Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
Cela me suffit...



Du Thabor à Golgotha



III
GETHSÉMANÉ

I. LE DIMANCHE DES RAMEAUX

 

Le Seigneur quitte Béthanie. Il se dirige vers le champ de bataille où doit se livrer le combat le plus mémorable de l'histoire de l'humanité. C'est avec le dieu de ce monde, avec l'esprit du mal qu'il va se mesurer. La lutte toutefois n'est pas introduite par le prince des ténèbres, mais par les enfants de l'incrédulité ; lui-même n'apparaîtra sur le terrain que lorsque ceux-ci auront été vaincus, pour subir à son tour le même sort.

Les journées qui séparent le souper de Béthanie de l'agonie de Gethsémané sont pressées et remplies. Jésus se tient au milieu de son peuple, s'efforçant d'en sauver encore quelques-uns, et de fortifier et consoler ses disciples.

L'entrée triomphale à Jérusalem inaugure la semaine sainte. Le peuple d'Israël, s'attachant aux promesses qui représentaient le Messie comme devant relever le trône de David, attendait l'avènement d'un roi terrestre. Le Seigneur, en accomplissant la prophétie : « Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et vainqueur, humble et monté sur un âne, sur le poulain d'une ânesse » (Zach. IX), montre clairement que son règne n'est pas de ce monde et qu'il est souverain d'un royaume spirituel. Avant de mourir, il veut révéler à tous le grand mystère de sa royauté divine, qu'il avait jusqu'alors cachée au monde et qu'un petit nombre seulement avait reconnue. Il permet à ses disciples de la proclamer et de lui rendre gloire.

Le récit évangélique met en relief ce que la prophétie messianique a de doux et d'humble. C'est en roi débonnaire que, pour la dernière fois, Jésus entre dans cette ville qui, depuis des siècles, a été honorée de grâces innombrables ; il vient appeler à lui les pauvres, les fatigués, les chargés. Il se rend au temple, la gloire et l'ornement d'Israël, mais pour s'en éloigner bientôt en prononçant ces paroles redoutables : « Voici, votre demeure va devenir déserte » (Matth. XXIII, 38) ; et en pleurant sur la ville. (Luc XIX, 41.) Oh ! ces pleurs du Sauveur ! Les paroles de Jésus ont une haute signification, son silence, une plus grande encore ; mais ses larmes dépassent toute expression ; elles nous montrent les pensées de Dieu à notre égard, ses tendres compassions pour de pauvres pécheurs tombés et égarés.

Le Seigneur commande en maître souverain sur la nature et sur les faits de l'ordre matériel : « Si quelqu'un vous dit quelque chose, vous direz que le Seigneur en a besoin, et aussitôt il les enverra. » (Matth. XXI, 3.) Mais, sur les coeurs, il ne veut agir qu'avec le concours de notre volonté : « Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l'avez pas voulu ! » (Matth. XXIII, 37.) Maintenant Israël est dispersé, le temple en ruines ; ceux-là seuls subsistent qui ont reçu le Sauveur et qui l'ont reconnu pour leur Roi.

Quoique l'incrédulité ait moins de raison d'être de nos jours, et qu'elle paraisse même incompréhensible, « le Seigneur est toujours en butte à la contradiction. » (Luc Il, 34.) Lorsque le Fils de l'homme annonçait un royaume éternel, « contre lequel les portes de l'enfer ne pourraient prévaloir » (Matth. XVI, 18), il était pauvre, méconnu, entouré seulement de quelques disciples faibles et ignorants et cette promesse pouvait paraître une rêverie et provoquer le sourire ; c'était ou de la folie ou l'assurance d'une puissance surhumaine. Mais aujourd'hui, l'homme le plus ignorant est forcé de reconnaître que le Seigneur a dit la vérité. Sans armée, sans matériel de guerre, sans diplomatie, il a établi sa domination sur le monde entier ; son royaume subsiste et s'étend de plus en plus. Ce miracle-là n'est-il pas plus grand que tous les autres ?

Cependant le combat s'engage. Les anciens du peuple ont décrété la mort de Jésus. Il ne leur reste qu'à en chercher le motif apparent ; car ils tiennent à observer les formes de la justice ; la méchanceté et la ruse leur viendront en aide. L'enthousiasme de la foule, lors de l'entrée du Seigneur à Jérusalem, a exaspéré leur haine. Les partis qui se détestaient, s'unissent pour accomplir l'acte le plus honteux que l'humanité ait jamais consommé.

Après mûre délibération, les Pharisiens et les Hérodiens interpellent Jésus, dans l'espoir que sa réponse leur fournira le prétexte désiré. « Est-il permis de payer le tribut à César, ou non ? » (Matth. XXII, 17.) Ceci est une question captieuse. Si Jésus répond négativement, ils pourront l'accuser devant les autorités romaines - s'il dit oui, ils le feront passer aux yeux du peuple pour un ami des Romains, et c'en sera fait de sa popularité.

Le Seigneur démasque leur hypocrisie, démontrant clairement qu'ils ont en vue, non la recherche de la vérité, mais sa propre perte. Battant en brèche leur prétendue sagesse, il les oblige à reconnaître eux-mêmes que le tribut revient à César. Mais avant de les laisser s'éloigner, il enfonce ce dard dans leur conscience : « Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Matth. XXII, 21.) « Et ayant entendu cette réponse, ils l'admirèrent ; et le laissant, ils s'en allèrent. » (Matth. XXII, 22.) En présence de la sagesse divine, la sagesse humaine n'est qu'une vapeur qui s'évanouit et disparaît.

C'est maintenant le tour des Saducéens. Ces incrédules, qui nient la résurrection, cherchent à embarrasser le Seigneur par une question de dogme. Ils inventent l'histoire de sept frères qui auraient épousé, les uns après les autres, la même femme, et ils lui demandent lequel sera le mari de celle-ci au jour de la résurrection. (Matth. XXII, 23-28.) Le Seigneur leur répond avec un grand sérieux : « Vous êtes dans l'erreur, parce que vous n'entendez pas les Écritures, ni quelle est la puissance de Dieu. » (Matth. XXII, 29-32.)

Les Pharisiens, quoique satisfaits de voir les Saducéens confondus (Matth. XXII, 34), ne se laissent point émouvoir. Un des leurs, membre influent et savant de leur secte, s'approche de Jésus et lui demande : « Quel est le premier de tous les commandements ? » (Marc XII, 28.) Le Seigneur n'a pas besoin de longues réflexions ; il répond avec une sagesse si admirable que le Pharisien ne peut lui refuser son approbation : « C'est bien, Maître, tu as dit avec vérité, qu'il n'y a qu'un Dieu, et qu'il n'y en a point d'autre que lui ; et que l'aimer de tout son coeur, de toute sa pensée, de toute son âme, et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, c'est plus que tous les holocaustes et les sacrifices. » (Marc XII, 32-34.)

Les principaux ont échoué dans leurs tentatives ; ils n'ont pu trouver dans les réponses du Seigneur un seul motif d'accusation contre lui. À son tour Jésus les interroge : « Que vous semble-t-il du Christ ? De qui est-il le Fils ? » (Matth. XXII, 42.) Les Pharisiens se taisent ; les Scribes, instruits dans les Écritures ne savent que répondre.

Le Seigneur alors leur présente leur image, dans la parabole des vignerons qui ont lapidé les serviteurs du maître de la vigne et jeté dehors son propre fils. (Luc XX, 9-16.) Puis, s'adressant au peuple, il attaque leurs conducteurs aveugles et les frappe de malédiction par le cri de « Malheur ! » sept fois répété. (Matth. XXIII, 13 -36.)

Au milieu de cette lutte acharnée, le Seigneur ne laisse point passer inaperçue la pauvre veuve, apportant sa pite au temple, et il lui adresse une parole d'encouragement. (Marc XII, 41-44.) Quel Sauveur merveilleux, plein de grandeur, de tendresse, de compassion !

Il. ADIEUX DE JÉSUS A SES DISCIPLES

Le Seigneur et les apôtres sont réunis une dernière fois, le jeudi soir, pour manger l'agneau pascal. « Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin. » (Jean XIII, 1.) « J'ai fort désiré de manger cette pâque avec vous, leur dit-il, avant que je souffre. » (Luc XXII, 15.)

Pendant ce dernier repas, Jésus révèle à ses disciples son amour profond et intime par des paroles, dont le souvenir est resté gravé en traits ineffaçables dans le coeur de saint Jean. Hélas ! les apôtres n'étaient pas tous dans une semblable disposition. Le Seigneur en fit le même soir la triste expérience.

« Il arriva aussi une contestation entre eux, sur celui d'entre eux qui serait estimé le plus grand. » (Luc XXII, 24.) L'esprit d'orgueil et d'envie s'était déjà manifesté chez les disciples à maintes reprises et Jésus leur avait adressé plus d'un sérieux avertissement : « Je vous le dis en vérité, si vous ne vous convertissez, et si vous ne devenez comme des enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux. » (Matth. XVIII, 3.) Et maintenant, à cette heure solennelle, où ils voient leur Maître pour la dernière fois, où celui-ci parait profondément ému, leur coupable disposition se fait de nouveau jour.

Que fera le Seigneur ? que leur dira-t-il ? « Il se lève du souper, il ôte son manteau, et, ayant pris un linge, il s'en ceint. Ensuite il met de l'eau dans un bassin et il se met à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge dont il était ceint. » (Jean XIII, 4, 5.) Cet acte fit sans doute plus d'impression sur eux que n'auraient fait beaucoup de paroles. Il résumait l'oeuvre de Christ sur la terre et manifestait pleinement son amour qui aime, qui pardonne, qui supporte.

Le Seigneur n'a pas rejeté ses pauvres disciples malgré leurs grossiers défauts. Son amour infatigable n'a cessé de travailler à leur sanctification et il y est parvenu d'une manière admirable. Ceci doit être un puissant encouragement pour tous ceux qui aiment leur Sauveur et qui souffrent de trouver en eux-mêmes encore bien des misères.

Un grand nombre de chrétiens ne jouissent jamais de l'amour du Seigneur, parce qu'ils croient que, avant de l'obtenir, ils doivent être parfaitement purs et saints, et ils traînent jusqu'au tombeau, une vie spirituelle triste et lamentable. Rappelons-nous que Dieu nous aime malgré nos misères, qu'il nous a élus avec une pleine connaissance de notre nature pécheresse et qu'il ne nous abandonnera jamais, pourvu que nous lui demeurions fidèles.

Trop souvent, comme les disciples, nous affligeons le Seigneur par nos péchés. Quand il s'approche pour nous offrir une heure de douce et intime communion avec lui, il nous trouve froids, terrestres, disputant avec nos frères, Menons deuil sur nos fautes, comme les disciples le firent certainement, mais ne nous décourageons pas ; car notre miséricordieux Sauveur est toujours prêt à nous laver et à nous purifier de tout péché. Rappelons-nous la patience et l'amour avec lesquels il supporta ses faibles disciples et la joie que lui causa leur foi sincère, malgré leurs nombreux manquements. Quand il prédit à Pierre sa lourde chute, il prie pour que sa foi ne défaille point. (Luc XXII, 32.)

Cet encouragement n'est nullement destiné aux hommes qui se font de la grâce de Dieu un oreiller de sécurité, qui traitent le mal légèrement et qui ne pleurent pas comme Pierre sur leur péché. L'indifférence à l'égard de nos transgressions et le découragement à la vue de notre indignité sont également à éviter.

