DAHMOUTH. - UNE AGRÉABLE TRAVERSÉE. - AU CAP. - SYDNEY. - L'AFFECTION DES CHRÉTIENS D'AUSTRALIE. - AUX SAMOA : TOUTOUÏLA. - CONFÉRENCE MISSIONNAIRE. - - UN DEUIL. - FASÉTOOTAÏ. - LES WILLIAMS S'INSTALLENT AVEC LES VAINCUS.
JOHN WILLIAMS voyait s'accomplir le
rêve de ses jeunes années. Il
retournait en Polynésie sur un navire
missionnaire et était accompagné de
seize autres ouvriers, tous pour les Îles des
Mers du Sud - Mr. et Mrs. Charter pour
Raïatéa, Mr. et Mrs. Stevens, Mr. et
Mrs. Joseph, Mr. Johnson pour Tahiti, Mr. et Mrs.
Gill, Mr. et Mrs. Royle pour Rarotonga, Mr. et Mrs.
Day, Mr. et Mrs. Stair pour les Samoa, Mr. Thompson
pour les Marquises.
Et maintenant qu'il a obtenu ce qu'il
demandait, il arrive que Williams se sente comme
écrasé par le sentiment de sa
responsabilité. Mais ce ne sont que nuages
qui obscurcissent momentanément sa route. La
piété du missionnaire et son heureux
caractère ne lui permettent pas de
céder à la dépression, et
généralement, il reprend vite le
dessus. Nous en avons à nouveau une preuve
dans les lettres écrites au lendemain du
départ, et dont voici quelques
extraits :
12 avril, 5 h. - Nous quittons Deal. Un
bateau chargé d'amis qui sont venus pour
nous dire adieu repart en cet
instant. La nuit dernière, le Camden a
jeté l'ancre à quelques milles de
Margate ; avant de nous séparer pour la
nuit nous nous sommes réunis pour la
prière dans la grande cabine... Nous
glissons positivement sur la mer qui est
superbe ; la brise est excellente. Le
bêlement des moutons, les cris des volatiles,
le chant des coqs et celui des canaris de notre
fils font presque croire que nous sommes toujours
à terre. Mais je ne puis en persuader ceux
qui payent leur tribut à la mer.
13 avril. - (Au large de l'île de
Wight). Le Camden est un fin voilier, il
dépasse tous les navires, même ceux
qui sont deux fois plus grands que lui. Temps
merveilleux. Bon vent. J'espère, mes
chères soeurs, que vous êtes
maintenant tout à fait
réconciliées avec notre
départ, au point de pouvoir vous en
réjouir. Vous n'êtes pas sans
discerner la main de Dieu et ses nombreuses
bénédictions, et vous savez qu'il
s'agit de la cause du Seigneur... Le capitaine et
ses officiers sont des chrétiens. Nous ne
pourrions souhaiter mieux sous tous les
rapports. »
Le dimanche après-midi, le vent
soufflant en tempête, le capitaine jugea
prudent de chercher un abri à Dartmouth.
Aussitôt débarqué, Williams
rencontre le pasteur Stenner et il prêche
à sa place. Tous sont ravis de cette
soudaine apparition : pasteur et paroissiens
mettent aussitôt leurs maisons à la
disposition des voyageurs, et ceux-ci y
reçoivent la plus cordiale
hospitalité.
« Les amis de Dartmouth ont
accumulé sur nous tout ce que leur coeur
pouvait suggérer..., écrit Williams
à cette occasion.
« Ceux qui assistèrent
à la réunion du lundi soir et au
service d'adieux de mercredi soir ne les oublieront
sans doute jamais.... »
Le temps étant favorable, le Camden
repartit le jeudi matin 19 avril. Longtemps,
Williams observa les côtes d'Angleterre qui
disparurent tout à fait à ses yeux
vers les 6 h. du soir.
Dès que les passagers furent
suffisamment rétablis des effets du mal de
mer, un plan de travail fut dressé. Chaque
jour à 10 h. et à 2 h. les
missionnaires se réunissaient pour des
leçons de langue en tahitien et en
rarotongan. Après s'être
réunis, les frères à bord du
Camden, le capitaine, ses officiers et quelques
matelots avec les missionnaires, résolurent
de se constituer en communauté
chrétienne et de célébrer de
temps à autre un service de Sainte
Cène. Le premier fut
célébré en mai.
Le 4 juin, le navire croisa un baleinier
américain, et Williams rédigea en
hâte un billet pour sa soeur, Mrs.
Kuck : « Nous sommes maintenant par
25° de latitude Sud et 30° de longitude
Ouest après six semaines d'excellente
traversée, écrit-il. Encore deux ou
trois semaines et nous serons au Cap. Sommes tous
très heureux. »
Le 1er Juillet, le
« Camden » jetait j'ancre dans
la baie de Simon
(1).
Peu
après, le lieutenant d'un bateau de guerre
à l'ancre vint à bord pour demander
certains renseignements. Le capitaine Morgan lui
ayant dit que sa cargaison consistait en Bibles et
en missionnaires ; il sourit d'un air
étonné, et comme si la chose lui
paraissait
incompréhensible... »
C'était un dimanche. Williams
descendit aussitôt et accepta de
prêcher le même soir a l'église
méthodiste. Le séjour se prolongea
quelque temps au Cap, et voici des extraits de
lettres écrites à cette
époque :
« 14 juillet. Excellente
traversée jusqu'ici. Nous avons joui de tout
le confort imaginable... Le capitaine Morgan est un
chrétien, et il fait tout ce qui
dépend de lui pour notre bien-être.
Jamais Mary n'a si peu souffert d'un voyage, et
Willy est le plus heureux bambin qui soit. Comme il
avait bien su ses leçons et que sa
mère lui avait donné quelques sous,
il s'acheta un petit omnibus qui portait cette
indication - « Baker, Whitechapel, Mile
End ». Cela nous rappela si vivement
Bedford Square et Denmark Street que nous
eûmes aussitôt les larmes aux yeux. Il
ne se passe pas de jour que nous ne parlions de
vous ou ne pensions à vous avec
tendresse... »
Le 19 juillet, le
« Camden » repartait pour
Sydney. Pendant le séjour au Cap, Williams
avait reçu de très nombreuses
invitations à prêcher, à parler
de l'oeuvre missionnaire en Polynésie :
il le fit avec joie et en eut de tels
résultats pratiques qu'il eût
aimé prolonger le séjour dans la
colonie du Cap si le devoir n'avait pas
été d'aller de l'avant. Il avait
été fort intéressé par
les méthodes scolaires employées dans
la colonie, méthodes qui s'adapteraient
parfaitement aux écoles
polynésiennes, pensait-il. Or, aucun des
missionnaires ne les connaissait. Il fit savoir
à ses amis combien il aimerait trouver
quelqu'un qui irait avec lui pour les enseigner.
Mr. E. Buchanan vint offrir ses services à
Williams qui, sur renseignements favorables, les
accepta...
Un peu avant l'arrivée à
Sydney, les voyageurs souffrirent d'une violente
tempête. Le 10 septembre, ils entraient au
port et reçurent le plus aimable accueil.
« MM. Bourne et Crook, nos anciens amis,
et plusieurs autres, nous ont souhaité la
plus cordiale des bienvenues ; ils nous ont
ouvert leurs foyers et ont offert
l'hospitalité à tous les
missionnaires. »
À Sydney aussi, Williams a l'occasion
de plaider la cause des Missions, avec ce
résultat qu'un Comité auxiliaire de
la Mission de Londres est fondé, et un
certain nombre de souscripteurs s'engagent à
des versements annuels dont le total dépasse
£ 500, (12.500 fr.).
Un autre sujet de joie ce sont les bonnes
nouvelles reçues des Îles du
Pacifique. Partout on demande des missionnaires,
des livres, des ardoises, des crayons, du papier et
de l'encre. Partout l'oeuvre
d'évangélisation
prospère.
Pendant son séjour à Sydney,
Williams fut amené à s'occuper des
indigènes d'Australie. Il écrit
à son fils Samuel, à la date du 20
octobre :
« Hier nous avons constitué
une autre Société pour la protection
des aborigènes qui sont tués sans
pitié dans la région montagneuse par
les gardiens de troupeaux. Je ne puis entrer dans
les détails, mais je suis
profondément attristé d'avoir
à dire que depuis que l'Angleterre occupe
l'Australie, c'est-à-dire depuis cinquante
ans, rien n'a encore été fait pour
les pauvres gens qui sont toujours aussi ignorants
et misérables. Ceci montre que le contact
avec les civilisés ne suffit pas pour
transformer et convertir les païens, il faut
l'Évangile de
Jésus-Christ... »
À un autre correspondant, Williams
écrit :
« Vous serez peiné
d'apprendre que les prêtres font un effort
désespéré pour introduire le
catholicisme dans les Îles. On m'assure
qu'une frégate française ayant
à bord cinquante missionnaires catholiques
est en route pour les Gambiers. Quel appel à
l'action et à l'union chez tous ceux qui
aiment le Seigneur !... L'évêque
catholique a eu un service de confirmation pour
trois
cents
forçats irlandais dimanche
dernier... »
Nulle part Williams ne reste inactif ;
partout il intéresse de nouveaux amis
à l'oeuvre missionnaire. Cependant le
vaisseau attendu qui doit partir pour les Fidji
étant annoncé, les voyageurs prirent
congé des amis de Sydney le 23 octobre. La
veille, pour un service d'adieu, l'édifice
choisi fut trop petit pour contenir la foule
sympathique qui était venue pour entourer
les voyageurs. « Impossible de dire la
bonté et l'affection des amis. Cela
dépasse toute description, écrit Mr.
Gill. Entre autres choses ils ont loué un
vapeur qui nous porta jusqu'à la mer, il
sept milles d'ici... Comme nous quittions la rive,
Mr. Saunders fit chanter le cantique :
« Jésus, sur ton ordre, j'ai
quitté... ». À 10 h. nous
étions auprès du
« Létilia ». Alors que
nos frères wesleyens nous quittaient pour
s'embarquer sur ce navire, nous avons chanté
le cantique : « Vous, messagers du
Christ ». Il était près de
2 h. quand nous rejoignîmes le
« Camden ». Impossible de
décrire la scène dont nous avons
été l'un des témoins. Je vous
renvoie à celle du 11 avril, le
départ de Londres, pour que vous essayiez de
l'imaginer...
Au moment de la séparation, les amis
de Sydney entonnèrent ce
cantique :
« Que soient bénis les
liens qui unissent Les coeurs dans l'amour du
Sauveur... »
Mais l'émotion était si
puissante que beaucoup pleuraient. Le vapeur fit
alors le tour du
« Camden » ; trois fois
encore les amis de Sydney tirent retentir leurs
acclamations, puis les deux bateaux se
séparèrent.
Le 23 novembre on est en vue de
Toutouïla et le « Camden »
jette l'ancre dans la baie de Pango-pango.
« ... La beauté du paysage
dépasse ce qu'on en peut dire, écrit
Mr. Gill. Nous sommes à peine arrivés
que des indigènes montent à bord.
Leur étonnement est extrême lorsqu'ils
apprennent que le « Camden »
est un bateau missionnaire et que Mr. Williams est
à bord... »
« Le premier indigène que
nous rencontrons, écrit Williams, est le
puissant chef qui porta le coup de mort à
Tamafainga. Il est toujours le même
homme : païen et crue]. Je lui ai
parlé sérieusement, mais sans
résultat apparent.
Puis vinrent cinq jeunes gens qui en
s'approchant levèrent leurs chapeaux pour
saluer, et qui dirent en samoan :
« Dieu en vérité fait bien
toutes choses. Il a entendu nos prières et
il t'a ramené enfin. » Mr. Murray
est venu à bord. Il est très grand,
très maigre et très pâle. Nous
avons tous été profondément
émus en le voyant. Mais lui nous dit qu'il
se portait relativement bien. Nous avons
découvert qu'il a souffert de grandes
privations ainsi que les chrétiens qui sont
avec lui ; mais il en parle comme un homme qui
sait supporter l'affliction en vrai soldat de
Jésus-Christ.
Il était à peine à bord
que toits furent convoqués sur le gaillard
d'arrière : équipage et
passagers ; et nous eûmes ensemble un
service d'actions de grâce. Lorsque nous
gagnâmes la terre, nous
découvrîmes que la plupart des
indigènes de l'endroit sont maintenant
chrétiens. Ils ont témoigné
beaucoup d'égards à Mr. et à
Mrs. Murray...
De Pangopango nous nous dirigeâmes sur
Léone qui est à
une distance de 16 milles à peu près.
Amoamo arriva, et Mr. Williams lui fit voir la
gravure de son livre qui représente sa
première arrivée à
Léone. Durant quelques secondes il resta
muet d'étonnement. Puis il
s'écria : « Oh ! c'est
moi et mon peuple ! Quels gens extraordinaires
ces papalangis qui peuvent mettre sur du papier ce
que leurs yeux voient ! »
... Quelle joie de voir l'église qui
peut contenir 1.500 personnes ! Tous viennent
se faire instruire. À peine avions-nous
débarqués que nous fumes
invités à dîner. Nous nous
sommes assis sur des pierres, écrit Mr.
