Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IX

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L'ANGLETERRE. - INVITATION A PARLER DE L'OEUVRE EN POLYNÉSIE. - UN SERMON DE JOHN WILLIAMS. - POPULARITÉ. - IMPRESSION DU NOUVEAU TESTAMENT EN DIALECTE DE RAROTONGA. - WILLIAMS RÉDIGE SES RÉCITS MISSIONNAIRES. - SUCCÈS. - AT HOME. - LE « CAMIDEN ». - PRÉPARATIFS DE DÉPART. - ADIEUX.


 

DANS l'une des dernières lettres qu'il écrivait aux membres de sa famille avant le retour en Angleterre, John Williams s'exprimait ainsi :
« Comme il y a longtemps que nous ne nous sommes vus ! Que de changements, que de transformations depuis notre départ ! Parents morts, frères et soeurs mariés, une nouvelle génération de jeunes dont quelques-uns sont presque des hommes ; et nous-mêmes nous avons dépassé le méridien de la vie ! Bientôt tout sera comme une histoire qui est dite, bientôt l'endroit où nous sommes ne nous connaîtra plus ; et bien qu'il nous semble que nos vies aient tant d'importance, nous disparaîtrons de la scène de ce monde sans qu'on s'en aperçoive, et comme si nous n'avions jamais été ! »

Il y a de la mélancolie dans ces lignes : la mélancolie qui envahit le coeur de l'absent en songeant au fossé creusé par les grandes distances et les nombreuses années de séparation ; la mélancolie de l'âme qui sent tout l'éphémère des choses d'ici-bas et qui a soif des réalités célestes ; la mélancolie enfin de celui qui se sent en ce monde étranger et voyageur et aspire à ce qui est définitif et éternel. Il y a aussi beaucoup d'humilité dans la manière dont s'exprime Williams. Quelle très humble appréciation de sa vie. de ses travaux, de son service. « Bientôt nous disparaîtrons de la scène de ce monde sans qu'on s'en aperçoive, et comme si nous n'avions jamais été ! »

Il n'en devait pas être ainsi. À peine John Williams est-il de retour dans la Mère-Patrie, à peine a-t-il pu revoir tous les chers parents et amis et faire la connaissance des beaux-frères ou belles-soeurs, neveux et nièces dont la famille s'est agrandie, que le secrétaire de la Société des Missions de Londres vient le chercher dans ce cercle tout intime pour lui demander de parler au grand public de son activité dans les Mers du Sud.

Ce ministère de la parole qu'on lui demande, ce travail de conférencier, Williams ne l'accepte qu'en tremblant. Il n'a pas pu faire d'études approfondies dit-il ; son discours est dépourvu d'élégance, et depuis, dix-huit ans il a oublié l'anglais ! Il craint de choquer les oreilles et que le mot propre lui manque. Certes, les expériences qu'il a faites intéresseront les chrétiens, mais trouvera-t-il pour les dire les termes qu'il faut ? Tout cela le préoccupe, et ce n'est pas sans appréhension qu'il entre dans la voie ouverte devant lui.

Dans une lettre qu'il écrit à sa soeur le 7 août 1834, trois semaines après son arrivée, nous trouvons le passage suivant qui nous montre dans quels sentiments il se trouve, au moment de commencer cette campagne de conférences et de prédications qu'on lui demande :

« ... J'ai maintenant tellement de travail en perspective que j'en tremble. Je veux faire bien tout ce que le Seigneur me demande ; mais je crains de n'en être pas capable. Tous ceux qui m'appellent semblent tellement compter sur moi pour faire retentir la note qui éveillera l'intérêt missionnaire, que j'en suis écrasé. C'est presque plus que je n'en puis porter. Cependant jusqu'ici le Seigneur m'a aidé et soutenu... »

C'est à Coventry que se tient la première grande réunion convoquée pour entendre J. Williams. La seconde eut lieu à Birmingham où la grande chapelle de Car's lane fut trop petite pour la foule qui s'y pressait. Là, Williams était connu par ses lettres aux pasteurs James et East.

« Si je n'avais dû parler qu'une fois en Angleterre, c'est dans cette ville de Birmingham que j'aurais voulu le faire, dit-il en cette occasion. C'est l'un des pasteurs de cette ville qui a éveillé en mon mur des impressions religieuses définitives. Oui, ajouta-t-il, en se tournant vers le Rév. T. East, après Dieu, c'est à vous que je dois ce que je suis et tout ce que j'ai été rendu capable de faire. Et c'est le bien cher pasteur du sanctuaire où nous sommes en ce moment assemblés qui, en me remettant une Bible, le jour de ma consécration, m'a solennellement exhorté à prêcher sa glorieuse Révélation aux païens. Monsieur, dans la mesure que Dieu m'a départie, j'ai prêché la doctrine du salut par la foi en un Rédempteur crucifié. Une autre raison qui m'aurait fait choisir Birmingham, c'est la générosité avec laquelle de bienveillants amis de cette ville m'ont fait à plusieurs reprises des envois d'outils, de quincaillerie, qui m'ont aidé à m'ouvrir un chemin en terres païennes. Pour ces dons, je veux dire à nouveau toute ma gratitude... »

Après cet exorde, Williams dit quelques mots du sujet du jour : l'introduction des alcools en Polynésie, et les effets déplorables sur un peuple très faible devant la tentation. Puis après avoir dit quelques mots de la fréquence et des formes de l'infanticide avant l'introduction du christianisme, il fit une rapide esquisse de l'oeuvre missionnaire dans l'archipel de Cook et aux Samoa. Lorsqu'il s'arrêta, Mr. James le pria de raconter comment il avait construit sa goélette ? Williams donna alors des détails intéressants sur ce chef-d'oeuvre de patience et d'habileté.

Le soir de ce même jour Mr. East lui demanda de prêcher à sa place. Ce faisant il ajouta : « Racontez donc votre propre histoire. » Mais - écrit Williams à un ami - il m'était désagréable de parler de moi (1). » Je me bornai donc à dire comment Dieu m'avait amené à la connaissance de la vérité par la prédication de Mr. East ; puis, ayant pris mon texte dans 1 Corinthiens Il : 2 j'exposai les doctrines prêchées par les missionnaires ; secondement, je dis la condition des indigènes quand la prédication de la Bonne Nouvelle retentit en leurs lointains pays. Condition manifestée par les divinités adorées, le culte rendu aux idoles, le ciel auquel ils croyaient et les moyens employés pour parvenir au paradis des Polynésiens ; enfin les résultats du labeur missionnaire...

Williams prit soin d'émailler son discours d'exemples, de faits, qui s'adaptaient admirablement aux divers points énoncés ci-dessus, de sorte que cette prédication fut une vivante démonstration que l'Évangile est la puissance de Dieu pour relever, sauver et sanctifier tous les hommes, sous tous les cieux...

