JOIE DES INDIGÈNES DU DISTRICT D'ANA. - MÉCONTENTEMENT DES SAMOANS. - MENACES DE GUERRE. - HEUREUSE INTERVENTION DU FILS DE JOHN WILLIAMS. - TRAVAUX DIVERS. - SÉANCE DE PROJECTIONS. - LE « Camden » REPART VERS L'EST. - LE NOUVEAU TESTAMENT A RAROTONGA. - TAHITI. - LES ÎLES-SOUS-LE-VENT. - AÏTOUTAKI. - TOUCHANTS ADIEUX DES ÉVANGÉLISTES RAROTONGANS. - RETOUR AUX SAMOA. - FÊTE MISSIONNAIRE A MANONO. - L'ACTIVITÉ A FASÉTOOTAI. - VISITEURS. - VÊTEMENT. - ENSEIGNEMENT. - LES COUTEAUX VOLES ET LA TEMPÊTE. - CONVERSION.
IMMÉDIATEMENT, tous les indigènes se mirent à la disposition de John Williams pour les matériaux de construction nécessaires et les constructions elles-mêmes. C'est une armée d'anciens guerriers qui va s'employer aux travaux de la paix : les hommes abattent les arbres choisis, d'autres les ébranchent, d'autres creusent les trous pour les piliers qui supporteront ces demeures. la grande majorité des indigènes servent connue porteurs : deux cents hommes sont affectés au transport d'un seul arbre. Ils se relayent fréquemment : la charge est lourde, la distance est grande et les chemins inexistants. Tandis que les porteurs, lourdement chargés, n'avancent que lentement, un homme choisi pour son agilité et son habileté à composer un chant, accompagne l'équipe des travailleurs. Parfois il la précède, ou bien il tourne, autour, ou encore il bondit sur l'arbre et y évolue de long en large en dansant et chantant au milieu des têtes et des épaules. Il commence un solo :
« Ce bois est pour la maison de notre missionnaire Wiriamou.
La bonne Parole c'est lui qui l'a portée en notre pays,
Il vient demeurer à Fasétootaï. »
La dernière ligne est à peine dite
que les porteurs la reprennent en choeur. Deux
cents voix redisent la même joyeuse nouvelle.
Toutes les équipes ont leur barde, leur
animateur ; et de nouvelles stances sont
composées avec les progrès du
travail, stances qui célèbrent les
exploits des Samoans. Rapidement, un temple et une
vaste maison d'habitation sont élevés
sous la direction du missionnaire.
La décision de Williams avait
jeté les chefs samoans dans la
consternation. - Quoi ! un homme comme lui, un
grand chef, s'installer chez des vaincus ! On
vint le trouver, ou lui dit que sa décision
était malheureuse, et qu'elle était
indigne de lui mais il refusa de se laisser
émouvoir.
Il n'était pas sans s'attendre
aux démarches faites, sachant quel
mépris était attaché dans la
pensée indigène au nom de vaincu. Si
quelques-uns des vainqueurs passaient à Ana,
ils prenaient ce qui leur plaisait ou exigeaient
quelque corvée. Des enfants ordonnaient
à des chefs âgés de monter aux
cocotiers pour leur cueillir des noix, et leurs
ordres étaient obéis. Le
christianisme avait fort adouci le sort des
indigènes d'Ana, mais les païens
victorieux usaient et abusaient
de leurs droits, et c'était aussi l'une des
raisons qui avaient amené Williams à
céder devant l'insistance des jeunes chefs,
et à s'installer à
Fasétootaï.
Un jour que le missionnaire était
parti pour quelque district éloigné,
un cri retentit dans le village:
« Les pirogues de
guerre ! les pirogues de guerre!»
Effectivement, du haut de la montagne,
on pouvait voir la flotte des embarcations
chargées de guerriers qui se dirigeait
manifestement vers Fasétootaï. Elle se
rapproche et l'on peut distinguer le chef avec sa
haute coiffure décorée de plumes et
de coquillages. À moins d'un prompt secours,
c'est le carnage et la destruction du village
à brève échéance. Que
se passait-il donc ?
Hélas ! l'envie, la
jalousie, la haine, président à cette
expédition. Et quoi ! Tous les chefs
n'ont pu obtenir de missionnaire ou
d'évangéliste pour leurs districts,
et ces vaincus ont le leur ! Et lequel ?
