à aucune estimation dernière, à aucune complaisance, et qu'il excepte toute mansuétude. Il n'est plus le moment de la miséricorde divine, laquelle a eu son temps au cours de la vie chrétienne. Elle se fondait alors sur l'intercession de Jésus-Christ auprès du Père, et elle apparaissait en la patience de Dieu, en son action éducatrice, en tout son conseil. Tandis qu'à l'heure du retour inopiné du Seigneur tout est tranché ! Remémorons-nous le conseil de l'épître aux Hébreux :

"Craignons donc, alors que subsiste une promesse d'entrer dans son repos, craignons que quelqu'un d'entre vous ne soit convaincu d'être resté en retrait"...
"Empressons-nous donc d'entrer dans ce repos, afin que le même exemple d'indocilité n'entraîne plus personne dans la chute. Vivante, en effet est la parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu'aucun glaive à double tranchant. Elle pénètre jusqu'à diviser âme et esprit, articulations et moelles. Elle passe au crible les mouvements et les pensées du coeur. Il n'est pas de créature qui échappe à sa vue ; tout est nu à ses yeux, tout est subjugué par son regard (maîtrisé). Et c'est à elle que nous devons rendre compte. " (4. 1 et 11 à 13 - TOB)

Certains pensent : je me suis converti, je suis sauvé, je n'ai rien à craindre !, et ils comptent bien n'être pas en cause dans les avertissements si fermes des enseignements que nous venons de voir. Ils seront pris le moment venu de l'enlèvement, il n'y a pas de problème. Cette manière de considérer la position chrétienne présente l'inconvénient grave et dangereux de rendre secondaire ou même superflue l'aspiration à grandir dans la foi, à croître dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ. Elle incite davantage au laisser-aller qu'à la ferveur et à la vigilance ; ce que, pourtant, Dieu attend de tous ses enfants.

D'autre part, la parole nous donne de fermes enseignements non pour que nous les reportions sur les autres et en déduisions ce que peut être leur place dans le classement que nous imaginons, mais afin qu'ils nous saisissent nous-mêmes et nous amènent à de sages, humbles et sérieuses réflexions sur la nécessité de veiller à notre communion avec le Seigneur pour en renforcer la réalité et en augmenter les bienfaits.

LES BIENS DU MAÎTRE

Dans l'Évangile de Matthieu, après la parabole des dix vierges, nous arrivons à celle des talents. Ces deux paraboles ont trait à la venue du Seigneur pour son Église. La première considère seulement l'état de vie et de communion des postulants au Royaume au moment du départ, tandis que la seconde s'informe du produit de leur travail en tant que "serviteurs" pendant le temps dont ils ont disposé. La parabole des mines en Luc 19. 11 à 28, parallèle à celle des talents, apporte un complément essentiel. D'abord, l'homme qui part pour un voyage se dirige vers un pays lointain, afin de se faire investir de l'autorité royale et de revenir ensuite, si bien qu'à son retour il est roi. En outre, en remettant ses biens à ses serviteurs, il leur donne l'ordre de les faire valoir, ce qui sera leur travail.

En quoi ces biens consistent-ils, qu'ils s'appellent talents ou mines ? Le Seigneur entendait désigner ainsi tout ce que son oeuvre met entre les mains de ses serviteurs, principalement la bonne nouvelle de l'Évangile, et l'autorité nécessaire à l'annoncer. À ce dépôt primordial, s'ajoutent : les ministères et les dons qui surviendront le jour de la Pentecôte, la puissance pour tous d'être les témoins du Maître ; la mission de pardonner ou de retenir les péchés, celle de guérir les malades, de ressusciter les morts, de purifier les lépreux, et de chasser les démons. Le Seigneur confiait ainsi la continuation de ses oeuvres à ses disciples, mis en position de serviteurs. Voici en effet ses paroles :
"En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui croit en moi fera aussi les oeuvres que je fais, et il en fera de plus grandes, parce que je m'en vais au Père, et tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai. " (Jn. 14. 12-13)