Avec son bon sens et son discernement habituels, le missionnaire avait rapidement compris ce qui intéresserait le public chrétien. À un ami il écrivait à cette époque : « Si vous venez en Angleterre, ne vous donnez pas la peine de préparer des sermons en trois points ; les faits, voilà ce qui intéresse... » Mais les années d'activité en Polynésie avaient accumulé tant de choses dans la mémoire de Williams qu'il eut à découvrir au début celles qui intéressaient le plus. Et ce n'était pas toujours celles qui l'intéressaient le plus, personnellement. Il arriva que son choix ne fut pas des plus heureux. Ainsi au début il puisait volontiers dans la mythologie ou les traditions polynésiennes pour illustrer l'état de dégradation où se trouvaient les païens avant l'introduction du christianisme. Pour un auditoire composé des éléments les plus divers, ce choix n'était peut-être pas très judicieux... Williams comprit ce qu'il fallait dire, ce qui portait le plus ; et comme il recevait avec beaucoup de reconnaissance toutes suggestions, tous conseils amicaux, il devint en très peu de temps un grand orateur.

Il ne faudrait pas croire que ses discours se réduisaient à une accumulation de faits juxtaposés. L'ordre était l'un des traits de son caractère et de sa pensée. Les faits cités venaient illustrer une affirmation, prouver ce qui venait d'être dit, inciter à l'action, démontrer la puissance de l'Evangile...

Voici un spécimen du genre de sermons qu'il prêchait. Texte : « Les lieux ténébreux de la terre sont pleins de repaires de violence. » Ps. 71 : 20. Après quelques notes personnelles, le prédicateur annonce qu'il se propose de démontrer : 1° que de grands espaces étaient encore plongés dans de profondes ténèbres ; 2° que cruautés et violences s'exerçaient dans les ténèbres ; 3' l'obligation où se trouvent les chrétiens de travailler à dissiper les ténèbres, en annonçant l'Évangile.

« Imaginez tout un comté de notre pays où ne brillerait jamais le moindre rayon de soleil, où régneraient les ténèbres sur la terre, les fleuves, les montagnes, les vallées ! Avec quelle émotion ne songerions-nous pas aux malheureux habitants d'un semblable pays ! Eh bien ! je désire vous parler d'îles, de terres, de contrées où règnent de façon absolue les horreurs de profondes ténèbres, ténèbres spirituelles, où n'a jamais pénétré un seul rayon du Soleil de Justice.

J'ai été le témoin de ces ténèbres, j'ai vu ces pays. Trois choses semblent nécessaires au salut : la connaissance de Dieu, de soi-même, de Jésus-Christ comme Sauveur. Les païens les ignorent absolument. Au lieu de cela, ils croient aux choses les plus absurdes, les plus honteuses, lesquelles émanent du père du mensonge. Ils ne connaissent pas Dieu. Ce qui le prouve c'est qu'ils ont changé l'image du Dieu incorruptible en celle de l'homme corruptible et de toutes sortes d'animaux et de reptiles. En diverses îles où je suis allé, les seules divinités des ancêtres et les objets de l'adoration, c'étaient des serpents, des lézards, des rats, des chiens, des oiseaux, des requins, des anguilles. À ces dieux ils attribuaient les actes les plus impurs, les plus odieux. On croyait généralement que les divinités n'étaient heureuses que lorsque les autels avaient du sang humain, ou que des corps d'hommes étaient suspendus aux arbres sacrés du maraë. O amis chrétiens ! que vos privilèges sont grands ! Vos vies sont comme illuminées par ce que les Écritures vous révèlent de Dieu, et vos derniers instants sont adoucis, réjouis, par l'espérance de sa gloire. Ces joies sont inconnues de ceux qui habitent les lieux ténébreux de la terre. Ils ignorent les oeuvres de Dieu et Dieu lui-même. [L'orateur prouve son affirmation en citant quelques-unes des traditions polynésiennes.]

Deuxièmement : Les païens ne se connaissent pas eux-mêmes. Les indigènes des nombreux archipels du Pacifique ignorent leur origine. Leurs idées sur ce point sont trop absurdes pour que je les expose ici ; l'une de leurs traditions cependant affirme que Taaroa fit le premier homme avec du sable ; mais les récits sont confus et contradictoires, et aucun n'enseigne que l'homme devint une âme vivante. Leur idée du péché est fausse, déviée. Les crimes auxquels nous pouvons difficilement penser sans en être souillés sont commis par eux avec une effroyable indifférence. Ils se réjouissent du mal, ils courent au mal et se vautrent dans l'impureté ; et il arrive que l'être le plus vicieux soit aussi celui qu'ils honorent le plus.

Ils ignorent la responsabilité de l'homme devant Dieu, et ne songent pas à un jugement à venir. Sur certains points les indigènes établissent une différence entre l'âme et le corps et ils se font certaines idées d'une vie après la mort, mais la lumière qui est en eux est ténèbres. » (Suivent ici quelques exemples).

Troisièmement : Ils ne connaissent pas le salut par Christ le Médiateur. Les païens offrent des sacrifices, il est vrai. Mais pourquoi ? Pour avoir violé la loi divine ? - Non pas ! Jamais il n'est demandé, ni fait d'expiation pour le mensonge, le vol, l'adultère, le meurtre. Ces choses n'existent pas dans leurs catalogues des crimes ! Mais si un aliment sacré avait été mangé, si les maraës étaient couverts de mauvaise herbe ou menaçaient ruine, si quelque « tabou » n'avait pas été respecté, ou si quelque rat sacrilège avait fait son nid dans les vêtements qui enveloppent le dieu, alors les tempêtes, orages, épidémies étaient attribués à la vengeance des dieux offensés. Et comment l'expiation était-elle faite ? En sacrifiant des porcs...

Dans la vie et la mort ils sont dans les ténèbres. Ils se nourrissent de cendres ; ils se sont égarés en suivant les désirs de leur mauvais coeur ; ils ne peuvent délivrer leur dîne, ils ne se demandent pas s'il y a quelque péché en leur main droite... Chrétiens, le sort de ces gens n'est-il pas extrêmement misérable et digne de votre pitié, d'une immense pitié ?

Par quelques observations préliminaires, Williams dit que dans son texte la Cruauté semble personnifiée, être présentée sous forme de quelque monstre puissant, qui règne en despote et possède des habitations sur toute la surface du globe, demeures d'où sont bannies la miséricorde et la bonté. Par quelques faits il va montrer combien cette peinture est exacte, non pour agir sur la sensibilité des auditeurs, mais pour augmenter leur reconnaissance envers Dieu, leurs compassions pour les païens, et amener chacun à faire tout ce qu'il peut pour la propagation de la Bonne Nouvelle.

La mère peut-elle oublier l'enfant qu'elle allaite ? demande-t-il. - Alors il répond par l'affirmative et parle de l'infanticide, et après avoir donné quelques détails effroyables il termine par ce récit : Nous avons eu sous notre toit pendant quinze ans une domestique dont la profession, au temps du paganisme, était de tuer les nouveau-nés. Elle me dit qu'elle faisait généralement la chose en brisant les doigts et les orteils : si cela ne suffisait pas elle serrait le cou. La dernière fois qu'elle commit ce crime, plusieurs familles de l'île avaient déjà embrassé le christianisme, et elle eut beaucoup de mal à tuer le bébé. Longtemps la fillette se débattit dans ses bras comme si elle était résolue à vivre malgré tout. Et la malheureuse femme me dit que souvent, et malgré les années, elle voyait encore cette enfant se débattre, se tordre sur ses genoux, et que cela hantait ses jours et ses nuits.

