Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

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1831. - « JE COURS VERS LE BUT ». - PROJETS. - ÉPREUVES. - MÉ : SOUFFRANCES POUR CHRIST. - Ô MORT ! OÙ EST TON AIGUILLON ? - MENACES DE GUERRE. - LE PAGANISME RELÈVE LA TÊTE. - MORT DU ROI TAMATOA. - LA GUERRE ÉCLATE. - INTERVENTION DES CHEFS DE TAHITI. - NOUVEAU VOYAGE MISSIONNAIRE. WILLIAMS TOMBE A LA MER ET RISQUE DE SE NOYER. - RENOUVEAU DE PAGANISME A RAROTONGA. - CYCLONE ET RAS DE MAREE - RUINES.


 

QUELS que soient les résultats de ses travaux, Williams ne s'imagine jamais qu'il a atteint le but. Dans sa pensée, jamais ce qu'il a fait n'est un « terminus » : c'est une étape, un relais, d'où il repartira pour de nouvelles victoires. Il croit que le moment est venu d'étendre les conquêtes de l'Évangile aux Nouvelles-Hébrides. Déjà l'infatigable missionnaire dresse de nouveaux plans en relisant ce que le capitaine Cook a écrit des îles où il espère bientôt aborder. Et à ce sujet, son biographe écrit les lignes suivantes : « Si l'esprit de suite et la persévérance, si un but unique poursuivi avec zèle dans un domaine quelconque - celui de la science par exemple - attire l'admiration des hommes, quels sentiments ne devons-nous pas éprouver lorsque nous considérons la vie de ce pionnier jamais lassé, vie constamment tendue vers de nouvelles conquêtes au service du Christ. Comme l'Apôtre il pouvait dire : « Je fais une chose. » Et rien ne put jamais le détourner de la course que le Maître lui avait proposée. » [E. Prout].

Tandis qu'il fait des plans d'avenir pour fortifier les églises nées de la veille, et pour visiter les missionnaires bronzés qu'il a laissés dans les archipels du Pacifique, tandis qu'il prépare le second voyage promis aux îles Samoa, le ciel s'obscurcit soudain à Raïatéa. Mrs. Williams tombait à nouveau gravement malade. Les souffrances intolérables d'un mal nommé dans ces îles : fééfée (1), l'avaient rapidement amenée à un état de faiblesse telle que le missionnaire dut songer à partir immédiatement pour l'Angleterre.

À cette époque il écrit : « Si l'état de Mrs. Williams ne s'améliore pas je ne pourrais tenir la promesse faite de visiter à nouveau Rarotonga et les îles Samoa. À cause d'elle, je ne veux pas remettre à nouveau le retour. Je puis faire autant peut-être en rentrant immédiatement qu'en attendant encore dix à douze mois... Plusieurs me blâment déjà d'avoir tant tardé et craignent qu'elle ne soit trop épuisée pour pouvoir se remettre. Je désire ardemment qu'on envoie un missionnaire à Raïatéa. J'en éprouverais un grand soulagement. »

Lorsque John Williams annonça sa résolution de départ aux Églises de Raïatéa et Tahaa, tous furent consternés. On refusait de le laisser partir, on briserait plutôt le navire qui viendrait le chercher. Les femmes précédées de la reine vinrent trouver Mrs. Williams, la suppliant de rejeter toute idée de départ. L'insistance auprès des missionnaires fut telle que Mr. et Mrs. Williams s'en trouvèrent gênés, et une amélioration survenant ils acceptèrent de prolonger leur séjour de quelques mois. Ce délai allait permettre la mise au point de la traduction du Nouveau Testament en dialecte de Rarotonga, et de faire la visite promise aux Îles Australes et aux Samoa.

« ... Tels sont nos projets, écrit Williams à W. A. Hankey ; à moins d'imprévu nous arriverons dans les douze mois qui suivront la réception de cette lettre... Je vous suis reconnaissant de votre affectueuse appréciation de mes travaux. Il est difficile de parler de soi-même ; mais je dois bien dire que la construction de mon navire m'a donné des possibilités d'évangélisation et des résultats qui dépassent ce qu'on peut apprécier...

« Quelques-uns des ouvriers que j'emploie depuis plusieurs années sont devenus extrêmement habiles. L'un d'eux a réparé à Houahiné la goélette de Mahiné. Deux autres ont construit un joli navire de quarante tonneaux pour Tamatoa... Toutes les pièces de bois et de fer ont été faites par eux...