Le plus grand de toits ! C'est bien simple. On
va les supprimer ; et on montrera ainsi
à Wiriamou le cas que font les Samoans des
gens de ce district qui a ses
préférences. Quel misérable
choix pour un si grand homme !
La conque de guerre résonne
lugubrement, et les vaincus savent qu'ils n'ont
plus qu'à mourir, à moins de quelque
intervention providentielle. Or Wiriamou n'est pas
là !
Quelqu'un cependant se hâte de
descendre vers le rivage et il y arrive alors que
le débarquement à commencé. Il
se présente au chef puis il plaide avec lui,
il défend la cause des condamnés.
Longtemps ses efforts paraissent inutiles. Il est
difficile d'arrêter une bande armée
sur le point de piller et de tuer. Enfin le fils
Williams a gain de cause, et le chef lui dit :
« Jeune homme, fils de
Wiriamou, si ce n'était toi, tu serais
déjà mort pour t'opposer à
moi... Cependant puisque le fils de Wiriamou a
intercédé pour ce peuple, je lui fais
grâce. »
Peu après, une autre bande de
Samoans, vint selon la coutume, faire une
réquisition de vivres dans le district des
vaincus. Ceux-ci considérant que le fait
d'avoir parmi eux Wiriamou devait les
délivrer de toute sujétion,
refusèrent. Les envoyés furieux
décidèrent de se servir
eux-mêmes et de ne laisser que des ruines
derrière eux. À nouveau le fils du
missionnaire, Mr. John Williams accourt, et plaide
en faveur des gens de Fasétootaï. Il le
fait avec tant de chaleur qu'il réussit. Les
indigènes lui disent qu'ils aiment tellement
le nom porté par lui qu'ils ne peuvent pas
décidément rejeter sa requête.
Alors, lui-même les accompagne jusqu'à
leurs pirogues, où ils s'embarquent.
John Williams ne pensait pas rester bien
longtemps aux Samoa. Mais il y attendait un navire
qui apportait du fret de Sydney pour les
missionnaires désignés pour
Rarotonga, Tahiti, etc... Le temps, d'attente
était d'ailleurs très rempli par les
visites, les examens dans les écoles, la
prédication, des leçons, des travaux
manuels et des soirées de conversation qui
eurent d'heureux résultats. Mais aucune
méthode d'enseignement n'avait autant de
succès que la lanterne à projections
qu'un ami avait offerte à Williams, lui
donnant en même temps des séries de
vues pour les séances les plus
diverses : histoire de la Bible, histoire
naturelle, histoire d'Angleterre, etc. À la
demande du missionnaire une série avait
été préparée pour
illustrer le Martyrologe de Fox, livre que Williams
se proposait de traduire.
Dans une lettre à son fils
Samuel, il dit le succès des projections et
les préférences des Samoans...
« Ce qu'ils aiment le mieux ce sont les
vues de la Bible : la naissance du Christ,
Siméon prenant le bébé dans
ses bras, et la fuite en Égypte les
intéressent vivement. Mais lorsqu'ils virent
la scène du crucifiement ils ne purent se
dominer et éclatèrent en
sanglots... »
Le navire attendu
« l'Elisabeth » n'arrivait
toujours pas. Le départ fut alors
fixé au 17 janvier, et le 4 février,
le « Camden » jetait l'ancre
devant Rarotonga.
« ... Nous attendions Mr.
Williams depuis si longtemps que nous commencions
à désespérer, écrit Mr.
