Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VII

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QUINZE JOURS AUX ÎLES SAMOA. - UNE FEMME ÉVANGÉLISTE. - RÉCONCILIATION DE MALIÉTOA ET DE MATÉTAOU. - TRISTESSE DES ADIEUX. - EN DANGER SUR MER. - J. WILLIAMS RETROUVE POUNA V., LA VEUVE DE L'ÉVANGÉLISTE DE ROUROUTOU, ET SES ENFANTS. RETOUR



POUR quiconque ne connaît pas le Pacifique, les immenses distances séparant les archipels les une des autres, et à l'époque, le manque total de communication il est difficile de comprendre ce que fut l'héroïsme des missionnaires bronzés laissés par Williams aux Samoa. Parfois un navire passait au large, parfois une embarcation accostait pour un ravitaillement en bois ou en eau, mais des mois et des mois pouvaient s'écouler sans aucune communication avec le reste du monde. De fait, Williams ignorait l'oeuvre accomplie aux Samoa par ceux qu'il y avait laissés dix-huit mois auparavant !

Quelle solitude pour ces chrétiens indigènes séparés de leur petite patrie, de leurs familles, de tout secours religieux, et chez un peuple païen, eux des païens si peu de temps auparavant ! Seuls, ils avaient traversé les heures de maladie, d'affliction ! Seuls ils avaient pleuré et lutté alors que les guerriers vainqueurs - mais ivres de haine - assouvissaient leur vengeance sur des prisonniers, même sur des vieillards, des malades, des femmes et des enfants ! Seuls ils avaient tremblé et prié alors que les rumeurs de guerre sans cesse renaissantes faisaient craindre que celle-ci n'éclatât à Malava ! Que de veilles, que d'heures douloureuses ! Et que dire de la longue attente de ces évangélistes espérant de jour en jour la venue de John Williams une fois révolue l'année de son absence ! Il avait dit : « Avant un an je reviendrai ! » Or dix-huit mois s'étaient écoulés ! Et les païens se moquaient : Qui était ce Williams ? un aventurier, disaient-ils. Et eux les esclaves de Jésus-Christ qu'on avait déjà accusés d'être la cause de l'épidémie, ils étaient maintenant traités d'imposteurs et de menteurs !

Mais les missionnaires étaient enfin venus ! Que de choses à leur dire ou à leur demander ! Que de conseils ou voulait recevoir d'eux ! Il y avait aussi des décisions à prendre pour lesquelles on voulait l'avis de Williams. Ainsi, plusieurs chefs demandaient des évangélistes pour leurs villages. Fallait-il continuer de refuser ces invitations et se contenter de voyages, d'évangélisation ici et là, pour revenir à la base ?

John Williams le leur conseilla. Mieux valait rester ensemble. Mais comme la navigation aux Samoa est dangereuse, ils feraient bien de se construire une bonne embarcation. « Les évangélistes s'étaient initiés à ce genre de travail, et comme Te-ava avait apporté un soufflet de forge il leur serait facile de préparer les pièces de métal dont ils auraient besoin. Je leur promis le fer et une scie. En quelques semaines ils pourraient achever ce travail. »



SAUVAGES VOULANT EMPORTER LE JEUNE WILLIAMS

Une autre question pendante était celle du temple à élever : fallait-il adopter le genre de construction des Samoa où les cases ont une forme presque ronde, plutôt que le genre des cases tahitiennes qui sont de forme ovale ? J'optai pour la forme particulière aux Samoa comme plus pratique, et parce que les indigènes pourraient construire eux-mêmes. Autrement tout le travail retomberait sur les évangélistes ; mais je conseillai à ceux-ci de plâtrer les murs, de fixer portes et fenêtres, de recouvrir le sol de très bonnes nattes ; bref, de montrer par là aux indigènes qu'il faut pour le lieu de culte ce qu'il y a de meilleur.

Les évangélistes me demandèrent aussi quels conseils ils devaient donner aux chefs qui s'étaient convertis au sujet des divertissements et des coutumes populaires ? Les chefs devaient-ils intervenir ou non ? - Je leur répondis que, pour moi, le devoir des chrétiens détenant quelque autorité c'était d'interdire toute pratique, tous amusements obscènes et de nature dégradante. Quant aux passe-temps favoris des Samoans : combats, petite guerre, exercices de boxe, concours d'adresse à la lance, au harpon, chasse aux pigeons et autres amusements qui n'offensent pas la morale, je pensais qu'il n'y avait pas lieu d'intervenir. D'eux-mêmes les chrétiens vraiment convertis laisseraient tomber ce qui leur paraîtrait incompatible avec le service de Dieu... »

Les semaines passées à Savaii furent un temps de labeur intense pour les missionnaires. Accompagné de quelques-uns des évangélistes, John Williams parcourt l'île en tous sens ; il va jusqu'au fond de profondes vallées par des sentiers qui suivent le cours des ruisseaux. Il admire la beauté de certains sites et leur végétation luxuriante ; mais son coeur déborde surtout de joie et d'adoration quand il constate les progrès immenses de l'Évangile. Partout on reçoit le missionnaire avec joie ; même les chefs qui n'ont pas encore embrassé le lotou sont heureux de sa visite, et lui font un présent.

