L'ENFANCE. - LA MÈRE DE JOHN WILLIAMS. - HEUREUSES DISPOSITIONS DU JEUNE GARÇON. - PRIÈRES ET CANTIQUES. - ANNÉES D'ÉCOLE. - APPRENTISSAGE. - DÉCLIN RELIGIEUX. - CHANGEMENT DE DIRECTION. - UN SERVICE DU SOIR. - « QUE DONNERAIT UN HOMME EN ÉCHANGE DE SON ÂME ? » &emdash; CONVERSION.
JOHN WILLIAMS naquit le 29 juin 1796 à
Tottenham High Cross, près de Londres,
l'année même que le
« Duff », bateau missionnaire
commandé par le capitaine Wilson, partait
pour les Îles du Pacifique, et dix-sept ans
après la mort du célèbre
capitaine Cook, tombé sous les coups des
sauvages de ces îles.
Ses grands-parents étaient de
fidèles serviteurs de Dieu, et si le
père de Williams resta longtemps
indifférent aux choses éternelles, sa
mère appartenait au Seigneur. De très
bonne heure elle conduisit ses enfants au Sauveur.
Matin et soir elle les réunissait dans sa
chambre pour quelques instants d'entretien et de
prière. Ces moments d'instruction et
d'intercession ne s'effacèrent jamais de la
mémoire de John Williams, et par la suite il
en évoqua bien des fois le souvenir.
Sans être positivement hostile aux
choses religieuses, le père se tenait
à l'écart, et ceci pouvait influencer sa famille.
Il
est
probable que Mrs. Williams se sentit plus d'une
fois le coeur douloureusement serré en y
songeant ! Elle était seule pour
conduire ses enfants à Christ. N'y avait-il
pas lieu de craindre que l'exemple du père
ne fût suivi par les petits ? Que de
difficultés déjà quand le
père et la mère, d'un même
accord, essayent de conduire leurs enfants au
Seigneur ; combien plus quand l'un des deux
fait défaut ! Même si elle ne
connut ni découragement, ni
défaillance, même. si, d'un coeur
brave, elle saisit par la foi la victoire
malgré tous les sujets de crainte qui
pouvaient l'assaillir, il est bien probable, il
semble certain que Mrs. Williams n'eut jamais le
pressentiment de l'extraordinaire carrière
que devait parcourir son fils, ni des succès
et des honneurs qui devaient couronner les travaux
de celui-ci, non plus que de la joie qui
récompenserait son fidèle labeur de
mère chrétienne. Alors que ses
enfants se pressaient autour d'elle pour ces
entretiens quotidiens, elle ne supposa certainement
jamais qu'elle travaillait alors à la
formation du futur apôtre de la
Polynésie, ce pourquoi de nombreuses tribus
et de nombreuses générations
d'indigènes béniraient à
jamais son nom.
Mrs. Williams fut aidée dans son
oeuvre d'éducatrice par le pasteur de
Tottenham : Mr. Fowler. C'est lui qui avait
baptisé le bébé. D'abord le
jeune garçon donna tous les espoirs :
d'un caractère droit, énergique,
entreprenant, serviable, il abhorrait le mensonge.
De plus, il avait pris des habitudes de
piété qui remplissaient de joie le
coeur de sa mère. Certain jour elle trouva
un papier sur lequel son fils avait écrit,
pour son usage personnel, des prières et des
cantiques qu'il avait composés. Nous en
donnons quelques extraits.
Souvenons-nous que prose et vers sont le travail
d'un tout petit garçon.
« Je te remercie, ô Dieu, de la vie que tu m'as donnée et que tu m'as conservée jusqu'à ce jour. Tu m'as gardé pendant mon sommeil et as permis que je voie la lumière d'un' nouveau jour. Oh ! pardonne-moi tout ce que je puis avoir pensé, ou dit, ou fait de, mal dans le passé, et garde-moi de te déplaire désormais. Mon Dieu, fais du bien à mes amis, à mes parents, et enseigne-moi à t'aimer, apprends-moi à prier comme il faut ; et tandis que j'avance en âge, aide-moi à devenir plus sage et meilleur, rends-moi capable de faire ta volonté sur la terre et prépare-moi pour le ciel, ce lieu de bonheur où tu habites ; et à toi soit toute la louange à jamais. Amen ! »
« O Seigneur, je te bénis pour tous tes bienfaits au cours de cette journée, pour la lumière du soleil, pour les aliments que j'ai mangés, les habits que j'ai portés, l'air que j'ai respiré ; mais pardonne, ô Seigneur, tous mes péchés : mon insouciance, mon oubli de toi, mes mauvaises paroles, mes mauvaises actions ; ne t'en souviens pas et qu'elles ne s'élèvent pas contre moi. 0 Seigneur, aide-moi et penser plus souvent à toi, aide-moi à comprendre les enseignements qu'on me donne, à obéir à mes parents et à aimer mes supérieurs. Sois avec moi durant cette nuit et accorde-moi le repos nécessaire à la santé. Entends mes prières et exauce-les selon ta miséricorde. Amen. »
John Williams allait en classe chez les
Frères Grégory à Lower
Edmunton. L'instruction reçue dans cet
établissement était rudimentaire,
mais elle semblait suffire aux parents qui
destinaient leur fils au commerce. John fut un
élève moyen, un bon garçon
s'appliquant à ses devoirs ; mais il
était manifeste qu'il
préférait les travaux de menuiserie
aux devoirs de grammaire. Il avait un don
d'observation remarquable, un besoin de se rendre
compte du pourquoi, du comment, et aurait
aimé étudier des matières qui
n'étaient point au programme de Messieurs
Grégory. À la maison, John se
distinguait par, son adresse : point de
petites choses qu'il ne pût faire ou
réparer. Très affectueux et
complaisant, il était le factotum de ses
soeurs et toujours prêt à leur faire
plaisir. On entendait fréquemment cette
phrase chez les Williams : « John
pourrait le faire, John le fera. » Que
d'inventions pour les jeux auxquels ils se
livraient. Souvent on
jouait
au capitaine Cook. « Nous désirons
un bateau comme celui du Capitaine, disaient les
soeurs ; un bateau qui aille jusqu'aux
îles de corail de l'autre côté
du monde. » Et les enfants Williams
faisaient un voyage imaginaire de Tottenham
à Tahiti, sur un bateau dont la
carène était composée d'un
baquet à lessive. À cette
époque, les livres racontant les voyages de
Cook autour du monde étaient lus par tous,
et faisaient le sujet des conversations à la
ville, à la campagne, derrière le
comptoir et à l'atelier.
Malgré l'adresse remarquable du jeune
garçon, rien ne faisait prévoir le
maître ès mécanique qu'il
devait être plus tard au cours de sa
carrière missionnaire. Tout au plus
aurait-on pu noter l'extraordinaire attrait
qu'exerçait sur lui l'atelier du
forgeron : le métal rougi, l'immense
soufflet faisant voler des gerbes
d'étincelles, le puissant marteau
façonnant le fer, l'enclume, la forge, tout
cela le fascinait. Qu'il aurait fait bon
s'installer en ce lieu et n'avoir pas à se
contenter de regarder en passant. À cette
époque, les plus hautes ambitions de John
Williams ne dépassaient pas la
possibilité de faire un jour un vrai bateau
et de forger une ancre.
Jamais le soir les enfants Williams ne
voyaient leur père. Toutes les
soirées du chef de famille étaient
prises par la taverne où, en compagnie
d'amis, il allait boire et discuter ; entendre
aussi avec eux les nouvelles du jour :
Napoléon, la descente sur Calais, le blocus
possible, etc..., nouvelles qu'ensuite il disait
aux siens à la table de famille.
Le dimanche, frères et soeurs
allaient à la chapelle de Fore Street,
à Edmonton. C'est là qu'ils apprirent
au printemps de 1807 qu'un Acte du Parlement,
signé par le roi Georges,
abolissait le trafic des esclaves et interdisait
à tout navire battant pavillon anglais de se
livrer à cet odieux commerce.
Lorsque John Williams eut quatorze ans, il
fut décidé qu'il quitterait
l'école, et ses parents lui
demandèrent de choisir la branche
d'activité qu'il préférait. Le
jeune homme répondit qu'il était
prêt à faire ce que ses parents
voudraient, dans la pensée qu'ici ou
là il sautait se rendre utile et leur donner
satisfaction. La neutralité qu'il observa
eut les plus heureux résultats. Aucune
occupation n'aurait pu être plus utile pour
sa future carrière que celle choisie par sa
mère. Certains verront en cette affaire un
heureux hasard. Mrs. Williams y vit une direction
de la Providence.
