Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

VI - Exemple d'une vie livrée

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Pensées suggérées par la mort de P. Cameron Scott, fondateur de la Mission de l'Afrique intérieure.

« Bien-aimés, nous sommes dès maintenant enfants de Dieu. « Ressuscités d'entre les morts, assis dans les lieux célestes, destinés à régner avec Jésus-Christ, nous avons dès ici-bas une vie de privilèges infinis. C'est une vie de service loin du monde ; de paix et de puissance ; de communion consciente avec Dieu ; d'approbation de sa part ; de joie débordante et de travail fertile ; de triomphe sur l'habitude du péché ; une vie riche, bénie, précieuse et puissante en Jésus-Christ ; une vie qui descend, par l'action de l'Esprit, du Dieu de toute grâce, de toute gloire et de toute puissance ; - la vie livrée à Dieu. Et c'est à cette vie que l'appel de Dieu nous invite tous ; aucun n'en est exclu ; tous sont appelés à servir ; tous ont été créés en Jésus-Christ pour les bonnes oeuvres, « que Dieu a préparées afin qu'ils y marchent » ; il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent, ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour lui » ; c'est à tous qu'il dit : « Je vous exhorte, frères, à offrir vos corps en sacrifice vivant. »

Pendant plusieurs années, Cameron Scott se laissa ballotter sur les flots d'une vie de christianisme frivole, sans penser, semblait-il, au droit que Dieu avait sur lui. Il avait bien entendu prêcher Christ mis en croix pour les pécheurs, mais jamais des lèvres passionnées n'avaient répandu dans son coeur, en de brûlantes exhortations, le message souverain de Christ à ses enfants, - message qu'enfante le travail de son âme, - « mon enfant, j'ai besoin de ta vie. » Et il en est ainsi de myriades de vies. L'Eglise de Jésus-Christ est tombée dans une erreur fatale en regardant comme suffisantes la qualité de membre d'une église, la fréquentation du culte, la participation aux moyens de grâce ou aux oeuvres qu'elle poursuit, au lieu de réclamer pour Dieu la consécration absolue de la vie et de la volonté.

Lecteur, serais-tu peut-être aussi depuis des années un enfant de Dieu sans que ce message soit jamais parvenu à ton coeur et à ta conscience avec la conviction, la puissance et l'autorité dont il doit être accompagné ? Ou bien hésiterais-tu parce qu'il signifie sacrifice, crucifiement, et dirais-tu : « Je ne suis pas prêt à cela ? » Examine, je te prie, ton raisonnement ; n'est-ce pas dire : « J'accepte la croix pour la rémission de mes péchés ; mais je n'en veux point pour y être crucifié moi-même. Une croix pour Christ, mais point pour moi ! Mes péchés jetés sur le corps de Christ - volontiers ; mais ma vie mise aux pieds de Jésus - jamais ! Pour lui une croix sanglante ; pour moi une croix couverte de fleurs. La cime dorée d'un clocher d'église ou le bibelot suspendu à mon cou me suffisent ! » C'est ainsi que trop souvent nous acceptons la croix pour notre salut en dédaignant celle de notre consécration. Paul voyait deux croix : ou plutôt la même croix sous un double aspect. La première, une croix sur laquelle Christ était cloué pour lui (Col. I, 20) ; la seconde, sur laquelle il était lui-même avec Christ (Gal. II, 20). Le pécheur doit forcément accepter la première, le croyant n'a pas le droit de refuser la seconde. S'il la refuse, ce sera pour lui une perte incalculable, car c'est ainsi seulement qu'il pourra recevoir la plénitude de la paix et de la puissance dont nos âmes ont soif. Elles sont nombreuses les inventions modernes que l'on substitue au vieux chemin de la consécration, mais elles aboutissent toutes à la fange d'un égoïsme stérile, au lieu de nous conduire à la puissance auprès de Dieu et auprès des hommes. En vérité, à moins que l'Eglise de Christ ne prêche au croyant la croix de la séparation et de la consécration aussi fidèlement qu'elle prêche au pécheur la croix du salut, elle perdra dans sa vie facile, nonchalante et mondaine, la chaleur de son sang, la flamme de son coeur et la puissance de sa foi.

Il vient un moment pour chaque croyant où le Saint-Esprit travaille puissamment son coeur pour le presser de livrer sa vie. Cela encore ressort clairement de l'expérience de Cameron Scott. Dieu se servit à son égard de déceptions, de maladies, d'afflictions temporelles, pour le convaincre de la vanité du monde et produire en lui le désir d'une connaissance plus approfondie de Christ, qu'il ne servait que de nom. L'Esprit revient à la charge à mainte reprise et le troubla par cette parole : « Vous n'appartenez pas à vous-mêmes, vous avez été rachetés à grand prix », jusqu'à ce qu'enfin il livra sa vie à celui qui l'avait racheté par son propre sang. Ici encore, sa vie est-elle autre chose que l'image de toutes celles qui ont été rachetées par Dieu ?
Le Saint-Esprit n'a-t-il pas opéré tendrement et patiemment dans vos vies depuis bien des années ? Bien-aimés, n'avez-vous pas été inquiets, dégoûtés du monde, mécontents de votre vie spirituelle, avides d'une vie plus riche qui constituait votre héritage légitime ? N'avez-vous pas eu des visions de sommets que vos pieds n'avaient jamais foulés ; de chants d'allégresse que vos lèvres n'avaient jamais chantés ; d'une communion intime et précieuse avec Jésus qui n'avait jamais été réalisée ; d'abondance, de fertilité, de service joyeux inconnus jusqu'à ce jour ? Est-ce que vous ne caressez pas au fond de votre coeur un idéal que rien n'a pu détruire, malgré les injures qu'a subies votre bourgeoisie céleste dans le milieu tiède et mondain qui vous entoure ? Qu'est-ce que cela signifie ?
Simplement ceci : que le Saint-Esprit, chargé de prendre ce qui est à Christ pour nous l'annoncer, a entretenu devant vos yeux une vision de Christ, non seulement comme Sauveur, mais comme Homme-Dieu, renonçant au monde et à lui-même, comme Fils de Dieu consacré, et vous a invité à le suivre dans cette voie. C'est là qu'est le secret du malaise mystérieux de votre âme. C'est le Saint-Esprit. Il vous presse de faire ce pas décisif de votre vie chrétienne qui y multipliera la bénédiction : votre entière consécration. Résistez-vous encore ? Pendant que Cameron Scott était travaillé jour et nuit par ces mots : vous n'appartenez pas à vous-mêmes, il fut si angoissé dans son âme, qu'il chercha à les effacer de sa Bible ! Bien-aimés, résistez-vous au Saint-Esprit ? Avez-vous repoussé cette vérité de vos vies ? ce qui serait bien pire que de l'effacer de vos Bibles. N'est-il pas vrai que, lorsque nous laissions notre vie chrétienne descendre graduellement à quelque chose de plus mondain, une voix intérieure ne cessait de protester au-dedans de nous et cherchait à nous persuader de rencontrer la vérité ? Prenons garde ! « Le coeur est trompeur et désespérément malin ». En résistant ainsi, il pourra arriver que nous soyons pendant des années au seuil d'une bénédiction que nous n'atteindrons jamais ; nous pourrons entrevoir un pays de la promesse que nous ne pourrons jamais fouler.

Quand nous avons cédé au Saint-Esprit, la consécration de notre vie à Dieu est suivie de bénédictions indicibles.

Il en fut ainsi pour Cameron Scott. Il fut transformé. Ses lèvres furent ointes de puissance divine ; son coeur fut touché de compassion pour les âmes perdues ; de la médiocrité de ses pensées, sa vie fut élevée à la hauteur des plans de Christ ; sa spiritualité grandit par bonds puissants ; la parole de Dieu et la prière secrète devinrent pour lui des sources de joie débordante, toute sa personne rayonnait d'une ardente piété, jusqu'à ce qu'enfin cette vie intense se consumât pour son Seigneur et son Roi.

Et cela chez un homme qui avait cherché à effacer de sa Bible un texte de consécration ! Enfant de Dieu, vois donc la transformation que la grâce de Dieu peut accomplir dans une vie livrée et sache avec une entière certitude qu'il est prêt à la produire en toi, si tu te livres à lui. La puissance que tu désires ; la séparation d'avec le monde ; la vie en Christ ; une communion intime et consciente avec lui ; le zèle pour le sacrifice ; un service heureux à la place que Dieu t'a préparée, la joie, la paix, une bénédiction dépassant toutes tes espérances, tout cela te sera donné quand tu auras livré ta vie.

Si l'ami disparu pouvait aujourd'hui s'adresser à nous de son séjour de gloire, il nous dirait, le coeur battant à l'unisson de celui du Seigneur ; comprenant que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes d'être comparées avec la gloire de la vision du Fils de Dieu ; considérant les choses d'ici-bas à la lumière de l'Éternité : « J'ai été en la présence de l'Homme qui mourut pour nous ; j'ai vu sa gloire ; mes regards se sont portés sur son côté percé, son front déchiré ; je sais maintenant ce que cela signifie d'aimer jusqu'à la mort. Quand je le servirais pendant une série d'éternités, je ne pourrais jamais lui rendre ce que j'ai reçu de lui ; quand j'aurais mille vies, je les déposerais toutes à ses pieds. Après avoir vu ce qu'il a fait pour moi, ce serait pour moi un supplice inexprimable que de revenir dans ce monde sans m'offrir en sacrifice vivant. Je vous conjure, enfants de Dieu, qui vivez encore sur terre, par les richesses incommensurables de son amour, que vous ne gardiez pas pour vous-mêmes une once de vos trésors, une parcelle de vos talents, un atome de vos forces, une seconde de votre temps, un soupir de votre amour. Ceux qui sont ici et n'en ont donné qu'une partie, voudraient bien avoir tout donné, et ceux qui ont tout donné voudraient bien avoir eu davantage à donner. Ne pensez pas que vous puissiez jamais lui consacrer trop. Quand chaque goutte de notre sang serait répandu, quand toutes nos forces seraient consumées pour lui, chaque souffle dépensé en prière, en louange et en témoignage ; chaque moment fugitif mis à son service ; tout cela vous paraîtra une mesure bien faible de votre amour pour lui quand vous le verrez tel qu'il est. C'est pourquoi je vous exhorte, frères, par les compassions de Dieu, que vous offriez vos corps en sacrifice vivant, saint et agréable, ce qui est votre service raisonnable. »

Et enfin la vie livrée est, dans le sens le plus vrai du mot, une vie sauvée.

Quand le monde voit disparaître à la fleur de l'âge une vie offrant tant de capacités rares, de piété véritable et de vertus aimables, il s'écrie : « Quelle perte ! » Mais en cela le monde ne fait que manifester sa propre ignorance de cette maxime du royaume de Dieu, qu'on ne cueille du fruit que sur la plante du sacrifice ; que le royaume de Dieu ne s'étend pas par les vies sauvées, mais par les vies qui sont perdues aux yeux du monde. La vérité de Dieu est celle-ci : « Quiconque veut sauver sa vie la perdra ; mais quiconque perd sa vie pour l'amour de moi la trouvera. » Voici venir un laboureur avec deux mesures de grain doré. Et quelqu'un de lui dire : « Ne le jette pas ; garde-le ; prends-en soin ; ménage-le pour le temps de la famine, où chaque grain sera précieux. » Il l'écoute et il amasse son grain dans son grenier. Mais voici quelqu'un d'autre qui lui dit : « Prends une mesure de ce blé et jette-le à profusion dans la terre humide. Sois prodigue, ne l'épargne pas, lance-le de tous côtés et laisse-le mourir. » Ce conseil est aussi suivi et les gens soigneux et avares, qui regardent avec approbation l'accumulation du grain lourd, se tournent ahuris vers le grain épars, enfoui dans le sol, et s'écrient : « Quelle perte ! » Mais les mois se suivent ; voici la moisson ; une fois encore, comme toujours, la folie de Dieu se montre plus sage que les hommes. Au grenier, nous retrouvons le grain qui a été conservé, mais il n'a pas augmenté d'une once, au contraire, il a séché, il s'est moisi. Mais regardez le champ transformé où le blé perdu, vilipendé, a trouvé son tombeau. En rangs serrés, une multitude innombrable d'épis se courbent et se balancent sous la charge du grain doré et attendent joyeusement que la faux du moissonneur les recueille pour en nourrir un monde affamé. Et si votre oreille attentive pouvait saisir le mystère de ce miracle d'abondance, chaque épi vous confierait doucement : « A mes pieds, il y a une tombe minuscule, dans cette tombe un grain de blé a sacrifié sa vie ; et c'est de cette tombe qu'est sortie mon abondance. Ne sais-tu pas que le grain de blé reste seul, après être tombé en terre, s'il ne meurt pas ? Mais s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. C'est la loi du champ de blé.

Enfant de Dieu, le Maître n'a-t-il pas proclamé cette loi comme celle de son royaume ? Les moissons éternelles de notre Dieu ne sortent jamais que de la consécration et de la mort à nous-mêmes. C'est le travail pénible, ce sont les difficultés et le sacrifice, les larmes, les souffrances et les cris de détresse d'une vie livrée qui les produisent. Et c'est cette vie-là qui est une vie sauvée. Au contraire, si votre vie est égoïste, absorbée par la recherche des trésors d'ici-bas, des ambitions terrestres et des plaisirs de ce monde, si elle ne se passe qu'à manger, qu'à boire et qu'à prendre ses aises, quand bien même votre âme serait sauvée, votre vie n'est-elle pas perdue pour Dieu ? Il ne peut pas la purifier ; il ne peut pas l'inspirer et la rendre puissante ; il ne peut pas la guider de ses conseils ; il ne peut la charger de sa bénédiction pour le travail qui lui est préparé en Christ ; il ne peut pas la répandre dans le champ du monde pour qu'elle y porte du fruit pour le temps et l'éternité ; si cette vie ne lui est pas livrée, comment le pourrait-il ? N'est-elle pas perdue pour lui dans ce monde ? Pour autant que cela dépend d'elle, l'accomplissement des desseins de Dieu à l'égard de ta génération n'est-il pas arrêté et compromis ? Est-ce qu'une vie semblable te contente ? Contente-t-elle Jésus ? J'admets que tu es sauvé, mais te contenteras-tu d'être tout juste sauvé « comme à travers le feu » ? N'as-tu aucun désir de porter du fruit pour lui ? de déposer quelques trophées à ses pieds ? Si la consécration de ta vie - pauvre compensation de son amour ineffable - est néanmoins pour lui un sacrifice d'agréable odeur, n'écouteras-tu pas les supplications qu'il t'adresse ?

« Frères, le temps est court ; que ceux donc qui ont des femmes soient comme s'ils n'en avaient pas ; ceux qui pleurent comme s'ils ne pleuraient pas ; ceux qui sont dans la joie comme s'ils n'y étaient pas ; ceux qui achètent comme s'ils ne possédaient rien ; et ceux qui usent de ce monde comme n'en usant pas ; car la figure de ce monde passe. » Le Seigneur est près. Le voile léger qui sépare le temps de l'éternité, tremble au souffle de celui qui vient. S'il survenait ce soir pour vous enlever dans la gloire, serviteurs non consacrés et mondains dont les mains sont souillées à force de remuer les vanités de ce monde, dont les lèvres sont encore entr'ouvertes du dernier refus opposé à ses supplications, ne seriez-vous pas « honteux devant lui à sa venue » ? Êtes-vous encore hésitants ? faites-vous encore des compromis ? votre chair a-t-elle encore des tendresses pour ce monde ? Le faux éclat des bibelots terrestres n'a-t-il pas encore pâli devant la vision du Crucifié ? Votre coeur ne s'est-il pas encore écrié : « Oh ! Galiléen, tu m'as vaincu ! » Pouvez-vous à la fois convoiter des prix terrestres et gagner le céleste ? Pouvez-vous marcher selon la chair et marcher en même temps avec lui ? Vous est-il permis de poursuivre les mêmes plaisirs, de soupirer après les mêmes richesses et de servir le même maître que les mondains avoués ? Bien-aimé, oh ! cède, livre-toi entre ses mains. Sinon, cette vie humaine qu'il t'a confiée et que tu ne peux vivre qu'une fois, passera rapidement comme la flèche ailée et tombera brisée et sans résultat aux pieds de celui qui désirait en faire une arme de choix, si seulement tu avais voulu te livrer à lui.

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