Buzacott. Enfin un brick fut signalé et
aussitôt les indigènes dirent :
c'est Wiriamou ! Je me hâtai d'aller
à sa rencontre. Je vous laisse à
penser mon émotion en le revoyant ! Et
quelle joie de saluer ces nouveaux missionnaires,
de savoir que plusieurs restent à Rarotonga,
d'apprendre que le joli voilier a une cargaison de
Bibles !... Quand nous avons gagné la
rive, elle fourmillait d'indigènes et nous
eûmes du mal à nous ouvrir un
chemin : tous se pressaient pour saluer
Wiriamou. Lorsque Makéa. et Mr. Williams se
virent, ils s'embrassèrent avec effusion et
le missionnaire dit : « Que Dieu est
bon, Makéa, de nous avoir gardés tous
deux jusqu'ici, et d'avoir permis que nous nous
rencontrions de nouveau... » Il est
extrêmement heureux de se retrouver à
Rarotonga... »
De son côté Williams
écrit : « Je pourrais remplir
des pages et des pages de faits
intéressants ; les indigènes
nous témoignent une grande affection. Ils
m'ont grondé de n'avoir pas amené
Mrs. Williams et John. Leur bonheur d'avoir le
Nouveau Testament vous aurait réjoui si vous
aviez pu en être le témoin. La joie de celui qui a
obtenu
le
précieux volume est touchante. Il le dresse
à bout de bras, quelques-uns le caressent,
d'autres l'embrassent, d'autres partent comme des
flèches et ne s'arrêtent qu'une fois
dans leurs demeures. Certains pleurent parce qu'on
leur refuse un exemplaire : - « Tu
ne sais pas lire, a dit Mr. Buzacott, que ferais-tu
d'un livre ? » - Mais mon fils ou ma
fille le peuvent, répond le demandeur, et je
puis entendre et comprendre. Ceux qui peuvent payer
leur Nouveau Testament 3 shillings sont servis les
premiers ; ensuite, le livre est
échangé pour des bananes
séchées ou des noix de coco ;
mon cher fils a promis d'acheter ces produits et de
leur trouver des acquéreurs. Enfin le livre
est cédé à crédit. S'il
arrive qu'un Nouveau Testament soit refusé,
le plaidoyer de l'indigène est
touchant : « Donne-moi la bonne
Parole de Dieu, peut-être qu'en la lisant mon
coeur deviendra meilleur. » Les mauvais
écoliers, ceux qui ne savent pas encore lire
et écrire, disent :
« Pensions-nous jamais voir chose
semblable à Rarotonga ! Et maintenant
nous ne mangerons ni ne boirons que tu ne nous
donnes la bonne Parole de Dieu...
Makéa mit sa maison à la
disposition de Mr. Williams et des frères.
Certains appartements portent le nom du
missionnaire. C'est une fort belle demeure, un
palais pour les Mers du Sud : il a deux
étages avec dix chambres à coucher et
un vaste vestibule, le tout confortablement
meublé de sofas, de chaises, de lits, faits
par les indigènes. « Pendant que
j'ai vécu ici, écrit l'un des
missionnaires, j'ai été
entouré d'attentions. Si je laissais dans la
chambre quelque objet, il était
aussitôt lavé et repassé. Nous
trouvions toujours de l'eau, du savon, des
serviettes, nos hôtes pensaient à
tout. Quels extraordinaires progrès en ce
merveilleux pays !
Une conférence missionnaire qui
décide de la création d'un Institut
Biblique avec enseignement des arts manuels, des
réunions, des séances de lanterne
magique, tout cela remplit les jours et les
soirées. Bientôt la date du
départ pour Tahiti fut arrêtée,
et le bagage des partants fut envoyé
à bord du « Camden ».
Mais la même nuit il y eut une violente
tempête, et au matin le
« Camden » avait disparu. Son
absence dura longtemps ; et Williams
était sérieusement inquiet quand, le
5 mars, le voilier reparut enfin !
Le voyage se poursuivit aussitôt
sur Tahiti, où tous les amis
reprochèrent au missionnaire d'avoir
laissé Mrs. Williams et ses enfants aux
Samoa. De Papéété, Williams
écrit à sa soeur et mentionne le fait
du jour : la venue des prêtres
catholiques, l'attitude de la reine Pomaré
qui refusa de les laisser s'installer à
Tahiti, l'arrivée d'une frégate
française, les menaces de guerre...
À Moocéa, aux
Îles-sous-le-Vent, Williams est reçu
avec toutes les manifestations de la plus vive
affection. Cependant il ne prolonge nulle part son
séjour craignant que la durée de son
absence inquiète Mrs. Williams. À
Raïatéa il est réjoui par les
progrès qu'il constate, et par le changement
survenu chez les jeunes chefs Tefaatou, Tamatoa,
Tapoa, Tahitoë, qui, maintenant, marchent sur
les traces du défunt roi : Tamatoa. De
Borabora, on se dirige sur Manouké, puis
vers Atiou où la guerre est sur le point
d'éclater par la faute d'un Anglais, un
matelot déserteur qui a capté les
faveurs d'un chef et veut supprimer les lois ce que
n'acceptent pas les autres chefs.