Père et mère souhaitaient que
leur fils pût se créer une situation
lucrative ; mais Mrs. Williams avait
résolu en son coeur qu'aucun avantage
matériel ne l'amènerait à
sacrifier les intérêts éternels
de John. Par-dessus tout, elle désirait
trouver une famille chrétienne pour y placer
son enfant. C'est ainsi qu'elle fit un arrangement
avec Mr. et Mrs. Enoch Tonkin, de City Road
à Londres, personnes qu'elle connaissait et
estimait pour leur piété. Mr. Tonkin
était quincaillier en gros. À cette
époque, la famille Williams vint aussi
habiter à Londres.
La résolution de Mrs. Williams eut sa
récompense. Non seulement aucune branche
industrielle ne répondait mieux aux
capacités de son fils, mais encore Mrs.
Tonkin - l'amie de la mère - fut l'un des
moyens de la conversion du jeune homme. Le contrat
d'apprentissage passé le 27 mars,
s'étendait sur une période de sept
ans : Mr. Tonkin s'engageait à
enseigner à Williams tout ce qui touchait au
commerce de
quincaillerie ;
John devait rester au magasin et être
exempté des travaux de l'atelier. Il devait
être commis et non pas ouvrier, s'employer
derrière le comptoir ou à la caisse
pour s'initier au prix des divers articles vendus
et non pas à l'établi ou à la
forge. Au bout de ces sept années, il devait
être capable de s'établir à son
compte.
Ces conditions auraient satisfait la plupart
des jeunes gens ; mais Williams, après
avoir rapidement acquis les connaissances
commerciales nécessaires à la vente,
aux achats, etc., désira en savoir
davantage. La fabrication des articles de
quincaillerie lui semblait bien plus
intéressante que leur vente. Quelle joie de
pouvoir gagner l'atelier, de surveiller tous les
mouvements de la main, tous les coups de marteau
façonnant un objet. Puis quand l'heure du
repas arrivait et que les ouvriers s'en allaient,
Williams ranimait le feu de la forge ou s'asseyait
à l'établi, essayant de
réaliser ce qu'il avait observé, de
faire lui-même ce qu'il avait vu faire. C'est
ainsi qu'il apprit très vite à
fabriquer la plupart des articles de quincaillerie
ordinaires qu'il vendait. Mr. et Mrs. Tonkin
remarquaient l'intérêt que le jeune
homme prenait à l'atelier ; mais comme
il ne négligeait aucune des occupations qui
constituaient son domaine propre, on se garda
d'intervenir et de faire aucune opposition.
Bientôt Williams devenait maître dans
le travail des métaux, réussissant
les procédés les plus complexes. et
les manipulations les plus délicates. Ses
pièces étaient si bien
exécutées que Mr. Tonkin lui confia
les travaux qui demandaient beaucoup de minutie et
de précision.
Mû par le désir de savoir
davantage et d'exercer un talent naturel pour la
mécanique, le jeune commis, offrait souvent ses
services
pour
le travail à l'extérieur. Les membres
de la famille Tonkin souriaient en le voyant mettre
d'un air heureux le tablier de l'ouvrier, et jeter
la courroie du sac d'outils sur son épaule
pour quelque installation en ville.
Ces détails peuvent sembler bien
ordinaires, et cependant ils donnent la marque d'un
esprit supérieur. La majorité
dès employés croiraient
déchoir en assumant la tâche d'un
ouvrier. Telle n'était pas la
mentalité du jeune homme.
Bien que John Williams donnât toute
satisfaction à Mr. Tonkin,
qu'il fût travailleur habile, commis
consciencieux et intègre au point que la
direction des affaires lui fut confiée
pendant un très long laps de temps,
cependant son zèle pour le Seigneur
s'était refroidi ; il n'avait plus la
ferveur des premières années. Son
naturel aimable, sa droiture, son
intégrité parfaite n'étaient
point le résultat « d'une religion
pure et sans tache ». Les promesses de
ses premières années semblaient
frustrées et Mrs. Williams constatait avec
douleur le déclin religieux qui se
manifestait chez son enfant. Avec plus d'instance
encore, elle le remettait à Dieu ; et
quand le dimanche John venait à la maison,
elle essayait de le ramener dans la voie
d'où il s'écartait chaque jour
davantage. Le fils était affectueux et
respectueux avec sa mère, cependant il
était évident que son coeur
n'était pas droit envers Dieu. L'une des
preuves en était son assistance de plus en
plus rare au service divin. Il se rendait encore au
temple de temps à autre le dimanche matin,
pour plaire à sa mère, mais il
manquait le culte sous le moindre prétexte.
Quant aux services du soir, il n'y allait plus du
tout et passait son temps avec des camarades.