Les sacrifices humains. Après avoir parlé de la fréquence de ceux-ci, Williams continua par ces paroles : En un instant la femme, toute la famille étaient plongées dans la douleur. Vous, femmes, qui aimez vos maris, ne souffririez-vous pas le martyre en les voyant arrachés au foyer et assassinés ? Et vous, enfants, que penseriez-vous si, devant vous, on saisissait vos pères, et qu'on les tuât sous vos yeux ? Et ne dites pas, chers auditeurs, que ce n'est pas la même chose, que ces indigènes sont gens de couleur ! « Dieu a fait d'un seul sang tout le genre humain. »

Parfois, la population tout entière de certains districts était vouée aux sacrifices... Mais la prédication de l'Évangile a sonné l'heure de la délivrance. Quand j'arrivai à Rarotonga et que j'eus la très grande joie d'y introduire le christianisme, plus d'un millier d'indigènes vivaient dans la montagne pour échapper à la mort. Maintenant tous ces indigènes et leur chef, un homme pieux, vivent dans une superbe plaine, pas très loin de la mer. Leur village aux jolies maisons blanches s'étend sur plus d'un kilomètre à droite et à gauche du temple. J'ai fait la dédicace de cet édifice peu avant mon retour en Angleterre.

Maintenant, quelques mots de la guerre... Après avoir donné plusieurs exemples, Williams ajouta : « Je me trouvais une fois dans une île alors que rentraient les pirogues de guerre du foyer des hostilités. Ces pirogues étaient remplies de prisonniers destinés à être tués et mangés. L'avant et l'arrière des pirogues surplombent de quelques pieds le centre, et à ces deux extrémités les têtes des tués étaient suspendues. En débarquant, l'un des chefs prit une tête, l'éleva pour la montrer aux spectateurs, puis dit le nom du vaincu, racontant la valeur de l'ennemi avec lequel il s'était mesuré et qu'il avait tué. Il saisit une seconde tête, puis une troisième, puis en prenant la quatrième il dit : « C'est ici la tête du grand chef », et il ajouta le nom. À peine avait-il exhibé la tète du vaincu qu'une jeune fille prisonnière, la fille de ce chef, poussait un cri d'horreur et tombait évanouie. Mais je passe. N'en ai-je pas dit assez pour montrer que les lieux ténébreux de la terre sont pleins de repaires de violence ? »

L'obligation pour les chrétiens de travailler à la suppression de ces maux par la propagation de l'Évangile fut alors plaidée avec chaleur devant l'auditoire. Williams exposa d'une part la condition des païens, de l'autre la volonté de Christ : « J'ai d'autres brebis... », l'ordre donné à l'Eglise, les oracles de Dieu qui lui sont confiés... « Et si les chrétiens ne se soucient pas d'évangéliser, qui le fera ? Pendant que nous délibérons, ils meurent. Certes, les succès ont déjà couronné le travail des missionnaires. Mais des milliers de païens attendent encore la Parole de Vie ! »

Pour conclure, Williams cita encore quelques faits de sa propre expérience, puis il termina en disant : « Pourriez-vous employer vos talents au service d'une meilleure cause, ou vous consacrer vous-mêmes au service d'un meilleur Maître ? »

Cette esquisse montre que si le succès accompagna la prédication de Williams, ce ne fut pas affaire de chance ou d'engouement chez un certain public superficiel et frivole. Non ; mais ce qu'il disait, ses affirmations, ses arguments, l'ordre du discours, tout cela portait, allait droit au but, et réveillait les consciences, faisait battre les coeurs, de sorte qu'il était difficile de résister à ses appels. Bientôt, il est extrêmement populaire. Il est à peine arrivé en Angleterre que tous ceux qui s'intéressent à l'oeuvre missionnaire demandent à leurs amis, à leurs pasteurs : « Avez-vous entendu John Williams ? » Des invitations si nombreuses sont alors envoyées, soit à lui directement, soit aux membres directeurs de la Société de Londres, que Williams comprend bientôt qu'il lui faudra renoncer au repos. Dès lors, il plaide en tous lieux la cause des Missions, et partout les foules accourent pour l'entendre.

Entre temps, il exposait aux membres du Comité les besoins de l'oeuvre en Polynésie. À sa demande, la création d'une École de Théologie à Rarotonga pour la préparation des missionnaires indigènes fut décidée. Les indigènes devraient pourvoir aux frais d'entretien. À Tahiti même, Williams obtient la création d'une école où les fils de chefs et autres indigènes pourront recevoir une instruction supérieure. Cette école deviendrait la pépinière des instituteurs nécessaires pour les postes missionnaires existants, et pour ceux que l'extension de l'oeuvre faisait prévoir.

John Williams désirait aussi faire imprimer plusieurs livres. Il présenta au Comité de la Société biblique britannique et étrangère la traduction du Nouveau Testament en dialecte de Rarotonga, ouvrage auquel il avait longuement travaillé avec ses collègues MM. Pitman et Buzacott. Il considérait ce manuscrit comme un trésor. La Société biblique nomma une commission qui fut chargée d'examiner la question. Dans une lettre à Mr. Nott, Williams raconte l'entrevue qu'il eut avec quelques docteurs en théologie. Cette lettre est datée du 24 janvier 1835.

« La Société biblique a accepté d'imprimer le Nouveau Testament en langue de Rarotonga. J'ai dû me présenter devant le Comité d'édition pour rencontrer le Docteur Ceci et le Docteur Cela, qui m'ont fait passer un sérieux examen pour s'assurer, autant que possible, de la valeur du travail présenté. J'ai dit que cette traduction s'approchait beaucoup de la traduction en tahitien, mais que chaque verset avait été traduit en ayant sous les yeux le texte grec. Ces messieurs parurent surpris qu'aucun de nous connut le grec. Je leur répondis que quelques-uns des missionnaires avaient reçu une instruction classique, et que les autres, par une étude persévérante, avaient suffisamment acquis cette langue pour pouvoir comprendre avec l'aide d'un bon lexique le sens de l'original. J'ajoutai que, pour moi, l'excellence d'une traduction ne provenait pas uniquement d'une bonne connaissance de la langue dans laquelle le texte original est écrit. Encore fallait-il bien connaître la langue dans laquelle le texte était traduit. Or, nous la connaissions bien, et avec l'aide de nombreux commentaires il n'avait pas été très difficile de donner à chaque verset - ou presque - le sens exact qu'il avait dans le texte grec.

Ils me demandèrent alors quels commentaires nous avions consultés ? J'ai nommé Macnight, Doddridge, Poole, Campbell, Haweiss, Guyse Owen et plusieurs autres. Ils admirent que cela avait dû faciliter notre travail. Ensuite ils s'enquirent de la manière dont nous avions orthographié la langue. Je leur dis les règles que nous avions suivies. Ils me demandèrent de quelle autorité nous nous étions inspirés : Forster, Cooke, Humboldt, Marsden, ou d'autres ? Je répondis que nous n'avions suivi aucune de ces autorités, comprenant le langage mieux que les personnes citées, et que je n'avais jamais rien lui sur le sujet, hors - dans ce qu'avaient écrit les missionnaires - ce qui m'avait paru posséder une réelle valeur. »

La Commission se déclarant satisfaite des explications et déclarations de John Williams, la Société biblique accepta d'imprimer le Nouveau Testament en langue de Rarotonga. L'un des grands désirs du missionnaire allait donc se réaliser. C'était le couronnement d'un très grand travail, et il en eut une joie très vive. En mai 1835, il écrit :

