Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE II

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L'ANNÉE 1830. - « LE VINCENNES » ET LE « SERINGAPATAM ». - UN TÉMOIGNAGE RENDU A LA PIÉTÉ DES INDIGÈNES CONVERTIS. - BON SENS DU ROI TAMATOA. - UN TRÈS INTÉRESSANT EXAMEN. - LA BIBLE : PAROLE DE DIEU. - PRÉPARATIFS DE LA CROISIÈRE MISSIONNAIRE POUR LAQUELLE JOHN WILLIAMS A CONSTRUIT SON NAVIRE.



 CINQ semaines après son départ, le « Messager de Paix » rentrait à Raïatéa ; et Williams, tout en travaillant à approfondir la foi des chrétiens par tous les moyens en son pouvoir, prépare le fameux grand voyage vers l'Ouest, qui occupe ses pensées depuis si longtemps !
Voici quelques passages des lettres qu'il écrit à cette époque. D'un message envoyé au révérend Ellis - un ancien collègue en congé, depuis plusieurs années en Angleterre nous extrayons les lignes suivantes :

« ... Il est intéressant d'apprendre que des personnes de qualité s'intéressent à nos travaux et que le public se tient au courant de l'oeuvre missionnaire. En vérité, « c'est maintenant l'instant favorable ».

« Merci pour tout ce que vous avez fait pour nous : J'ai écrit au Révérend East pour le remercier, ainsi que sa congrégation, des caisses de quincaillerie et des cadeaux. La reine et Tamatoa écrivent aussi à Mrs. Glover pour la remercier de ses présents. Le roi est très fier de son pupitre.

« J'ai été très occupé par l'impression des livres en rarontongan, et suis heureux de vous apprendre que c'est maintenant chose faite. Je vous ai envoyé quelques exemplaires de chaque ouvrage comme spécimen de langage. Mr. Barff m'a aidé de tout son pouvoir.

« Vous savez que j'ai aussi à m'occuper de Tahaa. Je ne peux y aller qu'une fois toutes les trois ou quatre semaines, pas autant que je voudrais... Rien de nouveau à Raïatéa, si ce n'est que les indigènes ne sont plus aussi affectueux, ni aussi prévenants avec nous qu'ils l'étaient autrefois. J'ai beaucoup de mal à les convaincre de continuer à construire les maisons inachevées, à entretenir les barrières des enclos. Je crains un déclin rapide si nous partons.
[Dans mie lettre à sa famille écrite à la même époque, Williams dit : « Dernièrement, les indigènes ne nous ont pas traités avec leur bonté habituelle. Nous avons dû tout acheter. Cependant, hier, il paraît qu'ils se sont réunis et se sont accusés de leur négligence à notre endroit ; et ce matin, ils ont recommencé à nous apporter des vivres comme auparavant. » ]

« J'ai reconstruit mon vieux bateau et en ai fait un confortable petit navire de quarante tonneaux.

« Nous nous préparons pour le voyage que je désire entreprendre depuis si longtemps ! Je n'ai accepté que cinq ou six catéchistes de l'église de Raïatéa : il s'en présentait douze. Plusieurs autres se désolent que leurs parents refusent de les laisser aller : Mr. Barff doit m'accompagner.

« Le capitaine Henry revient des îles que nous nous proposons de visiter. Tout ce qu'il nous communique nous encourage à partir aussitôt que possible. Les missionnaires wesleyens qui travaillent déjà à Tongatabou m'envoient une cordiale invitation à m'arrêter chez eux quelque temps. J'espère que je pourrai le faire.

