MAIS autant que les ennemis des Vaudois ont
été cruels, inhumains et barbares
envers eux, autant les Genevois leur ont
été humains et charitables. Car
dès Qu'ils surent qu'ils arrivaient, ils
allèrent au-devant d'eux avec empressement
pour les mener dans leurs maisons ; Chacun
regardent à qui aurait les plus malades et
les plus affligés, pour avoir plus de
matière d'exercer sa charité. On les
traitait non seulement comme de chers et des
tendres enfants, mais encore comme des personnes
qui portaient la paix et la
bénédiction dans les familles.
Tous ceux qui avaient besoin d'être
habillés, furent vêtus, ou par ceux
qui les logeaient, ou par la bourse de
l'Église Italienne, dont les Directeurs ont
donné depuis le commencement jusques
à la fin, des marques d'une tendre
compassion et d'une ardente charité. Ce
n'est pas seulement à Genève
où les Vaudois ont trouvé de la
consolation, ils en ont aussi reçu beaucoup
dans la Suisse, où les Cantons Protestants
leur ont ouvert leur pays et les entrailles de
leurs compassions, de la manière du monde la
plus généreuse, la plus
Chrétienne, et la plus charitable.
L'Électeur de Brandebourg ayant appris leur
arrivée en Suisse pria les Cantons
Protestants de lui en envoyer une partie, qu'il
ferait subsister dans ses États.
Et les Provinces Unies firent une grande et
considérable collecte en leur faveur, qui
leur fût envoyée de temps en temps, et
distribués selon leur
nécessité et leur besoin.
Voilà comment les Vallées de
Piémont ont été
dépeuplées de leurs anciens
habitants, et comment le flambeau de
l'Évangile qui y avait éclairé
tant de siècles y fut éteint. Que la
perfidie et la trahison triomphèrent de la
bonne foi des Vaudois, que le Conseil de la
Propagation et leurs autres ennemis
exécutèrent le méchant dessein
qu'ils avaient formé depuis longtemps de les
exterminer, et que les Vaudois ont souffert
injustement, et pour la seule cause de la Religion,
cette horrible persécution et cette funeste
dissipation.
Après que les Vaudois furent chassés
de leur pays, le Duc de Savoie et le Conseil de la
Propagation employèrent tout leur soin pour
repeupler ce pays de Savoyards et de
Piémontais, et afin que les Vaudois qui par
appréhension de la mort, ou de la prison
avaient eu la faiblesse d'abjurer leur Religion, ne
puissent aider ceux qui avaient été
exilés, à retourner dans les
Vallées, on les transporta dans le terroir
ou diocèse de Verceil pour y habiter, contre
la promesse qu'on leur avait fait de les
rétablir dans leurs maisons.
Les Vallées étant repeuplées
de nouveaux habitants de la Religion Romaine, les
Vaudois Protestants exilés, ou en prison, et
ceux qui avaient abandonné leur
Région transportés ailleurs, il n'y
avait personne qui crut que ces gens là
puissent jamais se rétablir, non pas
même rentrer dans leur pays, il fallait
traverser le lac de Genève et toute la
Savoie, passer par plusieurs défilés,
grimper des hautes montagnes, et forcer divers
passages étroits, où dix hommes
étaient capables d'arrêter une
armée.
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