« La surveillance des travaux d'impression me donne beaucoup à faire. Dix mille traités sur divers sujets sont achevés. On imprime en ce moment « Le Voyage des Israélites au désert », « le Voyage du Pèlerin de Bunyan », et d'autres livres encore. D'autre part, je dois constamment parler en public, je l'ai fait soixante-dix fois au cours des deux derniers mois. J'ai confiance que tout ceci portera du fruit, qu'il en résultera un plus vif intérêt pour l'oeuvre missionnaire dans les Mers du Sud, ce qui rendra possible l'extension de nos travaux jusqu'en Nouvelle Guinée. Veuillez excuser la brièveté et les imperfections de cette communication. C'est à peine s'il me reste un seul jour libre au cours de cette année. »

À la fête annuelle de la Société des Missions de Londres, Williams est prié de donner un rapide exposé de ses travaux en Polynésie. Mais tant d'orateurs avaient déjà pris la parole et la séance durait depuis si longtemps que le missionnaire se contenta de dire le but de son activité en Angleterre et de tracer un plan d'action pour l'évangélisation des archipels du Pacifique encore sans Dieu ; évangélisation à laquelle il désirait voir collaborer les missionnaires des autres dénominations religieuses. « Dissident convaincu, indépendant conscient, pédobaptiste résolu, écrit son biographe, Williams recherchait par-dessus tout la gloire de Christ et le salut des païens, et il ne permettait pas que des divergences sur certains points le séparassent d'autres chrétiens, ou l'empêchassent de s'unir à eux dans la commune recherche du salut des âmes. »

Nous ne pouvons citer tout ce qu'il dit en cette occasion, mais voici la finale : « Je suis convaincu que ma proposition est applicable. Nous, missionnaires, relevant de diverses Sociétés, nous sommes des cultivateurs ayant chacun des méthodes différentes, mais tous nous semons la même « semence incorruptible ». Le but que poursuivent les cultivateurs c'est la moisson. Toutes nos Sociétés désirent gagner des âmes à Christ, les lui amener pour qu'Il les rachète et les sanctifie. Que chaque Société assume donc la tâche qu'elle peut mener à bien dans les Mers du Sud, et bientôt la lumière de l'Évangile aura pénétré dans tous les archipels de l'immense Océan... »

Dans une lettre à Mr. Pritchard, Williams écrit : « Peut-être avez-vous été déçu de ce que j'ai dit lors de la Fête annuelle. L'un des frères vous expliquera pourquoi je n'ai pas dit davantage. À un autre, j'envoie un compte rendu de la réunion de Manchester. Le produit de la collecte a dépassé 3.000 livres sterling ! Je suis maintenant à Sidmouth où j'ai tenu une réunion hier soir... Dimanche j'ai prêché trois fois, et une fois lundi. Maintenant je me prépare à aller à un repas public. À onze heures je dois être à six milles d'ici pour parler aux membres d'une réunion d'études bibliques, et ce soir autre conférence missionnaire. Je me sens presque à bout de souffle. Depuis que je suis en Angleterre, je n'ai pas eu un seul dimanche à moi... Il est probable que nous retournerons en Polynésie dans un joli navire de quelque cent cinquante tonneaux, navire exclusivement destiné aux besoins missionnaires.

Momentanément la question de l'École supérieure et plusieurs autres sont laissées de côté. Les Directeurs en ont déjà été saisis, mais je voyage tellement depuis sept mois que je n'ai pu faire avancer ces questions. Je dois être en Cornouailles la semaine prochaine et y passer une huitaine de jours. De là je pars pour l'Écosse où la tournée missionnaire durera de six à huit semaines. Puis, dans le Hampshire. Mon temps est pris jusqu'à Noël. Je me retirerai alors pour tout l'hiver, c'est-à-dire jusque vers le 1er février.

Impossible de refuser les invitations. Je crains que notre absence se prolonge encore un an ou dix-huit mois ; j'ai d'autres livres à préparer, entre autres à faire imprimer un récit de mes voyages missionnaires.

Ayez l'assurance que tous les succès et la grande bonté des amis qui nous reçoivent n'ont rien changé à mon affection pour les collègues, rien enlevé à mon attachement pour la Mission dans laquelle j'ai si longtemps travaillé. Je demande à Dieu qu'Il continue de me multiplier son secours pour les travaux à venir... » (1er septembre 1835).

De tous les voyages de Williams pour la cause des Missions, aucun petit-être ne lui coûta davantage que celui d'Écosse aux mois d'octobre et novembre 1835, et aucun ne laissa plus de résultats. C'est après son passage en ce pays que fut fondée la Société missionnaire d'Écosse.

Le 9 novembre, Williams écrit de Glasgow : « C'est le coeur débordant de reconnaissance que je vous fais savoir le grand intérêt éveillé pour les Missions en tous endroits où j'ai eu l'occasion de prendre la parole. À Glasgow, en particulier, la foule remplissait l'édifice ; en plus de la forte somme recueillie à la sortie. 2.500 francs ont été apportés à la table, et j'ai déjà reçu ce matin près de 1.000 francs... On me demande une autre réunion ce soir à la chapelle de Mr. Ewin. Je crois que les églises de Mr. Ewin et du Dr Wardlaw sont prêtes chacune à prendre entièrement à leur charge les frais de préparation d'équipement, de voyage et de traitement d'un missionnaire. En ce cas, j'aimerais que notre Société se charge des Nouvelles Hébrides et l'Eglise d'Écosse de la Nouvelle Calédonie...

14 novembre. - Je suis maintenant à Kilmarnoch. La réunion de ce soir devait avoir lieu dans une salle de conférence. Mais l'affluence était telle hier soir qu'on la trouve trop petite. En ce moment les tambours parcourent la ville pour annoncer qu'elle aura lieu ailleurs...

Me voici à Dumfries, et je pense terminer ce voyage missionnaire en Écosse à Annan le 2 décembre. Loin de diminuer, l'intérêt est allé augmentant lors de ma seconde visite à Glasgow, de sorte que l'église du Dr Kidson n'a pu recevoir la foule de ceux qui voulaient y pénétrer. Beaucoup sont restés dehors. Ces nombreux services en un même endroit, huit ou neuf à Glasgow, risquent d'épuiser le conférencier... Jusqu'ici les matières ne m'ont pas manqué et je n'ai pas eu à me répéter, sauf une fois, et ce fut à la requête de quelques personnes. Je sens qu'il me reste encore beaucoup à dire, et j'en suis reconnaissant. Je suis arrivé à Glasgow avec les sentiments qu'éprouvait l'apôtre Paul en se rendant à Corinthe : « dans un état de faiblesse, de crainte et de grand tremblement », intimidé par la renommée et le rang de ceux qui m'appelaient et devant lesquels j'allais avoir à prêcher. Mais Dieu m'a soutenu, et ceux que je redoutais sont venus m'entendre soir après soir... »

De tous côtés on réclamait l'impression des travaux missionnaires de Williams, de sorte qu'il avait été amené à songer à cette publication. Pour avoir le temps de l'écrire il essaya vainement de se dégager de toute nouvelle invitation, aidé en cela par les membres du Comité directeur qui comprenaient l'utilité de ce travail et les motifs de leur ouvrier. Cependant leurs efforts réunis furent vains, tant les invitations des pasteurs et des Comités auxiliaires étaient urgentes, pressantes. Chaque fois que Williams cède il se dit que c'est pour la dernière fois ; mais il continue de céder et même les invitations se multiplient.

« Lorsqu'il paraît dans les réunions publiques il est salué par un tonnerre d'applaudissements et d'acclamations ; mais ces marques d'intérêt ne sont pas les plus puissantes. Dans les édifices religieux où le silence est de rigueur pour les auditeurs, ceux-ci, subjugués par l'orateur, et profondément émus, s'inclinaient sous la puissance de son verbe comme les épis sous le vent, se laissant aller à l'intensité d'émotions qu'ils ne pouvaient réprimer. Certain jour, au Tabernacle de Bristol, Williams disait en termes humbles et mesurés, mais avec ferveur, les transformations apportées par l'Évangile et les trophées de la Grâce dans les archipels où il avait travaillé. Les faits racontés étaient si extraordinaires, les changements survenus si merveilleux, l'action de Dieu si manifeste, que les auditeurs ne purent dominer leur émotion et se laissèrent aller aux sentiments qu'ils éprouvaient.

« Tout ce qu'il disait portait le sceau du vrai, a écrit un grand orateur, le professeur John Campbell. Immédiatement, l'auditeur pensait : Voilà un honnête homme... Et en l'entendant on pleurait, puis quelque plaisante aventure amenait le rire, et c'étaient des applaudissements qu'on ne pouvait réprimer... »

Où qu'il se rendît il faisait la conquête de chrétiens restés réfractaires à l'oeuvre missionnaire, les dons affluaient, des églises s'engageaient à des contributions annuelles pour l'envoi et l'entretien de missionnaires. Les auditeurs voulaient faire quelque chose pour son oeuvre ou pour lui...

Un soir qu'il parlait dans les environs de Londres, il avait commandé une voiture pour rentrer aussitôt. La course était longue, l'heure tardive. Enfin on arrive devant la maison de Bedford Square où il habite, et, descendant, Williams demande ce qu'il doit ?
- Ce n'est rien, Monsieur. J'étais à la réunion et je vous ai entendu. C'est un honneur pour moi de vous avoir ramené. »

Heureux de ce qu'il entendait, Williams n'insista pas moins auprès du cocher pour qu'il acceptât le prix de la course, mettant l'argent dans les mains de celui-ci. Mais le cocher refusa de rien prendre, sauta sur son siège, fit claquer son fouet et partit en disant « J'ai été bien payé par ce que j'ai entendu. »

Voici quelques notes d'un discours prononcé à Exeter Hall (2), L'immense édifice avec ses nombreuses tribunes était absolument rempli. Williams traite l'un de ses thèmes préférés : l'action de la Providence préparant les voies et moyens pour la propagation de l'Évangile.

Après avoir dit quelques mots de la prédication chrétienne et de la découverte des Îles du Pacifique avant que l'Eglise d'Angleterre s'éveillât et prît conscience de son devoir missionnaire, Williams montre les effets de cette Providence qui se servit du récit d'entreprises scientifiques et commerciales (3) pour allumer dans les coeurs le zèle missionnaire. Puis il résume l'origine de la Mission à Tahiti, et expose ses résultats : les bienfaits apportés aux indigènes par la prédication de l'Évangile

« Pour les dire, je ne saurais mieux faire que de vous parler de l'une de nos fêtes missionnaires, C'est par un radieux matin sans nuage : le ciel s'embrase vers l'Est et la foule vient au temple demander à Dieu de bénir la fête qui va avoir lieu. À midi, les multitudes arrivées de toutes parts ne pouvant trouver place dans le temple, on décide que le service aura lieu dans un bois de cocotiers. L'assistance était au moins aussi nombreuse que celle à laquelle j'ai l'honneur de m'adresser aujourd'hui. »

Imaginez, Messieurs, cette multitude dans cette immense cathédrale de la nature dessinée par la main du Tout-Puissant, les stipes altiers en guise de colonnes, les immenses palmes comme chapiteaux et formant voûte tout à la fois. Le roi, sa famille, les chefs s'étaient assis non loin du baquet renversé qui servait de chaire improvisée à Mr. Nott. Il y avait à peu près une demi-heure que celui-ci parlait quand le roi lui dit : « Atira e Noti ! » (C'est assez Mr. Nott. arrête-toi !). Mais Mr. Nott n'avait pas achevé, et continuait de parler. Alors le roi répéta son ordre, ajoutant qu'il voulait parler, lui.

Cette fois Mr. Nott descendit du baquet, et Pomaré se levant prononça un puissant discours où il établissait un parallèle entre l'état actuel de Tahiti et ce qu'était le pays au temps du paganisme. Sa conclusion fut celle-ci : Je propose que nous formions une Société missionnaire tahitienne pour la propagation de l'Évangile. Que ceux qui sont d'accord lèvent la main. En un instant une forêt de bras bronzés se dressait vers le ciel ; des bras qui, jusque-là, ne s'étaient guère levés que pour donner la mort... Aussitôt après la réunion, les assistants commencèrent à préparer leurs contributions en nature : de l'huile extraite de l'amande du coco. Celle-ci envoyée en Angleterre rapporta, tous frais déduits, la somme de 1.400 livres sterling.

Après quelques mots sur Pomaré, Williams remit à celui qui présidait cette fête missionnaire un exemplaire du Nouveau Testament en langue de Rarotonga, exemplaire qui sortait de presse ; et après avoir dit comment il avait découvert cette terre, il ajouta :
« Les indigènes qui parlent la langue dans laquelle ce livre est imprimé étaient tous païens ; à mon départ tous étaient chrétiens. Je les ai trouvés avec leurs idoles et leurs maraës. Ceux-ci sont en ruines, mais trois temples s'élèvent maintenant à Rarotonga, l'un d'eux qui contient 3.000 personnes se remplit chaque dimanche. Quand je découvris cette île, il n'y avait pas de langage écrit ; maintenant ils lisent dans leur propre langue les oeuvres merveilleuses de Dieu, et dans l'une des dernières lettres que j'ai reçues, mon correspondant me dit que 1.034 élèves sont présents à l'école le matin même qu'il m'écrit... »
Pour terminer, Williams relève que l'oeuvre missionnaire est loin d'être achevée... Elle ne le sera que lorsque tous les enfants des hommes joindront leurs voix à celles des saints déjà dans la Patrie, pour exalter l'oeuvre rédemptrice...

Le physique de John Williams, sa voix, ses gestes, soit expression, tout cadrait harmonieusement avec soit caractère et le sujet traité. Lorsqu'il était immobile ou pouvait le juger terne, morne. Mais à peine avait-il commencé de parler que le ton, la voix, l'animation, l'action, révélaient la flamme inférieure. Aucune pose, aucune recherche d'effets. Ce qui frappait dans sa prononciation, c'était une certaine façon d'articuler, de diviser les mots, certaines cassures qui provenaient de sa longue habitude des langues polynésiennes. Mais cette particularité n'avait rien de désagréable. La voix était pleine, sonore et suffisante pour les plus grands édifices. Une grande sobriété de gestes, rien qui pût détourner l'attention de l'auditeur de la chose dite. Point de recherche oratoire, point d'efforts pour capter l'attention. Le naturel, la simplicité caractérisent l'orateur. Un censeur aurait peut-être démontré que certains gestes n'étaient point ce qu'il aurait fallu, et que certaines intonations n'étaient point conformes à l'art de bien dire, mais les auditeurs étaient à ce point captivés qu'ils ne songeaient guère à critiquer.

C'est après une série de conférences à Liverpool et dans la région, le 20 août 1836, que John Williams écrit ce qui suit à l'un de ses correspondants :
« Merci pour ce que vous me dites à propos de mon discours à X. Je suis heureux qu'il vous ait fait du bien. Mais si ce que vous m'écrivez me fait plaisir. Cela m'a aussi amené à m'humilier devant Dieu. Où que j'aille il semble que la bénédiction m'attende ; or j'ai un sentiment si profond de mon indignité que je ne puis entendre parler des fruits de mes travaux sans sentir aussitôt l'immensité de mes obligations envers Dieu. Que le Seigneur m'aide à lui être toujours plus fidèle... »

Puis, faisant allusion à l'une des réunions missionnaires de Liverpool, Williams ajoute : « Le chef cafre et le chrétien hottentot ont intéressé l'auditoire. Il était près de 10 heures quand on me donna la parole. Le public semblait impatient de se retirer. Cependant après que j'eus dit quelques mots, les gens s'assirent, et je fus suivi avec intérêt jusque vers 11 heures. Il y avait là plus de 2.000 personnes. La réunion terminée, un gentleman quaker est venu me remettre 1.000 livres sterling, un autre 100, un autre 150, ceci en plus de beaucoup d'autres dons...

« À la réunion du matin, j'avais dit la nécessité d'une école préparatoire pour la formation de nos missionnaires indigènes. J'avais nommé 100 livres sterling pour les premières dépenses d'installation... Aussitôt un ami quaker se leva et dit qu'il espérait que cette petite somme serait trouvée immédiatement. Et en trois minutes j'ai reçu 123 livres sterling et la promesse de 50 £ annuellement...

« Voyez, cher Ami, tout ce que Dieu fait pour moi. Priez afin que je reste humble, que je sois gardé du mal et fidèle jusqu'à la mort... »

À Bristol, à Bath, Manchester, Sheffield, et ailleurs, Williams donne des conférences spéciales sur l'origine, la géographie, l'histoire naturelle, les traditions, les usages... des îles du Pacifique. Il éveille l'intérêt des hommes de science, et quelques-uns, après l'avoir entendu, versent de fortes sommes à la Société des Missions.

Williams avait fait imprimer des évangiles, des traités, et il en avait fait faire une première expédition à Rarotonga ; les livres étaient accompagnés d'ardoises et autres fournitures scolaires. À réception, Mr. Pitman écrivit ce qui suit :
« ... Impossible de vous dire la joie causée par votre lettre et votre envoi... Un millier de remerciements, cher Frère, pour cette activité incessante qui vous permet de satisfaire les besoins pressants de ce peuple. Oh ! vous auriez été transporté de joie si vous aviez vu l'extase des indigènes en recevant les Évangiles. Où qu'ils aillent, ils emportent le précieux trésor... Et vous nous annoncez 5.000 Nouveaux Testaments ! Cela semble presque trop beau. Je lis et je relis votre lettre aux chrétiens, et ils en montrent une grande joie. Nous recevrons les caisses de livres annoncées à Rarotonga avec plus de joie que des cassettes remplies d'or et d'argent. N'auriez-vous fait que cela en Angleterre que vous auriez rendu à la cause du Rédempteur un service incalculable...

« Et les traités ! Dès qu'un enfant en a un, il s'assied pour le lire et tous ceux qui n'en ont pas l'entourent pour l'entendre... Pa lit son Évangile jour et nuit. Toupé devient aveugle, mais sa femme et ses enfants lui font la lecture...

« Nous serions heureux de votre retour ; mais nous sommes prêts à nous passer de vous un ou deux ans encore, puisque votre séjour en Angleterre permet l'impression de ces précieux livres... »

Et voici quelques lignes de Mr. Buzacott : « Je ne puis vous souhaiter de joie plus grande ici-bas que de revenir à Rarotonga et de constater le prix que les livres envoyés ont pour nos indigènes. Ils les considèrent comme d'inestimables trésors... »

Quelle joie pour les Williams quand, de temps à autre, la famille était au complet ! Quelle satisfaction, quel bonheur pour tous, quand papa est à la maison ! Alors le soir, parents ou amis intimes étaient invités, et souvent l'oeuvre missionnaire était le sujet de la conversation. Il arrivait qu'un détail, un mot, une question, amenaient Williams à chercher quelque objet dans les caisses rapportées de Polynésie ; et la table, le plancher se couvraient des objets les plus étonnants : idoles, ornements, ustensiles divers, armes curieusement travaillées. Alors il revêtait le tipouta indigène, se mettait une petite natte sur les reins, plaçait sur sa tête un extraordinaire couvre-chef multicolore (coiffure des chefs aux jours des grandes cérémonies païennes faite de coquillages, de plumes et de fibres), une lance d'une main, une massue qui tournoyait de l'autre, il arpentait la petite chambre essayant de se donner un air féroce. Mais loin de semer l'effroi il mettait en joie les amis rassemblés et finissait par rire avec eux. Le plus souvent, au départ, les Williams donnaient quelques-uns des objets qui avaient le plus intéressé, après avoir ouvert, en l'honneur des invités et pour que tous en goûtassent, quelques pots de confitures de bananes ou autres fruits.

Dans la journée, tous les instants libres étaient employés à la rédaction du livre qui devait paraître sous ce titre : A Narrative of Missionary Enterprises. Cet ouvrage, un bel in-octavo de 590 pages, fut publié en 1837. Williams l'avait dédié au roi d'Angleterre, après en avoir sollicité l'autorisation. Il désire que ce livre pénètre en des milieux assez fermés : à la cour et chez ceux qui détiennent une certaine situation, aussi chez les hommes d'affaires, car il est persuadé que ce Récit fera plus encore que ses Conférences pour l'oeuvre missionnaire. Aussi, veut-il en offrir des exemplaires à la cour, aux membres de la noblesse, du Parlement, etc... Son ami Mr. Arundel demande l'autorisation des Directeurs de la Société de Londres ; celle-ci est accordée. De plus, le Comité souscrit 100 exemplaires et en met 50 à la disposition du missionnaire. C'est un bien plus grand nombre que Williams envoya ; et chaque livre était accompagné d'une lettre personnelle (4).

« Cela ne se fait pas d'habitude, écrivait Williams au Révérend Arundel, mais il vaut la peine d'essayer. Je ne puis faire de mal en envoyant ces livres et je puis faire beaucoup de bien. Si je ne réussis qu'auprès d'une seule personne j'en aurai de la joie. Et si je ne devais même pas avoir ce résultat je préférerais encore avoir fait cet essai pour le Maître que nous servons et qui me dira : « Cela va bien, puisque la chose était dans ton coeur... »

Les résultats dépassèrent ce qu'espérait Williams il reçut des lettres sympathiques, des dons, des demandes d'entrevue. Il eut la joie de pénétrer en bien des milieux restés étrangers à l'oeuvre missionnaire, et de les intéresser à l'évangélisation des païens.

À sa femme, Williams offre un exemplaire de son livre richement relié, où il a écrit cette dédicace :

MA BIEN CHÈRE MARY,

Plus de vingt ans se sont écoulés depuis que nous sommes unis par le plus fort et le plus cher des liens terrestres ; ensemble nous avons voyagé autour du monde ; nous avons enduré bien des épreuves et souffert de bien des privations, en même temps que nous avons eu l'honneur d'apporter la plus grande des bénédictions à des multitudes de nos semblables.
Je vous offre ce fidèle récit de nos labeurs et de nos succès communs en témoignage d'une affection toujours la même. Et si vingt années nous sont encore accordées, Dieu veuille qu'elles nous donnent autant de sujets de reconnaissance et de joie que les années écoulées.

John WILLIAMS.
1er juillet 1837.

Ce livre eut un immense succès : les 7.500 volumes de la première édition furent vendus en dix-huit mois, Il y en eut alors une seconde de 6.000 exemplaires suivie d'une édition bon marché qui mettait le livre à la portée de toutes les bourses. Il était vendu deux shillings au lieu de douze (2 fr. 50 au lieu de 15 fr.) et 24.000 exemplaires s'écoulèrent rapidement. Ainsi 38.000 volumes furent vendus en cinq ans.

L'un des plus hauts dignitaires de l'Eglise d'Angleterre dit après avoir lu les Récits missionnaires de Williams : « C'est un livre unique. Depuis le livre des Actes des Apôtres, rien n'a été écrit qui puisse être comparé à ce récit des conquêtes de l'Évangile. »

Le livre est lancé. Williams est repris par son labeur de conférencier ; mais en même temps il songe au départ. Le 1er juillet 1837, il écrivait à son ami Mr. Prout, celui qui devint son biographe :
« Depuis les réunions du mois de mai je voyage dans toutes les directions. Mercredi dernier je rentrais de Manchester, jeudi je repartais pour Dienmow où j'espérais vous rencontrer... Les collectes à Manchester ont produit plus que l'année dernière...

« Le Dunottar Castle » est arrivé il y a quelques jours avec un courrier des Îles. Les nouvelles sont excellentes... J'aimerais avoir un bateau. Un ami a proposé que 30 personnes s'engagent à verser 100 livres sterling chacune pour acheter un navire missionnaire qu'on nommerait « Essex » ... Nous pourrions toucher au Cap, à Madagascar et Batavia, et y laisser en cours de route les missionnaires pour ces destinations. À Java nous pourrions prendre des racines, des plantes comestibles ou utiles, des arbres fruitiers, des vers à soie, des abeilles, etc..., que nous transporterions dans les Îles. Ce ne sont là que projets, mon plan n'est pas encore mûri.

« J'ai eu quarante et un ans avant-hier. Je deviens vieux ! ... »

Voici encore quelques extraits d'une lettre montrant quel fuit le succès du Récit missionnaire de Williams :

Londres, 6 décembre 1837.

MA CHÈRE...

... Je dois me borner et ne puis dire que peu de chose sur chaque sujet. D'abord le « Récit ». Le quatrième mille est sorti de chez l'imprimeur il y a 8 ou 10 jours et il est déjà vendu. Les résultats de cette publication sont immenses. Peu de jours passent sans que j'aie une lettre mentionnant cet ouvrage. Il y a deux jours un étranger alla voir un pasteur de Clapham pour lui demander s'il connaissait Mr. Williams : « Oh ! très bien, répondit le pasteur. - Je viens de lire son livre qui m'a tellement intéressé et étonné que je veux faire quelque chose pour lui. - Nous sommes justement occupés à préparer une caisse d'objets utiles pour Mr. Williams et nous serons heureux de votre contribution. » À quoi le visiteur, après avoir remis une jolie somme pour ladite caisse, ajouta 500 fr. pour la Mission. Un autre visiteur se présenta à la Maison des Missions et dit qu'après avoir lu mon livre il voulait me voir on m'entendre quelque part. On lui indiqua où je devais prêcher le jour suivant. Il vint et me remit vingt guinées, 10 de sa part, 10 de la part de sa femme...

... Les lettres reçues des Îles sont très intéressantes. L'une d'elles est de Paofai, secrétaire de la Société des Missions à Tahiti. Il m'envoie 479 dollars. « C'est notre contribution, m'écrit-il, pour la Société qui envoie les missionnaires, afin que le nom de Jéhovah soit loué du soleil levant au soleil couchant. Quand tu auras reçu cet argent, écris-moi une petite lettre que je sache qu'il est en sûreté dans le creux de ta main... »

L'ami qui avait lancé l'idée d'une souscription pour l'achat d'un navire missionnaire ne put la faire aboutir. Et ce fut la Société des Missions de Londres elle-même qui lança un appel aux amis des Missions en vue de cet achat : 1.500 livres sterling furent rapidement trouvées (37.500 fr.). Peu après, le Camden était acheté pour un peu plus que cette somme. Il en fallait le double pour les réparations, l'aménagement, etc...

Le 19 février 1838, Williams écrit de Londres à Mr. Prout : « Mes visites à Liverpool, Manchester, Birmingham ont été excellentes et j'ai été comblé. En cette dernière ville, un étranger m'a remis 100 livres sterling, ajoutant qu'il tenait encore 2 à 300 livres sterling à ma disposition si j'en avais besoin. C'est ici un exemple de ce qu'accomplit la lecture de mon livre... Le Camden tout aménagé coûtera 26.000 livres (650.000 fr.) ; 24.000 sont trouvées. J'aimerais que vous veniez et voyiez le navire ; je vous rembourserais bien volontiers les frais de voyage. Il faut que vous veniez... Le capitaine Morgan veut bien commander le Camden. J'en suis extrêmement heureux... »

Les marques d'intérêt pour Williams se multiplient. L'armateur J. Fletcher prend à sa charge les réparations du Camden (10.000 fr.). Sir Culling Smith envoie les plus belles espèces de moutons et de volailles de son domaine pour le pare et le poulailler du navire. Un pilote demande qu'on lui confie le Camden qu'il veut conduire gratuitement jusqu'à Gravesend (les droits de pilotage variaient entre cinq et six cents francs) ; un chrétien qui gagnait sa vie en fournissant l'eau filtrée nécessaire aux longs voyages refuse le paiement des vingt tonnes d'eau dont il a approvisionné le navire : « Laissez-moi le plaisir d'offrir un verre d'eau pour le Seigneur », dit-il à Williams. De toutes parts les lettres, les poésies, les dons les plus divers affluent. Les cadeaux destinés à rendre la traversée confortable, les présents de vivres, rien n'est oublié. Si les missionnaires ont à souffrir de bien des privations dans leur champ de travail, du moins les donateurs veulent qu'ils ne manquent de rien pendant le voyage.
C'est à cette époque que le fils aîné des Williams épousa Miss Nichols, de Linton. Le jeune homme partait comme missionnaire d'une autre Société que celle de Londres. Son mariage réjouit ses parents (5).

La santé de Mrs. Williams qui avait laissé à désirer jusque-là, d'autant qu'elle avait beaucoup souffert d'un traitement suivi, cette santé s'améliora subitement. Jusque-là le courage lui avait manqué pour envisager la possibilité d'un nouveau séjour dans les Îles, et Williams reculait toujours la décision à prendre d'un départ sans elle. Avec la santé, le courage revint, et les sentiments de Mrs. Williams changèrent ; elle envisagea la possibilité de s'en aller à nouveau dans ces pays tropicaux où elle avait tant souffert ! Elle s'étonnait elle-même de ce revirement de pensées, et y voyait une indication que Dieu lui demandait de repartir. Williams le comprit aussi de cette manière. Il bénit Dieu et reprit courage.

Le 4 avril 1838, un service d'adieu eut lieu au Tabernacle (Moorfields). C'est là que Williams s'était donné à Dieu pour l'oeuvre parmi les païens. Longtemps avant l'ouverture des portes la foule entourait l'édifice, qui, le moment venu, fut positivement envahi. Le président du Comité de la Société des Missions de Londres commença le service et indiqua le si beau cantique de Kelly : « Qui sont ces gens... ».

Après plusieurs discours et la remise de cadeaux, Williams se leva pour prononcer un message d'adieu, dont voici quelques extraits :
« Je n'ignore pas les dangers auxquels nous serons exposés. Les indigènes de quelques-unes des îles que nous nous proposons de visiter sont extrêmement sauvages. Mais nous savons aussi que Dieu nous a gardés jusqu'ici. Son bras n'est pas raccourci pour ne pouvoir délivrer... Pleins de courage, nous allons de l'avant... Et si dans les desseins de sa Providence, Dieu permettait que nous tombions en ce combat, même ainsi, il y a encore pour le coeur de douces consolations... »

Après avoir fait allusion à un acteur célèbre qui se relirait de la scène parce que, disait-il, « il faut un temps d'interruption entre le théâtre et la mort », Williams continua ainsi : « Pour le missionnaire point d'interruption nécessaire entre ses travaux et la mort, et si Dieu nous appelait à souffrir pour sa cause, nous avons la confiance qu'Il nous donnera la grâce de nous incliner devant sa volonté, dans l'assurance qu'Il appellera d'autres ouvriers pour achever l'oeuvre qu'Il nous a permis de commencer...

« En toute humilité chrétienne et quelles que soient nos faiblesses - celles-ci sont comme liées aux projets et aux entreprises des hommes - je crois pouvoir dire que nous n'avons qu'un but, un désir : annoncer la Bonne Nouvelle du saint à ceux qui meurent faute de connaissance.

Mes chers Amis, je ressens intensément ce que vous ressentez aussi en cet instant. Certes, nous savons apprécier les charmes d'une société civilisée, nous sommes très sensibles aux affections familiales et nous sentons la douleur d'une séparation qui déchire nos coeurs. Nous pensons à toutes ces choses, comme aussi aux tempêtes possibles et aux difficultés de l'oeuvre à faire près d'indigènes qui ont la réputation d'être féroces. Mais dans l'autre plateau de la balance je vois le but poursuivi, c'est là que j'arrête mes regards ; et je crois pouvoir dire en face des difficultés et des dangers : « Je ne fais pour moi-même aucun cas de ma vie, comme si elle m'était précieuse, pourvu que j'accomplisse ma course avec joie et le ministère que j'ai reçu du Seigneur Jésus, d'annoncer la Bonne Nouvelle de la grâce de Dieu. »

Le dimanche soir 8 avril, Mr. Williams et plusieurs des missionnaires qui allaient partir communièrent avec les frères de « Barbican Chapel ». Le lendemain, il y eut une réunion du Comité de la Société des Missions de Londres où les missionnaires furent à nouveau très solennellement remis à Dieu.
Williams aimait particulièrement ces moments de prière et de consécration. Il en sentait le besoin, et il estimait par-dessus toute autre chose l'intercession des fidèles.
Et en ces heures de séparation, de déchirement, combien il a besoin d'être soutenu ! Il est tendrement uni à ses soeurs. De plus, cette fois, les parents laissent leur second fils, Samuel, et le désespoir du petit garçon refuse toutes consolations.

Les membres du Comité, pour honorer leur ouvrier et comme gage de leur appréciation personnelle de ses travaux, avaient loué un vapeur : « le Cité de Canterbury », pour conduire les Williams et tous les missionnaires en partance, jusqu'au « Camden ». Quatre cents invitations avaient été distribuées aux familles et aux amis. Des aménagements spéciaux avaient été faits pour le confort des passagers. Une partie du « City » avait été réservée pour les Williams.

Le 11 avril 1838, longtemps avant l'heure fixée, la foule avait envahi les quais et le London Bridge pour assister au départ. Heures douloureuses, heures des adieux, des séparations. À la maison, entourés, de leurs parents et de leurs amis intimes, Mr. et Mrs. Williams essayent de dominer leur émotion, et il faut au missionnaire un courage peu ordinaire pour lire le Psaume XLVI et remettre à Dieu par la prière ceux qui restent et ceux qui partent, pendant que tout autour de lui les larmes coulent et que des sanglots mal réprimés se font entendre.

À peine Williams a-t-il donné libre cours par les larmes et la prière à l'émotion qui l'étreint qu'il se ressaisit. Son esprit reprend son élasticité, et quand il arrive à l'endroit où tant d'amis l'attendent pour lui donner un dernier gage d'affection, il a retrouvé sa bonne humeur et sa cordialité habituelles. Lorsqu'il pose le pied sur le « City », les applaudissements éclatent sur le vapeur et sur la rive ; manifestation d'attachement qui réchauffe les coeurs endoloris. Parmi ceux qui l'entourent maintenant se trouvent de grands personnages, de hauts dignitaires qu'il a conquis à la cause des Missions. Rarement, autant de sympathie et d'amour chrétiens, autant d'intérêt intense se concentrèrent sur un homme. Quand le vapeur commença de s'éloigner, des amis suggérèrent à Williams de prendre congé de la foule venue pour assister à son départ. Montant sur la passerelle, il salua. Immédiatement, bras, mouchoirs, chapeaux furent agités en même temps que retentissaient des acclamations ; mais un bien plus grand nombre de spectateurs donnaient libre cours à leur émotion et pleuraient. À bord du « City » il en allait de même.

Tandis que le vapeur descend la Tamise, les Williams reçoivent leurs amis dans la partie du bateau mise à leur disposition, C'est un long défilé de personnes qui tiennent à serrer une dernière fois la main des missionnaires, à leur dire quelques mots d'adieu. Le désespoir de Samuel Williams rend ces instants plus douloureux encore.

Le Camden est maintenant en vue. Quelques minutes encore, et le « City » l'ayant rejoint vient se ranger à son côté pour le transbordement des passagers.
Alors commence un dernier service d'adieu suivi en même temps sur les deux navires. Un cantique composé pour la circonstance est lu par le révérend Arundel, puis chanté ; la prière est prononcée par le révérend Jackson, doyen des membres du Comité de la S. M. L., et le révérend Fletcher indique le psaume : « Tous ceux qui habitent sous les cieux... »
Aussitôt le service terminé, la manoeuvre commença à bord du Camden. Soutenues par une brise favorable, les voiles s'enflèrent, et le navire commença le long voyage. L'espace de quelques milles, le « City » accompagna le voilier, puis faisant demi-tour, il reprit le chemin de Londres.


(1) C'est nous qui soulignons. 

(2) Exeter Hall contient 10.000 personnes.

(3) Le voyage de Cook autour du monde.

(4) Parmi ceux-ci, notons un exemplaire à la duchesse de Kent et un exemplaire à la princesse Victoria qui devenait reine d'Angleterre la même année. 

(5) Par la suite, le fils de Williams fut nommé consul aux Îles Samoa.
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