« Vous vous souvenez que ma vieille embarcation, montée par des gens d'Aïtoutaki qui laissaient Rarotonga pour retourner chez eux, s'était échouée près de Tongatabou ? Les naufragés parcoururent l'archipel et racontèrent l'introduction du christianisme dans les îles de la Société, aux Australes, aux îles Cook et ailleurs. En même temps, ils exhortaient les païens a abandonner le culte des idoles. Cela fit une profonde impression sur les indigènes : il paraît qu'en plusieurs îles où toucha le capitaine Henry, la première question qu'on lui posa fut celle-ci : As-tu des orométouas (1) pour nous ? En trois de ces îles très particulièrement on demande très instamment des missionnaires. L'une d'elles a déjà un temple, et le chef qui s'est embarqué avec Mr. Henry est allé trouver Mr. Barff, afin d'obtenir un catéchiste qui instruira son peuple. Mr. Barff l'a assuré de notre prochain départ. Tout ce que sait cet homme, c'est que la maison qu'il a fait élever est pour le vrai Dieu, et que les missionnaires une fois venus lui apprendront à le servir et à l'adorer. Vous qui connaissez le tempérament et la mentalité indigènes, vous comprendrez comme moi que l'heure est singulièrement propice. Je vois en ce fait une intervention de la Providence, qui ouvre le chemin devant nous. Cependant, je dois ajouter que ce peuple a la réputation d'être extrêmement barbare et traître. Il nous faudra user de grande prudence ; après quoi nous nous remettrons entre les mains de Celui à qui nous avons donné nos vies.

« Entre autres faits, montrant la cruauté de ces indigènes, Mr. Henry me raconta que les matelots montant une embarcation qui était allée à terre furent massacrés : deux des blessés purent s'échapper, tous les autres furent tués sur place ou moururent peu après de leurs blessures. Une autre fois, un équipage descendu dans ces îles achetait des écailles de tortue : quand les indigènes eurent tout vendu, ils lancèrent sur les matelots une bordée de flèches empoisonnées. Heureusement, personne ne fut touché. Leurs pirogues sont, paraît-il, fort grandes, et peuvent contenir de cent à trois cents guerriers. Ces embarcations vont fort loin en mer et atteignent les vaisseaux. La longueur de ces pirogues est supérieure à celle des petits navires.

« J'ai donc l'intention de me munir de filets et autres moyens de défense.

« Que je vous raconte encore ce qui suit, où je vois la main d'une Providence qui dirige les circonstances, à vues humaines, adverses. Lors de mon séjour à Rarotonga, j'avais envoyé une petite embarcation à Aïtoutaki pour ramener mon grand bateau, ignorant à ce moment qu'on le considérait comme perdu. Matataï v., la femme de l'évangéliste, apprenant que Mrs Williams était aussi à Rarotonga, décida de s'embarquer pour venir la voir. Deux embarcations quittèrent Aïtoutaki ; l'une d'elles construite dans cette île et montée par trente indigènes, et mon bateau. Chassés par des vents contraires, ces esquifs n'arrivèrent pas à Rarotonga et on les considérait aussi comme perdus. Aujourd'hui, j'apprends que mon bateau et son équipage ont été recueillis par un baleinier américain, et que l'autre embarcation d'Aïtoutaki où Matataï v. avait pris passage s'est échouée sur une île encore plongée dans le paganisme. Matataï vahine s'emploie de tout son pouvoir à l'évangélisation et à l'instruction des indigènes. Je ferai tout mon possible pour retrouver les naufragés.

« Une secte étrange a pris naissance dans nos îles. Ses adeptes font une édition tronquée du Nouveau Testament. C'est à Tahiti qu'ils sont le plus nombreux, mais il s'en trouve aussi quelques-uns à Huahiné et à Maupiti. Aucun à Borabora, si je suis bien renseigné.

« J'ai le regret de vous dire que la santé de Mrs Williams laisse fort à désirer, et à moins d'un heureux changement, il nous faudra prendre un congé avant longtemps. D'après votre dernière lettre, je vois que je puis espérer votre retour prochainement. Votre séjour en Angleterre est très utile. Cependant, nous nous réjouissons à la pensée que vous revenez...

« J. WILLIAMS. »

Quelques jours après l'envoi de cette lettre, les familles Williams et Barff s'embarquaient pour Tahiti, où les Williams laissèrent leurs enfants à l'école missionnaire. C'est de cette île que Williams écrivit à sa soeur la lettre suivante :

« MA CHÈRE SOEUR,

« Vous serez attristée d'apprendre que ma chère Mary est encore très souffrante. Notre voyage de Raïatéa ici a duré cinq jours : calme plat, brise légère, un orage, nous avons eu tous les contre-temps.

« Voici un mois que nous sommes arrivés et nous profitons de notre séjour pour voir les collègues, tous nous reçoivent avec beaucoup d'affection. Nous avons encore à voir Mr. Darling et pensons aller chez lui passer quatre ou cinq jours. De là nous irons à Mooréa chez Mr. Orsmond qui doit retourner avec nous aux Îles-sous-le-Vent ; enfin nous pensons aller chez Mr. Simpson. Mrs. Simpson insiste pour que Mary vienne habiter avec elle pendant le grand voyage en perspective.

« On nous assure qu'un navire ayant du fret pour les missionnaires a fait naufrage dans la baie d'Algoa. Heureusement, nous sommes encore approvisionnés. Ce qui nous manque le plus ce sont des selles : l'une pour dame, l'autre pour homme, et je vous serais reconnaissant de nous faire expédier immédiatement l'une et l'autre, Si les cols se portent - des cols pour dames - oui quoi que ce soit d'autre qui se porte autour du cou pourvu que ce soit la mode, veuillez nous en envoyer deux ou trois. J'ai eu la malchance de tomber la tête la première dans la mer où je me suis traîné comme un grand crabe ; ce faisant j'ai abîmé l'excellente montre que Mr. Kuck m'a envoyée. Mais avec l'aide d'un charpentier de Tahaa, j'espère pouvoir la réparer  »

J. WILLIAMS.

Le missionnaire était à peine de retour à Raïatéa qu'un cyclone s'abattait sur l'île déracinant les arbres, détruisant les maisons et arrachant une partie du temple. Alors qu'indigènes et missionnaire s'occupaient à relever les ruines, « le Messager de Paix » fut signalé au large. C'était effectivement la goélette attendue ; et le soir même - 25 février 1830 - elle entrait au port, revenant d'un voyage aux avant-postes. Le lendemain, devant les Raïatéens rassemblés, Mr. Platt donna des détails sur les îles visitées, détails d'autant plus intéressants pour son auditoire que partout des évangélistes de Raïatéa étaient à l'oeuvre.

Trois navires vinrent jeter l'ancre dans la baie d'Outouroa en fin d'année 1829 et au commencement de 1830. Ces visites sont souvent une cause d'appréhension et de tristesse pour le missionnaire lorsque les commandants ne veillent pas à la bonne tenue des équipages qui descendent à terre. Mais le « Satellite », le « Vincennes », le « Seringapatam » ne furent cause d'aucun désordre ; leur séjour ne fut le signal d'aucun fait regrettable. Bien au contraire, l'attitude sympathique des officiers vis-à-vis des serviteurs de Dieu cul d'heureuses répercussions sur l'oeuvre missionnaire, aussi bien en Polynésie qu'en Angleterre.

Voici quelques extraits du journal de l'aumônier du « Vincennes », navire de guerre américain :
« À notre arrivée, écrit le révérend Stewart, un jeune homme, le fils du missionnaire, vint à notre rencontre pour excuser son père retenu par un service. Il nous conduisit vers sa mère. La maison des Williams est confortable : les trois pièces de devant ouvrent sur une véranda d'où l'on a une vue magnifique sur l'océan...

« 5 septembre. Dimanche. Aujourd'hui, service au temple, bel édifice que remplissaient onze cents personnes a peu près. Tous étaient convenablement vêtus et paraissaient très recueillis. Le capitaine Finch, son état-major, la musique du « Vincennes » étaient aussi la. Celle-ci devait exécuter quelques morceaux et je n'étais pas sans me demander comment tout cela se passerait. Le service commença par l'hymne portugais, comme pour le culte à bord. À mon grand étonnement il n'y eut durant l'exécution ni bruit, ni confusion, ni exclamation, chez ces gens pour qui la chose était cependant nouvelle. Même parmi les enfants qui venaient d'entrer en longue procession, arrivant de la case où avait eu lieu l'école du dimanche, pas le moindre désordre.

« C'était jour de communion (2). Après le premier service, à peu près trois cents personnes des deux sexes et de tous âges restèrent pour prendre la Sainte Cène. Malgré tout ce que disent les personnes qui nient l'efficacité de l'oeuvre missionnaire et la calomnient, bien qu'elles mettent en doute la sincérité et la piété des indigènes, en observant ceux-ci pendant qu'ils passaient devant moi, à cause de tout ce que j'ai vu et de tout ce que je sais, je n'ai pu m'empêcher de demander à Dieu d'être trouvé aussi digne que beaucoup d'entre eux de prendre part un jour au festin des noces de l'Agneau.

« Mr. Stribling et moi avons passé la soirée chez les Williams. Nous le faisons souvent. Dans le silence de la nuit des chants s'élèvent ici et là, cantiques du soir qui font partie du culte de famille des indigènes, et qui provoquent toujours en moi une profonde émotion. Généralement ce culte des Raïatéens se compose de la lecture d'un chapitre des Écritures, d'un cantique et d'une prière... »

Le retour du « Messager de Paix » sonnait l'heure de la croisière missionnaire vers l'Ouest. Répondant à l'appel de Williams, les pasteurs et les Églises de Birmingham avaient fait expédier plusieurs caisses de quincaillerie et d'articles divers, nécessaires aux échanges ; le missionnaire Barff était prêt ; l'église de Raïatéa entrait avec joie dans ce projet ; plusieurs indigènes s'étaient offerts comme évangélistes, et les candidats avaient été soigneusement examinés et choisis. Alors qu'on activait les derniers préparatifs à bord du petit navire, le « Seringapatain », frégate de la marine de guerre anglaise, vint jeter l'ancre en rade d'Outouroa.
Presque aussitôt arrivés, le commandant Walde grave et les officiers de son état-major, tous en grande tenue, descendirent à terre pour rendre visite aux autorités de l'île, à Pomaré reine de Tahiti, à son mari et à leur suite venus à Raïatéa pour saluer Tamatoa, le patriarche de la royauté.

Après que le commandant et son état-major eurent été présentés, Tamatoa, roi de Raïatéa, Pomaré sa petite-fille, et quelques autres personnes passèrent dans une chambre intérieure et en revinrent chargés de nattes finement tressées et de tissu indigène, présents qu'ils déposèrent aux pieds du Commandant, le priant de les accepter.
Dehors, devant la maison du roi, les indigènes mettaient en un monceau les produits du pays qu'ils apportaient : cocos, bananes, taros, patates, des poules, plusieurs porcs, etc... Lorsque les visiteurs sortirent, le porte-parole du roi, un orateur, offrit ce présent de vivres au nom du roi, des chefs et de toute l'île. Le Commandant Waldegrave remercia et fit à son tour de beaux cadeaux.
Il y eut une réception à bord : Tamatoa, Pomaré sa petite fille, Maïhara sa fille, régente de Houahiné et plusieurs autres membres de la famille royale étaient les principaux invités... L'excellente tenue de tous fit une très bonne impression.

Le Commandant est aussi venu examiner nos élèves de l'école de semaine après quoi il a fait distribuer d'utiles cadeaux : ciseaux, couteaux, rubans, etc...

