VIE NOUVELLE. - SES FRUITS. - DON DE SOI. - SERVICES MISSIONNAIRES AU TABERNACLE. - L'APPEL. - « ME VOICI, ENVOIE-MOI ». - UNE DETTE D'AMOUR. ÉLÈVE MISSIONNAIRE. - CONSÉCRATION. - MISS CHAUNER. - MARIAGE. -- DÉPART.
« MES Yeux furent ouverts et je vis
les merveilles de la loi de Dieu. » Ainsi
s'exprimait le jeune homme lorsque - par la suite -
il racontait sa conversion. Dès cet instant
sa vie est changée : il assiste aux
services, prend une part active aux
réunions ; il fait ses délices
de, la loi de Dieu et, selon l'expression de
l'Apôtre « croît dans la
grâce et la connaissance du Seigneur
Jésus-Christ. » Il a faim et soif
des choses divines, étudie la Bible, prend
des notes pendant le sermon. Williams ne passe pas
par cette période d'incertitude,
d'indécision, que connaissent tant de
chrétiens. Il a immédiatement saisi
la Bonne Nouvelle de façon pratique ;
d'emblée il connaît la joie du
salut.
Cependant, ce ne fut qu'au mois de septembre
de la même année, et après un
sérieux examen de lui-même dans la
prière et devant Dieu, qu'il demanda
à devenir membre de l'Eglise du
Tabernacle.
Ses anciens amis se moquent de lui ; il
se sépare d'eux. John Williams ne faisait
jamais les choses à moitié et il ne lui serait
jamais venu à l'idée de louvoyer
entre le monde et Dieu, de se donner beaucoup ou
peu ici et là. Pour lui, la religion n'est
pas affaire de sentiment ou de simple croyance,
c'est l'affaire de la vie ; et toute sa vie en
est pénétrée et
transformée depuis l'instant qu'il s'est
donné à Dieu. Il saisit toutes les
occasions de communier. « Que de fois, -
écrit-il quelques années
après, - ma chère mère et moi
nous avons communié ensemble. En ces moments
bénis de rafraîchissement et de joie
spirituels, je disais au Seigneur ce que je lui dis
encore maintenant : « Seigneur, je
remets mon corps, mon âme et tout ce que je
suis, entre tes mains. Fais de moi ce qui te
semblera bon. »
À cette époque, il y avait au
Tabernacle une société de jeunes gens
désignée sous le nom de
« Groupe des Jeunes ». Elle
avait une trentaine de membres qui se
réunissaient le lundi soir. On
commençait et terminait la réunion
par le chant de cantiques et la prière. L'un
des membres traitait un sujet choisi à la
séance précédente, et soumis
à l'approbation du président :
Mr. Barrett. On évitait soigneusement toute
controverse. La discussion close, Mr. Barrett
résumait ce qui avait été dit,
montrait les erreurs et approuvait ce qui
était conforme à la Parole de Dieu.
Certains lundis étaient mis à part
pour la prière. Tous les trimestres, Mr.
Barrett proposait à chacun des membres telle
question propre à le mettre en garde,
à l'amener à un sérieux examen
de lui-même, et à lui faire constater
s'il y avait eu ou non progrès dans sa vie
spirituelle.
À sa demande, John Williams fut admis
dans cette société. Ce fut, en un
certain sens, sa faculté de
théologie. C'est là surtout qu'il
s'initia aux doctrines de l'Écriture et au
christianisme pratique. « L'importance de
ces sociétés au sein d'une
Église ne saurait être
exagérée, dit l'un des jeunes gens
qui en faisaient partie à l'époque,
et qui devint pasteur plus tard. Durant la semaine,
nos pensées, étaient occupées
du sujet du lundi suivant, et nos instants libres
étaient employés par la
préparation en vue de la prochaine
réunion, dont nous voyions arriver le moment
avec joie. » Williams était l'un
des membres les plus assidus. Il avait toujours
préparé quelque chose sur le sujet du
jour et apportait le résumé de ses
recherches ou de ses réflexions, ou encore
une liste des points obscurs sur lesquels il
désirait la lumière.