À Amoa, village dirigé par deux jeunes chefs (1), tous deux chrétiens, un temple est déjà élevé qui peut contenir quatre cents personnes. Après le service, un présent de vivres fut apporté, et les jeunes chefs dirent qu'ils seraient déjà allés voir Wiriamou à Sapapalii, s'ils n'avaient pas appris sa venue.

Un grand nombre de questions furent alors posées au missionnaire, questions de toutes natures sur les sujets les plus divers. À toutes il répondait de son mieux. C'est ainsi qu'il était occupé lorsque son attention fut attirée par l'arrivée d'une longue file de femmes marchant l'une derrière l'autre, toutes portant quelque chose. Elles étaient précédées par quatre hommes, chacun d'eux portait sur ses épaules un porc cuit. Chaque femme déposait son présent et passait ; bientôt une pile de légumes divers : noix de coco, maïorés, ignames, nous déroba la vue de ce qui se passait, bien que nous ne fussions pas de petite taille, Makéa et moi. J'enlevai quelques-uns des paquets de vivres apportés pour voir les arrivantes et j'aperçus une cheffesse et sa fille assises à côté des deux chefs. La mère demandait à l'un d'eux d'être son porte-parole.
« Dans son village, seules les femmes étaient passées au christianisme, disait maintenant l'orateur ; aussi n'osaient-elles pas espérer ma visite. Mais apprenant que je venais à Amoa, elles avaient voulu présenter leurs hommages à celui qui avait apporté la Parole de Jéhovah. Elles s'excusaient de ne pas offrir de présent plus important ; mais aucun des hommes, leurs maris, n'étaient devenus « fils de la Parole ». Toutefois elles espéraient que j'accepterais cette marque de gratitude envers celui qui avait apporté la connaissance du Salut. »

 



Avant de répondre je demandai aux évangélistes s'ils connaissaient cette femme et ses compagnes ? Ils m'assurèrent qu'ils la connaissaient bien. Elle demeurait à deux lieues d'Amoa, et était venue passer un mois près des évangélistes pour se faire instruire ; puis elle était retournée dans son village pour évangéliser son peuple. Quand son stock de connaissances avait été épuisé elle était revenue étudier à nouveau, puis était retournée chez elle. C'est elle qui célèbre le service du dimanche pour les femmes qu'elle a amenées à Christ...

Extrêmement intéressé je dis à cette chrétienne ma grande joie de tout ce que j'apprenais. Puis j'exhortai imites ces soeurs en Christ à user de circonspection dans leur conduite, à être sans reproche, d'avoir une conversation chaste, afin de gagner leurs maris par une vie exemplaire et toute à la gloire de Dieu. À mon tour j'offris un présent aussi beau qu'il était en mon pouvoir de le faire... L'apparence de ces femmes était bizarre. Celles qui avaient un certain rang portaient une petite natte rouge autour des reins, natte qui n'atteignait pas les genoux, tout le haut du corps était abondamment enduit d'une huile parfumée avec diverses plantes ou fleurs, et il était teint en rouge. Au cou et aux bras des perles bleues. Les filles de chefs portaient la natte blanche autour des reins. Les femmes d'un rang inférieur n'avaient qu'une ceinture de feuilles fraîches, et des colliers de fleurs au cou et dans apporté la Parole de Jéhovah. Elles s'excusaient de ne pas offrir de présent plus important ; mais aucun des hommes, leurs maris, n'étaient devenus « fils de la Parole ». Toutefois elles espéraient que j'accepterais cette marque de gratitude envers celui qui avait apporté la connaissance du Salut. »

Avant de répondre je demandai aux évangélistes s'ils connaissaient cette femme et ses compagnes ? Ils m'assurèrent qu'ils la connaissaient bien. Elle demeurait à deux lieues d'Amoa, et était venue passer un mois près des évangélistes pour se faire instruire ; puis elle était retournée dans son village pour évangéliser son peuple. Quand son stock de connaissances avait été épuisé elle était revenue étudier à nouveau, puis était retournée chez elle. C'est elle qui célèbre le service du dimanche pour les femmes qu'elle a amenées à Christ...

Extrêmement intéressé je dis à cette chrétienne ma grande joie de tout ce que j'apprenais. Puis j'exhortai imites ces soeurs en Christ à user de circonspection dans leur conduite, à être sans reproche, d'avoir une conversation chaste, afin de gagner leurs maris par une vie exemplaire et toute à la gloire de Dieu. À mon tour j'offris un présent aussi beau qu'il était en mon pouvoir de le faire... L'apparence de ces femmes était bizarre. Celles qui avaient un certain rang portaient une petite natte rouge autour des reins, natte qui n'atteignait pas les genoux, tout le haut du corps était abondamment enduit d'une huile parfumée avec diverses plantes ou fleurs, et il était teint en rouge. Au cou et aux bras des perles bleues. Les filles de chefs portaient la natte blanche autour des reins. Les femmes d'un rang inférieur n'avaient qu'une ceinture de feuilles fraîches, et des colliers de fleurs au cou et dans les cheveux au lieu de perles, ou bien, une ou deux perles bleues seulement. Je fus frappé du maintien modeste de ces indigènes.

... J'allais aussi voir Tangaloa. Il est grand : âge moyen, apparence calme. Il porte une chemise blanche et a une natte très finement tressée autour des reins en guise de pantalon. Il me donna une poignée de mains, au lieu de frictionner énergiquement son nez au mien. Les évangélistes me dirent que sa conversion au christianisme était basée sur une conviction personnelle profonde, et qu'il avait maintenu courageusement sa profession de foi malgré les menaces des autres chefs du district. Ces explications m'étaient données en l'absence du chef qui était sorti après m'avoir salué. Peu après il rentrait, suivi d'une centaine d'hommes et de femmes : les premiers apportaient des pores et des légumes, les autres des pièces de tissus.
Puis s'asseyant, il dit : « Je suis extrêmement honoré par la visite d'un si grand chef, un chef de la religion. Je suis maintenant un adorateur de Jéhovah. Mon coeur, mes pensées sont tout entiers à la Bonne Parole ; mon ardent désir c'est qu'elle s'étende rapidement en ce pays et qu'il n'y demeure pas un Faka-Devolo (fils du diable). » Puis il me présenta les vivres apportés me priant de les accepter.

Je le remerciai et lui dis combien il m'était doux de lui entendre exprimer ses sentiments chrétiens. Quant aux vivres je n'en prendrais qu'une partie ; j'acceptai aussi trois ou quatre pièces de tissu pour les porter aux amis d'Angleterre. Mais je le priai de bien vouloir garder le reste. Malgré mon insistance, il refusa absolument de rien garder. Je fis donc porter les vivres sur le « Messager », et j'offris quelques rouleaux d'étoffe à Makéa.

Notre visite n'était pas achevée qu'une délégation d'un autre village : des indigènes et leur chef, survinrent pour me demander un missionnaire. Presque en même temps qu'eux, deux autres messagers arrivaient avec une demande identique et, de plus, réclamaient ma visite. Certes j'étais rempli de joie en constatant que des portes s'ouvraient de tous côtés à l'Évangile. Mais si l'esprit est prompt, la chair est faible ; j'étais à bout de forces, et il m'était impossible d'accepter toutes ces invitations. D'ailleurs un service était annoncé à Malava. Je refusai donc de suivre les messagers... Le temple est fort bien construit et peut contenir cinq cents personnes... Il était bien près de dix heures quand, le culte terminé, nous prîmes le chemin du retour. J'étais presque insensible à la fatigue, tant la joie remplissait mon coeur !

Tandis que nous cheminions, les évangélistes m'entretinrent à nouveau des relations difficiles existant entre Maliétoa et Matétaou, le chef de Manono. Quelques éléments de discorde avaient surgi entre eux depuis quelques mois déjà ; une guerre était à craindre et les évangélistes désiraient que j'essaye d'amener les deux partis à une sérieuse réconciliation. J'avais envoyé le « Messager de Paix » à Matétaou, le priant de venir rencontrer Maliétoa à Sapapalii, supposant qu'il accepterait plus facilement de venir sur un navire anglais mis à sa disposition. Or, le bateau était revenu sans lui, et Maliétoa s'était mis en grande colère.

Comme je me préparais à transporter Te-ava et sa femme à Manono je dis alors au roi que je serais heureux qu'il m'accompagnât ainsi que son frère Tuïano et quelques-uns des évangélistes. Tout d'abord il refusa énergiquement mon invitation : « Je n'irai pas. Tu lui as envoyé ton navire. Mais il est trop orgueilleux, trop insolent pour venir jusqu'à nous. Pourquoi irais-je vers lui ? »
- Et s'il ne se comporte pas en chrétien, cela doit-il t'influencer, toi un « fils de la Parole », dois-tu l'imiter ? C'est un privilège et cela plaît à Dieu qu'on fasse le premier pas pour maintenir la paix. »

À ceci Maliétoa me répondit aussitôt : « Eh bien j'irai à Manono avec toi demain. »
J'étais très heureux d'avoir réussi auprès de Maliétoa, espérant beaucoup de l'entrevue prochaine, et je me préparais à m'étendre sur ma natte, me sentant très las, quand survint un jeune chef, proche parent et conseiller de Maliétoa. Celui-ci n'entreprenait rien sans consulter Riromaïava tant il estimait son intelligence et sa maturité de pensée.
En entrant, le jeune chef me salua en anglais et me dit : « Comment allez-vous, Monsieur ? » Je lui répondis aussi en anglais et à mon tour je m'enquis de son état.
- Oh ! moi, très bien, dit-il. Moi, très heureux de vous voir. Moi, ne vous ai pas vu avant. Moi, faisais la guerre dans la montagne. Beaucoup de guerre ; trop de guerre. Moi entendre dire que chef blanc apportait la Bonne Parole de Jéhovah. Moi désirais beaucoup vous voir. Mon coeur dit : Comment allez-vous ? Mon coeur désirait te voir. Moi chrétien... Moi veux connaître et aimer la Parole de Dieu. »

Comme il voulait apprendre la Parole de Dieu, je lui demandai s'il savait lire ? - « J'ai souvent essayé, me répondit-il ; mais mon coeur est trop insensé et je n'ai pas réussi. »

Je l'encourageai à persévérer lui disant que la lecture avait de tels avantages qu'aucun labeur pour apprendre à lire ne devait être considéré comme trop grand. La conversation se prolongea encore quelque temps. Il me promit qu'il se mettrait à nouveau à apprendre, puis me questionna sur l'Angleterre, les usages, les principes du christianisme et plusieurs autres sujets. En l'entendant, je fus convaincu qu'il méritait la réputation dont il jouissait. S'apercevant de ma grande fatigue, il se leva, m'invitant à prendre chez lui le repas du matin, ce que j'acceptai. En se retirant il me demanda avec beaucoup d'insistance de m'installer aux Samoa et d'y amener Mrs. Williams et mes fils, car, dit-il, son grand désir était de devenir polo (très sage), et il n'avait jamais encore rencontré quelqu'un qui pût lui communiquer toute la sagesse enviable.

Le lendemain, au cours du repas, il me donna d'horribles détails sur les cruautés perpétrées pendant la dernière guerre, puis il ajouta avec un air douloureux : « Oh ! mes compatriotes les gens de Samoa sont très stupides et plus méchants que tu ne peux penser ! Ce sont des fous : ils tuent les hommes et ils combattent les arbres. Les maïoré et les cocotiers ne déclarent pas la guerre cependant ! Ah ! les gens de Samoa sont remplis de méchanceté. » Ensuite il me demanda si les miens n'avaient pas pleuré à mon départ et ne souffraient pas de mon absence, je lui répondis que si. Mais autant que moi Mrs. Williams désirait que les païens parvinssent à la connaissance de Jésus-Christ et du salut. C'est pourquoi elle acceptait la séparation. Les larmes aux yeux, il me répondit : « Ah ! nous très tristes pour tes parents ! Combien ils ont dû verser de larmes, durant toutes les lunes écoulées, depuis que tu les as quittés ! » Après un échange de présents, et la promesse de le voir aussi souvent que je le pourrais, je pris congé de lui. Entre temps il m'avait dit que son patrimoine était à Oupoloti, que c'était un splendide domaine ; mais vaincu à la guerre, il avait dû chercher un refuge près de son parent : Maliétoa. Il espérait cependant rentrer en possession de ses biens, et avoir alors un missionnaire qui l'instruirait (2).



PARTIE DU MARAE DE TAPOUTAPOUATÉA
(où l'on venait offrir des sacrifices humains à Oro, de tous les archipels du Pacifique)

Ce même jour, nous nous embarquions à destination de Manono et d'Oupolou : Maliétoa, Touaïno, Riromaïava, plusieurs autres chefs, leurs femmes, deux évangélistes nous accompagnaient. Au moment du départ les indigènes nous montrèrent un grand attachement, faisant la haie sur le passage et embrassant ma main droite, me suppliant de revenir bientôt... Un vent défavorable nous empêcha d'atteindre Manono avant le lendemain, et ce fut pour moi l'occasion de découvrir que Maliétoa observait encore certaines coutumes païennes. Ainsi, bien qu'il plut beaucoup pendant la nuit, il refusa de quitter le pont. « C'est parce que sa présence rend un endroit sacré », dirent ses amis. J'appris aussi qu'aucune femme ne devait toucher la nourriture qu'on lui présentait ou qui lui avait été apportée. Comme je m'étonnais de ces pratiques, les indigènes me répondirent qu'il n'y avait pas là superstition, mais simple marque de déférence vis-à-vis du roi ou des principaux chefs...

Arrivé à Manono, je me hâtai de descendre et je réussis à convaincre Matétaou de m'accompagner a bord du « Messager ». Après l'avoir introduit auprès de Maliétoa, je dis combien j'avais désiré ce tête-à-tête afin qu'ils se réconciliassent. Je souhaitais qu'il y eût entre eux des liens d'amitié véritable. Tous deux occupaient une situation importante ; tous deux avaient des évangélistes auprès d'eux. Si une querelle quelconque éclatait entre eux, la chose serait désastreuse pour la cause du Christianisme aux Samoa. Je les laissai alors pour ne revenir qu'une heure après.

Quand je les retrouvai, ils me dirent : « Maintenant, nous deux, nous n'avons plus qu'un seul coeur. À l'avenir, nous ne serons qu'un pour empêcher la guerre et propager le « lotou ». Quelle joie pour moi d'assister à la réconciliation de ces deux puissant ; chefs !... Je remis alors solennellement l'évangéliste Te-ava et sa femme sous la protection de Matétaou. Celui-ci ordonna le transport de leur petit bagage dans sa propre pirogue. Puis après nous être agenouillés sur le pont et les avoir recommandés à Dieu ils descendirent à leur tour dans la pirogue du chef qui les conduisit à terre...