« Le Seigneur vint donc à Simon Pierre, qui lui dit : Toi, Seigneur, tu me laverais les pieds ! » Pierre se montre ici tel qu'il est, avec son impétuosité naturelle ; le disciple qui avait reconnu en Jésus le Fils de Dieu, devait reculer en présence d'un si grand abaissement. Jésus répondit et lui dit :

« Tu ne sais maintenant ce que je fais ; mais tu le sauras dans la suite. » Pierre maintient sa décision : « Tu ne me laveras jamais les pieds. » Cela devient de l'obstination. C'est grâce à celle-ci cependant que nous possédons la précieuse réponse du Seigneur : « Si je ne te lave, tu n'auras point de part avec moi. » Alors l'amour du fougueux disciple prend son essor : « Seigneur, non seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête, » tant il désire lui appartenir tout entier. Cet amour sincère, quoique non réfléchi, aura sans doute réjoui le coeur du Seigneur qui adresse à son apôtre cette belle et profonde parole : « Celui qui s'est baigné a besoin seulement qu'on lui lave les pieds ; puis il est entièrement net. Or vous êtes nets, mais non pas tous. (Jean XIII, 6-10.)

Quelle est la pensée du Seigneur ? Celui qui a la foi, qui croit au Sauveur, est purifié par son sang, sanctifié par l'Esprit ; ses péchés sont effacés ; il est une nouvelle créature. La justice de Christ lui est imputée. « Vous avez été lavés, vous avez été sanctifiés, vous avez été justifiés au nom du Seigneur Jésus, et par l'Esprit de notre Dieu. » (I Cor. VI, 11.)

La parole du Seigneur : « vous êtes nets, » concernait aussi Pierre ; sa chute ne pouvait anéantir l'oeuvre de Christ pour lui, à condition qu'il se repentît sincèrement. Ceci est d'une grande importance pour notre vie chrétienne. La justification, la purification du pécheur converti et croyant sont l'oeuvre de Dieu par Christ ; rien ne peut les anéantir ou les rendre inutiles, aussi longtemps qu'il croit à l'efficace de la mort de Christ et que sa foi s'appuie sur lui seul. Les faiblesses attachées à la nature humaine et dont sa discipline veut peu à peu nous délivrer, ne peuvent détruire ni renverser l'oeuvre de Dieu. Quelle précieuse consolation pour de pauvres créatures faibles et misérables ! Saisissons-la des deux mains et tenons-la ferme. Elle donne paix et force.

Celui qui a été lavé a besoin que le Seigneur lui lave et relave les pieds. De même qu'un voyageur ne peut marcher sans que ses pieds soient souillés et couverts de poussière, le chrétien ne passe pas un seul jour assez saintement, assez pieusement, pour n'avoir pas besoin de pardon. Si le Seigneur a dit à ses apôtres : « Vous êtes nets, » c'est à eux aussi qu'il dit : « Vous avez besoin qu'on vous lave les pieds. » Le travail de la sanctification se poursuit jusqu'à la tombe. Ce n'est pas en fermant les yeux sur notre misère, que l'homme intérieur croît et se développe en nous, c'est en reconnaissant nos fautes, en les confessant et en nous efforçant de les vaincre. Toute vie, la vie spirituelle aussi, a un petit commencement et doit se développer. Le chemin de la sanctification est un chemin étroit et difficile. Il nous fait passer par la confession quotidienne de nos péchés, le repentir et la purification par le sang de Christ, mais c'est un chemin sûr, qui conduit au but.

III. SAINTE CÈNE

Ce même soir, le Seigneur institue la sainte Cène. Le repas d'adieu, à la fin duquel avait eu lieu le lavement des pieds, est celui de l'agneau pascal, souvenir de la délivrance d'Israël du pays d'Egypte. « Et comme ils mangeaient, Jésus prit du pain, et ayant rendu grâces, il le rompit et le donna à ses disciples et dit : « Prenez, mangez, « ceci est mon corps. » Ayant aussi pris la coupe, et rendu grâces, il la leur donna, en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de la nouvelle alliance, qui est répandu pour plusieurs, pour la rémission des péchés. » (Matth. XXVI, 26-28.)

Il remplace le repas commémoratif de l'ancienne alliance par un repas nouveau en souvenir de sa mort. Car la mort de Christ est le fait le plus important dont l'Eglise doive conserver le souvenir. Pourquoi ? parce que « en ce sang est la nouvelle alliance, et qu'il est répandu pour les pécheurs, (Luc XXII, 20) ; parce que « le sang de Jésus-Christ nous purifie de tout péché. » (I Jean 1-7.) Le Seigneur, par l'institution de la Cène, déclare que sa mort est le but principal de sa vie. Pour entrer dans la nouvelle alliance, nous devons nous approprier son corps qui a été rompu et son sang qui a été répandu pour nous. La sainte Cène est le résumé de l'Évangile. Par la foi au rachat que le Sauveur a payé pour nous, nous recevons le pardon des péchés, la justification, la vie nouvelle, la sanctification.
Il est un grand nombre de personnes qui n'osent s'approcher de la communion, parce qu'elles craignent de la prendre indignement. Elles n'ont pas compris l'amour compatissant de Christ qui appelle à lui précisément les coeurs fatigués et chargés.

La Cène est avant tout un repas d'amour, de l'amour du Seigneur pour de pauvres pécheurs perdus. « J'ai fort désiré de manger cette pâque avec vous, avant que je souffre. » (Luc XXII, 15.) Jésus désire entrer dans le coeur de chaque chrétien afin de souper avec lui, c'est-à-dire se donner à lui et lui apporter paix et joie, consolation et force. C'est en même temps un repas de l'amour du chrétien pour son Sauveur : « Faites ceci en mémoire de moi. » (Luc XXII, 19.) C'est ici que l'enfant de Dieu vient renouveler et fortifier sa foi. C'est aussi un repas d'amour des chrétiens entre eux. Aussi longtemps qu'il y aura sur la terre des pécheurs sauvés par la foi à la mort de Christ, ils devront se rassembler autour de la sainte table pour témoigner qu'ils font partie du peuple de Dieu.