Lui-même dit de cette période de sa
vie : « Ma conduite, si elle
n'était pas ouvertement mauvaise,
était loin de ce qu'elle aurait dû
être. Je n'avais plus aucun respect pour le
jour du Seigneur, et j'aimais le plaisir bien plus
que Dieu. Je me moquais souvent du nom de Christ et
de la religion, et négligeais tout à
fait les devoirs qui seuls donnent le
véritable bonheur, la vraie
consolation. » - « Tous ceux
qui connaissent la simplicité et la droiture
de Mr. Williams, ajoute son biographe, ne le
taxeront pas d'exagération ; ils
n'essayeront pas de voir dans ses paroles une
dépréciation outrée de soi ou
un indice de fausse modestie.
Non, il dit simplement ce qui était.
« Comment concilier tant de
qualités avec l'état d'esprit que
révèle la confession du jeune
homme ! Nous ne l'essayerons pas, continue le
révérend Prout. Il est
malheureusement vrai - et le monde et la Bible nous
en donnent des preuves - que les plus aimables
qualités peuvent être l'apanage d'un
coeur dépravé, et mort au point de
vue spirituel. »
John Williams venait d'entrer dans sa
dix-huitième année. Loin de
s'amender, sa conduite était un sujet de
douleur pour sa mère qui assistait
impuissante à ce naufrage spirituel. Mais ce
qui est impossible à l'homme est possible
à Dieu, et c'est à Lui que regardait
Mrs. Williams en sa grande affliction.
Le 30 janvier 1814, les amis du jeune
Williams lui avaient donné rendez-vous le
soir pour se rendre avec lui dans une taverne des
environs de Londres. À l'heure dite, le
jeune homme se promenait de long en large à
l'endroit indiqué, mais ses amis tardaient
à venir. Il commençait à
s'impatienter de ce retard, c'était
bientôt l'heure du service du soir au
Tabernacle et des amis de ses parents ou simplement
des gens qu'il connaissait le dépassaient se
rendant au temple. Une dame le reconnaissant
à la lueur d'un réverbère, au
lieu de continuer son chemin, s'arrêta.
C'était Mrs. Tonkin. Elle lui demanda ce
qu'il faisait : « Pourquoi ne pas
aller au Tabernacle ? » John
Williams répondit « qu'il
attendait des amis pour s'amuser et passer avec eux
la soirée à X. » Mrs.
Tonkin essaya de dissuader le jeune homme d'aller
en ce mauvais lieu, insistant pour qu'il
voulût bien l'accompagner au service du soir.
Les amis n'arrivaient toujours pas, Mrs. Tonkin
plaidait avec coeur auprès
du jeune homme, et celui-ci céda.
« Je n'avais pas été
convaincu par les arguments sur la sainteté
du jour du Seigneur, dit-il plus tard, mais
j'étais furieux contre les amis qui me
faisaient attendre si longtemps et je
décidai d'aller au Tabernacle surtout par
dépit et pour leur faire
pièce. »
Ce soir-là, c'était le
révérend Timothy East de Birmingham
qui occupait la chaire, et il prit pour texte ce
verset : « Que servirait-il à
un homme de gagner, tout le monde s'il perdait son
âme ou que donnerait un homme en
échange de son âme ? »
La solennelle question fut posée avec
précision devant l'auditoire, et l'orateur
fut - comme il l'était
généralement - pressant et puissant.
Le jeune homme qui était entré au
Tabernacle mécontent et distrait fut vite
saisi par la puissance du verbe de l'orateur et par
le mot : gain, lequel revenait dans le
discours. « Mes yeux furent ouverts,
dit-il, et je vis alors comme dans un éclair
que la vie c'était plus et mieux que
d'apprendre un métier pour un gain terrestre
plus et mieux que de travailler six jours pour
s'amuser le septième. Et je décidai
de me donner à Dieu et pour son
service. »
Jamais cette soirée ne
s'effaça de sa mémoire. Il y fait
souvent allusion par la suite et en rappelle les
plus petits détails. Ce même soir,
pendant le sermon, John Williams se donnait
à Dieu à nouveau et décidait
de lui consacrer sa vie.
Ces instants durant lesquels le jeune homme
se donna au Seigneur furent en
réalité, les minutes capitales de son
existence. Ce fut cette décision de servir
Dieu, à laquelle il resta fidèle, qui
l'enleva au commerce pour le conduire à
l'extraordinaire carrière missionnaire qui
fut la sienne.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |