« Je vous exhorte donc, mes
frères, par les compassions de Dieu que vous
offriez vos corps en sacrifice vivant, saint et
agréable »
(Rom.
XII, 1). « Le
Seigneur a besoin de toi »
(Luc
XIX, 34).
Pourquoi reconnaître le droit de
Christ ? Pourquoi écouter son
appel ? Pourquoi répondre à sa
demande de lui livrer nos vies ? Parce que
la consécration est la réponse
à son amour et parce qu'il a besoin de
nous.
1. C'est la réponse à son
amour
Dans la petite chapelle d'un village
d'Europe, se trouve une peinture du Christ. Son
auteur fut un enfant de Dieu racheté d'une
vie de folie et de péché par le sang
de Christ. Pendant qu'il travaillait à cette
peinture, l'âme de l'artiste fut à tel
point inondée d'amour pour son Sauveur, que
tous les traits de la figure de l'Homme-Dieu,
l'expression de son visage et l'ensemble du
tableau, exprimèrent comme nulle autre
peinture ne le fit jamais : l'amour, l'amour, l'amour
divin. Au
bas du
tableau, se lisaient ces mots :
Voilà ce que j'ai fait pour toi, Et toi, que fais-tu pour moi.
Un jour d'été, un jeune noble s'aventura dans la petite église. Son attention fut attirée par la peinture dans laquelle l'Esprit de Dieu avait, par les mains de l'artiste, mis le sceau de son amour. À mesure qu'il se pénétra de l'expression de cet amour, qu'il vit les mains percées, le front sanglant, le côté ouvert de Jésus, qu'il épela lentement les deux vers :
Voilà ce que j'ai fait pour toi, Et toi, que fais-tu pour moi
il eut une nouvelle intuition des droits de
Jésus-Christ sur toute vie qui participe
à sa grâce. Heure après heure
ses regards s'arrêtèrent sur l'Homme
de douleur. Au déclin du jour, les rayons
attardés du soleil couchant caressaient
encore le corps incliné de Zinzendorf, dont
les pleurs et les sanglots semblaient impuissants
à exprimer ce qu'il éprouvait pour
celui qui avait sauvé son âme et
gagné son coeur. Quittant la petite
chapelle, il entreprit cette oeuvre merveilleuse
des missions moraves, qui semble incarner mieux
qu'aucune autre mission l'amour de Christ pour un
monde perdu.
Croyant, est-ce que tu as eu cette vision du
Christ souffrant, de celui qui a donné sa
vie pour gagner ton coeur ? Et dès
lors, la passion pour lui a-t-elle consumé
ta vie ? Il t'a aimé jusqu'à la
mort. Cette grande nouvelle a-t-elle produit en toi
plus que la joie du salut, une consécration
pleine et entière ?
Après avoir accepté son
pardon, as-tu joyeusement reconnu son droit de
propriété sur toi ? Est-il dans
ta vie aussi bien le roi couronné que
l'agneau immolé ?
Tu as participé à de grandes
réunions de réveil, où toutes
les influences se sont unies pour persuader les
hommes d'accepter le salut. Le prédicateur a
fait entendre son message avec puissance à
la multitude assemblée. Les prières
se sont transformées en cris d'angoisse pour
le salut des pécheurs. Les chants sont
saisissants. Et alors, toi qui te courbais sous
toutes ces puissantes influences, tu t'es
étonné de voir des hommes et des
femmes qui restaient là indécis et
insensibles.
Mais toi, enfant de Dieu, es-tu plus
excusable qu'eux ? Toi, qui juges les autres,
« tu te condamnes toi-même ».
Ces hommes et ces femmes qui paraissent
insensibles ont-ils comme toi fait
l'expérience de la miséricorde
divine ? Ont-ils comme toi été
arrachés à une condamnation affreuse
par le Sauveur en croix ? Les joies et les
bénédictions du ciel se sont-elles
ouvertes devant eux comme devant toi ? Leurs
âmes, rougies par le péché,
ont-elles comme la tienne été
blanchies comme la neige ? Est-ce qu'ils ont
senti comme toi le tendre attouchement de sa
main ? Est-ce qu'ils ont entendu la douce
assurance de son pardon ? Ont-ils comme toi
goûté sa paix ineffable par la vision
de son agonie et de sa mort expiatoire ?