Nous voyons que le moyen d'accomplir les oeuvres ainsi déléguées aux croyants réside dans la prière, car il faut que ces oeuvres soient préparées d'avance pour que ceux-ci puissent les accomplir (Eph. 2. 10). Voilà comment les serviteurs des paraboles des talents et des mines parviendront à faire valoir les biens de leur Maître, qui, revenant longtemps après, leur demandera d'en rendre compte. À ce moment, trois serviteurs s'avancent. Le premier et le second ont doublé ce qu'ils avaient reçu, et malgré l'inégalité de leurs dotations, ils entendent la même parole : "c'est bien bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de chose, je te confierai beaucoup, entre dans la joie de ton maître". Dans les deux cas, le Seigneur marque la même satisfaction, et celle-ci prend la fidélité pour unique motif. Or, la fidélité dans les oeuvres témoigne de la foi. L'adjectif "fidèle" figure à deux reprises dans la courte sentence du Maître ; une première fois, il sert à qualifier l'un et l'autre des deux serviteurs ; puis, une seconde fois, à titre d'appréciation de leur activité. Cela nous amène à penser qu'en leur confiant la charge de faire valoir ses biens, le Maître avait surtout en vue de mettre à l'épreuve leur fidélité, à laquelle il accorde plus d'estime qu'au service rendu. Ce dernier, il le regardera comme "peu de chose".
Cela nous étonne lorsque nous pensons au dévouement des pionniers de la foi, ayant consacré des vies entières à répandre l'Évangile sur de vastes régions comme la Chine, l'Amérique du sud ou l'Afrique, dans les plus dures conditions d'existence, face à l'hostilité, et au prix de constantes souffrances. N'étaient-ils pas ceux qui ont vaincu Satan l'accusateur et n'ont pas aimé leur vie jusqu'à craindre la mort ? Et tant d'autres avant eux, ou tout au long des siècles de notre ère ! Le Seigneur regarde ce déploiement d'oeuvres et d'abnégation comme "peu de chose" ; pourquoi ? Deux raisons se font jour ; elles tiennent, en premier lieu à l'importance accordée à la fidélité, car c'est elle qui renferme toute la richesse du service ; en second lieu, à ce que les victoires remportées par les dévoués serviteurs sont essentiellement dues à la puissance du "sang de l'agneau et de la parole du témoignage", puissance dont l'Esprit Saint leur donnait la pleine disposition. Les légions d'âmes qu'ils ont conduites à Dieu représentent une valeur inestimable dont l'acquisition a pour cause première l'oeuvre de la rédemption ; quant à eux, ils n'ont pu donner que leur coeur et leur vie, ce don étant pris en compte dans leur fidélité.

C'est en raison de cette fidélité que le Seigneur leur dit :
"Je te confierai beaucoup". Nous savons ce à quoi il faisait allusion : dans le Royaume qui ouvrira ses portes, les serviteurs qui auront montré leur fidélité sur la terre recevront "autorité sur les nations", seront "des colonnes dans le temple de Dieu", ils porteront sur eux "le nom de Dieu et celui de la nouvelle Jérusalem" et seront invités "à s'asseoir sur le trône du Seigneur", leur victoire se joignant à la sienne (finales des lettres de l'Apocalypse). Voilà bien de sérieux sujets de méditation sur lesquels nous sommes appelés à nous pencher ; notre coeur y gagnera.

Notre fidélité si précieuse aux regards de Dieu, dépend de notre foi et de notre amour pour Lui. A-t-elle, pour se manifester, le terrain des "bonnes oeuvres" ? Avons-nous le désir de porter des fruits en toutes sortes de bonnes oeuvres, comme l'Esprit nous y invite ? (Col. 1. 10). Lors de notre comparution devant notre Maître (2 Cor. 5. 10) serons-nous le "bon et fidèle serviteur" ?

Quelle affligeante situation que celle du troisième serviteur qui a caché son talent dans la terre et n'a rien fait ! Ses mauvaises raisons lui font juger son Maître ! Chez lui, pas l'ombre de la fidélité. Il restitue le dépôt qui lui a été confié, mais son honnêteté ne rapporte rien. Le Seigneur nous demande bien plus que de l'honnêteté. Le récit ne nous dit pas que ce serviteur ait fait le mal et commis l'iniquité. Il est jugé sur sa paresse et à cause de son coeur raisonneur. Pour lui, le Royaume de Dieu se ferme, et le voici jeté dans les ténèbres du dehors où il souffrira. En pensant à ce terrible destin, un voeu et une prière s'élèvent en nous : Oh ! Seigneur, que personne parmi tes enfants qui sont tous tes serviteurs ne connaisse pareil destin ! Même s'il avait peu de moyens en propre, ce serviteur aurait pu faire quelque chose pour obéir en portant un peu de fruit. Il aurait pu remettre l'argent du Maître "aux banquiers", et ceux-ci l'auraient fait valoir. Que veut dire cette image ? Il n'était pas seul dans le service, et il aurait pu se mettre à la disposition de ses frères afin de leur proposer sa collaboration. Travaillant avec eux, il aurait ainsi contribué à la recherche du fruit, mais il a préféré s'isoler avec un coeur lourd, s'illusionnant certainement sur l'issue de sa vie.

