À première guerre qu'on a fait aux
Vaudois de Piémont, fut en l'année
1487 Qu'Albert de Capitaneis Archidiacre de
l'Église de Crémone et Nonce du Pape
Innocent VIII ayant reçu Commission de son
Maître, de faire une Croisade, pour
l'extirpation des pauvres Vaudois.
Ce Commissaire Papal porta et excita, en vertu de
sa Bulle, le Duc de Savoie, Prince de
Piémont, le Roi de France, et les autres
Princes circonvoisins à fournir et
prêter leurs troupes, pour perdre et
détruire les Protestants des Vallées.
Il dressa une armée de 18000 hommes, sans y
comprendre cinq à six mille Volontaires du
Piémont, qui vinrent en foule, pour se
joindre à cette armée, parce qu'outre
que le Pape promettait, à tous ceux qui
iraient en cette guerre pleine et entière
indulgence et rémission de leurs
péchés, on faisait encore
espérer de leur donner le pillage des
Vallées, et la confiscation des biens de
ceux qu'on déposséderait, ou qu'on
détruirait.
Cette grande Armée se partagea en divers
corps, pour attaquer les Vaudois par plusieurs et
différents endroits, ce qu'ils firent avec
une grande furie. Mais quoi que les Vaudois fussent
en petit nombre eu égard à leurs
ennemis, et qu'ils ne fussent pas
expérimentés au métier de la
guerre, ayant vécu plusieurs siècles
en paix, néanmoins ils soutinrent partout
avec un courage intrépide, les efforts de
leurs ennemis. Et Dieu qui combattait pour eux
lequel ils avaient ardemment invoqué, jeta
une terreur panique, dans le coeur de ceux, qui
venaient pour les détruire, tellement que
par l'aide du ciel, cette armée fut non
seulement repoussée et dispersée,
mais presque toute défaite.
Le débris de cette armée, qui se
tenait sur la frontière, n'osa plus les
attaquer dans leurs rochers, elle se contenta
pendant presque une année, de faire des
courses dans le plat pays, et de les tenir toujours
en alarme, ce qui leur était
extrêmement préjudiciable, parce
qu'étant obligés d'avoir incessamment
les armes à la main, pour se garder de
surprise, ils ne pouvaient pas cultiver leurs
terres, dont ils tiraient leur subsistance et celle
de leurs familles.
Philippe VII Duc de Savoie et Prince de
Piémont, considérant que cette guerre
était peu honorable pour lui, vu le mauvais
succès qui s'en était ensuivi, et
qu'elle était très
préjudiciable à ses Sujets, et
surtout aux Catholiques Romains, dont un grand
nombre avaient péri en cette guerre, et les
autres avaient été extrêmement
foulés par les troupes, qu'ils avaient
entretenu et fait subsister, se résolut d'y
mettre fin. Pour cet effet il ordonna, que douze
d'entr'eux, eussent à venir à
Pignerol, où il faisait alors sa demeure, ce
qu'ayant fait, il les reçus
bénignement, et leur fit
dépêcher une Amnistie
générale, de tout ce qui
s'était passé pendant cette guerre,
et leur avoua qu'il reconnaissait, qu'il avait
été mal informé, tant de ce
qui regardait leurs personnes, que leur Religion,
et déclara hautement, qu'il n'avait point de
si bons, si fidèles et si obéissants
Sujets, que les Vaudois. Il leur confirma leurs
privilèges et immunités, et leur
promit qu'il ferait en sorte qu'à l'avenir,
on les laisserait en paix.
Les Inquisiteurs établis par le Pape,
n'ayant pas réussi contre les Vaudois par
une guerre ouverte, prirent d'autres voies pour les
inquiéter et les détruire.
S'ils sortaient de leur pays, ils les faisaient
saisir et mettre en prison, et se faisaient aider
par le bras séculier. Quand ils les
tenaient, ils les faisaient périr dans la
prison, ou les faisaient condamner à la
mort.
Les Inquisiteurs portèrent encore par leurs
menées, Marguerite de Foix, Dame du
Marquisat de Saluces, à persécuter
les Vaudois qui étaient dans ce Marquisat.
La persécution fût si grande et si
cruelle, que ces pauvres gens furent contraints,
d'abandonner leurs maisons et leurs biens, et de se
sauver dans la Vallée de Lucerne, sans
emporter autre butin que leurs âmes. Ils
demeurèrent cinq ans entiers dans ce piteux
état, pendant lesquels ils ne
cessèrent de supplier son Altesse le Duc de
Savoie, qu'il lui plût de faire en sorte,
qu'ils pussent retourner en paix dans leur Patrie,
et que les Usurpateurs de leurs biens, fussent
obligés à les leur rendre. Mais
voyant que toutes leurs prières et
soumissions ne leur servaient de rien, à
cause des oppositions du Pape, du Clergé, et
surtout des Inquisiteurs, ils résolurent
entr'eux de prendre les armes, et de tenter de
rentrer dans leurs biens, et ce qui leur donnait
cette hardiesse, c'est qu'ils en avaient
été chassés par force, sans
aucun ordre de leur Souverain. Cette entreprise
fût accompagnée d'un heureux
succès, ils se jetèrent à
l'improviste sur les Usurpateurs de leurs biens,
les chassèrent tous, et leur
donnèrent une telle frayeur, qu'ils
n'osèrent plus chercher les moyens de s'y
rétablir, et ces pauvres Vaudois
après cet heureux exploit, jouirent plus de
cent ans de leurs biens, et de là
liberté de leur Religion dans ce Marquisat.
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