Tout fut renouvelé dans ma vie.
Désormais, mon lot, ce furent les
persécutions, les railleries, les sarcasmes.
Mes parents, ennuyés de me voir en butte
à ces vexations, me demandaient instamment
de renoncer à ma nouvelle vie. Dans le
village, on racontait que j'avais perdu la
raison ; les autorités communales me
défendirent de parler de mes
expériences religieuses. Mais je ne pouvais
m'empêcher de rendre témoignage
à Jésus mon Sauveur. Cela irritait
les gens et on me haïssait encore bien plus
qu'autrefois.
Un dimanche de mai, attiré dans la
campagne par le beau soleil printanier,
j'étais allé me promener dans la
vallée de Suchaja Balka, où la
jeunesse du village aimait à se rendre. J'y
rencontrai nombre de mes anciens camarades et je
commençai à parler avec celui-ci et
celui-là de mon Sauveur. Mais on se moqua de
moi et on me donna des coups de bâton. Loin
de m'abattre, cela redoubla mon zèle
à rendre témoignage. Alors, en
ricanant, ils se saisirent de moi, me
lièrent les pieds avec une corde et me
traînèrent vers le bas de la colline.
J'eus bientôt les vêtements en lambeaux
et le dos en sang. Arrivés à un
escarpement, ils me précipitèrent sur
la pente où je roulai à moitié
étourdi. La douleur était si vive que
je pus à peine me relever ; je me
traînai péniblement à la
maison.
Le lendemain, je fus cité devant le
maire, qui me demanda de lui promettre de ne plus
parler de Jésus. Courageusement et plein de
joie, je lui répondis
- Je ne saurais taire le nom béni de
Jésus.
Les paysans qui étaient là
s'indignèrent de mon obstination et me
poussèrent brutalement vers la porte, si
bien que je tombai à plusieurs reprises.
Puis ils fixent comparaître mon père
et lui ordonnèrent de trouver voies et
moyens de me faire taire ; ils ne
toléreraient pas qu'un jeune garçon
causât tant d'embarras.
Mon père était certainement
convaincu de la sincérité de ma
conversion, mais il n'osait le déclarer.
Lorsque je revins à la maison, je trouvai ma
mère tout en pleurs à la
cuisine.
- Maman, ne pleure pas, lui dis-je,
suppliant ; je ne suis plus le vilain
garnement d'autrefois ; je ne jure plus, j'ai
mis de l'ordre dans ma vie ; je ne fais rien
que je ne puisse t'avouer les yeux dans les
yeux.
- Oui, répondit-elle, je le vois
bien. Je suis persuadée que tu es devenu un
autre homme. C'est moi qui vaux bien moins que toi.
je me sens perdue.
- Non, maman, ne crois pas cela. Prions
plutôt le Seigneur qu'il vienne à
notre secours.
Nous nous mîmes à genoux et
nous ne cessâmes de lutter et de prier.
Finalement ma mère me serra dans ses bras et
me dit :
- Mon cher fils, maintenant, moi aussi je
crois que le Seigneur Jésus m'a
pardonné mes péchés.
Quand mon père rentra et vit notre
joie, il n'eut rien à y objecter. Nous
priâmes avec lui, mais la clarté ne se fit pas en
son âme
à ce moment-là ; ce n'est que
bien plus tard qu'il se donna à Dieu.
Au village, malgré mes appels,
personne ne changea de vie. Cela me semblait
incompréhensible et je m'attristais fort de
ne voir aucun résultat de mon
témoignage. Souvent, je prenais mon Nouveau
Testament et J'allais me cacher derrière un
tas de paille pour le lire. je n'osais le faire
ouvertement, car mon père me l'avait
défendu. Plusieurs fois aussi je rencontrai
le jeune S., qui avait été l'occasion
de ma conversion, et je priai avec lui. Un jour, il
me demanda:
- Que fais-tu pour Jésus ?
Je n'avais jamais pensé à
cela.
- Je ne fais rien pour le Seigneur,
répondis-je. Et toi ?
- Je suis très embarrassé. Je
n'ai pas de don spécial. J'ai demandé
à Dieu de me montrer une tâche. Il l'a
fait. Maintenant, je prie chaque jour pour un homme
qu'Il m'a désigné. Puis il ouvre ma
Bible et le verset qui me parait convenir, je
l'écris sur un billet que j'envoie à
cet homme. Je suis heureux de faire ainsi la
moindre des choses.
Depuis que je priais et que je lisais la
Bible, mon passé me pesait lourdement sur la
conscience. Un jour, il me sembla que toutes mes
mauvaises actions s'accumulaient comme une
montagne. Quand je commençai à en
faire le compte, je fus effrayé. Il n'y
avait presque personne au village à qui je
n'eusse fait du mal. Que faire ? je n'avais
pas d'argent pour réparer les
dommages ; mes parents étaient trop
pauvres pour que je pusse leur en demander ;
je ne pouvais pas non plus en gagner assez à
moi seul. Une nuit, je restai longtemps
éveillé, en prière. Il me vint
une idée :
Lève-toi de bon matin, fais ton
travail aussi vite et aussi bien que possible, pour
que ton père soit content quand il viendra
à l'étable. Mais il faut faire tout
cela avant le jour. Puis va à la grange et
mets-toi à genoux. Ensuite rends-toi dans
chaque maison du village, avoue le mal que tu y as
fait et demande pardon !
J'allai dans la première maison dont
les habitants avaient eu beaucoup à souffrir
de ma part. Quand j'entrai et que je racontai ce
que le Seigneur m'avait mis au coeur de faire, et
que je demandai pardon, la femme se mit à
pleurer et passa dans la chambre voisine ;
mais le mari me cria de grossières injures
et me jeta à la porte. Ce fut une grande
désillusion pour moi ; j'attendais un
tout autre effet de ma confession. Je n'avais pas
pensé que cela pourrait prendre pareille
tournure. Je continuai à aller de maison en
maison. Certains étaient très
touchés, mais la plupart me jetaient dehors
avec des jurons ou ne me laissaient même pas
entrer. J'allai ainsi jusqu'au milieu du village et
je pénétrai, plein de crainte et de
désarroi, dans la maison d'une veuve.
Lorsque je lui eus dit ce qui m'amenait, elle
m'invita aimablement à m'asseoir et
j'oubliai toute tristesse.
- Attends donc, me dit-elle. Elle se rendit
dans la cour et appela toute la famille. J'avais eu
mainte querelle avec ses enfants.
- Maintenant, Cornelius, me dit-elle,
répète à tous ce que tu m'as
raconté ; j'aimerais que mes enfants
l'entendent aussi.
Elle avait peine à retenir ses
larmes. Quand j'eus tout avoué, il se fit un
long silence, puis la mère
reprit :
- Mes enfants, écoutez ce que je vais
vous dire. Croyez-moi, car je
suis votre mère. je n'ai jamais vu chose
pareille. Je ne suis pas une enfant de Dieu, je
n'ai encore jamais prié avec vous, mais
dorénavant je le ferai. Si nous ne nous
convertissons pas comme Martens, nous serons tous
perdus.
Ce fut dans cette maison que pour la
première fois je pus librement rendre mon
témoignage et prier avec la famille
réunie. Grande fut ma joie :
c'était comme si le ciel s'ouvrait et qu'il
n'y eût plus rien au monde qui pût
m'effrayer ou me troubler. Tous les membres de
cette famille se convertirent plus tard ; mais
ils allèrent habiter un autre village. Bien
que cette veuve soit maintenant morte, elle vit
dans bien des coeurs. Sa mort a été
pour plusieurs un exemple inoubliable.
Le coeur allégé, j'allai
trouver d'autres personnes. Mais on me reçut
de nouveau avec des sarcasmes et des ricanements.
Quand j'arrivai à la dernière ferme,
on ne voulut d'abord pas me laisser entrer ;
mais le patron dit : « Laissez-le
entrer, laissez-le venir, nous lui réglerons
déjà bien son
compte ! »
Je me doutais que l'affaire allait se
gâter entrai cependant. Quand j'eus
achevé mes aveux, le mari et la femme me
dirent en se moquant :
- Alors, maintenant, si tu tombais mort sur
place, tu serais un saint ?
Tout décontenancé de cette
question, je répondis :
- Ce n'est pas moi, mais le Seigneur qui me
sanctifie, et si c'est Sa volonté, j'aurai
certainement la félicité
éternelle.
Cela mit le mari hors de lui et son visage
devînt menaçant. Il me mena dans une
chambre, y fit entrer ses deux fils et ferma la
porte derrière eux. Il se posta dehors avec
sa femme et regarda par une petite fenêtre ce qui
se passait dans la
chambre. Les fils me rouèrent de coups
à tel point que je tombai par terre sans
connaissance.
Lorsque je revins à moi, tout
était sombre alentour il faisait
froid ; mes habits étaient humides et
il me semblait que j'avais tous les membres
brisés. On m'avait jeté dans un
fossé derrière la ferme, me croyant
mort. Péniblement, je me relevai et outre la
douleur qui me poignait tout le corps,
j'éprouvais une grande tristesse et une
immense solitude. De mes proches mêmes, je ne
pouvais espérer aucune aide. Quand je me
faufilai dans notre cour, notre petit chien
accourut au-devant de moi en aboyant et en branlant
la queue, et ce brave animal m'a apporté en
cette heure sombre une consolation comme j'en ai
rarement trouvé chez les humains. Je me
dirigeai vers un tas de paille et je m'y blottis.
J'y restai couché jusqu'au matin.
Dans l'intervalle, mon père avait
appris tout ce qui s'était passé et
cela l'avait mis en colère, non pas tant
contre ceux qui m'avaient maltraité que
contre moi qui lui valais tant d'affaires
ennuyeuses. Il avait honte de moi et de tout ce que
je racontais de mon passé. Il finit par me
dire :
- Il faut que cela cesse : ou bien tu
te tiens tranquille, ou bien tu quittes la
maison.
Comme je n'avais ni habits ni argent pour
partir, je restai. Par amour pour mes parents, je
fis de mon mieux pour que mon père
revînt à d'autres sentiments. Il eus
plusieurs encouragements en cette
période ; je trouvai un ami qui avait
fait les mêmes expériences
bénies et qui lui aussi se sentait
isolé dans sa propre famille. La
prière en commun nous donna souvent un
nouveau courage pour suivre Jésus.
Mon père s'irritait de l'influence
que ma nouvelle vie exerçait sur ma
mère. je sentis qu'il valait mieux partir.
Aussi, un beau jour, je fis mon paquet et quittai
la maison paternelle.
Alors commença une période
difficile. je partais seul, sans argent, sans
habits ni souliers convenables, pour chercher du
travail chez des étrangers. Je fis une
première tentative dans le Village de N.,
à environ quinze kilomètres de chez
mes parents. Ce n'était pas très
loin, et pourtant je mis beaucoup de temps à
faire ce trajet. À tout moment, je devais
m'asseoir au bord du chemin ; je me
réconfortais en priant et en me
répétant les promesses de Dieu.
À N. je n'avais pas de connaissances, mais
il s'y trouvait la fabrique des Messieurs R. et N.,
où je demandai à entrer comme
apprenti. Le patron, M. R., me regarda longtemps
avec compassion, car j'étais bien
chétif, puis il me dit :
- Je verrai ; peut-être
pourra-t-on faire quelque chose pour toi.
Dans le village, je trouvai un croyant,
ébéniste de son métier, qui
m'hébergea pour la nuit. Le lendemain matin,
j'allai chercher la
réponse au bureau de la fabrique. M. R.
m'accueillit très aimablement et me
dit :
- Nous te prendrons à l'essai.
Il y avait en outre trois jeunes gens qui
s'étaient annoncés et qui furent
engagés. Le contremaître allemand sous
les ordres duquel je me trouvais se prit
d'affection pour moi au cours des semaines d'essai,
car je ne refusais jamais de lui apporter le
samovar, de balayer la maison et de laver la
vaisselle. Grâce à son entremise, je
fus engagé comme apprenti pour deux ans. On
me promettait quarante roubles pour la
première année et, pour la seconde,
cinquante roubles et la pension. On me donna aussi
des vêtements et des chaussures et, bien
qu'ils me fussent trop grands, j'en étais
tout heureux.
Avec seize autres ouvriers, je logeais dans
une ancienne écurie. Le long des parois
étaient rangées de grossières
couchettes de planches que les ouvriers avaient
eux-mêmes fabriquées. Portes et
fenêtres fermaient mal et le vent soufflait
à travers le local. Le sol, pavé de
grosses briques, avait de grands trous. Le
poêle fumait tellement qu'on pouvait à
peine chauffer et qu'à chaque essai, il
fallait ouvrir portes et fenêtres pour
chasser la fumée ; et la chaleur s'en
allait. J'avais des couvertures et des coussins,
mais fort minces ; je ne possédais pas
de manteau. Comme je ne frayais guère avec
mes camarades et ne vivais pas à leur
manière, on m'avait laissé la plus
mauvaise place, juste en face de la porte, et
souvent le matin, j'étais tout raide de
froid, la couverture et le lit tout blanc de neige.
Tout cela était très difficile
à endurer, mais je ne voulais pas retourner
à la maison, encore que mon père fût revenu
à des sentiments un peu meilleurs à
mon égard.
Ici non plus, je ne pus taire mes
convictions et je me mis à parler de
Jésus à toute occasion. Cela me valut
de nouveaux ennemis et de nouvelles
persécutions. Le contremaître et sa
femme, qui étaient sans enfants, me
protégèrent et me
réconfortèrent. Mais à deux
reprises, je reçus tant de coups de mes
persécuteurs que je ne pus me rendre au
travail. Les ouvriers et les apprentis
essayèrent d'indisposer contre moi le
patron, qui commença à me
témoigner du mécontentement. Pour mon
malheur, au bout de quelques mois, le
contremaître allemand quitta la fabrique et
fut remplacé par un Russe. Celui-ci, un
homme grossier, me détestait et encourageait
les autres dans leurs vexations.
Je travaillais alors au tour. Un jour,
quelques collègues sabotèrent une
pièce importante que j'avais en travail et
allèrent dire au patron que c'était
moi qui l'avais abîmée. Il vint
à l'atelier et quand il vit le
dégât, sans s'informer davantage de la
vérité, il me donna des coups. Les
autres ouvriers faisaient le cercle en ricanant.
Mon premier mouvement fut de m'enfuir de l'usine,
mais n'ayant ni vêtements ni argent, je ne
pouvais quitter ma place. je m'adressai au
contremaître russe, mais lui aussi me donna
des coups et me renvoya de l'atelier. Tout
tremblant, je revins vers la porte et suppliai
qu'on me laissât rentrer. Ce fut en vain. Il
ne me restait d'autre ressource que d'attendre une
occasion et de demander à être
engagé de nouveau. On ne me laissa que peu
d'espoir.
Je n'avais que 60 kopecks en poche et je
résolus d'aller demander du travail dans une
autre fabrique, dans la localité de W. je
pris un train de marchandises qui me mena à
N. ; de
là, j'avais à marcher quinze
kilomètres ; je n'y trouvai pas de
travail. Mon argent était
dépensé en vain ; de tout le
jour, je n'avais rien mangé et j'avais si
grand'faim que pour la première fois de ma
vie je mendiai. Puis je pris à pied le
chemin du retour. La nuit tombait ; à
mi-chemin, je m'assis sur un talus de chemin de fer
qui bordait la route pour me reposer un peu ;
j'étais triste et mort de fatigue. Tout
à coup, il entendis une voix qui, en
allemand, criait au secours et demandait vie sauve.
Des brigands avaient arrêté un paysan
sur son char et allaient le tuer. Les malfaiteurs
entendirent mes pas et crièrent :
- Qui va là ?
Sans réfléchir, je
dis :
- Un type de la bande.
- Un type de la bande ? Bon, ça
va bien ! dirent-ils. Dans le lointain, on vit
apparaître deux grosses lumières, un
train de marchandises s'approchait lentement. Aussi
fort que je pus, Je criai :
- Au secours, au secours ! Il y a des
brigands qui veulent tuer quelqu'un. Les brigands
furent mis en désarroi ; ils
lâchèrent leur victime et le criai au
paysan, en allemand :
- Sauve-toi avec ton char !
Les brigands disparurent dans l'ombre et
s'enfuirent au loin. L'homme profita de l'occasion
et partit avec son équipage, me laissant en
plan. je fus pris d'angoisse, car je supposais que
les Russes reviendraient et se vengeraient. je me
mis donc à courir le long du talus et
à appeler le paysan.
- Emmenez-moi avec vous ! Prenez-moi
sur votre char !
Le paysan ne voulut d'abord rien entendre,
me prenant pour un des brigands.
Finalement, il s'arrêta et me laissa monter.
Quand il sut qui j'étais et ce que j'avais
fait pour lui, il me remercia vivement du secours
que je lui avais prêté et, en me
quittant, il me donna 70 kopecks.
Le lendemain matin, je revins à mon
ancienne fabrique, fatigué, quasi
brisé par mon voyage de 24 heures, ma longue
course à pied et mon échec. Je
suppliai encore une fois qu'on voulût bien me
reprendre, ce qu'on m'accorda enfin. Mais on me
traita de telle façon qu'il me fut
impossible d'y rester bien longtemps.
J'écrivis à mes parents, demandant de
pouvoir rentrer chez eux.
- Oui, en visite, répondit mon
père.
Cela me fit quand même plaisir ;
je fis mon paquet et me rendis à la maison.
J'y étais depuis trois jours, quand mon
père me dit :
- Si tu tiens à réparer tes
torts, va à E. et encaisse l'argent que me
doivent quelques paysans de là-bas. Alors
j'oublierai tout le chagrin que tu m'as fait.
J'étais heureux de lui rendre ce
service et je réussis à faire rentrer
une somme plus forte qu'il n'attendait.
C'était en décembre, peu avant
Noël. Au retour, je descendis à la
station de 0., d'où j'avais encore dix-huit
kilomètres à marcher. Il était
trois heures du matin. Dehors, il faisait un froid
perçant, les étoiles scintillaient et
la neige craquait sous les pieds. Les arbres et les
buissons étaient couverts de givre et un
silence de mort pesait sur la campagne.
J'étais peu rassuré à
l'idée de traverser seul la steppe, car dans
les forêts voisines gîtaient alors de
nombreux loups. il avais marché environ cinq
kilomètres, quand je vis venir dans ma
direction une sorte de gros chien. « Il y a un
paysan qui se rend
à la gare », me dis-je. Mais voici
venir une seconde bête, puis une
troisième... je me rendis compte que j'avais
bel et bien affaire à des loups. Ils
étaient cinq à me cerner ; leurs
yeux brillaient du désir de me
déchirer, leurs langues pendaient avides.
Dans mon angoisse, je m'agenouillai au milieu du
cercle et me mis à prier, m'attendant
à chaque instant à ce qu'ils se
précipitent sur moi et me mettent en
pièces. Tout à la ronde, aucun bruit
que le souffle haletant des loups
affamés.
Combien de temps cela dura, je ne le sais
plus. Le jour commençait à poindre
quand les loups me laissèrent et
regagnèrent leurs repaires. J'étais
libre ! je m'agenouillai de nouveau dans la
neige et je remerciai Dieu de cette merveilleuse
délivrance.
Mon père fut content de voir tout
l'argent que je lui rapportais ; il me donna
cinq roubles. Quelques jours après, je
repartis pour chercher du travail. Dans une ville,
je trouvai une place de tourneur, mais je ne pus y
rester longtemps non plus. je fis diverses
démarches en divers endroits. Souvent, je
tombai dans de grandes tentations et je ne sus pas
toujours y résister. J'eus de graves
conflits intérieurs, mais Dieu, dans Sa
bonté, me donna mainte preuve de Sa
puissance et de Sa fidélité. Mon plus
profond désir était et resta toujours
de rendre témoignage de ce que Jésus
avait fait pour moi. Après bien des
tentatives de-ci de-là, j'arrivai enfin
à Ch., où je trouvai une situation
stable.
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