Non content de s'instruire, de recevoir, il
éprouvait le besoin de donner, et il avait
offert ses services comme moniteur d'école
du Dimanche. Un groupe d'enfants lui fut
confié et il s'acquitta de sa tâche
avec exactitude et joie, préparant
soigneusement ses explications. Ce fut alors qu'il
commença de parler en public. Moniteurs et
élèves l'aimaient ; et,
dès cette époque, Dieu bénit
son ministère pour la conversion d'une
âme au moins. « Dans une lettre que
nous avons sous les yeux, dit Mr. Prout, l'une de
ses élèves lui attribue le grand
changement survenu dans sa vie. » Il y
avait aussi au Tabernacle des groupements pour la
visite des malades, pour l'instruction des
pensionnaires d'un orphelinat, ceux d'une maison de
pauvres et pour la distribution de traités.
« Williams, - écrit Mr. Browne, -
se fait recevoir dans toutes et leur consacre avec
joie tous ses instants libres. Sa
piété est toujours joyeuse,
aimable ; quand on a besoin de quelqu'un il
est toujours là, et tous l'aiment. On
était certain de le voir occuper sa place le
dimanche, même lorsqu'on
avait annoncé que de célèbres
prédicateurs se feraient entendre ici ou
là. »
Nous ne saurions négliger de
mentionner que le pasteur du Tabernacle avait
institué une réunion missionnaire
trimestrielle pour intéresser à
l'oeuvre commencée par la
Société de Londres peu
d'années auparavant. Par tous les moyens,
Mr. Wilks essayait de conquérir de nouveaux
amis aux Missions et d'augmenter
l'intérêt et les dons pour cette
oeuvre. Pour cela, il s'ingéniait à
faire connaître à sa
congrégation ce qui se passait dans les
champs de Mission récemment fondés.
Comment s'intéresserait-on à ce qu'on
ignore, disait-il ? D'aucuns assuraient que
Mr. Wilks fatiguerait son auditoire, etc... Il n'en
fut rien. Bien au contraire : ces services
spéciaux attiraient un public toujours plus
nombreux, toujours plus désireux d'en savoir
davantage, toujours plus
généreux.
Qu'étaient ces discours sur les
missions ? Aucun n'a été
conservé. Mais il ne nous est pas difficile
d'imaginer ce que devait dire le pasteur du
Tabernacle. Presque certainement, faisant allusion
aux voyages de Cook, il disait qu'il y avait
quelque chose de plus grand que de découvrir
de nouvelles terres, de nouvelles îles ;
c'était de découvrir leurs habitants,
de les sauver des horreurs du paganisme, de les
gagner pour Christ. Il parlait des divinités
informes, décorées de plumes,
taillées dans le bois et la pierre,
auxquelles on offrait des sacrifices humains.
« Laissez-les donc tranquilles,
ces bons sauvages dit un éminent Docteur.
Ils sont heureux sans vous. Qu'allez-vous les
troubler ? » Heureux ? L'un de
nos missionnaires à Tongatabu a vu de ses
veux un guerrier découper une tranche de
chair dans le bras de son
prisonnier et la manger crue devant ses yeux !
Heureux ? Un autre de nos missionnaires a vu
huit hommes saisis près de lui ; huit
hommes qui n'avaient rien fait de
répréhensible. Ils furent tués
et débités - comme l'animal
tué par le boucher - puis
distribués ; et ces gens heureux furent
cuits et mangés par ces heureux sauvages
(1). »
C'est à l'occasion d'une de ces
journées missionnaires, et en entendant
l'ardent appel du cher pasteur, que Williams sentit
la flamme missionnaire s'allumer en son coeur.
« D'abord, dit Williams, je n'y pris pas
autrement garde ; il me semblait naturel de
songer aux païens et de désirer
ardemment soulager leurs misères ; mais
la pensée du paganisme et le désir de
faire quelque chose me hantaient parfois des mois
entiers. Alors, je me mis à prier
particulièrement à ce sujet,
demandant à Dieu qu'il bannît toute
pensée missionnaire de mon coeur s'il
n'était pas dans sa volonté que je
partisse en mission. Dans le cas contraire, je
demandai qu'il voulût bien augmenter mes
connaissances et fortifier mon désir. Puis,
j'examinai mes motifs et découvris que ce
qui dominait en moi, c'était le sentiment de
la valeur d'une âme et la pensée des
milliers de personnes qui étaient
précipitées chaque jour dans
l'Éternité, sans connaissance de
Christ, sans salut. Enfin, je trouvai en moi une
profonde gratitude
(2)
pour Celui
qui m'avait sauvé en me faisant
connaître « les choses allant
à ma paix » et le désir de
lui prouver ma reconnaissance. »
Lorsque le jeune homme comprit enfin que
Dieu l'appelait à le servir en terre
païenne, il en parla à ses parents et
au pasteur du Tabernacle qui fortifièrent sa
vocation. Et ce fut encouragé par eux qu'il
écrivit aux Directeurs de la
Société des Missions de Londres, au
mois de juillet de l'année 1816. Il
expliquait dans cette lettre comment Dieu l'avait
amené à souhaiter de se consacrer au
salut de ceux qui n'ont jamais entendu parler de
Lui, et demandait à être admis comme
élève missionnaire.
Sans attendre la réponse, le pasteur
Wilks avait invité Williams à se
joindre aux jeunes gens de la classe qu'il faisait
chez lui, pour ceux qui se destinaient au
ministère. Les amis chez lesquels Williams
travaillait étaient disposés à
faire le possible pour faciliter ses études,
et lui-même sentait tout ce qui lui manquait
encore, il fut donc heureux d'accepter la
proposition de son pasteur. Certain jour, la
réponse « attendait le jeune homme
arriva. Il était invité à se
présenter et à subir un examen.
Williams le passa avec succès, et fut
accepté comme
élève-missionnaire. À toute
autre époque, des années de
préparation auraient suivi l'examen
d'admission. Mais le Comité avait à
répondre à de si pressantes demandes
de la part des missionnaires déjà en
activité dans les Îles du Pacifique et
en Afrique qu'il fixa le départ de Williams
pour la même année, malgré son
extrême jeunesse et une préparation
insuffisante. Cette façon de procéder
eut souvent de lamentables résultats. Le cas
de John Williams fut une brillante exception. Sa
pensée toujours active, sa grande
habileté, son esprit d'entreprise, sa
persévérance, surtout son amour pour
Dieu et sa consécration, compensaient
amplement ce qui manquait à ses
études et à sa préparation
théologique.
À la demande des Directeurs de la
Société des Missions, le jeune homme
fut dispensé des mois d'apprentissage qui
lui restaient à fournir. Il se mit alors
à étudier avec plus d'ardeur que
jamais, saisissant aussi les occasions qu'il
pouvait avoir de visiter les manufactures et
d'augmenter ses connaissances pratiques.
L'étude de la théologie, les
classiques, la lecture absorbaient presque tout son
temps. Mais sachant par les récits
missionnaires à quel point les connaissances
pratiques sont nécessaires en pays encore
païens, il ne négligeait aucune
occasion d'ajouter à ce qu'il
possédait déjà.
Les mois qui le séparent du
départ sont des mois d'une activité
dévorante. Cependant Williams prend le temps
d'assister aux séances des groupements du
Tabernacle dont il est membre. Il est appelé
à prêcher, non seulement au
Tabernacle, mais dans plusieurs autres chaires de
Londres. Son grand sujet c'est les Missions. Loin
de parler à ceux qui l'écoutent comme
s'ils étaient tous conquis à cette
grande cause, il pense aux indifférents de
l'auditoire, aux non-convertis, à ceux qui
sont là parce qu'on les y a amenés,
et il ne craint pas de leur dire :
« Même si vous n'aimez pas le
Seigneur, même si le sort de votre âme
et celui des âmes païennes vous est
indifférent, soutenez quand même de
vos dons généreux l'oeuvre
missionnaire. Elle ouvre au commerce, à
l'industrie de nouveaux débouchés.
Même à vous les indifférents,
elle rend donc service, soutenez-la en lui donnant
les fonds dont elle a besoin... »
Le Comité directeur avait
décidé que le renfort qu'il envoyait
à ses ouvriers en Afrique et en
Océanie partirait en octobre ou en novembre.