Le verset 29 de la parabole édicte un principe général dont il convient que nous connaissions le sens : "Car on donnera à celui qui a, et il sera dans l'abondance, mais à celui qui n'a pas, on ôtera même ce qu'il a. " Ce principe plusieurs fois énoncé (Mat. 13. 12 ; 25. 29 ; Marc 4. 24-25 ; Luc 8. 18 ; 19. 26) a d'importantes conséquences. Pour les comprendre, reportons-nous d'abord à l'épître aux Romains, ch. 8 versets 5 et 6 : "ceux qui vivent selon la chair s'affectionnent aux choses de la chair, tandis que ceux qui vivent selon l'Esprit s'affectionnent aux choses de l'Esprit. Et l'affection de la chair c'est la mort, tandis que l'affection de l'Esprit c'est la vie et la paix. " Si quelqu'un vit selon l'Esprit il aspire aux choses de l'Esprit, et il augmente constamment ce qu'il reçoit de l'Esprit ; il s'enrichit et s'affermit, si bien qu'il parvient à l'abondance de la vie. Par contre, celui qui vit selon la chair et s'affectionne à ce qui plaît à la chair, s'ancre toujours davantage dans la vaine manière de vivre, et se prive des lumières de l'Esprit qu'il finira par ne plus voir du tout. Il est donc bien vrai que celui qui a la vie de l'Esprit la verra s'accroître, alors que celui qui n'a pas cette vie ne conservera même pas ce qu'il a, ou ce qu'il croyait avoir (cette dernière expression figure en Luc 8. 18).

Il fallait bien que le Seigneur insiste sur une telle leçon, puisqu'elle nous révèle le danger de ne pas adopter "l'affection de l'Esprit" avec fermeté, et de permettre à notre coeur de faire place à "l'affection de la chair", c'est-à-dire aux tendances de la nature première de l'homme, laquelle ne se soumet pas à la loi de Dieu, et ne le peut même pas (Ro. 8. 7-8). L'épître aux Galates reprend cet enseignement sous la forme suivante : "Je vous dis donc ceci : laissez le Saint-Esprit diriger votre vie, et vous n'obéirez pas aux désirs de la nature pécheresse. " (Bible du semeur 5. 16) Ajoutons qu'il est scabreux de prétendre vivre tant par l'Esprit que par la chair, car ce partage se solde toujours au détriment de la vie de l'Esprit. Chacun a la responsabilité de se garder de cette attitude double à laquelle notre ennemi nous pousse.


LE JUGEMENT DES NATIONS

Le chapitre 25 de Matthieu se termine par la description d'un jugement qui se situe au retour du Seigneur que les paraboles des talents et des mines ont évoqué, c'est-à-dire à l'ouverture du règne de mille ans sur la terre. Ce ne sont pas des serviteurs qui comparaissent, mais les hommes de toutes les nations. Ils seront assemblés devant le Fils de l'homme. Là encore une séparation intervient. Elle différencie deux catégories : les brebis et les boucs, par la mise en oeuvre d'un principe adapté à la situation de ces hommes appelés à entrer ou non dans le règne de mille ans. À ceux qui, au cours de leur vie, auront été sensibles aux détresses des autres et qui leur auront manifesté une miséricorde active, le Seigneur déclare qu'il a recueilli leurs bienfaits pour lui-même, et il leur ouvre alors les portes du Royaume. Inversement, à ceux qui, dans l'indifférence et la dureté de leur coeur se sont fermés à toute miséricorde, le Seigneur dit qu'il a lui-même ressenti leur méchante attitude, et il les voue au châtiment éternel.

On peut établir un parallèle entre ce jugement et ce qu'écrit l'apôtre Paul au chapitre 2 de l'épître aux Romains (v. 13-16) au sujet des païens :
"C'est ce qui paraîtra au jour où, selon mon Évangile, Dieu jugera par Jésus-Christ les actions secrètes des hommes. "

Le thème que le Seigneur Jésus emploie pour prononcer ce jugement des nations possède un intérêt que l'Eglise doit également considérer, puisqu'il faut que sa foi se révèle dans de bonnes oeuvres. Dans la diversité de celles-ci, la pratique de la miséricorde prend assurément place. "Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde" (Mat. 5. 7). L'apôtre Jacques conseille : "Parlez et agissez comme devant être jugés par une loi de liberté, car le jugement est sans miséricorde pour qui n'a pas fait miséricorde. La miséricorde triomphe du jugement. " (Jac. 2. 12-13) Citons encore la première épître de Jean :
"Si quelqu'un possède les biens du monde, et que, voyant son Frère dans le besoin, il lui ferme ses entrailles, comment l'amour de Dieu demeure-t-il en lui ? Petits enfants n'aimons pas en paroles et avec la langue mais en actions et avec vérité. " (1 Jn. 3. 17-18)

Enfin n'oublions pas que les membres de l'Eglise disposent de la puissance de l'intercession pour se soutenir les uns les autres et pour aider le prochain. En cela s'exerce encore une efficace miséricorde.




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