Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre XXIV.

Contenant le retour des Vaudois dans leur patrie leur courage et leur Valeur, et les exploits qu'ils ont fait, ou plutôt que Dieu a fait pour leur rétablissement dans leur pays.

-------

LES Vaudois voyaient tous ces obstacles, mais cela n'empêcha pas, après qu'ils eurent mené une vie triste et languissante pendant environ trois ans, dans la Suisse, ou dans l'Allemagne, qu'il ne leur monta dans l'esprit de retourner dans leur pays, et de surmonter toutes ces difficultés. Ces gens étaient la plus part des ménagers qui travaillaient leur bien, et vivaient du revenu qu'il produisait, ils n'avaient point de bien en Suisse, ni en Allemagne, où ils puissent s'occuper, et ainsi bien qu'ils ne manquaient de rien, leur vie était languissante et ennuyeuse. Ils s'assemblèrent en nombre de 8 à 900 dans le bois de Nyon, à quatre lieues de Genève, entre lesquels il y avait plus de trois cents Réfugiés Français, ils le firent si secrètement, que les Seigneurs de Berne, ni les Savoyards n'en sussent rien, jusques à ce qu'ils eurent passé le lac et qu'ils furent entrés dans la Savoie, ils traversèrent le lac de nuit sur douze bateaux qu'ils avaient loué, ou qu'ils avaient trouvé à Nyon, on aux environs et dont ils s'étaient saisis.

Ce fut au commencement de Septembre 1689 qu'ils entrèrent dans la Savoie. Ils n'avaient point de chef, ils en élurent deux pour les conduire et les commander, l'un était un de leurs Ministres nommé. Arnaud, et l'autre était un Maçon appelé Turel, tous deux braves et intrépides mais sans expérience au métier de la guerre.
Ils mirent pied à terre sans aucune résistance et eurent la prudence de faire investir deux villages, qui étaient voisins du lieu où ils firent leur descente, les habitants dès qu'ils les eurent découverts voulaient sonner le Tocsin, et donner l'alarme au pays, mais ils menacèrent de les brûler, s'ils le faisaient, et les obligèrent à leur donner des vivres en payant. Ils eurent encore la précaution d'envoyer un détachement pour se saisir du pont des Tremblières, avant que leurs ennemis s'en aperçussent, et ainsi ils passèrent sans obstacle la rivière d'Arve qui est profonde et rapide.
Mais s'ils ne trouvèrent point de difficulté dans le commencement, il n'en fût pas de même dans la suite.

La Cour de Savoie et celle de France furent incontinent averties de leur marche, et on donna ordre aux Gouverneurs des places, qui étaient proches de leur passage, de se mettre en devoir de les arrêter dans plusieurs défilés, par où ils devaient nécessairement passer. Ils surmontèrent néanmoins tous ces obstacles, et se firent jour partout l'épée à la main. Ils eurent quatre ou cinq combats à essuyer avant d'arriver à leur pays, mais le plus rude fût contre le Marquis de Larée, qui voulut les arrêter à un passage étroit près de Salbetran, il avait avec soi un Régiment de Dragons et beaucoup d'infanterie. Il arriva pourtant qu'après un combat fort long, où ils perdirent quelques gens, ils forcèrent ce passage comme les autres. Le Marquis de Larée y fut blessé à mort, plusieurs autres Officiers Français y perdirent la vie, et plus de deux cents Soldats y furent tués. Après avoir surmonté toutes ces difficultés, ils entrèrent dans leurs pays, chassèrent ceux qui s'étaient emparés de leurs biens, et tuèrent ceux qui ne voulaient pas les leurs rendre.

Chapitre précédent Table des matières Chapitre suivant