« Je viens d'envoyer deux chaises à ma soeur, Mrs. Kuck, comme spécimen du travail rarotongan : l'une est pour vous ; Mrs. Kuck doit vous l'expédier et j'espère que vous voudrez bien me faire l'honneur de l'accepter. »

À son retour des Samoa, Williams s'était aperçu qu'un ancien guerrier dit nom de « Mé » n'occupait pas sa place au temple. Au temps du paganisme, Mé avait été la terreur de Raïatéa et des Îles-sous-le-Vent. Dans sa dernière bataille, il avait perdu les deux yeux. Il fut l'un des premiers à se convertir au Christianisme, et l'un des premiers membres admis dans l'Eglise raïatéenne. Malgré son épreuve, il assistait aux écoles de semaine apprenant par coeur ce que des amis voulaient bien lui lire. Il venait aussi à tous les services du dimanche. Un passant, un chef, le roi lui-même prenaient l'extrémité du bâton de Mé, et le conduisaient ainsi à l'école ou an temple.

« Je ne le vis pas à sa place accoutumée, et à l'issue un culte sa cordiale poignée de main me manqua.
- Pourquoi Mé n'est-il pas là, demandai-je à un diacre ? - Il est très gravement malade, et on croit que sa mort est prochaine. » J'allai le voir, le trouvai dans une petite case près de sa maison, et je lui dis :
- Mé, je suis bien affligé que tu sois malade !
- Est-ce bien toi, demanda-t-il ; est-ce bien ta voix que j'entends avant de mourir ? Maintenant je mourrai content. Je craignais de mourir avant ton retour. »

Je lui demandai aussitôt si l'on prenait soin de lui, si ou lui apportait régulièrement ses repas ? [Au temps du paganisme le malade ou le vieillard étaient mis à mort de façon barbare. Sous prétexte de les conduire à la rivière pour qu'ils se baignent on les menait jusqu'à un trou préalablement creusé où on les poussait, puis on entassait des pierres sur la victime. Même après l'introduction du christianisme, il était nécessaire que nous veillions à ce que les malades et les vieillards reçussent les soins nécessaires]. À ma question, Mé répondit qu'il lui arrivait d'avoir bien faim.
- Comment cela, lui dis-je. Et tes plantations ? [Malgré sa cécité, Mé cultivait lui-même ses champs de patates et sa plantation de bananiers].
- Quand je suis tombé malade, les gens avec qui je vis ont pris mes plantations ; et parfois j'ai faim.
- Pourquoi ne l'as-tu pas dit au chef, ou aux frères, qui viennent te voir ?
- J'ai craint que ceux qui me font tort ne me traitent de rapporteur et ne disent du mal de ma religion ; et j'ai réfléchi qu'il valait mieux avoir faim ou mourir plutôt que de leur donner l'occasion de le faire. »

Je lui demandai alors quels étaient ceux des frères, qui étaient venus le voir et qui lui avaient lu la Bible ? Il m'en nomma plusieurs, et ajouta : « J'aurais aimé qu'ils vinssent plus fréquemment, mais je ne suis pas seul. Dieu me visite souvent. Tous deux nous parlions ensemble quand tu es arrivé. »
- Et que disiez-vous ?
- Je lui disais : « Prends-moi pour être avec Christ, ce qui me serait bien meilleur. »

Comme je lui parlais de la fin probable, de la rencontre avec Dieu, et de la raison de son espérance, il me répondit : « Ce matin j'ai eu une grande angoisse ; mais maintenant je suis heureux. J'ai vu une haute montagne aux pentes abruptes d'accès difficile, et je me suis mis à la gravir. Quand j'étais déjà à une très grande hauteur j'ai perdu l'équilibre et j'ai roulé en bas. Épuisé de fatigue et de tristesse je m'éloignai puis à quelque distance de la montagne je m'assis pour pleurer. Mais voilà qu'une goutte de sang tomba sur cette montagne et la fit disparaître. »

Je lui demandai comment il expliquait cette vision ? Ma question l'étonna et il dit : « La montagne ce sont mes péchés, la goutte de sang c'est le précieux Sang de Jésus, qui ôte la peine de mon péché. »

Les yeux de Mé étaient depuis longtemps fermés aux choses d'ici-bas, mais les yeux du coeur avaient contemplé la glorieuse vision... Quand je lui parlai de remèdes, il me dit qu'il prendrait ce que j'enverrais, mais qu'il continuerait de prier Dieu pour être repris de ce monde... »

J'étais à ses côtés à l'instant de l'appel. Il prononça à haute voix plusieurs promesses des Écritures ; puis après avoir crié avec force : « O mort, où est ton aiguillon ? », les paroles ne furent plus qu'un murmure, les yeux restèrent immobiles, les bras retombèrent, l'esprit était parti pour trouver son Sauveur... Ainsi mourut Mé, le guerrier de Raïatéa devenu aveugle. En quittant son lit de mort, je priai Dieu que ma fin fut semblable à la sienne. »

Peu après son retour à Raïatéa, Williams traversa l'une des périodes les plus pénibles de son ministère en ce pays. « L'année 1831, écrit-il dans son livre (2), fut une année de détresse et d'angoisses dont les seuls détails rempliraient un volume. Je me contenterai donc d'en donner un court résumé.

Fenouapeho (3), chef de Tahaa (4), ayant disparu en mer, le gouvernement revint à Tapoa (5), petit-filsd'un féroce guerrier de ce nom, ennemi irréductible du christianisme. À l'avènement de Tapoa, les exilés pour cause de meurtre, complots, etc..., les païens endurcis, quelques vieux guerriers, et de façon générale les tenants dans l'ancien régime, se rallièrent autour du jeune chef. Ils le flattèrent, insinuèrent que par une guerre bien menée il ne serait pas impossible de vaincre Tamatoa et de devenir le chef de toutes les Îles-sous-le-Vent, comme l'avait été Tapoa, son grand-père, etc...

Williams alla voir le jeune chef. Il lui dit tout ce que la raison, le bon sens et le coeur suggéraient, pour le dissuader de poursuivre la voie mauvaise où il s'engageait. Mais l'ambition parlait déjà trop fort en Tapoa, et le parti qui s'était formé autour de lui veillait à le maintenir dans ses idées de guerre et de renom à conquérir par les armes. Certain jour que Williams plaidait la cause de la paix auprès de Tapoa, un guerrier furieux et qui possédait un fusil mit en joue le missionnaire. Mais un indigène, voyant le geste, bondit et arracha l'arme des mains de l'homme, avant que le coup partit.

Les rumeurs de guerre, les défis de Tapoa, l'anxiété que provoquaient les constantes menaces d'une descente de l'ennemi, les préparatifs évidents de celui-ci, tout cela fatiguait Tamatoa. Déjà affaibli par l'âge, il tomba malade, pour ne plus se relever. « J'allais fréquemment le voir, écrit Williams. Calme, il regardait à Christ comme à son unique Sauveur. Peu avant la fin, il convoqua son entourage : son fils qui devait lui succéder, sa fille, les chefs. Il les exhorta à rester fidèles à l'Évangile, à maintenir les lois, à être bons avec leurs missionnaires. Puis, levant vers moi ses deux bras amaigris, Tamatoa dit : Mon cher ami, voilà bien longtemps que nous travaillons ensemble pour la bonne cause. Rien ne nous a jamais séparés. La mort va le faire. Mais rien ne pourra nous séparer de l'amour de Christ. »



BLOC DRESSÉ A OPOA, DONNANT LA TAILLE DES ROIS DE RAIATÉA

Le 10 juillet 1831, John Williams écrivait : « C'est avec une immense tristesse que je porte à votre connaissance ce qu'est l'état actuel des Îles-sous-le-Vent. L'agitation y est très grande. Depuis deux ou trois mois nous sommes constamment menacés de la guerre, et il est à craindre qu'elle n'éclate tôt ou tard. J'ai aussi la douleur de vous dire la mort de notre cher Vieux roi : Tamatoa. La période d'agitation, d'insécurité, que nous traversons, a eu de pénibles répercussions sur un organisme déjà fortement atteint par l'âge, ce qui a abrégé sa vie. Il est mort heureux. Ses dernières paroles - ou à peu près - furent celles-ci : « Prenez garde que l'Évangile ne soit chassé de nos îles ! » L'enterrement a eu lieu mercredi. Nous ressentons vivement son départ... »

Dans son livre, Williams ouvre ici une parenthèse pour ajouter quelques détails sur le roi de Raïatéa :
« C'était un fort bel homme de haute stature (2 m. 10 de hauteur, soit 6 pieds 11 inches), le patriarche de la royauté : sa fille aînée gouverne Houahiné, et sa petite-fille est reine de Tahiti.

« Lors de la visite de la délégation anglaise, Mr. Bennet demanda au roi quel crime, du temps de son paganisme, pesait le plus sur sa conscience. Je servais d'interprète. Après quelque hésitation, Tamatoa répondit : « C'est d'avoir permis qu'on m'adorât comme dieu alors que je savais n'être qu'un homme. » Autrefois il était effectivement adoré comme dieu, et c'est à lui qu'on présentait l'oeil de la victime humaine, avant que le corps fût porté au maraë.

« Avant sa conversion Tamatoa était l'esclave d'une liqueur enivrante obtenue par la macération d'une racine : le kava. Cette liqueur a des effets narcotiques qui rendent le bruit particulièrement désagréable. Dès qu'on apprenait que Tamatoa avait bu, tout bruit cessait aux alentours, et on emmenait aussitôt les enfants. Extrêmement violent, s'il était dérangé de quelque manière, il saisissait une lance ou une massue et exerçait sa vengeance sur la première personne rencontrée, amie ou ennemie. Lorsqu'il était en colère son apparence était, paraît-il, terrifiante : un jour qu'il avait été dérangé de cette sorte d'ivresse, il sortit furieux, et ne trouvant pas d'arme il frappa d'un coup de poing si violent la première personne rencontrée que l'oeil de la victime sortit de l'orbite et lui-même se brisa les deux premières phalanges de l'index.