Gill, chacun fut muni de feuilles en guise
d'assiettes et tous nous mangeâmes avec
plaisir des mets préparés. Mais
personne ne semblait en jouir au même point
que Mr. Williams...
De là nous partîmes pour Apia,
le port d'Oupolou, où réside Mr. Mill
(2).
Au grand
désespoir du chef, nous emmenions Mr.
Barnden qui doit nous aider à monter la
presse. Amoamo est inconsolable, le pauvre Barnden
aussi est désolé. Tous deux s'aiment
beaucoup. - « Tu m'as promis un
missionnaire quand nous étions païens,
dit le chef à Williams. Nous l'avons eu pour
un peu de temps, et nous avons rejeté le
paganisme. Que puis-je faire sans lui ?
Retournerai-je dans les
ténèbres ?... »
Arrivé à Apia, Williams envoie
des messagers aux missionnaires, aux chefs, aux
évangélistes pour tenir une grande
réunion où l'on décidera de la
création de nouveaux postes et de
l'affectation des ouvriers. En attendant,
aidé de quelques frères, il s'occupe
à diviser en appartements l'intérieur
d'une immense case indigène qu'on lui a
prêtée, Pour que les familles
missionnaires puissent s'y installer provisoirement
pendant que le « Camden »
décharge le fret.
Mr. Stair, l'imprimeur, fut affecté
à Falilataï, le district de
Riromaïava. [Ce chef est devenu un puissant
prédicateur de l'Évangile : Mr.
Heath l'a surnommé le Whitefield de Samoa.]
Diverses décisions furent prises :
l'une d'elles enlevait Mr. Macdonald à son
district pour le placer en un autre endroit
où les besoins sont notoirement plus
urgents. Les indigènes en apprenant la chose
décidèrent qu'aucun d'eux n'aiderait
Mr. Macdonald pour soit déménagement.
« Il ne sera pas dit,
expliquèrent-ils, que nous avons aidé
un missionnaire à nous
quitter. »
Pendant ce temps d'installation, Williams ne
reste pas oisif. Il prend contact avec les
indigènes, avec les communautés
naissantes, avec les chefs. « ... Si nous
avions vingt missionnaires au lieu de trois pour
cet archipel, nous pourrions utilement disposer
d'eux, écrit-il. Sur une population
évaluée il 70.000 habitants à
peu près, 50.000 se l'ont instruire. Des
chefs viennent de fort loin, 100 milles, 200
milles, pour plaider la cause de leurs districts.
C'est une souffrance que de voir leur air
misérable quand ils comprennent que nous
n'avons pas de missionnaires pour eux.
« Depuis que je suis ici j'ai
assisté à la dédicace de trois
ou quatre lieux de culte. Chacun petit contenir de
douze à dix-huit cents personnes... Ces
fêtes de dédicace sont
généralement suivies d'un festin, et
pour celui-ci les Samoans tuent un grand nombre de
porcs : 1.370 dans un district où la
population est de 1.600 personnes !
J'espère pouvoir les amener à
modifier cette manière de faire, et a
réserver leurs porcs pour s'acheter des
habits...
« Leurs guerres sanguinaires ont
complètement cessé. Il y a là
un grand sujet de joie. Matétaou, de Manono,
s'est vraiment converti. À cette occasion,
il a réuni ses parents et ses amis, et lui,
ce guerrier renommé, après avoir
déclaré qu'il ne se battrait plus
jamais, a distribué ses nombreux mousquets
et toutes ses armes. Puis, levant l'évangile
selon saint Matthieu, il dit : C'est avec
cette seule arme que je veux combattre
désormais. »
La multitude de ceux qui peuvent lire est
surprenante... Les Tahitiens ont appris rapidement,
mais les Samoans les dépassent de beaucoup.
Il n'y a que quelques années que leur
langage est écrit et déjà
l'évangile selon saint Matthieu et plusieurs
livres élémentaires sont
imprimés. Dans presque toutes les maisons on
célèbre matin et soir le culte de
famille... Il y a peu de temps, Mrs. Mill allant
voir un soir ses serviteurs les trouva dans
l'obscurité. Et comme elle leur demandait
pourquoi, ils répondirent que leur provision
d'huile était presque épuisée.