Le service de consécration
et d'adieu fut fixé au 30 septembre et eut
lieu à Surrey Chapel. Une grande foule
remplissait l'immense édifice pour cette
circonstance mémorable qui resta
profondément gravée dans le souvenir
des assistants. Depuis la capture du Duff
(3), il
semblait
qu'il y eût chez beaucoup de chrétiens
un certain fléchissement dans
l'intérêt qu'ils portaient à
l'oeuvre missionnaire. Cette solennité fut
le moyen dont Dieu se servit pour réchauffer
leur zèle. Cinq des missionnaires qu'on
allait consacrer étaient
désignés pour l'Afrique. Le plus
jeune d'entre eux était Robert Moffatt,
comme aussi Williams était le plus jeune du
contingent qui partait pour le Pacifique.
C'étaient pour l'Afrique : MM. John
Taylor, James Kitchingman, Evan Evans, John
Brownlee, Robert Moffatt. Pour Tahiti et îles
adjacentes : MM. David Darling, George Platt,
Robert Bourne, John Williams. Ce fut le Dr
Leifchild qui, la prière terminée,
prononça le discours d'usage et lit prendre
les engagements aux jeunes gens en leur posant les
questions habituelles. Puis le Rév. G.
Burder et John Angel James se levèrent et
remirent une Bible à chacun des candidats de
la part de la Société des Missions.
« Je n'oublierai jamais, écrit
Williams, de quelle façon solennelle le cher
Mr. James de Birmingham mit la Bible entre mes
mains. » Avec la bonté qui le
caractérise et cette note personnelle si
spéciale, il me dit : « Va
mon bien cher frère, et avec les talents que
Dieu t'a confiés sois fidèle,
proclamant en temps et hors de temps les
précieuses vérités contenues
en ce saint volume. » Puis ce fut le Dr
Waugh, avec sa figure si bienveillante, une grosse
larme
perlant au coin des paupières qui,
après m'avoir dit quelques mots sur mon
extrême jeunesse, ajouta :
« Va, mon cher frère, et si ta
langue s'attache à ton palais, que ce soit
en disant aux pauvres pécheurs l'amour de
Jésus-Christ ; si ton bras tombe de ton
épaule, que ce soit en frappant à la
porte des coeurs pour que le Seigneur puisse y
entrer. » Paroles prophétiques, en
vérité ! Hélas ! ce
ne fut pas seulement la langue de Williams qui
s'attacha à son palais et son bras qui tomba
de son épaule en frappant à la porte
des coeurs pour que Jésus pût y
entrer, ce fut John Williams tout entier qui mourut
sous les coups de massue et les flèches de
ceux qu'il voulait gagner à Christ. Ce fut
sa vie qu'il donna.
Le chant des cantiques, la prière
d'intercession et d'actions de grâce
terminèrent ce très solennel service.
Parmi les cantiques les magnificats non
formulés que Dieu entendait cependant et
qu'Il lisait au fond des coeurs, il est aisé
de discerner celui que dut entonner la mère
de John Williams ; avec quelle joie intense,
profonde, avec quels sentiments de reconnaissance
et d'adoration elle dut redire « Mon
âme exalte le Seigneur. »
Il y avait au Tabernacle une jeune fille qui
faisait partie des mêmes groupements que John
Williams - sous son apparente placidité et
sa timidité, le jeune homme avait
discerné la force de caractère et un
grand amour pour le Sauveur. Il suivit donc les
impulsions de son coeur et demanda Miss Chauner en
mariage. Simplement, héroïquement, la
jeune fille agréa sa demande. Elle avait
dix-neuf ans, lui vingt. Et quelques semaines
après la cérémonie de
consécration, on célébrait au
Tabernacle le mariage de Miss
Mary Chauner et de Williams. C'était le 29
octobre 1816.
À cette époque, partir au bout
du monde, c'était souvent pour le
missionnaire, dire un adieu définitif
à sa famille et à sa patrie
terrestre. Les voyages par voiliers duraient un an
et plus. Pas de courriers réguliers entre
les pays éloignés et la
mère-patrie. Ceux qui s'en allaient
pouvaient rester plus d'un an sans recevoir aucune
nouvelle des leurs. C'est là une situation
que nous imaginons difficilement en ce
vingtième siècle, avec les services
de paquebots, les courriers réguliers par
vapeur, pour ne rien dire de la
télégraphie, de la
téléphonie et des services par
avions.
Le départ des missionnaires avait
été fixé au 17 novembre. Ce
n'était plus que quelques jours pour les
derniers préparatifs et les adieux. Il
semblait dur à John Williams d'avoir
à quitter l'Angleterre si rapidement ;
il eût aimé les années
réglementaires de préparation ;
mais il comprenait aussi les raisons des
Directeurs.
Après la nuit, l'aurore se levait
enfin pour la Mission océanienne ;
après les longues années de
semailles, c'étaient les moissons qui
mûrissaient. Les courriers qui parvenaient
à Londres contenaient tous des demandes
d'ouvriers. Les missionnaires déjà
à l'oeuvre étaient
débordés de toutes manières.
C'étaient par centaines que les
indigènes demandaient à être
instruits. Le roi Pomaré avait fait
profession de christianisme quelques années
auparavant, les chefs avaient suivi son exemple, et
maintenant c'était comme une
traînée de poudre, comme un feu de
montagne qui s'étend rapidement et gagne de
proche en proche. Le peuple à son tour
s'éveillait à la magnifique
lumière de l'Évangile et secouait les
horreurs du paganisme. Par
centaines, par milliers, des îles
environnantes, des villages entiers venaient
demander à être instruits dans les
vérités du christianisme. Les
écoles à peine ouvertes
étaient envahies, les maisons missionnaires
ne désemplissaient pas du matin au soir et
parfois du soir au matin d'une foule
d'indigènes de tous âges et de toutes
conditions. Quoi d'étonnant à ce que
les demandes d'ouvriers fussent pressantes ?
Quoi d'étonnant à ce que la
Société des Missions fît tous
ses efforts pour y répondre, et qu'elle ait
laissé partir des hommes insuffisamment
préparés et parfois insuffisamment
qualifiés. Ceci surtout est regrettable. Si
John Williams était insuffisamment
préparé il, était
éminemment qualifié, et il fut une
très brillante exception à la
règle.
Quatre missionnaires étaient partis au
commencement de 1816: MM. Ellis, Threlkeld, Orsmond
et Barff. Quatre autres allaient partir en novembre
- MM. Darling, Platt, Bourne, et Williams.
L'heure du départ approchait, et la
pensée de la séparation était
extrêmement douloureuse pour le jeune
Williams. Si douloureuse qu'elle fût pour
lui, il l'appréhendait encore davantage pour
sa mère. Il savait de quelle tendresse elle
l'entourait, il savait qu'elle avait dû faire
appel à toute sa piété pour
accepter sa vocation missionnaire et n'y point
faire d'opposition. La seule idée de
séparation l'émotionnait au point
qu'il ne pouvait réprimer ses larmes. Aussi
faisait-il tous ses efforts pour n'y point penser.
Il ne pouvait accepter la supposition que les
adieux qu'il allait dire aux siens seraient
peut-être des adieux définitifs, et il
s'absorbait le plus possible dans, le labeur
quotidien.
Courant de-ci de-là, achevant ses
achats, ses caisses, ses
préparatifs, il fit tant et si bien qu'il
put se ménager quelques journées et
les consacrer entièrement aux parents et aux
amis. Parmi ceux-ci, il comptait le cher pasteur
Wilks. C'est à lui qu'il recommanda sa
mère pour le jour du départ
fixé au 17 novembre. Mais il se trouva que
le jour venu sa mère fut très brave
et bien plus forte qu'il n'avait osé
l'espérer. De sorte que le cher pasteur
Wilks dit au jeune missionnaire :
« Elle n'a vraiment pas besoin de
moi. »
Comme aucun navire n'était en
partance pour les îles du Pacifique, nos
voyageurs avaient pris passage à bord de la
Harriet, à destination de Sydney. Au jour
fixé, John et Mary Williams,
accompagnés de leurs amis gagnèrent
les docks. Là, ils s'embarquèrent sur
le vaisseau qui, l'appareillage terminé, se
mit à descendre lentement la Tamise pour
gagner la haute mer.
Bientôt le navire ne fut plus qu'un
point, un petit point qui disparut à son
tour. À bord aussi on ne distingue plus les
amis restés sur le quai, on ne voit plus les
mouchoirs s'agiter en signe de dernier adieu.
Alors, résolument, les jeunes gens
regardèrent en avant, vers le but : ce
champ missionnaire auquel ils appartenaient
déjà tout entiers.
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