« Au moment de sa conversion il fit à Dieu le serment solennel de ne plus jamais boire. Je l'ai connu intimement pendant quinze ans et je suis convaincu qu'il a été fidèle à la parole donnée. Son exemple fut bienfaisant pour l'oeuvre missionnaire à Raïatéa. Alors qu'ailleurs mes collègues avaient à lutter contre l'alcool, ce poison des âmes et des corps, à Raïatéa l'ivresse était extrêmement rare. Je n'en ai vu que deux cas en quinze ans.

« En devenant chrétien, Tamatoa se dépouillait de bien des prérogatives royales, et il abdiquait ce caractère divin que lui accordait le paganisme. Bien souvent il dut y avoir lutte, avant que la grande décision fût prise, en ce coeur qui n'avait jamais connu d'autre loi que son bon plaisir. Il est resté fidèle. O merveilleuse puissance de la Croix !

La mort de Tamatoa, loin de calmer le jeune chef de Tahaa et son parti, sembla déterminer un redoublement de préparatifs de guerre. Tous mes efforts pour empêcher qu'on en vienne aux mains semblaient inutiles, écrit Williams. D'autre part, je devais faire sans retard la visite aux Samoa, ne voulant ni ne pouvant prolonger mon séjour en Polynésie à cause de l'état précaire de Mrs. Williams. Je pris donc la décision d'aller à Tahiti pour demander à quelques puissants chefs d'intervenir en faveur de la paix... »

En l'absence du missionnaire, les hostilités commencèrent et quand les chefs de Tahiti arrivèrent une grande bataille était sur le point de se livrer. Ils purent l'empêcher, et eurent la joie de négocier la paix.

Le 21 septembre 1831, « le Messager » reprenait la mer, faisant voile sur Rarotonga. Mrs. Williams et ses deux fils étaient du voyage. Le vent était favorable, et la traversée s'effectua rapidement. Le 28, la famille missionnaire débarquait dans l'île de Rarotonga, laquelle, après les jours troublés de Raïatéa, fit aux voyageurs l'impression d'une oasis.
Même une oasis ne pouvait retenir longtemps Williams ; accompagné de Mr. Buzacott et de Makéa, il repartait peu après pour visiter les autres îles de l'archipel.

Les évangélistes ont besoin d'être visités, encouragés et soutenus ; ils ont besoin d'être aidés dans leur lutte contre le paganisme ambiant. Il est aussi nécessaire de les ravitailler en livres : bibles, évangiles, abécédaires et autres traités pour les écoles ; enfin il est bon de songer à ce qui peut leur être personnellement nécessaire.
Quelle émotion pour eux quand un bateau est signalé, et quelle fête quand se précise la nature du petit navire et la venue du missionnaire ! Williams savait que ces tournées annuelles étaient nécessaires à tous les points de vue, et ce n'est pas volontiers qu'il fût parti sans visiter encore une fois les avant-postes.

À Mangaïa, ou a achevé la construction d'un temple, et on attend Williams pour l'inaugurer : la beauté de l'édifice, avec ses hautes colonnes sculptées, attire l'attention du missionnaire : « C'est un superbe bâtiment de forme ovale de quarante mètres de long... Aucune description ne pourrait donner l'impression qu'on ressent en y entrant... Quand on songe au manque d'outils, à la dureté du bois employé, on admire à la fois et la patience et l'habileté des artistes indigènes. Mr. Buzacott a commencé le service d'inauguration par la lecture de la Bible et la prière, puis j'ai prononcé le sermon prenant mon texte dans le livre du prophète Aggée 11, 7 : « Je remplirai cette maison de ma gloire, dit l'Éternel des Armées. » De quinze à seize cents personnes remplissaient le temple ; la foule de ceux qui n'avaient pu entrer, l'entourait... »

Quelques-uns des principaux de l'île refusant absolument d'entendre la prédication de l'Évangile, Williams va les voir, et traverse montagnes et vallées pour les trouver. Le premier chef qu'il rencontre est flatté de sa visite et convoque aussitôt son village : deux à trois cents personnes, pour entendre l'orométoua. Quelle audience ! Les femmes portent pour tout vêtement des guirlandes de feuilles imbriquées et des colliers de baies, tout leur corps est luisant d'huile parfumée. Les hommes aussi ont décoré leur nudité de diverses manières. Devant cet étrange auditoire, Williams expose la Bonne Nouvelle aussi simplement que possible, il presse ses auditeurs d'accepter le salut. On l'écoute, on lui promet de se souvenir. Le chef remercie de l'honneur que lui a fait le missionnaire en venant le voir. Il promet de réfléchir aux paroles entendues. C'est tout. Mais Dieu est puissant : il fera lever la semence. Williams poursuit sa route, gravit un autre sommet, descend dans une autre vallée, trouve une autre agglomération. Mais le chef et ses gens sont partis pour le rencontrer au village des chrétiens. En hâte, il retourne sur ses pas. Et lorsqu'il arrive il voit à sa grande joie que les visiteurs sont en grande conversation avec le roi Makéa et les chrétiens de Rarotonga ; ceux-ci les exhortent à se faire chrétiens. « Heureux de voir le chef de Mangaïa et sa suite en si bonne compagnie je me retirai après leur avoir dit quelques paroles de bienvenue, les laissant aux énergiques admonestations des chrétiens de Rarotonga. Ils n'ont pas dû dormir beaucoup cette nuit-là, ni les uns ni les autres ! Vers minuit, étendu sur la natte qui me servait de lit, je les entendais toujours, et je constatais que ni l'éloquence des Rarotongans ni l'attention des gens de Mangaïa ne diminuaient d'intensité. » Après l'inspection des écoles, les distributions de récompenses, les exhortations finales, les adieux, « le Messager de Paix » faisait voile vers Aïtoutaki et Atiou.

Nous ne pouvons donner tous les détails de ces visites missionnaires : il y faudrait plusieurs volumes. Relatons cependant l'accident survenu à J. Williams devant cette dernière île. La mer brisant avec moins de furie qu'elle ne le fait généralement il avait décide de se servir de la baleinière pour gagner la terre. Tout alla bien à l'aller. Mais au retour, avant que l'embarcation se fût suffisamment éloignée de la côte, une immense vague du large s'écrasait sur elle, la renversait, et jetait à la mer tous les occupants. « Malheureusement, écrit Williams, je fus entraîné fort loin du rivage par la lame qui se retirait, et, pris dans un tourbillon, je descendis à une grande profondeur. Cela dura si longtemps que je n'espérais plus pouvoir regagner la surface. Enfin je revins à l'air libre, et supposant que j'avais le temps de gagner un point du récif à la nage avant l'arrivée d'une autre vague, je me mis à nager dans cette direction. Heureusement deux indigènes d'Atiou m'aperçurent et venant aussitôt à ma rencontre, ils me prirent sous les bras ; avec leur aide je pus enfin gagner le récif où je retrouvai mes compagnons de voyage encore tout en larmes de l'effroi qu'ils avaient eu en me croyant perdu. Riant et pleurant à la fois les indigènes m'entouraient et manifestaient leur joie de mon sauvetage, en touchant mes habits et en m'embrassant les mains. Pour la sixième fois, j'avais manqué perdre la vie en mer. En certains endroits, le récif surplombe l'Océan et il est creusé ici et là de profondes cavernes. Être roulé dans l'une d'elles par la violence des vagues c'est - humainement parlant - la mort inéluctable... »

De retour à Rarotonga, et en vue de la croisière aux Samoa, Williams veut revoir complètement son petit navire et l'allonger de deux mètres. Après examen du littoral, il choisit un endroit près du village d'Avaroua, celui de Makéa, pour y échouer « le Messager de Paix ». On lui a envoyé d'Angleterre des feuilles de cuivre, du fer, et les pièces nécessaires. Il y avait quinze jours qu'il consacrait ses matinées à ce travail - les après-midi étaient remplis par la révision ou la traduction du Nouveau Testament en rarotongan - lorsqu'une triste nouvelle se répandit : au cours d'une grande réunion de chefs quelqu'un avait incidemment proposé de faire revivre certaines coutumes païennes, proposition qui avait été acceptée, « Y avait-il eu préméditation ? S'agissait-il d'une proposition fortuite ? Je ne pus m'en assurer, écrit Williams. Toujours est-il qu'à peine la proposition acceptée, on commençait les opérations du tatouage un peu partout, et que les indigènes en grand nombre se mirent à parader affublés à la manière d'autrefois. Les répercussions de ce renouveau de paganisme se firent aussitôt sentir dans nos écoles, et plusieurs des meilleurs élèves, sur lesquels nous fondions de grandes espérances, cessèrent de venir. Mes collègues et moi en fûmes vivement affectés. Deux jeunes chefs, jusque-là fort dévoués et actifs, déclarèrent nettement à Mr. Pitman leur résolution de retourner aux coutumes païennes, et afin d'entraîner leurs condisciples ils usèrent à l'égard du missionnaire d'un langage insolent, voulant montrer par là que leur décision était irrévocable. Le résultat fut tout autre : plusieurs élèves se levèrent aussitôt pour protester contre cette indigne conduite, et pour dire à Mr. Pitman qu'ils voulaient servir Christ et qu'ils lui resteraient fidèlement attachés. Les jeunes chefs refusant la défaite firent alors pleuvoir les plus durs sarcasmes sur ceux qui venaient de faire profession de fidélité au christianisme.

