Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Chapitre V.

Contenant la première guerre qu'on a fait aux Vaudois de Piémont, fut la Croisade que fit contre eux le Pape Innocent Vlll.

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À première guerre qu'on a fait aux Vaudois de Piémont, fut en l'année 1487 Qu'Albert de Capitaneis Archidiacre de l'Église de Crémone et Nonce du Pape Innocent VIII ayant reçu Commission de son Maître, de faire une Croisade, pour l'extirpation des pauvres Vaudois.
Ce Commissaire Papal porta et excita, en vertu de sa Bulle, le Duc de Savoie, Prince de Piémont, le Roi de France, et les autres Princes circonvoisins à fournir et prêter leurs troupes, pour perdre et détruire les Protestants des Vallées. Il dressa une armée de 18000 hommes, sans y comprendre cinq à six mille Volontaires du Piémont, qui vinrent en foule, pour se joindre à cette armée, parce qu'outre que le Pape promettait, à tous ceux qui iraient en cette guerre pleine et entière indulgence et rémission de leurs péchés, on faisait encore espérer de leur donner le pillage des Vallées, et la confiscation des biens de ceux qu'on déposséderait, ou qu'on détruirait.

Cette grande Armée se partagea en divers corps, pour attaquer les Vaudois par plusieurs et différents endroits, ce qu'ils firent avec une grande furie. Mais quoi que les Vaudois fussent en petit nombre eu égard à leurs ennemis, et qu'ils ne fussent pas expérimentés au métier de la guerre, ayant vécu plusieurs siècles en paix, néanmoins ils soutinrent partout avec un courage intrépide, les efforts de leurs ennemis. Et Dieu qui combattait pour eux lequel ils avaient ardemment invoqué, jeta une terreur panique, dans le coeur de ceux, qui venaient pour les détruire, tellement que par l'aide du ciel, cette armée fut non seulement repoussée et dispersée, mais presque toute défaite.
Le débris de cette armée, qui se tenait sur la frontière, n'osa plus les attaquer dans leurs rochers, elle se contenta pendant presque une année, de faire des courses dans le plat pays, et de les tenir toujours en alarme, ce qui leur était extrêmement préjudiciable, parce qu'étant obligés d'avoir incessamment les armes à la main, pour se garder de surprise, ils ne pouvaient pas cultiver leurs terres, dont ils tiraient leur subsistance et celle de leurs familles.

Philippe VII Duc de Savoie et Prince de Piémont, considérant que cette guerre était peu honorable pour lui, vu le mauvais succès qui s'en était ensuivi, et qu'elle était très préjudiciable à ses Sujets, et surtout aux Catholiques Romains, dont un grand nombre avaient péri en cette guerre, et les autres avaient été extrêmement foulés par les troupes, qu'ils avaient entretenu et fait subsister, se résolut d'y mettre fin. Pour cet effet il ordonna, que douze d'entr'eux, eussent à venir à Pignerol, où il faisait alors sa demeure, ce qu'ayant fait, il les reçus bénignement, et leur fit dépêcher une Amnistie générale, de tout ce qui s'était passé pendant cette guerre, et leur avoua qu'il reconnaissait, qu'il avait été mal informé, tant de ce qui regardait leurs personnes, que leur Religion, et déclara hautement, qu'il n'avait point de si bons, si fidèles et si obéissants Sujets, que les Vaudois. Il leur confirma leurs privilèges et immunités, et leur promit qu'il ferait en sorte qu'à l'avenir, on les laisserait en paix.
Les Inquisiteurs établis par le Pape, n'ayant pas réussi contre les Vaudois par une guerre ouverte, prirent d'autres voies pour les inquiéter et les détruire.
S'ils sortaient de leur pays, ils les faisaient saisir et mettre en prison, et se faisaient aider par le bras séculier. Quand ils les tenaient, ils les faisaient périr dans la prison, ou les faisaient condamner à la mort.

Les Inquisiteurs portèrent encore par leurs menées, Marguerite de Foix, Dame du Marquisat de Saluces, à persécuter les Vaudois qui étaient dans ce Marquisat. La persécution fût si grande et si cruelle, que ces pauvres gens furent contraints, d'abandonner leurs maisons et leurs biens, et de se sauver dans la Vallée de Lucerne, sans emporter autre butin que leurs âmes. Ils demeurèrent cinq ans entiers dans ce piteux état, pendant lesquels ils ne cessèrent de supplier son Altesse le Duc de Savoie, qu'il lui plût de faire en sorte, qu'ils pussent retourner en paix dans leur Patrie, et que les Usurpateurs de leurs biens, fussent obligés à les leur rendre. Mais voyant que toutes leurs prières et soumissions ne leur servaient de rien, à cause des oppositions du Pape, du Clergé, et surtout des Inquisiteurs, ils résolurent entr'eux de prendre les armes, et de tenter de rentrer dans leurs biens, et ce qui leur donnait cette hardiesse, c'est qu'ils en avaient été chassés par force, sans aucun ordre de leur Souverain. Cette entreprise fût accompagnée d'un heureux succès, ils se jetèrent à l'improviste sur les Usurpateurs de leurs biens, les chassèrent tous, et leur donnèrent une telle frayeur, qu'ils n'osèrent plus chercher les moyens de s'y rétablir, et ces pauvres Vaudois après cet heureux exploit, jouirent plus de cent ans de leurs biens, et de là liberté de leur Religion dans ce Marquisat.

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