Bien-aimé, si le refus du pécheur de
renoncer au mal, quand il y est sollicité
par l'Esprit, constitue une responsabilité
solennelle, le refus du croyant de livrer sa vie
après avoir fait l'expérience de
toutes les miséricordes de Dieu, ne
serait-il pas encore plus triste et plus
funeste ? Si le pécheur est coupable en
résistant obstinément au Christ qui veut le sauver, ne le
sommes-nous pas
bien davantage, nous qui, sauvés par lui,
refusons de nous laisser employer pour le salut
d'autrui ?
Avec quelle insistance ne nous presse-t-il
pas de nous livrer à lui ! Avec quelle
tendresse il nous sollicite : « Je
vous exhorte, frères, par les compassions de
Dieu, que vous offriez vos corps en
sacrifice ! » Ce n'est pas l'homme,
ce n'est pas Paul, c'est Jésus
lui-même qui supplie ses frères par la
voix d'un homme de lui livrer leurs vies dont il a
besoin pour son oeuvre. Représentez-vous
qu'il entre ce soir à la réunion.
Tandis que nous sommes assis dans le désir
et dans l'attente d'une bénédiction,
la porte s'ouvre, c'est lui qui entre. Et le
voilà qui s'avance, lui dont la
présence était autrefois si
familière au peuple sur les rivages
galiléens, dans les rues de Jérusalem
et dans les fêtes nationales. Il se
lève tranquillement et se tourne vers nous.
Jésus ! C'est ce doux sourire qui
réjouissait ses auditeurs il y a deux mille
ans : c'est sa voix familière qui fait
vibrer les cordes les plus profondes de notre
âme par des paroles de vie et de paix ;
c'est ce même regard, celui de l'homme de
douleur, plein de compassion et de tendresse
infinie. Comme les coeurs battent remplis de sa
présence
Et alors c'est une prière
d'humiliation qui en sort ; nous sommes
pressés d'implorer son pardon pour notre
tiédeur dont nous rougissons ; nous le
supplions d'oublier notre indifférence et
notre égoïsme qui nous remplissent de
confusion et de remords. Nous nous demandons s'il
pourra pardonner notre négligence à
proclamer sa grâce aux païens,
négligence qui prend maintenant à nos
yeux l'aspect d'un crime épouvantable. Mais
tandis que nous sommes accablés sous le
poids de notre méchanceté, de notre
mondanité et de notre
incrédulité, et que nos lèvres
essaient péniblement de se mouvoir, tandis
que nos genoux fléchissent... ô
miracle ! Nos yeux nous trompent-ils ?
Lui, le Roi, le Seigneur, le Créateur, c'est lui qui nous
supplie, nous ses sujets, ses
serviteurs, ses créatures !
Étendant ses mains percées, touchant
son front meurtri, montrant la plaie à son
côté, c'est lui qui nous dit :
« Enfants de Dieu, je vous supplie !
Au nom des hommes qui meurent, au nom du temps qui
s'écoule, au nom de la folie de ce monde, au
nom des besoins intimes de votre coeur, par mon
sang versé pour vous, par la mort que j'ai
subie pour vous, par ma résurrection qui est
votre vie, par la gloire qui vous est
préparée, je vous supplie d'offrir
vos corps en sacrifice vivant, saint et
agréable à Dieu. »
Malheur à ceux qui ne veulent pas
l'accepter comme Sauveur. Mais deux fois malheur
à ceux qui, lavés dans le sang de la
rédemption, couverts de la colère de
Dieu par son corps meurtri, vivifiés par la
vertu de sa résurrection, refusent de se
livrer à leur Seigneur. Comment, à la
vision de son amour, nos yeux peuvent-ils
être assez aveuglés, nos oreilles
assez sourdes, nos coeurs assez fermés, pour
ne pas répondre par le sacrifice vivant de
tout notre être. Quel ne sera pas notre
étonnement à la vue de nos vies
perdues, parce que gardées
égoïstement, quand au grand jour des
rétributions, nous nous tiendrons devant
celui qui vida pour nous jusqu'au fond la coupe de
la souffrance. La gloire même qui nous
enveloppera ne sera-t-elle pas, en même temps
qu'une attestation de sa grâce, un reproche
terrible de ne pas avoir répondu à
cette grâce par une pleine
consécration ? Ressuscités avec
lui, participant à sa magnificence et
à sa royauté, nous serons aussi
appelés à juger le monde, et avec
quelle confusion ne devrons-nous pas nous juger
nous-mêmes ? Jetant un regard en
arrière sur notre vie non consacrée,
nous la verrons alors comme il la voit
lui-même et nous devrons nous associer au
jugement solennel prononcé sur toutes nos
lâchetés. Pensée
effrayante ! « Mais si nous nous jugions maintenant
nous-mêmes, nous ne
serions pas jugés. » Tranchons
donc aujourd'hui cette question, et cela à
la lumière de l'éternité,
à laquelle nous devrons la juger alors.
« Ayant que vienne la nuit, mettons notre
vie aux pieds de Celui qui nous a aimés et
nous a lavés de nos péchés
dans son sang et nous a faits rois et
sacrificateurs à Dieu son
Père. »
2. II a besoin de nous
Le Seigneur a besoin de toi qu'il a
sauvé. Le commerce, avec son cortège
de bruit, de fièvre et de fatigue, met la
main sur le chrétien et lui dit avec
autorité : « J'ai besoin de
toi. Il faut que tu peines, que tu combines,
travailles, amasses, que tu meures à mon
service. » La société aussi
affirme ses droits : « J'ai besoin
de ton esprit, de tes talents, de ta beauté
et de tout ce qui brille dans le monde
élégant ; en échange, si
tu te livres à moi, je te donnerai des
jouissances illimitées. » Notre
profession vient ensuite :
« donne-toi entièrement à
la vocation que tu as choisie, et, si tu
m'écoutes, je satisferais tes plus hautes
ambitions. » Mais voici une autre voix
qui nous arrive à travers vingt
siècles de distance. Cette voix, aussi vraie
aujourd'hui que jamais, s'adresse tendrement aux
enfants de Dieu à l'heure où ils
constatent que ni la richesse, ni le plaisir, ni
l'ambition n'ont satisfait leurs coeurs :
« Le Seigneur a besoin de
toi. » Supposez que vous soyez absent de
la maison, entraîné par les affaires,
par les plaisirs ou par votre activité
professionnelle et qu'un message pressant vous
apprenne que votre femme est à la mort et
vous réclame auprès d'elle. Aucun de
tous les intérêts qui vous
sollicitaient ne vous empêchera de
répondre à la voix impérieuse
des circonstances. Votre coeur, l'habile artiste,
aurait vite fait de vous représenter
l'affectueuse angoisse de votre bien-aimée
et le message : « Celle que tu aimes
est malade », vous aurait bien vite
amené à son chevet. Malgré
tous les intérêts divers qui
réclament votre vie, vous ne pouvez
échapper à ce grand fait que le
Seigneur que vous aimez a besoin de vous.
Que nous ayons besoin du
Seigneur,
cela ne fait pas de doute. C'est ce que nous
chantons, et c'est aussi ce dont nous faisons
l'expérience : « Chaque jour,
à chaque heure, oh ! j'ai besoin de
toi. » Nous avons besoin de lui
pour recevoir la lumière, le secours, la
paix, la puissance, la victoire. Mais que, lui, il puisse
avoir besoin de nous, quel
sujet d'étonnement ! Et pourtant, c'est
bien vrai. « Je suis le cep, vous
êtes les sarments », c'est son
message. En avons-nous compris toute la
portée ? Il est clair que les sarments
ont besoin du cep qui est la source de leur vie.
C'est de lui qu'ils tirent sans interruption le
filet imperceptible de sève vivifiante qui
nourrit et produit la feuille, la fleur et le
fruit. Sans lui, ils ne pourraient rien faire.
Séparés du cep, les sarments
sèchent et meurent. Mais n'est-il pas vrai
aussi que le cep a besoin des sarments ? Car
le cep porte ses fruits par le moyen des
sarments ; il ne peut rien faire sans eux.
Jamais on ne verra une grappe sur le tronc,
toujours sur les sarments. « Je vous ai choisis afin que
vous alliez et que vous portiez du fruit et que votre fruit
soit permanent. » Christ est le vrai cep,
le cep vivant. II est la source de tout ce qu'il
nous faut. Mais il porte son fruit par nous. Il a
besoin de nous pour porter du fruit, comme nous
avons besoin de lui pour vivre. Il ne peut se
passer de nous.
Parfois une grande treille a poussé
derrière le mur d'un château. De
dehors, aucun oeil ne perçoit le tronc
robuste, caché dans la riche terre du
jardin. Mais il se révèle et
réjouit l'oeil du passant par des centaines
de branches qui couvrent le mur d'une profusion de
feuillage, de fleurs et de fruits savoureux. Le cep
est la source de la vie des branches, les branches
sont l'expression de la vie du cep. C'est ainsi que
Christ est le cep divin. Il est caché
derrière le voile qui sépare le monde
visible de l'invisible et notre vie est
« cachée avec lui en
Dieu ». Les hommes ne le voient pas. La
tête du corps est dans le ciel, nous, les
membres, nous sommes sur la terre. Il faut donc que
le cep caché se fasse connaître par
ses branches chargées de fruit.
Jésus-Christ ne vient plus comme autrefois
dans les rues, dans les synagogues et dans les
campagnes prêcher la bonne nouvelle de
l'Évangile, il veut le faire par nous. Il ne
soulage plus les malades et les affligés de
ses propres mains, il a besoin des nôtres
pour le faire. Il n'est plus là pour avertir
les impénitents, consoler les
affligés, fortifier les
découragés par des paroles sortant de
ses lèvres, il désire le faire par
nous, ses membres et ses branches.
C'est de toi que le Seigneur a
besoin. Pour faire son entrée triomphale
à Jérusalem, Jésus eût
pu choisir un carrosse magnifique et des chevaux de
grand prix. Mais il choisit la monture la plus
humble. Ce n'est pas faute de mieux qu'il se servit
d'un ânon, il l'a choisi afin d'accomplir les
Écritures. De même, « Dieu a
choisi les choses folles.., et Dieu a choisi
les choses faibles... et Dieu a choisi les
choses viles du monde et les plus
méprisées »
(I
Cor. I, 26). Ce sont ceux qui ne
sont rien qui sont choisis de Dieu. Il ne choisit
les sages et les nobles que quand ils consentent
à n'être rien. Il peut faire plus avec
un rien qui lui est consacré qu'avec la
magnificence qui se complaît en
elle-même. Et c'est ainsi que nous pouvons
vous dire aujourd'hui : « Vous,
serviteurs qui n'avez qu'un talent, vous qui pensez
que les autres sont propres au service de Dieu,
mais pas vous-mêmes, vous qui tremblez
à chaque appel, vous, les faibles, c'est de
vous que le Seigneur a besoin. » Vous
êtes bien véritablement ceux que Dieu
a choisis, si vous consentez à vous placer
entre ses mains dans cet esprit
d'anéantissement dont nous devons être
animés pour que nulle chair ne se glorifie
devant lui. Approprions-nous cette
vérité précieuse et
plaçons-nous dans la main de celui qui peut
ébranler les montagnes avec le plus faible
instrument. Et alors, que nous soyons dans la rue,
ou en prière dans notre bureau, à nos
affaires ou penchés sur la parole de Dieu,
qu'il sera doux de nous répéter
à nous ? mêmes :
« Le Seigneur a besoin de moi ; oui, le Seigneur des
cieux et
de
la terre a besoin de moi ! »
Et ce sera avec joie que nous livrerons nos vies
à celui qui condescend à nous
associer à son travail pour le temps et
l'éternité.
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