La pirogue qui ramène Williams au
« Camden » est renversée
par les vagues : c'est la seconde fois au
même endroit. Le bateau du
« Camden » recueillit les naufragés. Les
vents
contraires empêchent les missionnaires de
toucher à Mangaïa. De retour à
Rarotonga Williams a la joie de voir que l'Institut
biblique est fondé, et qu'il s'y trouve
déjà onze jeunes hommes. Le soir il y
eut un service d'adieu pour quatre Rarotongans qui
partaient comme évangélistes aux
îles Samoa. Cérémonie touchante
durant laquelle ces païens de la veille furent
mis à part pour le service du Seigneur.
« Avertis qu'ils pourraient avoir
à mourir en pays païens, l'un d'eux me
répondit : « Content !
C'est la cause de Dieu. Il petit protéger.
S'il ne le fait pas, je mourrai pour la meilleure
des causes. » un autre dit :
« Missionnaire, vois ces
cicatrices ! Des marques de blessures
reçues à la guerre. J'étais
désigné pour le sacrifice ! J'ai
pu échapper à ceux qui me
poursuivaient en me cachant dans les
montagnes ! Aujourd'hui c'est avec joie que je
donne ma vie à Celui qui m'a
sauvé. »
De Rarotonga, les missionnaires se rendirent
à Aïtoutaki où ils
arrivèrent le dimanche, alors que se
terminait le culte du matin. Tous veulent serrer la
main des voyageurs. « Ce n'est pas une
petite affaire que de donner un millier de
poignées de mains. Les fidèles
demandant un second service, celui-ci eut lieu.
Puis nous fûmes invités à
prendre un repas chez
l'évangéliste. » Quel
plaisir de s'asseoir devant une table couverte
d'une nappe avec des assiettes, des fourchettes,
des gobelets, des couteaux. Comme menu, du poisson
froid, du maïoré, et une sorte de
pouding fait de fruits et de l'amande de coco
râpée. Gravement,
l'évangéliste nous dit :
« Si vous m'aviez prévenu, je me
serais préparé en
conséquence ; mais c'est dimanche et je
ne puis que vous offrir ce que nous
avons. » Après le dîner,
nouveau cuite : 25 candidats furent admis
dans
l'Eglise et prirent part au service de communion
qui suivit immédiatement.
Le moment est maintenant venu de
retourner aux Samoa. Dans toutes les îles
qu'il vient de visiter - bien trop rapidement
à son gré, mais il pense revenir
avant longtemps, - Williams a parlé des
malheureux païens qui sont encore sans
Dieu ; de pays où les mères
tuent leurs enfants, où la terreur
règne et où des guerres sans merci
détruisent des tribus entières. Le
devoir est d'aller de l'avant et de porter chez eux
la lumière de l'Évangile. Il dit
alors le projet qu'il caresse depuis longtemps pour
l'archipel des Nouvelles-Hébrides.
Quand le « Camden »
arrive à Manoua, des indigènes se
présentent et apprennent aux missionnaires
que la paix règne maintenant dans
l'île : un évangéliste
indigène envoyé par un autre
évangéliste indigène est venu
ici et y travaille avec succès.
« L'extérieur humble et
modeste de ces évangélistes samoans
nous a frappés, écrit Mr. Pitman. Le
christianisme a une telle puissance de
transformation qu'il y a une grande
différence entre eux et les indigènes
de Manoua. Un évangéliste
marié, de Rarotonga, fut laissé
à Manoua. Son prédécesseur
l'aidera à apprendre la langue et à
s'installer. Le soir, Mr. Williams prêchait
sur ce texte : « Aujourd'hui le
salut est entré dans ta maison »
(Luc
XIX : 9).
« Départ pour
Toutouila. Il y a une épidémie dans
l'île. Tous les Murray sont malades. Mr.
Williams prêcha quand même le soir de
notre arrivée ; et le lendemain un
indigène vint nous avertir que trois
personnes voulaient abandonner le paganisme. Nous
nous rendîmes aussitôt chez ces gens et
trouvâmes un vieillard malade, sa femme et
son jeune fils. Le service de
Satan est un service bien douloureux. Ce vieillard
qui avait une fille chrétienne et qui,
cependant, s'était jusque-là
opposé de toutes ses forces au
christianisme, se donna à Jésus
à la dernière heure
(1)... »
Le 2 mai, de bonne heure, le
« Camden » arrivait enfin il
Oupolou. En hâte, Mr. Williams gagna
Fasétootaï. L'absence avait duré
bien plus longtemps qu'il ne l'avait
prévu : près de quatre mois au
lieu de deux, et il craignait que Mrs. Williams ne
fût très inquiète. MM.
Pritchard et Cunningham qui l'accompagnaient depuis
Rarotonga l'y rejoignirent un peu plus
tard.
La semaine suivante, Mr., Mrs. Williams
et leurs hôtes se rendirent à Manono
où devait avoir lieu la fête
missionnaire annuelle de l'archipel. C'est au
Malaï, emplacement où les
indigènes tenaient toutes leurs
assemblées politiques, que la fête se
déroula. La journée commença
par les chants et les rondes minées des
enfants des écoles, sous la direction de Mr.
Buchanan, l'instituteur que Williams avait
amené du Cap. Puis Mr. Hardie
prononça la prière, et Mr. Heath
annonça le programme de la journée.
Mr. Williams prit alors la parole et raconta sa
visite dans les divers archipels, signalant les
progrès de l'Évangile.
Matétaou se leva ensuite établissant
un parallèle entre ce qu'étaient
autrefois les Samoans du temps du paganisme et ce
qu'ils étaient devenus. Puis Maliétoa
se leva et raconta la première visite de
John Williams... Certes, il était
décidé à toujours faire tout
ce que Wiriamou demanderait... Plusieurs autres
missionnaires prirent encore la parole.
Le lendemain, un jeudi, les
missionnaires et des membres des églises se
réunirent dans l'église de Mr. Heath
pour un service de communion, à l'issue
duquel deux adultes et deux enfants furent
baptisés. Quelle douce émotion
remplit le coeur de Williams en voyant
Matétaou remplir l'office d'ancien dans le
temple, et aider à la distribution de la
Sainte Cène, lui le grand guerrier, le
guerrier redoutable, célèbre
autrefois pour son adresse à manier la lance
et la massue.
Les fêtes terminées, Mr. et
Mrs. Williams retournèrent à
Fasétootaï. Deux voyages missionnaires
furent entrepris - l'un dans l'île même
d'Oupolou, l'autre à Savaii. Partout
Williams est reçu avec joie. Tous les chefs,
païens ou chrétiens, lui donnent le nom
de Tama (père). De nombreux visiteurs vont
à Fasétootaï quand il s'y
trouve, et demandent à voir les choses
extraordinaires qu'il a rapportées
d'Angleterre. Souvent des centaines
d'indigènes allaient ainsi chez le
missionnaire en une seule journée. Et quand
les chambres mises à leur disposition
étaient remplies, les derniers venus
s'installaient dehors en attendant de pouvoir
entrer.
Williams ne manque pas de mettre
à profit cette disposition des Samoans. Bien
des indigènes qui considéraient qu'un
peu d'ocre et d'huile constituaient un
vêtement suffisant s'habillèrent
décemment, pour la première fois, le
jour qu'ils allèrent voir le missionnaire.
Celui-ci n'exigeait certes pas un habit de
cérémonie, mais un peu de
décence. De plus, ces nombreux visiteurs
constituaient un auditoire, et le missionnaire y
vit aussitôt une occasion de les instruire,
de leur présenter la vérité
chrétienne ; et plusieurs
retournèrent chez eux enrichis de quelque manière.
Williams se sert
de préférence de la conversation,
d'une conversation qui devient vite
générale, pour inculquer quelque
nouvelle notion à ses visiteurs.
Ce n'est pas toujours chez lui que le
missionnaire les reçoit ; c'est bien
plus souvent à l'endroit de ses
occupations : le temple en construction,
l'école, le collège. C'est ainsi que
tout en travaillant manuellement, il instruisait de
quelque manière et enseignait
l'Évangile à la foule qui ne cessait
de l'entourer.
Tous cependant n'étaient pas
disposés à l'écouter. Certains
voulaient seulement le voir, pas l'entendre. Car
des païens affirmaient qu'après l'avoir
entendu on ne pouvait faire autrement que
d'abandonner le paganisme. On évitait donc
parfois la maison d'école et le temple et ou
redoutait tout contact avec celui qu'on
désirait voir. Il arrivait cependant que ce
qu'on voyait suffisait pour amener le visiteur il
rejeter les superstitions païennes.
Un jour, quelques indigènes
faisaient à distance le tour de la maison
d'habitation, lorsqu'ils aperçurent,
à l'intérieur, un jeune garçon
qui frottait des couteaux. Ces laines brillantes
exercèrent sur eux une vraie fascination.
Ils s'approchèrent et
décidèrent d'en prendre
quelques-unes. Attirant l'attention du
garçon dans une direction opposée,
ils s'emparèrent de quatre couteaux et
décampèrent. Regagnant cri hâte
le bord de la mer et leurs pirogues, ils reprirent
le chemin de Savaii. Un vent violent les surprit en
route qui menaçait de faire chavirer leur
esquif, et leur conscience les reprit avec force.
Ils jugèrent que c'était là un
châtiment parce qu'ils avaient volé le
missionnaire, et tenant conseil, les
délinquants décidèrent de
jeter à la mer la cause du mal. À
regret ils se
séparèrent des couteaux
volés ; puis, dès
l'arrivée à Savaii ils
allèrent trouver
l'évangéliste, confessèrent
leur faute et demandèrent à devenir
« fils de la Parole ».
Les visiteurs s'intéressaient aux
travaux manuels de Williams, et son habileté
à tourner le bois, à forger le fer
les jetait dans l'étonnement. Quelques-uns
des indigènes s'installèrent
près du missionnaire parmi eux un chef - et
ils devinrent bientôt très habiles
dans les arts manuels. La plupart de ceux qui
montaient à Fasétootaï et y
restaient quelque temps ne repartaient pas sans
avoir acquis quelque connaissance.
Bientôt une Église
chrétienne fut fondée et Williams eut
la joie de prendre la Cène, avec les Samoans
convertis de son petit troupeau, à l'endroit
même où dix ans auparavant se
livraient de cruels combats.
À cette époque, Williams
travaille autant que jamais. Chaque matin, au lever
du soleil, il s'occupe de l'école
d'adultes ; après le déjeuner,
il a la classe des enfants. L'après-midi,
quand reviennent les adultes, le missionnaire est
occupé à quelque travail manuel
auquel il les initie. Quand les ombres du soir
s'étendent et qu'il renvoie ses
écoliers, Williams rentre à la maison
et y trouve une foule de visiteurs venus pour lui
poser quelque question. En plus de tout cela, il y
avait le lundi une classe pour
catéchumènes, le mardi une
réunion des évangélistes de la
région, le mercredi prédication, le
jeudi nouvelle réunion avec les
évangélistes pour l'approfondissement
de leur foi. Ils faisaient alors connaître au
missionnaire le texte sur lequel ils se proposaient
de prêcher le dimanche suivant, et la
manière dont ils pensaient le traiter.
Williams corrige s'il y a lieu, donne quelque
aperçu de la
vérité, enrichit et développe
la pensée de ses auditeurs. Le vendredi, il
y a une réunion d'édification et de
prière à laquelle tous prennent une
part active, ce sont des moments bénis et
très solennels. Le samedi est employé
par les Samoans convertis à nettoyer leurs
demeures et leurs vêtements, et à
préparer leurs repas du lendemain. Il n'y a
donc pas de classe, pas de cours manuels, pas de
réunions de conversation. Règle
générale, tout est
préparé le samedi pour que le
dimanche soit vraiment un jour du repos, le jour du
Seigneur. De son côté, le missionnaire
a besoin de ces heures de recueillement et de
préparation pour les services du
lendemain.
En somme, l'emploi du temps de Williams
est toujours le même. Il est encore à
Fasétootaï ce qu'il était
quelque vingt ans auparavant à
Raïatéa. Travailleur infatigable, il
n'a rien retranché de ses labeurs. De plus,
il s'est enrichi de toutes les expériences
qu'il a faites, au cours de ses travaux
missionnaires. Et Dieu ne cesse de bénir
abondamment le labeur de son serviteur, accordant
à ses semailles le maximum de
rendement : « un grain en rapporte
cent » à sa gloire.
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