Ne sachant pas quand ils pourraient en avoir
d'autre, ils la réservaient pour le moment
du culte de famille afin de pouvoir lire
l'Evangile... »
Aux membres du Comité directeur de la
L. M. S. (3),
Williams écrit : « Chaque
missionnaire a un certain nombre de districts
à visiter. Ainsi Mr. Heath, en plus de
Manono, s'occupe de près de 14.000
indigènes dispersés sur près
de 70 milles de côtes. Tous les missionnaires
sont obligés à beaucoup marcher car
ils n'ont pas de chevaux, et cela les use
très vite. Il serait difficile de trouver
des hommes plus capables. et consacrés
qu'ils ne le sont. »
Le séjour de Williams aux Samoa fut
de cinq semaines. Au milieu de nombreux sujets de
joie et de reconnaissance un
deuil vint frapper la famille missionnaire et il en
ressentit très particulièrement le
contre-coup. Le pasteur J. Barnden se noya en se
baignant. Williams fut prié de
célébrer le service funèbre.
Il en fut très vivement affecté,
à ce point que de retour chez lui il se
laissa aller à une crise de larmes puis,
avec une solennité presque
prophétique, il dit « Le prochain
départ sera peut-être le
mien. »
Le premier projet de Williams avait
été de s'installer à
Rarotonga. C'est la qu'il avait pensé
laisser Mrs. Williams pendant soit voyage aux
Nouvelles-Hébrides. Mais l'état des
Îles Samoa où les semailles
annonçaient les plus riches moissons, la
demande instante des indigènes, la
conviction que c'est là qu'il est le plus
utile, ce que lui disent aussi ses collègues
et les églises, enfin le désir
exprimé par Mrs. Williams qui avait de la
joie à être parmi ces Samoans si
heureux d'avoir trouvé le Seigneur et de le
servir, tout cela amena Williams à modifier
ses plans et à choisir Oupolou pour y
demeurer.
Dans une lettre à son fils Samuel, il
écrit « ... Il me semble
t'entendre dire : « Et maman ?
Où est-elle ? Dis-moi quelque chose
d'elle. » Elle est à
Fasétootaï ainsi que John et Carry. Les
pauvres indigènes de ce district sont des
vaincus. S'ils vivent encore, ils le doivent au
christianisme. Ils ont plaidé leur cause
avec tant d'insistance auprès de ta
chère maman, qu'émue de compassion
elle a décidé de s'installer ici...
Les gens de Fasétootaï vivent c'est
vrai, mais doivent subir bien des vexations et
n'ont absolument aucun droit... Il y a ici de 3
à 4.000 personnes. Leur instruction va
donner bien de l'occupation à maman et
à Carry... »
Voici continent Fasétootaï avait
été choisi comme lieu de
résidence :
les Williams s'étaient installés
provisoirement à Apia. Un jour qu'ils
étaient venus jusqu'à cette montagne
dont l'incendie avait duré longtemps et qui
était encore toute marquée d'immenses
taches noires aux anciens emplacements des
bûchers ou les vieillards, les femmes, les
enfants avaient été la proie des
flammes, deux jeunes chefs survinrent et se
présentèrent à eux les
suppliant de s'installer à
Fasétootaï. Williams se contenta de
répondre évasivement qu'il y aurait
effectivement assez de travail pour un missionnaire
en cet endroit. À peine avait-il dit cela
que les chefs dansèrent de joie et coururent
au village criant autour d'eux que Wiriamou allait
s'installer chez eux. Craignant sans doute quelque
protestation, quelque refus, cinq cents
indigènes partirent en courant à
travers bois et tirent vingt milles jusqu'à
Apia. Là, sans y être
autorisés, ils cherchèrent toutes les
caisses ou objets portant l'initiale W, choses qui
se trouvaient en plusieurs endroits, ils les
prirent et sans s'arrêter, ils revinrent en
file indienne, criant, chantant, et quand le poids
du bagage le permettait, dansant.
De leur côté, et pendant ce
temps, les femmes étaient allées
supplier Mrs. Williams de rester à
Fasétootaï. C'est ainsi que
l'installation en ce district avait
été décidée, alors que
les principaux intéressés n'y avaient
pas songé un seul instant.
Williams se laissait volontiers guider par
les circonstances et modifiait facilement ses
plans, quand il discernait une indication de Dieu
et une occasion de le servir. Enfin, les
préférences de Mrs. Williams, qu'il
laissait souvent seule, l'influencèrent
aussi. Il resta. Cependant tout était
à faire à Fasetootaï :
c'était un nouveau poste missionnaire
à fonder.
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