L'ANNÉE 1830. - « LE VINCENNES » ET LE « SERINGAPATAM ». - UN TÉMOIGNAGE RENDU A LA PIÉTÉ DES INDIGÈNES CONVERTIS. - BON SENS DU ROI TAMATOA. - UN TRÈS INTÉRESSANT EXAMEN. - LA BIBLE : PAROLE DE DIEU. - PRÉPARATIFS DE LA CROISIÈRE MISSIONNAIRE POUR LAQUELLE JOHN WILLIAMS A CONSTRUIT SON NAVIRE.
CINQ semaines après son
départ, le « Messager de
Paix » rentrait à
Raïatéa ; et Williams, tout en
travaillant à approfondir la foi des
chrétiens par tous les moyens en son
pouvoir, prépare le fameux grand voyage vers
l'Ouest, qui occupe ses pensées depuis si
longtemps !
Voici quelques passages des lettres qu'il
écrit à cette époque. D'un
message envoyé au révérend
Ellis - un ancien collègue en congé,
depuis plusieurs années en Angleterre nous
extrayons les lignes suivantes :
« ... Il est intéressant
d'apprendre que des personnes de qualité
s'intéressent à nos travaux et que le
public se tient au courant de l'oeuvre
missionnaire. En vérité,
« c'est maintenant l'instant
favorable ».
« Merci pour tout ce que vous avez
fait pour nous : J'ai écrit au
Révérend East pour le remercier,
ainsi que sa congrégation, des caisses de
quincaillerie et des cadeaux. La
reine et Tamatoa écrivent aussi à
Mrs. Glover pour la remercier de ses
présents. Le roi est très fier de son
pupitre.
« J'ai été
très occupé par l'impression des
livres en rarontongan, et suis heureux de vous
apprendre que c'est maintenant chose faite. Je vous
ai envoyé quelques exemplaires de chaque
ouvrage comme spécimen de langage. Mr. Barff
m'a aidé de tout son pouvoir.
« Vous savez que j'ai aussi
à m'occuper de Tahaa. Je ne peux y aller
qu'une fois toutes les trois ou quatre semaines,
pas autant que je voudrais... Rien de nouveau
à Raïatéa, si ce n'est que les
indigènes ne sont plus aussi affectueux, ni
aussi prévenants avec nous qu'ils
l'étaient autrefois. J'ai beaucoup de mal
à les convaincre de continuer à
construire les maisons inachevées, à
entretenir les barrières des enclos. Je
crains un déclin rapide si nous
partons.
[Dans mie lettre à sa famille
écrite à la même époque,
Williams dit :
« Dernièrement, les
indigènes ne nous ont pas traités
avec leur bonté habituelle. Nous avons
dû tout acheter. Cependant, hier, il
paraît qu'ils se sont réunis et se
sont accusés de leur négligence
à notre endroit ; et ce matin, ils ont
recommencé à nous apporter des vivres
comme auparavant. » ]
« J'ai reconstruit mon vieux
bateau et en ai fait un confortable petit navire de
quarante tonneaux.
« Nous nous préparons pour
le voyage que je désire entreprendre depuis
si longtemps ! Je n'ai accepté que cinq
ou six catéchistes de l'église de
Raïatéa : il s'en
présentait douze. Plusieurs autres se
désolent que leurs parents refusent de les
laisser aller : Mr. Barff doit
m'accompagner.
« Le capitaine Henry revient des
îles que nous nous proposons de visiter. Tout
ce qu'il nous communique nous
encourage à partir aussitôt que
possible. Les missionnaires wesleyens qui
travaillent déjà à Tongatabou
m'envoient une cordiale invitation à
m'arrêter chez eux quelque temps.
J'espère que je pourrai le faire.
« Vous vous souvenez que ma
vieille embarcation, montée par des gens
d'Aïtoutaki qui laissaient Rarotonga pour
retourner chez eux, s'était
échouée près de
Tongatabou ? Les naufragés parcoururent
l'archipel et racontèrent l'introduction du
christianisme dans les îles de la
Société, aux Australes, aux
îles Cook et ailleurs. En même temps,
ils exhortaient les païens a abandonner le
culte des idoles. Cela fit une profonde impression
sur les indigènes : il paraît
qu'en plusieurs îles où toucha le
capitaine Henry, la première question qu'on
lui posa fut celle-ci : As-tu des
orométouas (1) pour nous ? En
trois
de ces
îles très particulièrement on
demande très instamment des missionnaires.
L'une d'elles a déjà un temple, et le
chef qui s'est embarqué avec Mr. Henry est
allé trouver Mr. Barff, afin d'obtenir un
catéchiste qui instruira son peuple. Mr.
Barff l'a assuré de notre prochain
départ. Tout ce que sait cet homme, c'est
que la maison qu'il a fait élever est pour
le vrai Dieu, et que les missionnaires une fois
venus lui apprendront à le servir et
à l'adorer. Vous qui connaissez le
tempérament et la mentalité
indigènes, vous comprendrez comme moi que
l'heure est singulièrement propice. Je vois
en ce fait une intervention de la Providence, qui
ouvre le chemin devant nous. Cependant, je dois
ajouter que ce peuple a la réputation
d'être extrêmement barbare et
traître. Il nous faudra user de grande
prudence ; après quoi nous nous
remettrons entre les mains de Celui à qui
nous avons donné nos vies.
« Entre autres faits, montrant la
cruauté de ces indigènes, Mr. Henry
me raconta que les matelots montant une embarcation
qui était allée à terre furent
massacrés : deux des blessés
purent s'échapper, tous les autres furent
tués sur place ou moururent peu après
de leurs blessures. Une autre fois, un
équipage descendu dans ces îles
achetait des écailles de tortue : quand
les indigènes eurent tout vendu, ils
lancèrent sur les matelots une bordée
de flèches empoisonnées.
Heureusement, personne ne fut touché. Leurs
pirogues sont, paraît-il, fort grandes, et
peuvent contenir de cent à trois cents
guerriers. Ces embarcations vont fort loin en mer
et atteignent les vaisseaux. La longueur de ces
pirogues est supérieure à celle des
petits navires.
« J'ai donc l'intention de me
munir de filets et autres moyens de
défense.
« Que je vous raconte encore ce
qui suit, où je vois la main d'une
Providence qui dirige les circonstances, à
vues humaines, adverses. Lors de mon séjour
à Rarotonga, j'avais envoyé une
petite embarcation à Aïtoutaki pour
ramener mon grand bateau, ignorant à ce
moment qu'on le considérait comme perdu.
Matataï v., la femme de
l'évangéliste, apprenant que Mrs
Williams était aussi à Rarotonga,
décida de s'embarquer pour venir la voir.
Deux embarcations quittèrent
Aïtoutaki ; l'une d'elles construite dans
cette île et montée par trente
indigènes, et mon bateau. Chassés par
des vents contraires, ces esquifs
n'arrivèrent pas à Rarotonga et on
les considérait aussi comme perdus.
Aujourd'hui, j'apprends que mon bateau et son
équipage ont été recueillis
par un baleinier américain, et que l'autre
embarcation d'Aïtoutaki où Matataï
v. avait pris passage s'est échouée
sur une île encore plongée dans le paganisme.
Matataï vahine s'emploie de tout son pouvoir
à l'évangélisation et à
l'instruction des indigènes. Je ferai tout
mon possible pour retrouver les
naufragés.
« Une secte étrange a pris
naissance dans nos îles. Ses adeptes font une
édition tronquée du Nouveau
Testament. C'est à Tahiti qu'ils sont le
plus nombreux, mais il s'en trouve aussi
quelques-uns à Huahiné et à
Maupiti. Aucun à Borabora, si je suis bien
renseigné.
« J'ai le regret de vous dire que
la santé de Mrs Williams laisse fort
à désirer, et à moins d'un
heureux changement, il nous faudra prendre un
congé avant longtemps. D'après votre
dernière lettre, je vois que je puis
espérer votre retour prochainement. Votre
séjour en Angleterre est très utile.
Cependant, nous nous réjouissons à la
pensée que vous revenez...
« J. WILLIAMS. »
Quelques jours après l'envoi de cette lettre, les familles Williams et Barff s'embarquaient pour Tahiti, où les Williams laissèrent leurs enfants à l'école missionnaire. C'est de cette île que Williams écrivit à sa soeur la lettre suivante :
« MA CHÈRE SOEUR,
« Vous serez attristée
d'apprendre que ma chère Mary est encore
très souffrante. Notre voyage de
Raïatéa ici a duré cinq
jours : calme plat, brise
légère, un orage, nous avons eu tous
les contre-temps.
« Voici un mois que nous sommes
arrivés et nous profitons de notre
séjour pour voir les collègues, tous
nous reçoivent avec beaucoup d'affection.
Nous avons encore à voir Mr. Darling et
pensons aller chez lui passer quatre ou cinq jours.
De là nous irons à Mooréa chez Mr. Orsmond
qui doit retourner avec nous aux
Îles-sous-le-Vent ; enfin nous pensons
aller chez Mr. Simpson. Mrs. Simpson insiste pour
que Mary vienne habiter avec elle pendant le grand
voyage en perspective.
« On nous assure qu'un navire
ayant du fret pour les missionnaires a fait
naufrage dans la baie d'Algoa. Heureusement, nous
sommes encore approvisionnés. Ce qui nous
manque le plus ce sont des selles : l'une pour
dame, l'autre pour homme, et je vous serais
reconnaissant de nous faire expédier
immédiatement l'une et l'autre, Si les cols
se portent - des cols pour dames - oui quoi que ce
soit d'autre qui se porte autour du cou pourvu que
ce soit la mode, veuillez nous en envoyer deux ou
trois. J'ai eu la malchance de tomber la tête
la première dans la mer où je me suis
traîné comme un grand crabe ; ce
faisant j'ai abîmé l'excellente montre
que Mr. Kuck m'a envoyée. Mais avec l'aide
d'un charpentier de Tahaa, j'espère pouvoir
la réparer »
J. WILLIAMS.
Le missionnaire était à peine de
retour à Raïatéa qu'un cyclone
s'abattait sur l'île déracinant les
arbres, détruisant les maisons et arrachant
une partie du temple. Alors qu'indigènes et
missionnaire s'occupaient à relever les
ruines, « le Messager de Paix »
fut signalé au large. C'était
effectivement la goélette attendue ; et
le soir même - 25 février 1830 - elle
entrait au port, revenant d'un voyage aux
avant-postes. Le lendemain, devant les
Raïatéens rassemblés, Mr. Platt
donna des détails sur les îles
visitées, détails d'autant plus
intéressants pour son auditoire que partout
des évangélistes de
Raïatéa étaient à
l'oeuvre.
Trois navires vinrent jeter l'ancre dans la
baie d'Outouroa en fin d'année 1829 et au
commencement de 1830. Ces visites sont souvent une
cause d'appréhension et de tristesse pour le
missionnaire lorsque les commandants ne veillent
pas à la bonne tenue des équipages
qui descendent à terre. Mais le
« Satellite », le
« Vincennes », le
« Seringapatam » ne furent
cause d'aucun désordre ; leur
séjour ne fut le signal d'aucun fait
regrettable. Bien au contraire, l'attitude
sympathique des officiers vis-à-vis des
serviteurs de Dieu cul d'heureuses
répercussions sur l'oeuvre missionnaire,
aussi bien en Polynésie qu'en
Angleterre.
Voici quelques extraits du journal de
l'aumônier du
« Vincennes », navire de guerre
américain :
« À notre arrivée,
écrit le révérend Stewart, un
jeune homme, le fils du missionnaire, vint à
notre rencontre pour excuser son père retenu
par un service. Il nous conduisit vers sa
mère. La maison des Williams est
confortable : les trois pièces de
devant ouvrent sur une véranda d'où
l'on a une vue magnifique sur
l'océan...
« 5 septembre. Dimanche.
Aujourd'hui, service au temple, bel édifice
que remplissaient onze cents personnes a peu
près. Tous étaient convenablement
vêtus et paraissaient très recueillis.
Le capitaine Finch, son état-major, la
musique du « Vincennes »
étaient aussi la. Celle-ci devait
exécuter quelques morceaux et je
n'étais pas sans me demander comment tout
cela se passerait. Le service commença par
l'hymne portugais, comme pour le culte à
bord. À mon grand étonnement il n'y
eut durant l'exécution ni bruit, ni
confusion, ni exclamation, chez ces gens pour qui
la chose était cependant nouvelle.
Même parmi les enfants qui
venaient d'entrer en longue procession, arrivant de
la case où avait eu lieu l'école du
dimanche, pas le moindre désordre.
« C'était jour de communion
(2). Après
le premier service, à peu près trois
cents personnes des deux sexes et de tous
âges restèrent pour prendre la Sainte
Cène. Malgré tout ce que disent les
personnes qui nient l'efficacité de l'oeuvre
missionnaire et la calomnient, bien qu'elles
mettent en doute la sincérité et la
piété des indigènes, en
observant ceux-ci pendant qu'ils passaient devant
moi, à cause de tout ce que j'ai vu et de
tout ce que je sais, je n'ai pu m'empêcher de
demander à Dieu d'être trouvé
aussi digne que beaucoup d'entre eux de prendre
part un jour au festin des noces de l'Agneau.
« Mr. Stribling et moi avons
passé la soirée chez les Williams.
Nous le faisons souvent. Dans le silence de la nuit
des chants s'élèvent ici et
là, cantiques du soir qui font partie du
culte de famille des indigènes, et qui
provoquent toujours en moi une profonde
émotion. Généralement ce culte
des Raïatéens se compose de la lecture
d'un chapitre des Écritures, d'un cantique
et d'une prière... »
Le retour du « Messager de
Paix » sonnait l'heure de la
croisière missionnaire vers l'Ouest.
Répondant à l'appel de Williams, les
pasteurs et les Églises de Birmingham
avaient fait expédier plusieurs caisses de
quincaillerie et d'articles divers,
nécessaires aux échanges ; le
missionnaire Barff était prêt ;
l'église de Raïatéa entrait avec
joie dans ce projet ; plusieurs
indigènes s'étaient offerts comme évangélistes, et
les candidats avaient été
soigneusement examinés et choisis. Alors
qu'on activait les derniers préparatifs
à bord du petit navire, le
« Seringapatain »,
frégate de la marine de guerre anglaise,
vint jeter l'ancre en rade d'Outouroa.
Presque aussitôt arrivés, le
commandant Walde grave et les officiers de son
état-major, tous en grande tenue,
descendirent à terre pour rendre visite aux
autorités de l'île, à
Pomaré reine de Tahiti, à son mari et
à leur suite venus à
Raïatéa pour saluer Tamatoa, le
patriarche de la royauté.
Après que le commandant et son
état-major eurent été
présentés, Tamatoa, roi de
Raïatéa, Pomaré sa petite-fille,
et quelques autres personnes passèrent dans
une chambre intérieure et en revinrent
chargés de nattes finement tressées
et de tissu indigène, présents qu'ils
déposèrent aux pieds du Commandant,
le priant de les accepter.
Dehors, devant la maison du roi, les
indigènes mettaient en un monceau les
produits du pays qu'ils apportaient : cocos,
bananes, taros, patates, des poules, plusieurs
porcs, etc... Lorsque les visiteurs sortirent, le
porte-parole du roi, un orateur, offrit ce
présent de vivres au nom du roi, des chefs
et de toute l'île. Le Commandant Waldegrave
remercia et fit à son tour de beaux
cadeaux.
Il y eut une réception à
bord : Tamatoa, Pomaré sa petite fille,
Maïhara sa fille, régente de
Houahiné et plusieurs autres membres de la
famille royale étaient les principaux
invités... L'excellente tenue de tous fit
une très bonne impression.
Le Commandant est aussi venu examiner nos
élèves de l'école de semaine
après quoi il a fait distribuer d'utiles
cadeaux : ciseaux, couteaux, rubans, etc...
La visite de ces navires a
contre-balancé en une certaine mesure
l'action néfaste et les insinuations
mensongères d'un forçat
évadé de la Nouvelle Galles du Sud
(3), un
habile
coquin, qui a réussi à
s'établir dans l'île de Tahaa. Il a su
s'attirer les bonnes grâces des
indigènes en les flattant :
« Leurs produits valaient bien plus que
le prix de vente établi dans les
îles... En Angleterre, un quartier de porc
était vendu plus cher que ne l'était
ici un porc tout entier. C'était par
intérêt que les missionnaires les
laissaient dans l'ignorance à ce
sujet ; mais si les gens de Tahaa voulaient
bien faire de lui leur agent, il leur donnerait une
rémunération de cinq à dix
fois supérieure à ce qu'ils
obtenaient maintenant. » À Tahaa,
les chefs et le peuple acceptèrent sa
proposition. Il fit alors son possible pour nuire
au missionnaire, allant jusqu'à entrer au
temple pendant un service de semaine pour lui
reprocher de ne point dire aux indigènes la
valeur exacte de leurs produits. Enfin il
établit une liste de prix : un porc
valait un habit noir, etc., le reste à
l'avenant.
Après s'être réunis pour
examiner les propositions faites, les
indigènes déléguèrent
un messager à Tamatoa afin qu'il les
approuvât. Le cher vieux roi m'envoya la
liste, demandant mon avis. Je répondis qu'il
devait agir comme bon lui semblerait ainsi que les
chers. Personnellement je ne pouvais prendre en
considération les propositions d'un
mécréant. Le roi rédigea alors
cette réponse :
« Que cet homme fasse venir son
navire chargé d'habits noirs et de superbes
châles. Alors seulement on
lui apportera les porcs et l'arrow-root de
l'île. Mais si son navire, ses habits noirs,
ses châles, n'existent « que dans
sa bouche » [ne sont qu'invention], il
est menteur et c'est l'un de ces forçats
échappés du bagne contre lesquels les
commandants des navires nous ont mis en
garde. »
« Quelques officiers du
« Seringapatam » à qui
j'avais traduit des allocutions prononcées
par les Raïatéens avaient mis en doute
le développement spirituel et les
capacités de ceux-ci, suggérant
qu'ils ne faisaient que répéter une
leçon bien apprise ; leur foi
n'était ni personnelle, ni
réfléchie, etc. » Comment
faire comprendre leur erreur à nos
visiteurs ? Après quelques secondes de
réflexion je proposai qu'ils fissent
eux-mêmes passer un examen aux
chrétiens indigènes : le
Commandant Waldegrave, l'aumônier Rev.
Watson, les officiers, poseraient toutes les
questions qu'ils voudraient. Je les invitai donc
à venir prendre le thé avec nous, ce
qu'ils acceptèrent. Puis j'introduisis douze
à quinze de nos chrétiens qui, j'en
étais sûr, pourraient répondre
à toutes les questions posées.
« Je leur expliquai pourquoi je
leur avais demandé de venir : les
officiers présents désiraient se
rendre compte de leur degré de
compréhension et de connaissance des
Écritures. Le Commandant leur fit alors une
question qui les jeta quelques secondes dans
l'étonnement, car ils n'avaient jamais
douté de la chose qu'on leur
demandait : « Croyaient-ils que la
Bible était la Parole de Dieu et que le
Christianisme était d'origine
divine ? » L'un d'eux
répondit : Certainement, nous le
croyons ! Quelle puissance a accompagné
la prédication de cette Parole : elle a
complètement renversé
l'idolâtrie en notre pays, alors qu'aucun moyen
humain
n'aurait pu
nous amener à abandonner nos
idoles. »
Répondant à la même
question un autre dit - Je crois que les
Écritures sont d'origine divine à
cause du salut qui y est
révélé. Notre religion venait
des ancêtres et nous croyions qu'ils
étaient les plus sages des hommes. Mais que
cette religion était noire,
ténébreuse, en comparaison de
l'éclatant salut révélé
dans la Bible ! Celle-ci nous apprend que nous
sommes pécheurs, mais que Dieu a
donné son propre Fils Jésus-Christ
qui est mort à notre place afin que nous
croyions en lui pour être sauvés. Or,
quelle sagesse autre que celle de Dieu aurait pu
édifier un tel système de
salut ! »
Interrogé sur le même point, un
chrétien militant, un ancien prêtre,
répondit à son tour de façon
bien curieuse. Levant les mains il fit jouer
rapidement les articulations du poignet et des
doigts, puis il ouvrit et ferma la bouche, et,
levant la jambe la fit se mouvoir en plusieurs
directions. Puis il dit : « Voyez,
j'ai partout des articulations ; si le
désir vient en mon coeur de tenir quelque
chose, les articulations de ma main sont là
et me rendent capables de le faire. Et si je veux
parler, les articulations de mes mâchoires me
permettent de m'exprimer. Si je veux aller quelque
part, les articulations de mes jambes rendent la
chose possible. Quelle merveilleuse sagesse dans
l'adaptation de mon corps aux diverses choses que
commande ma pensée ! Et dans la Bible
je vois une correspondance semblable à ce
que mon âme demande, et une grande sagesse.
Aussi je crois que le Créateur de mon corps
est l'Auteur de ce Livre. »
... Des questions furent ensuite
posées sur les livres de la Bible et les
doctrines essentielles du Christianisme. Quand on
en
vint
à parler de la résurrection, et qu'on
demanda aux indigènes avec quel corps nous
ressusciterons, ils citèrent aussitôt
les magnifiques affirmations du chapitre
quinzième de la première
épître aux Corinthiens : « Le
corps est semé corruptible, il ressuscite
incorruptible, etc... - Mais avec quel corps ?
insista le Commandant. »
A cette question ils se consultèrent
quelques instants l'un l'autre. Enfin l'un d'eux
dit : « J'ai la réponse : Saint Jean
première épître, chapitre trois
: « Quand Il apparaîtra nous serons tels
qu'Il est. » Nos corps seront donc comme celui
de Christ.
- Comment ? insista le Commandant.
»
Il y eut à nouveau un temps de
discussion, puis l'un d'eux répondit :
« Être comme Christ ne peut signifier
être comme lui quand son corps était
pendu au bois ; mais c'est probablement ressembler
à son corps glorieux tel que le virent les
disciples sur le mont de la Transfiguration.
»
L'examen dura trois heures. Je servais
d'interprète. En se levant pour prendre
congé le capitaine Waldegrave dit aux
indigènes que s'il rentrait vivant en
Angleterre, il ne manquerait pas de dire à
ses compatriotes ce qu'il venait de voir et
d'entendre. » Je suis heureux d'ajouter qu'il
a tenu parole, dit John Williams. En plusieurs
circonstances il a parlé avec de grand
éloges du développement spirituel de
nos indigènes et de l'oeuvre
missionnaire...
« Si le capitaine Beechy du «
Blossom » avait daigné employer le
même moyen pour se renseigner, il pas
n'aurait as écrit le paragraphe
suivant:
« Comme j'ignore leur langue, je n'ai
pu me rendre compte des progrès que les
indigènes convertis pouvaient avoir fait
dans la connaissance des Écritures. Mais j'ai
l'impression que ces connaissances sont très
limitées, et qu'ils sont peu nombreux les
chrétiens qui comprennent les textes les
plus simples. En lisant le journal de mes officiers
je constate que mon impression est aussi la leur.
Plusieurs circonstances me font croire que les
chrétiens indigènes voient leurs
livres religieux sous le même jour qu'ils
regardaient autrefois leurs
idoles... »
« Il est bien dommage que le
capitaine Beechy se soit laissé induire en
erreur par son imagination ; ce qui est,
hélas ! le fait de tant de blancs au
contact du christianisme indigène. Mais
grâces soient rendues à Dieu,
l'Évangile est toujours le même, et
comme le fit remarquer cet ancien prêtre des
idoles, il correspond de façon merveilleuse
aux aspirations du coeur humain en quelque pays que
ce soit. Cette correspondance merveilleuse, divine,
le fait comprendre des coeurs les plus simples.
« Je te bénis, ô
Père, de ce que tu as
révélé ces choses aux enfants,
et de ce que tu les as cachées aux sages et
aux intelligents ». Les sages s'y
perdent, et il leur est difficile de croire que les
humbles comprennent... »
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