La visite de ces navires a contre-balancé en une certaine mesure l'action néfaste et les insinuations mensongères d'un forçat évadé de la Nouvelle Galles du Sud (3), un habile coquin, qui a réussi à s'établir dans l'île de Tahaa. Il a su s'attirer les bonnes grâces des indigènes en les flattant : « Leurs produits valaient bien plus que le prix de vente établi dans les îles... En Angleterre, un quartier de porc était vendu plus cher que ne l'était ici un porc tout entier. C'était par intérêt que les missionnaires les laissaient dans l'ignorance à ce sujet ; mais si les gens de Tahaa voulaient bien faire de lui leur agent, il leur donnerait une rémunération de cinq à dix fois supérieure à ce qu'ils obtenaient maintenant. » À Tahaa, les chefs et le peuple acceptèrent sa proposition. Il fit alors son possible pour nuire au missionnaire, allant jusqu'à entrer au temple pendant un service de semaine pour lui reprocher de ne point dire aux indigènes la valeur exacte de leurs produits. Enfin il établit une liste de prix : un porc valait un habit noir, etc., le reste à l'avenant.

Après s'être réunis pour examiner les propositions faites, les indigènes déléguèrent un messager à Tamatoa afin qu'il les approuvât. Le cher vieux roi m'envoya la liste, demandant mon avis. Je répondis qu'il devait agir comme bon lui semblerait ainsi que les chers. Personnellement je ne pouvais prendre en considération les propositions d'un mécréant. Le roi rédigea alors cette réponse :
« Que cet homme fasse venir son navire chargé d'habits noirs et de superbes châles. Alors seulement on lui apportera les porcs et l'arrow-root de l'île. Mais si son navire, ses habits noirs, ses châles, n'existent « que dans sa bouche » [ne sont qu'invention], il est menteur et c'est l'un de ces forçats échappés du bagne contre lesquels les commandants des navires nous ont mis en garde. »

« Quelques officiers du « Seringapatam » à qui j'avais traduit des allocutions prononcées par les Raïatéens avaient mis en doute le développement spirituel et les capacités de ceux-ci, suggérant qu'ils ne faisaient que répéter une leçon bien apprise ; leur foi n'était ni personnelle, ni réfléchie, etc. » Comment faire comprendre leur erreur à nos visiteurs ? Après quelques secondes de réflexion je proposai qu'ils fissent eux-mêmes passer un examen aux chrétiens indigènes : le Commandant Waldegrave, l'aumônier Rev. Watson, les officiers, poseraient toutes les questions qu'ils voudraient. Je les invitai donc à venir prendre le thé avec nous, ce qu'ils acceptèrent. Puis j'introduisis douze à quinze de nos chrétiens qui, j'en étais sûr, pourraient répondre à toutes les questions posées.

« Je leur expliquai pourquoi je leur avais demandé de venir : les officiers présents désiraient se rendre compte de leur degré de compréhension et de connaissance des Écritures. Le Commandant leur fit alors une question qui les jeta quelques secondes dans l'étonnement, car ils n'avaient jamais douté de la chose qu'on leur demandait : « Croyaient-ils que la Bible était la Parole de Dieu et que le Christianisme était d'origine divine ? » L'un d'eux répondit : Certainement, nous le croyons ! Quelle puissance a accompagné la prédication de cette Parole : elle a complètement renversé l'idolâtrie en notre pays, alors qu'aucun moyen humain n'aurait pu nous amener à abandonner nos idoles. »

Répondant à la même question un autre dit - Je crois que les Écritures sont d'origine divine à cause du salut qui y est révélé. Notre religion venait des ancêtres et nous croyions qu'ils étaient les plus sages des hommes. Mais que cette religion était noire, ténébreuse, en comparaison de l'éclatant salut révélé dans la Bible ! Celle-ci nous apprend que nous sommes pécheurs, mais que Dieu a donné son propre Fils Jésus-Christ qui est mort à notre place afin que nous croyions en lui pour être sauvés. Or, quelle sagesse autre que celle de Dieu aurait pu édifier un tel système de salut ! »

Interrogé sur le même point, un chrétien militant, un ancien prêtre, répondit à son tour de façon bien curieuse. Levant les mains il fit jouer rapidement les articulations du poignet et des doigts, puis il ouvrit et ferma la bouche, et, levant la jambe la fit se mouvoir en plusieurs directions. Puis il dit : « Voyez, j'ai partout des articulations ; si le désir vient en mon coeur de tenir quelque chose, les articulations de ma main sont là et me rendent capables de le faire. Et si je veux parler, les articulations de mes mâchoires me permettent de m'exprimer. Si je veux aller quelque part, les articulations de mes jambes rendent la chose possible. Quelle merveilleuse sagesse dans l'adaptation de mon corps aux diverses choses que commande ma pensée ! Et dans la Bible je vois une correspondance semblable à ce que mon âme demande, et une grande sagesse. Aussi je crois que le Créateur de mon corps est l'Auteur de ce Livre. »

... Des questions furent ensuite posées sur les livres de la Bible et les doctrines essentielles du Christianisme. Quand on en vint à parler de la résurrection, et qu'on demanda aux indigènes avec quel corps nous ressusciterons, ils citèrent aussitôt les magnifiques affirmations du chapitre quinzième de la première épître aux Corinthiens : « Le corps est semé corruptible, il ressuscite incorruptible, etc... - Mais avec quel corps ? insista le Commandant. »

A cette question ils se consultèrent quelques instants l'un l'autre. Enfin l'un d'eux dit : « J'ai la réponse : Saint Jean première épître, chapitre trois : « Quand Il apparaîtra nous serons tels qu'Il est. » Nos corps seront donc comme celui de Christ.
- Comment ? insista le Commandant. »

Il y eut à nouveau un temps de discussion, puis l'un d'eux répondit : « Être comme Christ ne peut signifier être comme lui quand son corps était pendu au bois ; mais c'est probablement ressembler à son corps glorieux tel que le virent les disciples sur le mont de la Transfiguration. »

L'examen dura trois heures. Je servais d'interprète. En se levant pour prendre congé le capitaine Waldegrave dit aux indigènes que s'il rentrait vivant en Angleterre, il ne manquerait pas de dire à ses compatriotes ce qu'il venait de voir et d'entendre. » Je suis heureux d'ajouter qu'il a tenu parole, dit John Williams. En plusieurs circonstances il a parlé avec de grand éloges du développement spirituel de nos indigènes et de l'oeuvre missionnaire...
« Si le capitaine Beechy du « Blossom » avait daigné employer le même moyen pour se renseigner, il pas n'aurait as écrit le paragraphe suivant:
« Comme j'ignore leur langue, je n'ai pu me rendre compte des progrès que les indigènes convertis pouvaient avoir fait dans la connaissance des Écritures. Mais j'ai l'impression que ces connaissances sont très limitées, et qu'ils sont peu nombreux les chrétiens qui comprennent les textes les plus simples. En lisant le journal de mes officiers je constate que mon impression est aussi la leur. Plusieurs circonstances me font croire que les chrétiens indigènes voient leurs livres religieux sous le même jour qu'ils regardaient autrefois leurs idoles... »

« Il est bien dommage que le capitaine Beechy se soit laissé induire en erreur par son imagination ; ce qui est, hélas ! le fait de tant de blancs au contact du christianisme indigène. Mais grâces soient rendues à Dieu, l'Évangile est toujours le même, et comme le fit remarquer cet ancien prêtre des idoles, il correspond de façon merveilleuse aux aspirations du coeur humain en quelque pays que ce soit. Cette correspondance merveilleuse, divine, le fait comprendre des coeurs les plus simples. « Je te bénis, ô Père, de ce que tu as révélé ces choses aux enfants, et de ce que tu les as cachées aux sages et aux intelligents ». Les sages s'y perdent, et il leur est difficile de croire que les humbles comprennent... » 


(1) Orométoua : nom maori pour missionnaire, évangéliste. 

(2) Il y a service de sainte Cène, tous les premiers dimanches du mois.
(3) L'Australie fut longtemps la terre de déportation de l'Angleterre.
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