CHARLES Emanuel son Fils lui succéda, qui
peu de temps après le décès de
son Père, s'empara du Marquisat de Saluces,
qui appartenait au Roi de France. Mr. de
l'Esdiguières s'empara par droit de
Représailles des Vallées de
Piémont, et on obligea les habitants de ces
Vallées de prêter serment de
fidélité au Roi. Les ennemis des
Vaudois ne manquèrent pas de prendre ce
prétexte, pour irriter l'esprit du Duc
contre ces pauvres gens, pour le porter à
les exterminer, quand il en trouverait le temps,
sans considérer qu'ils avaient
été forcés par les
armées du Roi, à faire ce serment,
leur Prince n'ayant pu leur donner aucun
secours.
La guerre s'étant allumée entre Henri
IV, Roi de France, et Charles Emanuel Duc de
Savoie, à l'occasion du Marquisat de
Saluces, le Roi se rendit Maître de toute la
Savoie dans une campagne. Ce que voyant, l'Empereur
et le Roi d'Espagne, prièrent le Pape, qui
venait de faire le mariage de Marie de
Médicis sa nièce avec le Roi de
France, de travailler à faire la paix entre
ces deux Princes, ce qu'il fit, et par le
Traité fait entr'eux, le Roi rendit au Duc
de Savoie, tout ce qu'il avait pris de ses
États, à la réserve de la
Bresse, qui fût échangée avec
le Marquisat de Saluces.
Les ennemis des Vaudois ne manquèrent pas,
dès que le Duc fût en paix, de le
solliciter à leur faire la guerre :
mais considérant que son père avait
mal réussi en la guerre qu'il avait
entrepris contre eux, bien qu'il fût
assisté de l'Espagne et de la France, ne
voulut point leur faire une guerre ouverte :
mais permit qu'on les inquiétât en
leur faisant des affaires. Et quand les
Inquisiteurs avaient mis quelqu'un en prison pour
la Religion, si on sollicitait envers le Duc son
élargissement, il répondait qu'il ne
se mêlait point de ces affaires.
Il agit bien autrement envers les Vaudois du
Marquisat de Saluces, qu'envers ceux des
Vallées, Contre ceux-ci, il se contenta de
laisser agir leurs ennemis : mais contre ceux
du Marquisat, il se déclara un
Persécuteur ouvert dès qu'il en
fût le Maître absolu. Car à la
fin du mois de juin 1601. il fit un Édit,
par lequel il ordonnait. Que chacun eût
à déclarer à son Magistrat
ordinaire, dans le terme de quinze jours, s'il
était résolu de renoncer à sa
Religion et aller à la Messe auquel cas non
seulement il pourrait continuer de jouir
paisiblement de ses maisons et biens ; mais
aussi de plusieurs autres grands privilèges.
Mais que pour ceux qui s'opiniâtreraient,
à demeurer dans leur Religion, il leur
était absolument enjoint, de sortir de ses
États dans deux mois, après la
publication de l'Édit, et de n'y jamais plus
revenir sous peine de la vie, et de la confiscation
de tous leurs biens.
Il y avait huit florissantes Églises dans ce
Marquisat, mais cet Édit ayant
été exécuté avec
beaucoup de rigueur, toutes ces pauvres
Églises furent dissipées : car
les fidèles qui les composaient voyant, que
le Duc ne voulait point révoquer son
Édit, bien qu'il en fût instamment
prié par plusieurs Princes Protestants, se
retirèrent du Marquisat avec seulement ce
qu'ils purent emporter, et allèrent habiter
en des lieux, où ils pouvaient jouir du
libre exercice de leur Religion.
Victor Amédée son fils et son
Successeur, ne fit point aussi une guerre ouverte
aux Vaudois, il en fût empêché
par les guerres qu'il eût avec ses voisins,
et principalement avec l'Espagne, il permît
pourtant aux Inquisiteurs de Rome, et aux Moines de
les persécuter sous le manteau de la justice
en leur faisant des affaires, et par ce moyen,
plusieurs qui tombèrent entre leurs mains
perdirent la vie, ou furent condamnés aux
galères, ou aux prisons perpétuelles,
pour ne vouloir pas aller à la Messe.
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |