Pensées suggérées par la
mort de P. Cameron Scott, fondateur de la Mission
de l'Afrique intérieure.
« Bien-aimés, nous sommes dès maintenant enfants de
Dieu.
« Ressuscités d'entre les morts,
assis dans les lieux célestes,
destinés à régner avec
Jésus-Christ, nous avons dès ici-bas
une vie de privilèges infinis. C'est une vie
de service loin du monde ; de paix et de
puissance ; de communion consciente avec
Dieu ; d'approbation de sa part ; de joie
débordante et de travail fertile ; de
triomphe sur l'habitude du
péché ; une vie riche,
bénie, précieuse et puissante en
Jésus-Christ ; une vie qui descend, par
l'action de l'Esprit, du Dieu de toute grâce,
de toute gloire et de toute puissance ; - la
vie livrée à Dieu. Et c'est à
cette vie que l'appel de Dieu nous invite
tous ; aucun n'en est exclu ; tous sont
appelés à servir ; tous ont
été créés en
Jésus-Christ pour les bonnes oeuvres,
« que Dieu a préparées afin
qu'ils y marchent » ; il est mort
pour tous, afin que ceux qui vivent, ne vivent plus
pour eux-mêmes, mais pour
lui » ; c'est à tous qu'il
dit : « Je vous exhorte,
frères, à offrir vos corps en
sacrifice vivant. »
Pendant plusieurs années, Cameron
Scott se laissa ballotter sur les flots d'une vie
de christianisme frivole, sans penser, semblait-il,
au droit que Dieu avait sur lui. Il avait bien
entendu prêcher Christ mis en croix pour les
pécheurs, mais jamais des lèvres
passionnées n'avaient répandu dans
son coeur, en de brûlantes exhortations, le
message souverain de Christ à ses enfants, -
message qu'enfante le travail de son âme, -
« mon enfant, j'ai besoin de ta
vie. » Et il en est ainsi de myriades de
vies. L'Eglise de Jésus-Christ est
tombée dans une erreur fatale en regardant
comme suffisantes la qualité de membre d'une
église, la fréquentation du culte, la
participation aux moyens de grâce ou aux
oeuvres qu'elle poursuit, au lieu de
réclamer pour Dieu la consécration
absolue de la vie et de la volonté.
Lecteur, serais-tu peut-être aussi
depuis des années un enfant de Dieu sans que
ce message soit jamais parvenu à ton coeur
et à ta conscience avec la conviction, la
puissance et l'autorité dont il doit
être accompagné ? Ou bien
hésiterais-tu parce qu'il signifie
sacrifice, crucifiement, et dirais-tu :
« Je ne suis pas prêt à
cela ? » Examine, je te prie, ton
raisonnement ; n'est-ce pas dire :
« J'accepte la croix pour la
rémission de mes péchés ;
mais je n'en veux point pour y être
crucifié moi-même. Une croix pour
Christ, mais point pour moi ! Mes
péchés jetés sur le corps de
Christ - volontiers ; mais ma vie mise aux
pieds de Jésus - jamais ! Pour lui une
croix sanglante ; pour moi une croix couverte
de fleurs. La cime dorée d'un clocher
d'église ou le bibelot suspendu à mon
cou me suffisent ! » C'est ainsi que
trop souvent nous acceptons la croix pour notre
salut en dédaignant celle de notre
consécration. Paul voyait deux croix :
ou plutôt la même croix sous un double
aspect. La première, une croix sur laquelle
Christ était cloué pour lui
(Col.
I, 20) ; la seconde, sur
laquelle il était lui-même avec Christ
(Gal.
II, 20). Le pécheur doit
forcément accepter la première, le
croyant n'a pas le droit de refuser la seconde.
S'il la refuse, ce sera pour lui une perte
incalculable, car c'est ainsi seulement qu'il
pourra recevoir la plénitude de la paix et
de la puissance dont nos âmes ont soif. Elles
sont nombreuses les inventions modernes que l'on
substitue au vieux chemin de la
consécration, mais elles aboutissent toutes
à la fange d'un égoïsme
stérile, au lieu de nous conduire à
la puissance auprès de Dieu et auprès
des hommes. En vérité, à moins
que l'Eglise de Christ ne prêche au croyant
la croix de la séparation et de la
consécration aussi fidèlement qu'elle
prêche au pécheur la croix du salut,
elle perdra dans sa vie facile, nonchalante et
mondaine, la chaleur de son sang, la flamme de son
coeur et la puissance de sa foi.
Il vient un moment pour chaque croyant
où le Saint-Esprit travaille puissamment son
coeur pour le presser de livrer sa vie. Cela
encore ressort clairement de l'expérience de
Cameron Scott. Dieu se servit à son
égard de déceptions, de maladies,
d'afflictions temporelles, pour le convaincre de la
vanité du monde et produire en lui le
désir d'une connaissance plus approfondie de
Christ, qu'il ne servait que de nom. L'Esprit
revient à la charge à mainte reprise
et le troubla par cette parole :
« Vous n'appartenez pas à vous-mêmes, vous avez
été rachetés
à grand prix »,
jusqu'à ce qu'enfin il livra sa vie à
celui qui l'avait racheté par son propre
sang. Ici encore, sa vie est-elle autre chose que
l'image de toutes celles qui ont été
rachetées par Dieu ?
Le Saint-Esprit n'a-t-il pas
opéré tendrement et patiemment dans
vos vies depuis bien des années ?
Bien-aimés, n'avez-vous pas
été inquiets,
dégoûtés du monde,
mécontents de votre vie spirituelle, avides
d'une vie plus riche qui constituait votre
héritage légitime ? N'avez-vous
pas eu des visions de sommets que vos pieds
n'avaient jamais foulés ; de chants
d'allégresse que vos lèvres n'avaient
jamais chantés ; d'une communion intime
et précieuse avec Jésus qui n'avait
jamais été
réalisée ; d'abondance, de
fertilité, de service joyeux inconnus
jusqu'à ce jour ? Est-ce que vous ne
caressez pas au fond de votre coeur un idéal
que rien n'a pu détruire, malgré les
injures qu'a subies votre bourgeoisie
céleste dans le milieu tiède et
mondain qui vous entoure ? Qu'est-ce que cela
signifie ?
Simplement ceci : que le Saint-Esprit,
chargé de prendre ce qui est à Christ
pour nous l'annoncer, a entretenu devant vos yeux
une vision de Christ, non seulement comme Sauveur,
mais comme Homme-Dieu, renonçant au monde et
à lui-même, comme Fils de Dieu
consacré, et vous a invité à
le suivre dans cette voie. C'est là qu'est
le secret du malaise mystérieux de votre
âme. C'est le Saint-Esprit. Il vous presse de
faire ce pas décisif de votre vie
chrétienne qui y multipliera la
bénédiction : votre
entière consécration.
Résistez-vous encore ? Pendant que
Cameron Scott était travaillé jour et
nuit par ces mots : vous n'appartenez pas
à vous-mêmes, il fut si
angoissé dans son âme, qu'il chercha
à les effacer de sa Bible !
Bien-aimés, résistez-vous au
Saint-Esprit ? Avez-vous repoussé cette
vérité de vos vies ? ce qui
serait bien pire que de l'effacer de vos Bibles.
N'est-il pas vrai que, lorsque nous laissions notre
vie chrétienne descendre graduellement
à quelque chose de plus mondain, une voix
intérieure ne cessait de protester au-dedans
de nous et cherchait à nous persuader de
rencontrer la vérité ? Prenons
garde ! « Le coeur est trompeur et
désespérément
malin ». En résistant ainsi, il
pourra arriver que nous soyons pendant des
années au seuil d'une
bénédiction que nous n'atteindrons
jamais ; nous pourrons entrevoir un pays de la
promesse que nous ne pourrons jamais fouler.
Quand nous avons cédé au
Saint-Esprit, la consécration de notre vie
à Dieu est suivie de
bénédictions indicibles.
Il en fut ainsi pour Cameron Scott. Il fut
transformé. Ses lèvres furent ointes
de puissance divine ; son coeur fut
touché de compassion pour les âmes
perdues ; de la médiocrité de
ses pensées, sa vie fut élevée
à la hauteur des plans de Christ ; sa
spiritualité grandit par bonds
puissants ; la parole de Dieu et la
prière secrète devinrent pour lui des
sources de joie débordante, toute sa
personne rayonnait d'une ardente
piété, jusqu'à ce qu'enfin
cette vie intense se consumât pour son
Seigneur et son Roi.
Et cela chez un homme qui avait
cherché à effacer de sa Bible un
texte de consécration ! Enfant de Dieu,
vois donc la transformation que la grâce de
Dieu peut accomplir dans une vie livrée et
sache avec une entière certitude qu'il est
prêt à la produire en toi, si tu te
livres à lui. La puissance que tu
désires ; la séparation d'avec
le monde ; la vie en Christ ; une
communion intime et consciente avec lui ; le
zèle pour le sacrifice ; un service
heureux à la place que Dieu t'a
préparée, la joie, la paix, une
bénédiction dépassant toutes
tes espérances, tout cela te sera
donné quand tu auras livré ta
vie.
Si l'ami disparu pouvait aujourd'hui
s'adresser à nous de son séjour de
gloire, il nous dirait, le coeur battant à
l'unisson de celui du Seigneur ; comprenant
que les souffrances du temps présent ne sont
pas dignes d'être comparées avec la
gloire de la vision du Fils de Dieu ;
considérant les choses d'ici-bas à la
lumière de l'Éternité :
« J'ai été en la
présence de l'Homme qui mourut pour
nous ; j'ai vu sa gloire ; mes regards se
sont portés sur son côté
percé, son front
déchiré ; je sais maintenant ce
que cela signifie d'aimer jusqu'à la mort.
Quand je le servirais pendant une série
d'éternités, je ne pourrais jamais
lui rendre ce que j'ai reçu de lui ;
quand j'aurais mille vies, je les déposerais
toutes à ses pieds. Après avoir vu ce
qu'il a fait pour moi, ce serait pour moi un
supplice inexprimable que de revenir dans ce monde
sans m'offrir en sacrifice vivant. Je vous conjure,
enfants de Dieu, qui vivez encore sur terre, par
les richesses incommensurables de son amour, que
vous ne gardiez pas pour vous-mêmes une once
de vos trésors, une parcelle de vos talents,
un atome de vos forces, une seconde de votre temps,
un soupir de votre amour. Ceux qui sont ici et n'en
ont donné qu'une partie, voudraient bien
avoir tout donné, et ceux qui ont tout
donné voudraient bien avoir eu davantage
à donner. Ne pensez pas que vous puissiez
jamais lui consacrer trop. Quand chaque goutte de
notre sang serait répandu, quand toutes nos
forces seraient consumées pour lui, chaque
souffle dépensé en prière, en
louange et en témoignage ; chaque
moment fugitif mis à son service ; tout
cela vous paraîtra une mesure bien faible de
votre amour pour lui quand vous le verrez tel qu'il
est. C'est pourquoi je vous exhorte, frères,
par les compassions de Dieu, que vous offriez vos
corps en sacrifice vivant, saint et
agréable, ce qui est votre service
raisonnable. »
Et enfin la vie livrée est, dans
le sens le plus vrai du mot, une vie sauvée.
Quand le monde voit disparaître
à la fleur de l'âge une vie offrant
tant de capacités rares, de
piété véritable et de vertus
aimables, il s'écrie :
« Quelle perte ! » Mais en
cela le monde ne fait que manifester sa propre
ignorance de cette maxime du royaume de Dieu, qu'on
ne cueille du fruit que sur la plante du
sacrifice ; que le royaume de Dieu ne
s'étend pas par les vies sauvées,
mais par les vies qui sont perdues aux yeux du
monde. La vérité de Dieu est
celle-ci : « Quiconque veut sauver
sa vie la perdra ; mais quiconque perd sa vie
pour l'amour de moi la trouvera. » Voici
venir un laboureur avec deux mesures de grain
doré. Et quelqu'un de lui dire :
« Ne le jette pas ; garde-le ;
prends-en soin ; ménage-le pour le
temps de la famine, où chaque grain sera
précieux. » Il l'écoute et
il amasse son grain dans son grenier. Mais voici
quelqu'un d'autre qui lui dit :
« Prends une mesure de ce blé et
jette-le à profusion dans la terre humide.
Sois prodigue, ne l'épargne pas, lance-le de
tous côtés et laisse-le
mourir. » Ce conseil est aussi suivi et
les gens soigneux et avares, qui regardent avec
approbation l'accumulation du grain lourd, se
tournent ahuris vers le grain épars, enfoui
dans le sol, et s'écrient :
« Quelle perte ! » Mais
les mois se suivent ; voici la moisson ;
une fois encore, comme toujours, la folie de Dieu
se montre plus sage que les hommes. Au grenier,
nous retrouvons le grain qui a été
conservé, mais il n'a pas augmenté
d'une once, au contraire, il a séché,
il s'est moisi. Mais regardez le champ
transformé où le blé perdu,
vilipendé, a trouvé son tombeau. En
rangs serrés, une multitude innombrable
d'épis se courbent et se balancent sous la
charge du grain doré et attendent
joyeusement que la faux du moissonneur les
recueille pour en nourrir un monde affamé.
Et si votre oreille attentive pouvait saisir le
mystère de ce miracle d'abondance, chaque
épi vous confierait doucement :
« A mes pieds, il y a une tombe
minuscule, dans cette tombe un grain de blé
a sacrifié sa vie ; et c'est de cette
tombe qu'est sortie mon abondance. Ne sais-tu pas
que le grain de blé reste seul, après
être tombé en terre, s'il ne meurt
pas ? Mais s'il meurt, il porte beaucoup de
fruit. C'est la loi du champ de blé.
Enfant de Dieu, le Maître n'a-t-il pas
proclamé cette loi comme celle de son
royaume ? Les moissons éternelles de
notre Dieu ne sortent jamais que de la
consécration et de la mort à
nous-mêmes. C'est le travail pénible,
ce sont les difficultés et le sacrifice, les
larmes, les souffrances et les cris de
détresse d'une vie livrée qui les
produisent. Et c'est cette vie-là qui est
une vie sauvée. Au contraire, si votre vie
est égoïste, absorbée par la
recherche des trésors d'ici-bas, des
ambitions terrestres et des plaisirs de ce monde,
si elle ne se passe qu'à manger, qu'à
boire et qu'à prendre ses aises, quand bien
même votre âme serait sauvée,
votre vie n'est-elle pas perdue pour
Dieu ? Il ne peut pas la purifier ;
il ne peut pas l'inspirer et la rendre
puissante ; il ne peut pas la guider de ses
conseils ; il ne peut la charger de sa
bénédiction pour le travail qui lui
est préparé en Christ ; il ne
peut pas la répandre dans le champ du monde
pour qu'elle y porte du fruit pour le temps et
l'éternité ; si cette vie ne lui
est pas livrée, comment le
pourrait-il ? N'est-elle pas perdue pour
lui dans ce monde ? Pour autant que cela
dépend d'elle, l'accomplissement des
desseins de Dieu à l'égard de ta
génération n'est-il pas
arrêté et compromis ? Est-ce
qu'une vie semblable te contente ?
Contente-t-elle Jésus ? J'admets que tu
es sauvé, mais te contenteras-tu
d'être tout juste sauvé
« comme à travers le
feu » ? N'as-tu aucun désir
de porter du fruit pour lui ? de
déposer quelques trophées à
ses pieds ? Si la consécration de ta
vie - pauvre compensation de son amour ineffable -
est néanmoins pour lui un sacrifice
d'agréable odeur, n'écouteras-tu pas
les supplications qu'il t'adresse ?
« Frères, le temps est
court ; que ceux donc qui ont des femmes
soient comme s'ils n'en avaient pas ; ceux qui
pleurent comme s'ils ne pleuraient pas ; ceux
qui sont dans la joie comme s'ils n'y
étaient pas ; ceux qui achètent
comme s'ils ne possédaient rien ; et
ceux qui usent de ce monde comme n'en usant
pas ; car la figure de ce monde
passe. » Le Seigneur est près.
Le voile léger qui sépare le temps de
l'éternité, tremble au souffle de
celui qui vient. S'il survenait ce soir pour vous
enlever dans la gloire, serviteurs non
consacrés et mondains dont les mains sont
souillées à force de remuer les
vanités de ce monde, dont les lèvres
sont encore entr'ouvertes du dernier refus
opposé à ses supplications, ne
seriez-vous pas « honteux devant lui
à sa venue » ?
Êtes-vous encore hésitants ?
faites-vous encore des compromis ? votre chair
a-t-elle encore des tendresses pour ce monde ?
Le faux éclat des bibelots terrestres
n'a-t-il pas encore pâli devant la vision du
Crucifié ? Votre coeur ne s'est-il pas
encore écrié :
« Oh ! Galiléen, tu m'as
vaincu ! » Pouvez-vous à la
fois convoiter des prix terrestres et gagner le
céleste ? Pouvez-vous marcher selon la
chair et marcher en même temps avec
lui ? Vous est-il permis de poursuivre les
mêmes plaisirs, de soupirer après les
mêmes richesses et de servir le même
maître que les mondains avoués ?
Bien-aimé, oh ! cède, livre-toi
entre ses mains. Sinon, cette vie humaine qu'il t'a
confiée et que tu ne peux vivre qu'une
fois, passera rapidement comme la flèche
ailée et tombera brisée et sans
résultat aux pieds de celui qui
désirait en faire une arme de choix, si
seulement tu avais voulu te livrer à lui.
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