Ne sachant que penser de cette réaction et soupçonnant que les jeunes chefs devaient se savoir soutenus pour oser se conduire ainsi, les missionnaires décidèrent de ne pas intervenir. Mais Mrs. Williams et moi nous partîmes aussitôt pour Gnatangiia, afin de voir nos amis Pitman, pour les consoler et les fortifier en cette heure d'adversité...

Le dimanche je prononçai l'un des plus puissants sermons qu'il m'ait été donné de prêcher : prenant mon texte au chapitre dix-septième des Actes des Apôtres (v. 30 et 31), j'essayai de faire comprendre combien il était grave de retourner au paganisme après avoir reçu la Vérité. Mieux eût valu pour ceux qui retournaient en arrière ne l'avoir jamais connue...

Le lendemain, les chefs convoquèrent une réunion où Mr. Pitman et moi nous fûmes invités. Pa et Kaïnaka nous dirent leur tristesse. Ni l'un ni l'autre n'avaient aucune part dans ce retour au paganisme. Pa déclara toute l'horreur que lui inspirait le mal, son attachement inébranlable aux missionnaires et au christianisme, et sa douleur de la conduite de son fils vis-à-vis de Mr. Pitman.

Toupé, le juge, se leva ensuite et résuma sa vie depuis sa conversion. « De tous les chefs, il avait été le dernier à embrasser le christianisme ; mais alors il l'avait fait à fond, bien décidé à obéir à l'Évangile. Choisi comme juge principal par les chefs lors de l'introduction des nouvelles lois, il avait eu à souffrir du fait de son impartialité dans l'exercice de ses fonctions. Il avait supporté la jalousie, la suspicion, la destruction de ses biens ; deux fois sa maison avait été brûlée. Mais aussi longtemps qu'il serait juge rien ne pourrait l'empêcher d'exercer son office selon sa conscience, et d'appliquer la loi. »

Mr. Pitman refusant de dire un mot, je répondis aux orateurs par quelques paroles, puis nous partîmes, pensant qu'il était préférable de les laisser prendre seuls les décisions qu'ils jugeraient convenables. Ils prirent une résolution unanime, demandant l'interdiction de tout retour aux coutumes païennes, et chargèrent un messager de la porter au roi Makéa. Enfin les coupables vinrent faire des excuses à Mr. Pitman.
Ainsi fut arrêté dès le début à Ngatangiia le renouveau de paganisme qui avait menacé de dévaster le district.

À Arorangi le cher vieux chef Tinomana avait absolument refusé d'entendre parler d'aucun retour aux pratiques païennes, et il avait mis un terme immédiatement. Seuls Makéa et son parti refusèrent d'agir. Le roi ignora la requête des chefs et refusa de formuler l'interdiction qu'on réclamait de lui. Dans son district les lois furent foulées aux pieds sans qu'il s'en mît en peine, les fêtes païennes se succédèrent, et tout travail devint insupportable à ceux qui se livraient au mal. Faute de main-d'oeuvre, Williams dut interrompre la réfection de son navire. Alors il s'adonna uniquement à l'achèvement de la traduction du Nouveau Testament en langue de Rarotonga avec l'aide de ses collègues, et à la révision des livres déjà traduits.

Le 21 décembre, alors qu'il était absorbé dans ce travail, un messager envoyé par M. Buzacott survint et lui remit une lettre. Son correspondant l'avertissait que la mer était démontée : une mauvaise tempête s'annonçait, et le « Messager » courait le risque d'être mis en pièces. Aussitôt, Williams partit pour Avaroua L'air embrasé semblait irrespirable, le calme, le silence de toutes choses était impressionnant, le ciel était très bas, et la mer agitée. Aussitôt arrivé sur les lieux, et mesurant le danger que courait son navire, Williams, aidé par quelques indigènes, construisit une sorte de jetée tout autour en empilant les uns sur les autres des blocs de corail. Puis la chaîne de l'ancre fut fixée d'une part au « Messager », de l'autre au pilier central de l'école située à quelque 40 mètres du rivage et sur un tertre de trois mètres de haut. « Enfin je fis débarquer tout ce qui était à bord : bois, cuivre, fer, provisions, les mâts, les voiles, les cordages, etc..., et je fis faire un toit sur le pont. Après avoir pris toutes les précautions imaginables, je retournai à Ngatangiia. Au grand calme, la tempête succédait rapidement : le vent soufflait avec rage, et une pluie torrentielle tombait sans discontinuer. Notre dimanche fut triste. Les services eurent lieu quand même. Sur le soir, le vent redoubla de violence : les arbres se brisaient, s'abattaient, les maisons étaient arrachées. À nos côtés, un immense hangar s'écroulait, ensevelissant mon meilleur canot sous ses ruines. D'heure en heure, j'espérais voir arriver mi messager avec des nouvelles sur l'état de la mer et le sort du navire. Personne ne vint. Enfin, vers 9 h. du soir, un billet de M, Buzacott nous parvint. Nouvelles inquiétantes : la mer montait toujours, le « Messager » était jeté de ci de là, et le toit qui recouvrait le pont avait été arraché. L'eau couvrait le rivage et atteignait l'école où j'avais remisé voiles, cordages et toute la cargaison du navire. Tout le village était menacé par le raz de marée !

La nuit était tombée : une nuit d'encre, un ciel noir ; et la pluie continuait de se déverser à torrents. J'étais à près de douze kilomètres d'Avaroua ! Que taire dans cette tourmente et dans l'obscurité ? Je décidai donc d'attendre le matin. Le bruit de la tempête, le mugissement de la mer, les cris d'effroi des indigènes, les craquements des maisons, tout cela était bien fait pour empêcher de dormir quiconque l'aurait essayé et remplir d'effroi le coeur le plus brave. Au petit jour, je me mis en route, prenant le chemin du bord de la mer pour éviter des sentiers transformés en ruisseaux où il fallait avancer avec de l'eau jusqu'aux genoux, et à cause des branches et même des arbres qui s'abattaient dans toutes les directions. Mais le vent et la pluie avaient tant de violence que je dus revenir sur mes pas et prendre la route de l'intérieur où je n'avançais qu'avec précautions. À mi-chemin, je rencontrai quelques-uns de mes ouvriers : ils me dirent que la mer avait emporté la maison où j'avais remisé mes provisions. Quant au « Messager », il s'élevait avec chaque vague, montait sur la rive et se retirait avec le flot.

Après une marche épuisante, transpercé par la pluie et glacé, j'atteignis enfin Avaroua. Le village n'était plus qu'un monceau de ruines ! Celles-ci dépassaient tout ce que j'avais imaginé ; il ne restait rien des jolies constructions : les femmes avec leurs enfants cherchaient un endroit où s'abriter ; les hommes essayaient de retirer quelques objets de dessous leurs maisons écroulées ; et des cris de terreur perçaient de temps à autre le bruit des éléments déchaînés. Les hurlements du vent, les détonations produites par les grandes lames, détonations qui se mêlaient aux éclats du tonnerre, les déchirures des éclairs dans les demi-ténèbres qui enveloppaient l'île, les trombes d'eau qui se déversaient sans interruption, tout ceci formait un spectacle terrible et sublime à la fois, et j'adorai... La terre tremblait ; non seulement sur le rivage, mais jusqu'au centre de l'île... Les maisons qui avaient résisté jusque-là s'en allaient maintenant par morceaux sous les efforts redoublés du vent : temple, écoles, la demeure de Mr. Buzacott, tout était rasé.

Mrs. Buzacott et ses trois enfants s'étaient réfugiés chez la femme du chef dont la maison était encore debout. Mais la mer montait toujours. Le vent aidant, les vagues détruisirent ce dernier abri. Alors ce fut la fuite vers la montagne ; fuite bien lente, car ou n'avançait que difficilement, avant souvent de l'eau jusqu'aux genoux. Enfin, les fugitifs arrivèrent à la colline où le chef possédait une case. Hélas ! elle avait été emportée ! La course continua jusqu'à un autre endroit où s'élevait une maison qui, heureusement, était demeurée debout. Elle était déjà remplie de femmes et d'enfants qui accueillirent avec bonté les nouveaux venus.

Pendant ce temps Mr. Buzacott (6), quelques indigènes et moi nous nous occupions à transporter dans la petite maison qu'habitaient les aides de mon collègue tous les livres et tous les objets que nous avions pu retirer des décombres. La case en question était peu élevée ; nous attachâmes son toit avec des cordes et fîmes le possible pour la rendre invulnérable aux furieuses rafales qui se succédaient. Notre angoisse était à son comble. Ce frêle abri allait-il s'effondrer à son tour ? Alors que tout semblait inutile, le vent se déplaça de quelques degrés vers l'Ouest. Ce fut le signal d'un decrescendo de la mer et de la tempête. L'Océan se retira, le vent cessa, les gros nuages noirs qui enveloppaient l'île se dissipèrent et le soleil brilla de nouveau... Dieu ne nous avait pas oubliés...

Alors nous sortîmes de nos abris. Quel douloureux spectacle ! J'envoyai un indigène pour qu'il se rendît compte de l'état de mon navire. N'avait-il pas été mis en pièces ? Lorsque l'homme arriva sur la rive, plus de bateau ! Le « Messager de Paix » avait disparu, ainsi que plusieurs mètres du rivage où il était amarré. « Une lame avait tout emporté en se retirant, lui dit-on. » Mais une autre vague avait dû ramener le « Messager », car il se trouvait maintenant fort avant dans les terres, au centre d'un bois de châtaigniers, et comme posé sur un marécage.
J'avais réussi à envoyer un messager à Mr. Pitman pour le prier de nous envoyer du secours. Mais l'indigène revint m'apportant de terribles nouvelles: « Ngatangiia avait autant souffert qu'Avaroua ! »


Très angoissé en pensant à Mrs. Williams, je partis aussitôt pour la rejoindre. J'appris alors que, sur le matin, elle avait remarqué que le toit au-dessus de sa chambre se soulevait. En hâte elle s'était levée : se vêtant rapidement et s'enveloppant d'une couverture elle était sortie, rejointe par Mrs. Pitman. À peine étaient-elles dehors que la paroi et une partie du toit s'abattaient sur le lit que ma femme avait occupé. Les deux dames missionnaires cherchèrent un refuge qu'elles trouvèrent chez Pa. Le chef avait fait attacher sa demeure au sol par des cordes ; mais un immense cocotier s'inclinait avec chaque rafale et menaçait de l'écraser en tombant. À la demande de Mrs. Williams et Mrs. Pitman, un jeune indigène s'offrit pour grimper sur l'arbre (ce qu'il fit au péril de sa vie) et il en coupa toutes les palmes. Ainsi dépouillé, le stipe n'offrait plus de prise au vent. La maison était sauvée et ceux qui s'y étaient réfugiés.

... Écoles, temples, demeures missionnaires et presque toutes les maisons indigènes sont détruits. Tout ce que nous possédions a été dispersé par le vent et les vagues en un pays où les indigènes pratiquaient autrefois le vol à un degré inconnu ailleurs et où plusieurs mauvais sujets continuent de voler. Toutes les récoltes, tous les arbres fruitiers sont détruits. À peine reste-t-il ici et là un bananier, alors que la veille il y en avait des centaines de mille. Des milliers d'arbres à pain, des châtaigniers et d'autres arbres immenses qui avaient résisté aux orages des siècles gisent maintenant sur le sol. De ceux qui restent debout, beaucoup n'ont plus de branches, tous n'ont plus de feuilles... Il semble que le cyclone ait contourné Rarotonga et touché successivement toutes les parties de l'île...

Les femmes et les enfants descendirent des montagnes. De longues herbes furent coupées et séchées au soleil. Le soir on s'en servit pour couvrir le sol, puis on étendit par-dessus des nattes en guise de lits. Le soleil allait se coucher. Nous nous agenouillâmes pour bénir Dieu, de ce que, au milieu de grands dangers, et parmi ces ruines, il avait cependant préservé nos vies. Puis, nous nous étendîmes pour trouver un peu de repos. C'était le 23 décembre au soir, l'avant-veille de Noël. 


(1) Fièvre violente apparentée à la fièvre paludéenne, accompagnée d'enflure très douloureuse de quelque partie du corps : des membres le plus souvent. 

(2) A Narrative of Missionary Enterprises.

(3) Autrefois Fenouapcho était venu à Raïatéa avec sa flotte de guerre et ses meilleurs guerriers pour combattre contre Tamatoa, lorsqu'il avait appris que celui-ci avait détruit Oro (la grande divinité polynésienne) et les maraës. Devant un ennemi supérieur en nombre, Tamatoa avait ordonné à ses guerriers de s'embusquer derrière les arbres. Alors que l'ennemi débarquait sans méfiance, les Raïatéens tombèrent sur lui, tuant les uns, ligotant les autres. Fenouapeho fut parmi les prisonniers, et comme eux s'attendait à être mis à mort. Mais le roi leur dit que le Dieu qu'il servait demandait la miséricorde ; il leur pardonnait donc. D'abord les prisonniers furent extrêmement étonnés : Ils ne comprenaient pas. Enfin la joie remplit leurs coeurs ; et dès le lendemain, ils prenaient la résolution de ne plus adorer Oro. Depuis ce jour, Fenouapeho était devenu le grand ami de Tamatoa et de Williams.

(4) L'île de Tahaa, très proche de Raïatéa, est dans la même ceinture de récifs.

(5) Tapoa, le grand-père, puissant guerrier, avait déjà conquis toutes les Îles-sous-le-Vent, et il était allé à Tahiti sous prétexte d'aider Pomaré à combattre ses ennemis ; en réalité pour conquérir cette île et Mooréa. Païen dans l'âme il s'était toujours opposé au christianisme. Il mourut peu après son arrivée à Tahiti. Les indigènes croient que s'il avait vécu, le christianisme n'aurait pu s'étendre aussi rapidement.

(6) M. Buzacott croyait sa famille en sûreté chez le chef. Quand il apprit que la maison était détruite, il partit en hâte pour retrouver les siens. 
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