Mais ce n'est point encore tout. Avec le pain et le vin, Christ nous donne réellement son corps et son sang, (Jean VI, 32-41 ; 1 Cor. XI, 23-34.) S'il en était autrement, le Seigneur se serait mal exprimé sur un sujet d'une très grande importance. Nous devons accepter ces paroles telles qu'elles sont, même si nous n'en comprenons pas le sens mystérieux.
Toutes les Églises évangéliques sont d'accord sur ce point que, dans la Cène, le Seigneur se communique à nous avec les fruits de la rédemption. Mais les opinions diffèrent quant à la manière dont ces grâces nous sont transmises.

Lorsque le Seigneur distribue aux douze le pain et le vin il leur dit : « Ceci est mon corps. Ceci est mon sang. » (Matth. XXVI, 26, 27.) Les apôtres voyaient leur Maître vivant devant leurs yeux ; ils savaient que le sang coulait dans ses veines. N'aurait-il pas été naturel qu'ils lui eussent demandé le sens de ses paroles. Ils ne le font point. Ils savent qu'ils ont à faire à un Maître merveilleux, dont la personne et la vie sont entourées d'un divin et impénétrable mystère. Il est presque certain qu'ils ne comprirent pas la pensée du Seigneur. Mais ils ne doutèrent pas un instant. Ils crurent à sa parole. Après sa résurrection et son ascension, nombre de questions se posèrent et furent posées aux apôtres. Celle de la sainte Cène ne le fut jamais. Ni les apôtres, ni l'Eglise primitive, ne s'en préoccupèrent. « Ils rompaient le pain dans leurs maisons. » (Act. II, 46.) « Le premier jour de la semaine, les disciples étaient assemblés pour rompre le pain. » (Act. XX, 7.) On regardait la communion comme la sainte commémoration de la mort du Sauveur, mais on ne cherchait point à en expliquer le mystère ; on l'acceptait sans le comprendre.

Les réformateurs jugèrent différemment. De là des discussions et des dissensions sans fin : « Nous participons au corps et au sang de Christ, avec, dans, sous les signes sacrés, » dit Luther. Et Calvin : « Le Seigneur se communique aux chrétiens depuis le ciel, de même que le soleil répand ses rayons sur la nature. »

Laquelle de ces deux interprétations est la meilleure ? , Aucune, à notre avis. jusqu'à présent personne n'a pu expliquer le mystère de la sainte Cène, pas plus qu'on ne peut définir l'union de la nature divine et de la nature humaine en la personne du Christ. Qu'il nous suffise de savoir ce que nous recevons en participant à la Cène.

Laissons le reste au Seigneur. Il communique sa vie à ceux qui sont nés de nouveau. « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang, demeure en moi, et moi en lui. » (Jean VI, 56.) Prends donc la Cène avec confiance de la main de ton Sauveur, enfant de Dieu. Demande-lui de te la donner lui-même, ainsi que les bénédictions qui en découlent. Quelle que soit la forme sous laquelle tu là reçois, c'est au Seigneur que tu t'unis. Ce qui importe, c'est que tu possèdes une foi humble, repentante et sincère. Les formes les plus excellentes ne peuvent te la communiquer. « Là où est l'Esprit du Seigneur, là est la liberté. » (2 Cor. III, 17.)

Après la distribution de la Cène, Jésus prononce, dans la salle du repas et sur le chemin de Gethsémané, le discours d'adieu rapporté dans les chapitres 14 à 16 de l'évangile selon saint Jean et qui se termine par la prière sacerdotale. Le plan de cet ouvrage ne nous permet pas de l'étudier ; il formerait à lui seul plusieurs volumes.

Chaque parole, qui tombe de la bouche du Maître, est une perle précieuse : Jésus marche à l'autel du sacrifice ; il va être livré aux puissances du monde et mis au rang des malfaiteurs. Ses disciples seront privés de sa présence visible. Mais le Seigneur ne les quitte point pour toujours ; il retourne vers son Père ; il va leur préparer une place ; un jour ils seront de nouveau réunis à lui ; ils le verront et le posséderont. Le monde, qui le rejette, haïra aussi ses disciples ; il les persécutera et les repoussera. Mais le Seigneur ne les laissera point orphelins au milieu des souffrances et de l'angoisse ; il viendra habiter en eux, d'une manière invisible, par l'Esprit consolateur. Leurs intimes rapports avec lui ne seront point rompus. Après son départ, ils pourront encore le prier et le Seigneur les écoutera et leur répondra. Ils devront continuer à l'aimer, à pratiquer ses commandements, afin de glorifier le Père et de porter du fruit, comme le sarment qui est attaché au cep. Leur extrême incapacité ne doit point les décourager ; car le Saint-Esprit les guidera et les fortifiera. N'est-ce pas le Sauveur lui-même qui les a choisis, dans sa libre compassion, avec l'entière connaissance de leur misère et de leur faiblesse ? Ils ne doivent pas redouter le monde, car un puissant auxiliaire, l'Esprit de vérité, prendra leur défense : « Prenez courage, j'ai vaincu le monde. » (Jean XVI, 33.)

Les dernières paroles du Christ s'adressent à son Père. Il lui recommande ses disciples, ainsi que tous ceux qui croiront en lui, jusqu'à la fin du monde. Jésus a achevé l'oeuvre que son Père lui avait donnée à faire ; il a manifesté son nom. Voici maintenant le moment décisif de la bataille ; bientôt il remportera la victoire. Nul homme n'a parlé comme le Seigneur - nul n'a prié comme lui. « Il est le chef et le consommateur de la foi. » (Hébr. XII, 2.)

IV. LUTTE SUPRÊME AVEC LA PUISSANCE DES TÉNÈBRES

Nous nous trouvons ici en présence du plus grand des mystères de l'histoire évangélique. Le Seigneur, après la transfiguration, s'est dirigé vers Jérusalem. Sur sa route, il a accompli le miracle de la résurrection de Lazare. Avec un calme divin, il a annoncé à ses disciples ses souffrances, sa mort, sa sépulture. Il est entré à Jérusalem comme un roi débonnaire. Puis il réunit ses douze apôtres autour de l'agneau pascal et il institue la sainte Cène. D'admirables paroles découlent de ses lèvres comme un fleuve de paix et de vie éternelle.

Il adresse à son Père sa dernière prière, parlant de l'ennemi comme s'il était vaincu et de la victoire finale comme déjà remportée. Il va au-devant de ses souffrances avec une majesté divine et une paix céleste.
Et maintenant ! contraste saisissant ! changement inexplicable ! l'angoisse, la crainte, le tremblement s'emparent du Seigneur. Laissant ses autres disciples à l'entrée du jardin des Oliviers, il s'avance, accompagné de Pierre, de Jacques et de Jean : « Mon âme est triste jusqu'à la mort, leur dit-il. » (Matth. XXVI, 38.)

Celui à qui les éléments obéissent, à la parole duquel la mort s'enfuit, est là, debout, accablé, tremblant, gémissant. Son être tout entier frémit ; une souffrance indicible se voit sur ses traits ; l'angoisse et la terreur ébranlent son corps et son âme. Il ne peut demeurer tranquille : il s'éloigne de ses disciples, il revient, il' s'éloigne de nouveau, afin de demeurer seul avec son Père. Il se prosterne à terre et, du profond de son âme, s'élève ce cri qui résonne au milieu de la sombre nuit : « Mon Père, s'il est possible que cette coupe passe loin de moi... Toutefois, non pas comme je veux, mais ce que tu veux. » (Matth. XXVI, 39.) Le ciel reste fermé. Aucune parole d'encouragement ne descend d'en-haut. Sa souffrance devient extrême.

Le Seigneur se relève. Il s'approche de ses disciples avec l'espoir que ceux-ci obtiendront pour lui, par leurs prières, force et consolation. Vaine attente ! « Il les trouve endormis de tristesse. » (Luc, XXII, 45.) « Veillez et priez, leur dit-il, de peur que vous ne tombiez dans la tentation, car l'esprit est prompt, mais la chair est faible. » (Matth. XXVI, 41.) Il retourne au même lieu ; il se prosterne dans la poussière : « Mon Père, s'il n'est pas possible que cette coupe passe loin de moi sans que je la boive, que ta volonté soit faite. » (Matth. XXVI, 42.) Sa prière ne percera-t-elle pas la sombre nuit ? Ne pénétrera-t-elle pas jusqu'au ciel ? Les supplications du Sauveur deviennent plus pressantes ; elles retentissent au milieu du silence et des ténèbres. Pas une parole de consolation ne vient restaurer le Christ à l'agonie. Les vagues de l'angoisse s'élèvent toujours plus haut ; le Père laisse son Fils lutter seul.

Jésus revient vers les siens et il doit reconnaître encore une fois son complet isolement. Les disciples dorment. Le Seigneur s'éloigne de nouveau. La terreur de la mort fait frissonner ses membres fatigués. « Et étant en agonie, il priait plus instamment, et il lui vint une sueur comme des grumeaux de sang, qui tombaient sur la terre. » (Luc XXII, 44.) Il est sur le point de succomber. « Il prie pour la troisième fois, disant les mêmes paroles. » (Matth. XXVI, 44.) Le Père pourra-t-il garder le silence ? son coeur ne se brisera-t-il pas à la vue de la souffrance indescriptible qui pèse sur le Fils de sa dilection ? Ah ! si nous pouvions lire dans son coeur

Qui peut t'avoir attiré ce supplice ?
C'est moi, Seigneur ! oui c'est mon injustice :
De ces tourments où ton amour t'expose, je suis la cause.
Ce grand pécheur, cette âme criminelle,
Qui méritait une peine éternelle,
C'est moi, Jésus ! moi, faible créature,
Rebelle, impure.

Le Père ne répond pas directement à son Fils bien-aimé, parce que celui-ci est sous le coup de la justice divine, à la place des pécheurs : il lui envoie « un ange du ciel pour le fortifier. » (Luc XXII, 43.) Quel message l'ange apporte-t-il au Seigneur ? Comment le fortifie-t-il ? Le récit évangélique se tait à ce sujet. Toutefois je me représente que l'ange aura dit au Sauveur que, derrière les sombres nuages, et, tandis que son Père allait l'abandonner aux foudres de sa justice, son regard le suivait et veillait sur lui avec un amour infini ; qu'en succombant, Jésus remporterait la victoire et acquerrait la rédemption éternelle du monde. Depuis ce moment, le Seigneur, consolé et fortifié, poursuit avec courage sa voie douloureuse.

Quelle est la cause de cette souffrance sans exemple du Seigneur à Gethsémané, de ce contraste inexplicable entre la calme assurance de sa prière sacerdotale et l'agonie dans le jardin des Oliviers ? Cette question n'aura sa pleine solution que dans l'éternité ; car l'intelligence humaine est incapable de saisir la profondeur des souffrances de Christ. Cherchons cependant à nous en rendre compte.

La mort est un objet d'effroi et le roi des épouvantements pour nous, pécheurs, qui devrions être accoutumés à cette pensée : car notre vie est une lente agonie. La mort habite en nous, conjointement avec le péché, et elle travaille peu à peu à notre destruction. Chaque maladie nous en rapproche. Comparez le jeune homme, en pleine santé, dans l'épanouissement de sa force et de ses facultés, au vieillard infirme et décrépit. Le vieillard est à demi-mort. Sa force est éteinte, son esprit affaibli, ses facultés sont émoussées ; pareil à un arbre déraciné, à une lumière qui s'éteint, il offre à la mort une proie aisée. Cependant le plus robuste, le mieux portant, a en soi le germe de la mort, parce que le péché habite en lui.

Le Seigneur, étant sans péché, n'avait pas de parenté avec la mort. Son antipathie pour elle devait être d'autant plus profonde que ses sentiments étaient purs, sains, élevés. Elle était un ennemi du dehors qui ne trouvait rien en lui. « Toutes choses ont été faites par le Seigneur, et rien de ce qui a été fait n'a été fait sans lui. » (Jean 1, 3.) « Il est le Prince de la vie. » (Act. III, 15.) En présence de cette grandeur, de cette puissance, on comprend l'effroi répulsif que dût éprouver le Fils de Dieu, au moment de livrer son corps à la tombe.

Le chrétien, qui a reçu le pardon de ses péchés, peut redouter encore le sombre passage ; car il se sent né pour la vie. Mais, s'il est réconcilié avec Dieu, la mort a perdu son amertume. « O mort : où est ton aiguillon ? O enfer ! où est ta victoire ? » (I Cor. XV, 55.) Il n'a plus à craindre le jugement ; la vie éternelle et bienheureuse lui est réservée. Le dernier soupir est pour lui le moment du retour dans la maison du Père. La fin de l'impénitent est bien différente. L'aiguillon n'a point été enlevé, la conscience frémit à la pensée du jugement à venir. C'est cette terreur et cette agonie que le Sauveur a subies, et non seulement celle d'un seul pécheur, mais celles de milliards de pécheurs, afin que ceux-ci puissent s'endormir en paix.

Mais ce n'est point encore tout. Ce qui adoucit nos souffrances et les rend supportables, c'est l'amour et la sympathie de ceux qui nous entourent. La souffrance pèse doublement sur l'isolé, qui se sent incompris, auquel nul n'adresse une parole de consolation. Et, lorsque ceux sur lesquels il pouvait compter, ceux auxquels il a fait du bien, l'abandonnent ou vont jusqu'à le mépriser et à s'acharner contre lui, alors une profonde amertume vient s'ajouter à son épreuve. Toutes ces douleurs-là, le Rédempteur les a ressenties au plus haut degré. « je frapperai le Berger et les brebis du troupeau seront dispersées. » (Matth. XXVI, 31.) « Alors tous les disciples l'abandonnèrent et s'enfuirent. » (Matth. XXVI, 56.) « Celui qui a mis la main dans le plat avec moi, celui-là me trahira. » (Matth. XXVI, 23.) Pierre, « le renie avec serment en disant : je ne connais point cet homme-là. » (Matth. XXVI, 72.) Le peuple d'Israël que le Seigneur avait aimé d'un amour tendre et compatissant, auquel il n'avait fait que du bien et dont il était l'espérance et la gloire, ce peuple le rejette et le crucifie.
Nul homme n'a souffert ce que Jésus a souffert.

Que ceux-là aillent à Gethsémané, qui prétendent que le Seigneur était au-dessus de la nature humaine et qu'il n'avait nul besoin de sympathie et d'affection ; ils le verront s'adresser, dans son angoisse, tour-à-tour à Dieu et à ses disciples, cherchant auprès d'eux force et consolation et n'en trouvant pas. Le Seigneur étant un homme parfait, ses sentiments humains étaient plus profonds que ceux des autres hommes ; aussi l'ingratitude effrayante du peuple qui lui devait tout, et l'inexplicable abandon des siens, en présence de ses ennemis et des puissances de l'enfer, ont-ils dû le faire souffrir d'une manière indicible.

Cependant la crainte de la mort et le complet isolement dans lequel se trouve Jésus, n'expliquent point suffisamment sa terrible agonie. La cause principale de sa souffrance, c'est la culpabilité de l'humanité dont il s'est chargé et, qu'à Gethsémané, il embrasse dans son insondable immensité. N'oublions pas que, comme représentant du genre humain, le Sauveur devait souffrir avec la parfaite conscience de ce qu'il faisait, avec l'entière connaissance de la dette dont il se chargeait. Les hommes souffrent le plus souvent sans penser à l'avenir ; ils ignorent l'étendue et l'amertume qui peuvent s'ajouter à leur épreuve - le Dieu miséricordieux a couvert l'avenir d'un voile, pour leur laisser l'espérance. Il en est autrement pour le Seigneur. Il a dû connaître parfaitement la dette immense de l'humanité, afin de la porter avec une sainte humilité jusqu'au trône de la justice de Dieu. Pleine connaissance de la culpabilité, soumission volontaire à la justice divine, sainte acceptation du jugement, voilà les causes de l'agonie du Sauveur à Gethsémané.

Depuis 6000 ans, le péché s'est répandu comme un fleuve souillé sur notre terre et l'a couverte d'iniquités, d'infamies, de crimes, qui crient vengeance. Il n'est pas un seul des milliards d'hommes qui vivent et qui ont vécu ici-bas, qui n'ait ajouté les siens au sinistre contingent de péchés déjà commis, pas un seul qui puisse échapper à la condamnation. À Gethsémané le Sauveur a contemplé ce monde d'iniquités ; elles se sont posées sur lui comme de sombres nuées et, envahissant l'horizon, elles ont formé un mur de séparation entre son Père et lui. Comment la terreur ne se serait-elle pas emparée de tout son être à la vue de l'océan de perdition, de la culpabilité immense des pécheurs ? Non seulement Jésus contemple ce terrifiant tableau, mais il se présente lui seul pour expier cette accumulation d'iniquités. Celui que le péché n'avait jamais effleuré, qui en avait un saint effroi, prend sur lui ce poids épouvantable et s'en laisse comme envelopper. Il accepte comme sienne cette oeuvre du diable et il se présente avec elle devant le trône du Dieu saint, pour en porter la juste condamnation. Lui, le Fils bien-aimé « a été fait malédiction pour nous. » (Gal. III, 13.)

Le chrétien qui a passé par les angoisses du repentir, qui s'est prosterné humble et tremblant devant Dieu, sera saisi d'épouvante à la vue du saint Fils de l'homme chargé de tous lès péchés du monde et il s'étonnera que le Seigneur ait pu supporter une telle agonie.

Ce qui rend plus terrible encore cette sinistre scène, c'est la présence de la puissance des ténèbres. « Le prince de ce monde vient, dit Jésus, mais il n'a rien en moi. » (Jean XIV, 30.) Si, lors de la première tentation, le diable avait cherché à attirer le Seigneur par la flatterie et par la séduction des biens terrestres, maintenant il fond sur lui avec les armes de la terreur. Il ne nous est pas dit de quelle manière le prince des ténèbres l'assaillit ; il nous suffit de savoir qu'il engage son combat le plus acharné ; car il s'agit pour lui de remporter la victoire ou d'être jugé et condamné à jamais. La sombre armée des esprits infernaux entoure le Seigneur, s'empare de lui, se fait un jeu de sa personne et se prépare à le mettre à mort. Car le diable, « meurtrier dès le commencement » (Jean VIII, 44), est le véritable chef de la ligue formée contre le Seigneur, qui le maltraitera et le crucifiera.

Ce n'est que dans l'éternité que nous comprendrons pleinement ce qu'ont été les souffrances indescriptibles du Seigneur à Gethsémané. Alors, dans un sentiment d'adoration et de reconnaissance, nous unirons nos voix à celles des rachetés pour répéter : « L'Agneau qui a été immolé, est digne de recevoir puissance, et richesse, et sagesse, et force, et honneur, et gloire, et louange. » (Apoc. V, 12.)

V. CE QUE NOUS DIT GETHSÉMANÉ

Quoique les saintes Écritures parlent fréquemment « de la colère de Dieu qui se déclare du ciel contre toute l'impiété et l'injustice des hommes, » (Rom. I, 18) il est un grand nombre de personnes qui ne peuvent admettre que le Dieu d'amour soit en même temps le Dieu juste et saint ; elles se croient moins coupables que les autres hommes et pensent que, ayant de bonnes intentions et participant comme chacun aux faiblesses humaines, elles n'encourent pas la colère de Dieu. Elles traitent légèrement le péché ; Dieu ne fera-t-il pas de même ? On rencontre des chrétiens sincères qui, sans s'en rendre compte, partagent cette manière de voir ; ils n'envisagent pas le péché avec assez de sérieux, ils l'excusent devant leur propre conscience et en prennent trop aisément leur parti. Ne pratiquant ni une sincère repentance, ni une véritable humiliation, ils ne parviennent jamais à la paix.

Gethsémané nous montre de quelle manière l'Éternel envisage le péché. « Il ne tient point le coupable pour innocent. » (Ex. XXXIV, 7.) La loi doit être accomplie, sinon elle frappe celui qui l'a violée. Dieu ne serait pas le Dieu saint, s'il laissait une seule transgression impunie. Il a livré son Fils à la justice divine, il l'a condamné à notre place, afin que sa loi sainte soit satisfaite et que le pécheur repentant obtienne grâce et pardon. Regarde ton Sauveur à Gethsémané ; vois-le chargé de tes péchés, même de ceux qui te paraissent inoffensifs, vois-le accablé et tremblant sous leur poids ; crois-tu encore que ton péché soit indifférent aux yeux de Celui qui est trop pur pour voir le mal ? Si, en présence de Gethsémané, tu ne te sens pas pénétré de repentir, si ton coeur ne déborde pas de reconnaissance et d'amour pour ton Sauveur, il n'y a plus d'espoir pour toi. Quoique vivant, tu es déjà mort.

L'angoisse morale du Christ, qu'aucun homme n'aurait pu supporter sans mourir, cette angoisse nous préserve du désespoir. L'enfant de Dieu, qui, par la foi, a accepté Jésus pour son Rédempteur, et qui vit en communion avec lui, n'est plus « soumis au pouvoir de la mort. » (Rom. VI, 9.) Celle-ci devient un sommeil, ou plutôt l'entrée dans la vie éternelle et bienheureuse. La crainte de la mort et du jugement à venir sont les plus implacables ennemis de l'humanité. Gethsémané nous délivre de ces terreurs.

Il n'est point indifférent au Seigneur que nous recevions son sacrifice avec une foi humble et reconnaissante, ou que nous le négligions par légèreté ou insouciance. Puisque, par amour pour nous, notre Sauveur a supporté l'agonie de Gethsémané, puisque notre rédemption est pour lui chose si importante qu'il a donné sa vie pour nous l'acquérir, nous devons aussi l'envisager avec sérieux. « Efforcez-vous d'entrer par la porte étroite. » (Luc XIII, 24.)

Tout homme ici-bas a passé ou doit passer par la souffrance. Parfois l'épreuve devient si lourde qu'il se sent près de succomber sous son poids. Cependant le châtiment n'est jamais proportionné à nos transgressions. Un seul a souffert sans le mériter. Comment supporta-t-il son agonie ? En priant. Il se prépare à la souffrance par la prière. Il prie en peu de mots ; mais ce peu de mots, qui résument l'Évangile, « il les offre avec de grands cris et avec larmes » (Hébr. V, 7), et il est exaucé. Au premier abord, on ne le croirait pas, puisque la coupe n'a point été détournée de lui et qu'il a dû la vider jusqu'à la lie. Cependant il a été exaucé ; il a reçu la force d'accomplir la volonté de son Père.

L'exemple du Seigneur nous sera d'une grande utilité. Nous aussi, nous devons nous armer et nous fortifier d'avance, de peur que les flots de l'épreuve ne nous surprennent endormis ; nous aussi, nous devons soumettre notre volonté en toute chose à celle de Dieu. S'il ne te délivre pas de l'épreuve, ainsi que tu le lui as demandé, ta prière pour cela n'est point inutile. Il l'exauce, quoiqu'autrement que tu ne le pensais. « C'est par beaucoup d'afflictions qu'il nous faut entrer dans le royaume de Dieu. » (Act. XIV, 22.) « Tout châtiment ne paraît pas sur le moment un sujet de joie, mais de tristesse ; mais ensuite il produit un fruit paisible de justice pour ceux qui ont été ainsi exercés. » (Hébr. XII, 11.) Dieu veut que ce fruit devienne nôtre. C'est pour cela qu'il nous envoie l'affliction. S'il nous délivrait de l'épreuve instantanément, à notre première requête, nous ne porterions pas ce fruit béni d'un prix éternel. Nous ne pensons qu'à notre souffrance présente ; Dieu voit le bien qui doit en résulter et il agit en conséquence.

Ce n'est pas seulement en vue de l'éternité que Dieu nous dispense la souffrance. Celle-ci est aussi destinée à nous faire avancer dans la sanctification et dans la vie de prière. On prie avec plus de ferveur quand on passe par le creuset de l'épreuve, que lorsque la vie est facile et sereine. Le devoir du chrétien, lorsque Dieu le charge d'une croix, est de l'accepter avec soumission et de la porter en bénissant et glorifiant son Maître, en présence des hommes et des anges, même des diables de l'enfer. C'est une bonne chose de parler et d'agir pour la gloire de Dieu ; mais souffrir pour l'amour de lui est infiniment plus précieux. Les travaux de saint Paul, son activité missionnaire nous remplissent d'admiration - mais les souffrances qu'il a supportées, par amour pour Christ, nous étonnent et nous émeuvent - il est grand dans le travail - dans la souffrance, il est admirable. Ce n'est que par l'épreuve que le nouvel homme manifeste et développe sa valeur. L'enfant gémit sous le fardeau qui ferait sourire un homme fort. Le malade tremble en présence de la tâche qu'un homme valide accomplit sans aucune peine. Sous la croix - et ceci est un grand encouragement - nous ne serons point laissés seuls comme Jésus à Gethsémané ; ce ne sera pas seulement un ange, mais Jésus lui-même qui demeurera avec nous « tous les jours jusqu'à la fin du monde. » (Matth. XXVIII, 20.)

L'amour de Dieu pour l'humanité déchue se manifeste à Gethsémané dans sa grandeur et sa profondeur insondables. Nous ne pouvons nous faire une idée juste de l'amour de Dieu. Ses autres qualités, notre intelligence les comprend plus aisément ; par exemple : sa puissance qui a créé par sa Parole, non seulement la terre avec tout ce qu'elle contient, mais les innombrables corps célestes semés dans l'immensité des cieux et dont la grandeur dépasse des millions de fois celle de notre monde ; ou sa science qui soutient et dirige avec une merveilleuse exactitude et une admirable harmonie l'univers tout entier, depuis l'humble fleur et l'insecte microscopique jusqu'aux soleils. Ps. XIX, 1-5.) Mais, quant à l'amour de Dieu, il n'existe pas de points de comparaison. L'amour qui remplit, non seulement notre coeur, mais celui de tous les hommes, ne peut nous en donner la plus faible idée. C'est un amour qui dépasse toute imagination. « Il ne brise pas le roseau cassé ; il n'éteint pas le lumignon qui fume encore. » (Esaïe XLII, 3.)
Si Dieu discerne dans une âme d'homme une faible étincelle de vie, il ne la laisse pas s'éteindre, mais il s'efforce, dans sa compassion infinie, de la ranimer et de l'attirer à lui. L'essence de l'amour, c'est le don de soi-même. Le don que Dieu a fait de son Fils unique, le livrant à la mort sur la croix, « afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu'il ait la vie éternelle (Jean III, 16), est la plus haute manifestation de son amour pour nous. En comparaison de ce sacrifice, le monde entier, avec ses trésors et sa gloire, n'est que néant. Dieu ne pouvait faire davantage, car, en donnant son Fils, il s'est donné lui-même. L'amour des parents pour leurs enfants est un don de Dieu. Un père renoncerait à tout, il immolerait sa propre vie, plutôt que de sacrifier son enfant. Dieu a livré son Fils unique, « la splendeur de sa gloire et l'empreinte de sa personne » (Hébr. I, 3), à la mort terrible de la croix, afin d'amener les pécheurs au salut, au bonheur, à la vie éternelle. Il l'a fait, sachant très bien qu'un grand nombre de ces pauvres égarés n'accepteraient pas ce don ineffable, et que les meilleurs mêmes ne l'estimeraient jamais à sa haute valeur. 0 amour de Dieu ! incompréhensible, infini, au-dessus de toute pensée, nous te bénissons et nous t'adorons !

Le devoir du chrétien et son privilège, c'est « d'aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme et de toute sa pensée. » (Matth. XXII, 37.) Comment accomplir ce devoir ? Comment s'approprier ce privilège ? Un grand nombre de personnes, se représentant que c'est chose très difficile, se contentent d'une piété froide, formaliste, sans confiance en Dieu ; elles restent dans le parvis extérieur et n'entrent jamais dans le sanctuaire. Cependant le chemin est simple et tout tracé. Le plus petit enfant peut aimer sa mère. Comment s'y prend-il pour s'attacher à elle, au point que son absence le fait souffrir et peut même le rendre malade ? Simplement ceci : l'enfant se laisse aimer ; l'amour de sa mère éveille l'amour dans son jeune coeur. Si nous contemplons à Gethsémané et à Golgotha l'immense sacrifice accompli par l'amour divin, si nous méditons les paroles de miséricorde et de tendre compassion du Sauveur ; si, en un mot, nous nous laissons aimer par notre Dieu, nous sentirons aussi s'éveiller dans notre coeur un profond et ardent amour pour Lui. Quand on connaît Dieu, on ne peut autrement que l'aimer et l'adorer.

L'enfant est à plaindre et à blâmer, qui possédant un bon et tendre père, s'en va errer solitaire et révolté dans le désert du monde. Il se croit libre de tout joug, il jouit dans une certaine mesure ; mais son coeur est sans paix, sans loi, sans harmonie ; il est malade.


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