Après avoir ramené Maliétoa et les gens de sa suite a Sapapalii, je partis visiter d'autres districts de Savaii et d'Oupolou. Je désirais aussi trouver un bon mouillage où jeter l'ancre, pour ravitailler le navire en bois, en eau potable etc., en vue du voyage de retour. Il nous fallut de cinq à six jours... Où que nous allions, les indigènes demandaient avec insistance à être instruits... Quant aux invitations à aller ici ou là, elles étaient si nombreuses qu'il m'aurait fallu six mois, pour répondre à toutes. Partout on me disait : « Notre temple est élevé, nous désirons un évangéliste. »

Enfin, en suivant les indications des indigènes, j'arrivai jusqu'à Apia où je découvris trois baies abritées et suffisamment profondes pour faire de bons ports, malgré les affirmations contraires de La Pérouse, Kotzebue et autres navigateurs, qui assurent n'avoir point trouvé de bon mouillage dans tout l'archipel (3).

Après avoir examiné l'endroit choisi, je fis signe de l'embarcation que le « Messager » pouvait entrer sans crainte. À peine le bateau avait-il jeté l'ancre que des indigènes en grand nombre grimpèrent sur le pont, et parmi eux Riromaïava, le conseiller de Maliétoa.
Celui-ci avait donné à son orateur ou Tufflaa-fale l'ordre de m'accompagner. Avec des gestes impressionnants, Riromaïava se mit à annoncer qui j'étais, et ce que je désirais. Puis il ajouta que Maliétoa m'avant donné son nom, le respect qui était dû au roi m'était aussi dû : il était interdit de me rien dérober, et il fallait m'apporter un présent de vivres, etc... Immédiatement ceux-ci furent apportés...

Je visitai de nombreux villages et fis des présents aux chefs ; une fois le ravitaillement du « Messager » effectué, je songeai au départ. Passant près de Manono, je voulus revoir Te-ava, et à ma grande joie, je trouvai avec lui trois autres évangélistes. J'appris que deux nouveaux temples avaient été ouverts à Oupolou et que presque tous les indigènes de Manono venaient se faire instruire par Te-ava.
Je demandai aux évangélistes de faire des tournées missionnaires en certains districts de l'île d'Oupolou et à Apia, le village de Punipuniolou. Puis, je pris congé d'eux, achevant ainsi ma seconde visite aux Îles Samoa.

Mardi 6 novembre. - Ce matin de bonne heure nous vîmes Nioua tapou tapou, l'une des îles Keppel. C'est là que doit se trouver l'évangéliste Pouna de Rouroutou. Une pirogue passant à une certaine distance, nous demandâmes des nouvelles de nos amis et apprîmes que Pouna était mort, mais sa veuve et ses enfants étaient encore dans l'île. J'envoyai donc un mot à celle-ci pour annoncer mon arrivée, et demander s'il était possible de débarquer. Au reçu d'une réponse favorable, j'allai à terre. Elle vint à nous avec ses deux enfants, et lorsqu'elle nous aperçut pleura longuement. Lorsqu'elle se fut un peu calmée, elle me raconta son histoire depuis le départ de Rouroutou.

Pouna, sa famille, dix indigènes et deux Américains s'étaient embarqués à destination de Raïatéa sur un côtre qu'ils avaient construit. Mais ils se perdirent en mer et après six semaines de navigation aperçurent une grande île basse nommée par les habitants : Maniiki. Les indigènes de cette île semblant hospitaliers, l'un des Américains et deux Rouroutouans descendirent à terre. Ils devaient hisser un drapeau blanc si tout allait bien. Quinze jours durant ceux qui étaient restés en mer attendirent inutilement le signal convenu. Ils essayèrent de se renseigner et tout ce qu'ils purent apprendre c'est que le roi avait dédié leurs amis à ses dieux. Avaient-ils été faits « tabou » ou offerts en sacrifice, Pouna n'arriva pas à le savoir.

Ils continuèrent leur route jusqu'à une autre île du même groupe, Rakaana. Ils y virent des maisons, des pirogues, mais pas d'habitants. Là ils descendirent, Dans les maisons se trouvaient les corps étendus de personnes mortes, corps très bien conservés. Les longues chevelures noires semblaient appartenir à des personnes vivantes. Cet archipel comprendrait cinq îles. Il doit être à deux jours d'embarcation d'Aïtoutaki.

À nouveau Pouna et ses compagnons reprirent la mer, et après avoir erré près de deux mois en diverses directions, ils atteignirent enfin Niouatapoutapou, à quelque 1.900 milles de Rouroutou. Là, les indigènes voulurent s'emparer de ce qu'ils possédaient mais le roi Maatou s'y opposa, prenant les voyageurs sous sa protection. Ils restèrent quatre mois en cet endroit, y célébrant leurs cultes le dimanche. Un indigène d'un certain rang se joignit à eux, promettant de faire élever un temple s'ils voulaient rester. Mais Pouna se sentant malade et ayant entendu dire qu'il y avait des chrétiens à Tongatabou, île distante de quelque 300 milles, s'embarqua de nouveau espérant gagner cette terre. Une tempête jeta les voyageurs à Niouafoou. Là, il confia sa femme et ses enfants au chef et occupa ses derniers moments à lui annoncer Christ.

Le lendemain de la mort de Pouna, les indigènes mirent en pièces le petit côtre et en firent du feu pour s'emparer du fer ; des matelots fugitifs qui avaient abandonné leur navire et habitaient l'île brisèrent aussi le coffre de Pouna pour en prendre le contenu. Mais une querelle éclata au moment du partage ; ils en vinrent aux mains et l'un d'eux fut tué. Quant au chef, très impressionné par la mort paisible de Potina, il décida de se faire instruire dans la religion chrétienne. Furieux, les indigènes du pays firent une conspiration contre lui et le tuèrent...

Malgré les dures épreuves des derniers jours de sa vie, et une longue maladie, Pouna était resté fidèle à son Sauveur jusqu'à la fin. Bien plus, sa mort avait été le moyen de la première conversion dans l'île. Et à Niouatapoutapou, où sa veuve était retournée, je trouvai une congrégation de deux cent cinquante personnes : à peu près la moitié de la population de l'île. Le catéchiste Samuel, décemment vêtu, vint se présenter à moi. Avec lui je fis une promenade à l'intérieur du pays. Mon attention fut attirée par un bruit de baguettes et de voix. En nous approchant nous vîmes une quarantaine d'individus placés sur deux rangs et se faisant face. Les uns avaient le corps complètement recouvert de charbon et d'huile ; d'autres s'étaient contentés de se dessiner un cercle autour de chaque oeil, sur chacune des joues et sur le front ; sur leurs corps quantité de raies et de dessins divers. D'autres s'étaient fait des raies blanches et noires ce qui leur donnait l'apparence de zèbres. Ainsi décorés ils faisaient des bonds prodigieux, ou s'asseyaient, ou rampaient tout en frappant en cadence des baguettes qu'ils avaient à la main. Parfois ils frappaient contre celles de leur vis-à-vis en passant leurs baguettes au-dessus de leurs têtes, parfois en les passant sous leurs jambes. En même temps, ils s'accompagnaient d'un chant guttural. Cela dura un quart d'heure. Épuisés, la transpiration coulant le long du corps, ils s'assirent. Je ne pus me procurer les paroles de leur chant, mais mon compagnon m'expliqua que c'était un appel aux dieux pour qu'ils ramenassent le roi Maatou parti en mer il y avait trois mois déjà, et qu'on n'avait jamais revu.

Après avoir visité les chefs et échangé avec eux des présents, nous reprîmes la mer, accompagnés par la veuve de Pouna et ses deux enfants. Quelques jours après, vers minuit, je fus réveillé par le second : il me demandait de venir sans tarder : le bateau se remplissait d'eau et menaçait de sombrer ! Je courus sur le pont et découvris à ma grande consternation près d'un mètre quarante d'eau dans la cale. Il fallait ou pomper ou sombrer : tous à bord se mirent à l'oeuvre. Au bout d'une heure j'eus la joie de constater que l'eau baissait, au matin, le navire était tout à fait débarrassé. Cependant comme l'infiltration continuait, il fallait continuer à pomper. Inquiet, ne pouvant découvrir la voie d'eau, je fis préparer bateaux et vivres, divisant l'équipage en deux équipes et assignant à chacune son embarcation en cas d'abandon du navire.

Pour mettre le comble à nos craintes un vent contraire et très violent se mit à souffler. Après plusieurs jours, durant lesquels il fallut pomper sans discontinuer, nous pûmes atteindre les Îles Vavaou. et naviguant entre de nombreux îlots nous eûmes la joie de trouver un bon mouillage, alors que le soleil allait disparaître. C'est là que j'appris que Finaou était devenu chrétien ! En vérité, rien n'est impossible à Dieu !

Le lendemain les indigènes plongèrent sous le navire, ils nagèrent tout autour, vérifiant la quille et essayant de trouver une fente, quoi que ce soit qui expliquât l'infiltration. Leurs recherches restant inutiles nous reprîmes la mer, nous dirigeant sur Tonga où nous arrivâmes seulement cinq jours après à cause des vents contraires. J'eus la joie d'y rencontrer le capitaine Henry, et le capitaine d'un baleinier, Mr. Deanes.

Eux et leurs équipages m'aidèrent à coucher le navire sur la rive, et après une longue recherche nous découvrîmes la cause du mal : un trou de la quille où l'on avait négligé d'enfoncer une cheville ! Ce trou s'était rempli de boue et de pierres lors du cyclone à Rarotonga. C'est ce qui avait permis au « Messager » de naviguer normalement six mois durant. Une pierre s'était heureusement coincée très profondément dans l'orifice et en remplissait la majeure partie : de l'avis des capitaines et du charpentier qui nous aidèrent à réparer le « Messager de Paix », cette pierre aveuglant partiellement la voie d'eau nous avait sauvés d'un naufrage.

« Dès que nous fûmes à terre, le roi Tupoou envoya un messager pour inviter Makéa à demeurer chez lui pendant notre séjour dans l'île. Il le reçut à la mode de Tonga, et avec tous les honneurs dus au grand chef de Rarotonga.
Makéa, dès son arrivée, fut invité à s'asseoir à côté du roi, qui était assisté de ses deux orateurs ou « mataboole ». En face de nous, dehors, les sous-chefs formaient un demi-cercle, Puis on apporta devant le roi un porc cuit, des racines de kava et une corbeille d'ignames. Une fois ces vivres disposés, l'un des orateurs cria d'une voix forte : « Merci pour le kava, merci pour le grand cochon, merci pour les ignames, merci pour le travail ! » Ces remerciements furent répétés à plusieurs reprises... Étaient-ils dit au nom de Makéa, ou bien pour lui rappeler le devoir de la reconnaissance ? Je ne pus le découvrir... »

L'orateur se tut, et les vivres furent présentés à Makéa. Puis le peuple fut invité à préparer le kava. La chose se fit selon l'usage : par mastication ; et la liqueur exprimée de la sorte fut crachée dans un bol de bois.
Cela fait, l'orateur prononça d'une voix forte « son grand nom », et s'invita lui-même à goûter de ce délicieux breuvage : ce qu'il fit. Puis il lança d'une voix de stentor le nom de son roi. Celui-ci frappa des mains en signe d'assentiment et d'approbation, et fit honneur au breuvage qu'on lui présentait. Ensuite le kava fut préparé pour Makéa, et placé devant lui. Vint le tour de John Williams qui ne désirait pas goûter de cette préparation. Il rendit donc le bol au « mataboole » qui s'empressa de s'adjuger cette seconde dose.

« La cérémonie terminée, écrit John Williams, ayant vu avec quelle facilité les gens de Tonga broyaient cette racine avec leurs puissantes mâchoires, je voulus en faire l'essai ; et coupant un petit morceau je commençai à le mastiquer. Toutefois je ne prolongeai pas l'expérience : c'était tellement amer et provoquait une telle abondance de salive que je m'empressai de le rejeter. Les indigènes se mirent à rire et dirent : « Ces papalangis sont très habiles en quantité de choses, mais pas à mastiquer le kava... »

Le roi est fidèle à sa profession de foi... Il s'est maintenant marié. Sa femme est très appréciée par les missionnaires : elle visite les écoles et copie des pages des livres de la Parole de Dieu qui n'ont pas encore été imprimés, elle visite les malades et prend soin de sa jeune famille. Or cette femme était païenne il y a quelques années...

Tupoou lui aussi se conduit en chrétien. Récemment, un chef païen nommé Ata qui, d'après la loi, doit pourvoir à la maison du roi, a négligé de s'en souvenir. Cela porte atteinte non seulement aux propriétés du roi, mais aussi à sa dignité. Or Tupooti a refusé de châtier le coupable, préférant supporter qu'on lui fasse tort plutôt que de se faire justice.

Jeudi 29 novembre. Aujourd'hui je suis allé à Maofagna pour voir Fakafenna qui est chef de district et grand prêtre de l'île... Il m'a offert de partager son repas et le kava qu'on venait de préparer. Je lui ai demandé si je pouvais demander à Dieu de bénir les aliments que nous allions prendre. Il me répondit que oui, que c'était très bien. Puis il s'enquit de moi auprès de l'indigène de Rarotonga qui m'accompagnait. Celui-ci en vrai Polynésien se mit à chanter mes louanges : « J'étais un grand faifékaou, j'avais porté le lotou en un grand nombre d'îles ; j'étais un personnage important, etc...

Mon hôte me félicita sur ma grandeur puis il ajouta : « Tu dois être très riche ! Hélas ! il n'en va pas de même pour nous ! Les chefs Tonga sont tous « magiva », très pauvres. Et que faisait-on dans ces îles où j'avais été ? - Je lui répondis qu'on y faisait des nattes, de l'étoffe, des filets. »
- Oh ! dit-il, c'est exactement cela que je désire un filet ! N'en aurais-tu pas un à me donner ?
- Si, je disposais d'un filet, et je le lui donnerais.
- J'irai le chercher.
- Non ! Je te l'enverrai. » Et malgré son insistance, je maintins que j'enverrai mon cadeau. Si le chef venait à bord, je prévoyais qu'il me demanderait plusieurs autres choses.

Je mis alors la conversation sur le grand sujet : « Ne voulait-il pas abandonner le culte des idoles et servir le vrai Dieu ? D'abord il me répondit de façon évasive, puis il admit que la nouvelle religion était très bonne et que peut-être avec le temps il se ferait chrétien. Seulement il ne fallait pas forcer les sentiments : « Quand le désir croîtra dans mon coeur, je suivrai l'exemple des autres, et renoncerai aux dieux de Tonga. »

En rentrant au village, je suis allé déjeuner avec Mr. et Mrs. Woon (4), et ensuite nous nous sommes rendus à l'imprimerie. La presse est vraiment une merveilleuse machine... »

Le « Messager de Paix » est prêt à reprendre la mer. John Williams qui a admiré l'oeuvre accomplie par les missionnaires et a joui d'une véritable communion fraternelle avec eux écrit ces lignes : « Bien que nous appartenions à différentes dénominations. cependant nous prêchons le même Jésus, nous nous dirigeons vers le même ciel ; et si le chemin du salut est montré aux pauvres païens, qu'importe l'étiquette confessionnelle de celui qui l'annonce ? Christ est annoncé, l'âme est sauvée, Dieu est glorifié. Que sa bénédiction repose sur les dévoués ouvriers de Tongatabou... »

Le 5 décembre, John Williams quittait l'archipel des Amis faisant voile sur Rarotonga où il arrivait en janvier après une absence de près de quatre mois.
« Les résultats de ces deux voyages aux Samoa dépassent tout ce qu'on en pourrait dire, écrit Ebenezer Prout. Williams, dans sa lettre à son ami Ellis, ramène son activité à aussi peu de chose que le permet la vérité :

« Bien que nos travaux aient été couronnés de très grands succès il est bien entendu que ceci va à peine au delà d'une renonciation au paganisme chez les indigènes, et d'un désir d'être instruits des vérités du Christianisme. Mais une grande porte est ouverte, le sol a été labouré et un peuple préparé pour Dieu... » Williams a le sentiment si vif de tout ce qu'il reste à faire que, trouvant Mrs. Williams en très bonne santé lors de son retour à Rarotonga, il songe à prolonger son séjour en Polynésie et esquisse déjà en pensée de nouveaux voyages missionnaires

« Actuellement, j'hésite à prendre aucune décision définitive au sujet de notre départ. Quel immense champ d'action s'ouvre vers l'Ouest où des îles si nombreuses émergent du Pacifique et où se trouvent des centaines de milliers d'âmes qui n'ont jamais encore entendu l'Évangile du salut ! J'aimerais entreprendre un voyage d'exploration dans tous ces archipels extrêmement peuplés, mais cela dépasse des moyens très limités. Je n'ai que trop fait déjà peut-être, sous ma propre responsabilité. Si je retourne en Angleterre j'essayerai d'exposer un plan d'action devant les Directeurs... Nous avons entendu dire que les ressources faisaient défaut à notre Société et que son budget était diminué... Nous souhaitons qu'il n'en soit rien, car l'oeuvre du Seigneur n'est pas achevée. Le champ est vaste, il s'y trouve encore des chardons, des épines, et les plantes vénéneuses des superstitions païennes. Il faut qu'il soit labouré, nettoyé, ensemencé, transformé en un jardin de l'Éternel. Et qui le fera ? Si les chrétiens anglais s'en désintéressent, qui donc entrera dans le champ pour continuer l'oeuvre, quand le zèle le courage et les forces de ceux qui s'y trouvent seront épuisés ! .... »


Pour l'amour de l'Évangile, Williams est toujours prêt à se dépenser et à dépenser. Pour lui, non seulement l'oeuvre du Seigneur dépasse toutes les autres, mais elle les absorbe toutes, écrit son biographe. « Si sa consécration avait été moins entière il aurait passé inaperçu, sans qu'on le discernât dans cette multitude de chrétiens dont les vertus négatives et la médiocrité religieuse n'offrent rien qui les signale, rien qui attire vers eux. Mais son ardeur missionnaire le plaçait à un niveau où il ne pouvait rester caché, et faisait de lui une lumière sur une montagne, une colonne dans la Maison de Dieu... Le zèle missionnaire remplissait son coeur et animait tout ce qu'il faisait. C'est ce zèle qui multipliait son activité et le faisait abonder dans l'oeuvre du Seigneur. C'est ce zèle qui le préservait de découragement, de frayeur, de déclin, et qui le garda fidèle... C'est par la grâce de Dieu que John Williams fut ce qu'il fut. Avec tous ceux qui aiment le Seigneur il se sépara du monde. Non seulement cela, mais sur plus d'un point, il différa de l'Eglise... D'autres avaient reçu « la grâce », mais il avait reçu « plus de grâce » ... Nous trouvons l'explication de ces divergences dans sa piété ; piété bien spéciale et de qualité supérieure, cause immédiate et source de son action missionnaire au cours d'une carrière couronnée de succès... C'est dans la communion avec Dieu qu'il puisait la direction à imprimer à sa vie ; c'est auprès de Dieu qu'il puisait cette puissance qu'une pensée mal assurée ou moins consacrée n'aurait pas su utiliser... »



MAP OF SAMOAN GROUP.


(1) « Aux têtes égales », dit-on en Polynésie : ce qui implique des droits égaux. 

(2) Riromaïava avait acquis sa connaissance de l'anglais auprès d'un matelot qu'un navire de passage avait abandonné dans l'île, parce qu'il était très malade. C'était, paraît-il, un très brave homme.

(3) [Les tremblements de terre peuvent modifier les fonds. Il est possible que la profondeur des baies n'ait plus été la même quand Williams parcourut cet archipel en 1832, longtemps après La Pérouse].

(4) Dans la biographie d'Eb. Prout, ce nom est écrit : Moon. Dans le récit de Williams : Woon. Ici ou là, il y a une erreur typographique. 
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