Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE  (Jean 17.17)
Cela me suffit...
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Il est écrit:
TA PAROLE EST LA VERITE
(Jean 17.17)
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REINE BLANCHE EN PAYS NOIR
Vie de Mary Slessor, missionnaire au Calabar



PRÉFACE

Les premiers missionnaires de l'Évangile ont laissé le souvenir d'hommes extraordinaires, qui voyaient le merveilleux éclore sous leurs pas. « Il se faisait beaucoup de prodiges et de miracles par les apôtres » (Act. Il, 43). Il en fut de même de ces grands missionnaires du Moyen-Age qui s'établirent dans les forêts séculaires de la Gaule ou de la Germanie, ils travaillèrent à convertir et à civiliser nos ancêtres païens, et auxquels l'Eglise, dans son admiration reconnaissante, décerna le titre de Saints.

Nous n'attendons pas des missionnaires de notre temps des prodiges absolument semblables à ceux qu'ont enregistrés les Actes des Apôtres ou la Légende des Saints. Peut-être cependant ne nous rendons-nous pas assez compte de ce que l'apostolat évangélique, aujourd'hui encore, a de surnaturel.

L'Évangile reste au vingtième siècle ce qu'il a toujours été, « la puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rom. I, 16). Aussi pouvons-nous affirmer - en donnant aux mots un sens plus moderne, mais non moins explicite - que le missionnaire de nos jours peut accomplir de vrais miracles et qu'il y a, au service de nos missions, des saints et des saintes qui ne le cèdent à aucun des plus grands serviteurs de Dieu dans les siècles passés.

La parole si étonnante du Christ ne cesse pas, en vérité, de s'accomplir : « Celui qui croit en moi fera aussi les oeuvres que je fais, et il en fera de plus grandes » (Jean XIV, 12).

Mary Slessor, qui est morte il y a trois ans, est une de ces saintes du protestantisme contemporain. Son oeuvre au Calabar tient du miracle, et, dans la faiblesse de cette femme, la puissance de Dieu s'est déployée d'une manière qui confond notre foi.

Sa biographie, que nous offrons au public français, a déjà paru en, anglais, sous deux formes différentes (1). C'est l'histoire, insistons-y, d'une simple femme du peuple, et non pas même d'une femme épanouie dans le mariage et la maternité, mais, à l'entrée de sa carrière, d'une jeune fille, et, plus tard, de ce que nous appelons, d'un nom qui évoque une idée de timidité facilement effarouchée, une vieille demoiselle.

De fait, Mary Slessor était timide. elle osait à peine, nous dit-on, arrêter un autobus dans les rues de Londres, pour y monter. Mais quel courage Dieu lui donna pour vivre, seule, dans un pays de nègres sauvages, encore cannibales, pour leur disputer les enfants jumeaux ou les esclaves qu'ils allaient mettre à mort, pour tenir tête aux chefs, pour siéger elle-même comme juge de leurs différends ! Sous ce climat si pénible, si dangereux même pour l'Européen, Mary Slessor a vécu de longues années, se bâtissant successivement plusieurs maisons de ses propres mains, faisant de longues marches à pied, portant sur ses épaules des malades, des mourants, passant la nuit à bercer, à soigner sa famille adoptive de petits négrillons, endurant des fatigues, assumant des responsabilités devant lesquelles reculeraient certainement la plupart des hommes.

Si une femme a fait cela, si elle est devenue le magistrat, le consul britannique, la reine enfin - sans sceptre, ni couronne, ni liste civile - de tout ce grand pays d'hommes noirs, n'est-ce pas la preuve que peut-être, jusqu'ici, dans nos Missions, nous n'avons pas donné à la femme - en particulier à la femme non mariée - la place, le rang, les fonctions qu'elle peut remplir ? Nous l'avons utilisée seulement comme institutrice ou comme garde-malade. Le plus souvent, elle a été maintenue sous la tutelle d'un missionnaire dont elle était la subordonnée. Elle n'assistait qu'à certaines séances des conférences, n'y avait qu'une voix consultative, et même sur un nombre limité de questions. Son individualité n'était pas admise. à se déployer librement dans tous les domaines de l'apostolat.

Or la guerre donne en ce moment à la femme européenne l'occasion de révéler toutes ses capacités. Que de places, réservées jusqu'ici aux hommes, se trouvent occupées par des femmes qui s'y sont parfaitement adaptées ! La guerre passera, mais ces conquêtes du féminisme resteront. En Angleterre, la femme a déjà obtenu la promesse qu'elle aurait, après la paix, le droit de vote. Bien d'autres droits devront lui être reconnus.

Il ne convient pas que l'Eglise de Celui « en qui il n'y a ni homme ni femme » se montre, sur ce point, en retard sur le siècle. Déjà les Synodes ont discuté sur « les activités féminines » au sein de nos paroisses. Le temps nous paraît venu où, dans nos champs de mission, nous devrons reconnaître le titre et les fonctions de missionnaire à la femme appelée de Dieu qui aura atteint sa maturité et fait la preuve de sa valeur personnelle, soit par des études égales à celles des hommes, soit par un stage suffisamment prolongé dans une situation subordonnée. Pendant une dizaine, d'années, au moins, nous allons manquer d'hommes, après la saignée épouvantable de la guerre. Seules, les femmes pourront suppléer à cette lacune. J'admets qu'on réserve la question de la consécration pastorale et de l'administration des sacrements, mais, pour occuper les stations vacantes, pour évangéliser les villages de païens, pour visiter et grouper les femmes, les jeunes filles, les enfants, pour prêcher l'Évangile et fonder des églises, pour diriger enfin les catéchistes et instituteurs indigènes de tout un district, l'exemple de Mary Slessor et de bien d'autres prouve suffisamment qu'une femme peut être employée sans inconvénient, souvent même avec avantage. Préparons-nous donc dès maintenant à confier éventuellement à des femmes toutes ces activités, et préparons pour ces activités les jeunes filles bien qualifiées qui viendront à nous.

Telle est la conviction que nous avons vue se former et se fortifier au sein du Comité directeur de notre Société des Missions. Déjà il a décidé en principe qu'au lendemain de la guerre, nous organiserions un cours de préparation spéciale pour les jeunes filles ou les femmes se destinant aux missions. On envisage même la possibilité de deux préparations différentes, suivant que les candidates seraient ou non pourvues de diplômes universitaires et capables d'affronter avec profit des études supérieures.

Quelles devront être les qualités essentielles de ces missionnaires femmes ? C'est à Mary Slessor elle-même que nous voudrions le demander. Voici deux pages sorties de sa plume, et qui n'ont pas trouvé place dans l'ouvrage que l'on va lire : elles sont tirées de sa grande biographie (2).

La première insiste sur la distinction intellectuelle et morale : aucune fleur ne saurait être trop belle, aucun diamant d'un éclat trop pur pour la couronne du Roi des rois.

« Rien, j'en ai la conviction, ne touchera jamais ni ne relèvera ceux qui sont tombés, si ce n'est l'amour. Ils ont horreur de la propre justice qui voudrait se pencher sur eux avec satisfaction, ils haïssent tout ce qui ressemble à une protection qui patronne, à une pitié qui s'abaisse. Ils ont besoin d'amour et de patience. Ils ont besoin aussi de « distinction », car ce qu'il est convenu d'appeler les classes les plus humbles respectent et aiment la « distinction, » et les païens eux-mêmes sont plus fins à découvrir le manque de « distinction » que beaucoup de ceux qui les dépassent dans l'échelle sociale. Pour ma part, quand il s'agit de prêcher aux petits et à tous les hors-castes, je ne crois pas au succès des anciens forçats ou des lutteurs de foire convertis. Je crois au contraire que, plus il y a de distinction, de beauté et de bonne éducation dans toutes les branches de l'activité chrétienne, et plus aussi il y a de succès réel et de solidité, plus il y a de garanties que suivront bientôt des résultats incommensurables, et des fruits chrétiens de première valeur. La vulgarité et l'ignorance ne pourront jamais par elles-mêmes avoir une influence quelconque sur les classes inéduquées, ni du reste sur qui que ce soit... »

L'autre citation vise les qualités non moins indispensables de dévouement pratique, de consécration sans réserve au service du Sauveur dans la personne dos plus misérables de nos semblables.

« Ce qu'il nous faut, ce sont des femmes consacrées, des femmes qui sachent aimer, des femmes qui n'aient peur d'aucun travail, qui ne redoutent le contact d'aucune espèce de corruption matérielle ou morale, des femmes qui puissent soigner un bébé abandonné, enseigner à un enfant à se laver et à se peigner, tout aussi bien qu'à lire et à écrire ; des femmes qui sachent avec tact polir toute rudesse, et, pour l'amour de Jésus, supporter toute rebuffade, des femmes qui puissent accepter n'importe quelle situation qui s'offrira à elles; des femmes surtout qui aient appris à porter au Sauveur tous leurs fardeaux et à trouver auprès de lui la force de sourire, la force de persévérer, d'aller de l'avant, quelles que soient les circonstances. Si elles savent jouer du Beethoven, peindre et dessiner, parler anglais, français, allemand, tant mieux ; mais nous pourrons nous passer de tout cela, si elles ont seulement un coeur qui aime, des mains qui veulent et du bon sens. À coup sûr ces femmes-là existent. Il y en a par milliers, dans nos églises, et nos églises ne peuvent pas réclamer comme un monopole le privilège de les prendre pour elles-mêmes. Oh ! réservez-nous-en quelques-unes. »

La femme qui a écrit ces deux pages avait beau sortir elle-même des rangs du peuple, être fille d'un alcoolique, avoir été dans son enfance ouvrière de manufacture, elle appartenait à l'élite spirituelle de l'humanité, elle possédait, au plus haut degré, l'aristocratie du coeur, celle de la conscience morale et même celle de l'intelligence.

Comme les premiers apôtres du Christ, Mary Slessor a un jour entendu son appel, et, « ayant tout quitté, elle l'a suivi ». Voici donc son histoire, racontée tout simplement, pour les enfants de nos familles protestantes. Puisse-t-elle susciter dans l'âme de beaucoup de jeunes filles l'ambition de devenir comme elle, par la grâce de Dieu, dans ce monde où il y a encore tant de tribus et tant de races « assises dans les ténèbres », un témoin de l'amour rédempteur, une vraie missionnaire.

Paris, 14 novembre 1917. JEAN BIANQUIS.

Directeur de la Société des Missions évangéliques de Paris.


P. S. - L'impression de ce petit volume devait ne prendre que quelques semaines et être terminée avant Noël 1917. Mais la guerre complique et retarde toute chose : Reine blanche en pays noir ne paraîtra pas avant la première quinzaine de mars 1918. Et, pendant ce temps, la fidèle amie des Missions qui avait traduit de l'anglais cette biographie de Mary Slessor est allée la rejoindre auprès de Dieu.

Ce travail d'adaptation avait été pour Mme Soltau, née Louise Monod, une tâche très douce dont elle s'était acquittée avec joie. Elle avait été encouragée par l'accueil que nous avions fait à son manuscrit et projetait déjà de se lancer dans une entreprise beaucoup plus considérable. À l'occasion du prochain centenaire de l'introduction de l'Évangile à Madagascar, elle avait accepté, sur notre conseil, d'écrire l'histoire de cette mission, ou du moins de sa période héroïque, de 1818 à 1865, une des pages les plus admirables de l'apostolat évangélique. Déjà elle avait fait venir des livres qu'elle n'eut même pas le temps de parcourir. Une des dernières recommandations qu'elle fit à son mari, quand elle sentit venir la mort, fut celle-ci : « Renvoie les livres à Londres ».

Elle a pu relire en épreuves les premières feuilles de sa Reine blanche. Elle espérait tenir bientôt entre ses mains le volume broché. Elle n'aura pas eu celle satisfaction. Sa fin a été rapide et douce et elle s'est endormie à Hastings, le 16 janvier, dans sa soixantième année.

L'une des caractéristiques de sa piété, très personnelle, très active, très joyeuse aussi, c'était l'amour du ciel.

Elle parlait du ciel volontiers, souvent, et on peut dire gaiement. C'est dans le ciel que nous la chercherons désormais, comme dans un lieu familier. Elle s'y « repose de ses travaux », tandis qu'ici-bas cette dernière oeuvre de ses mains agiles et de son coeur généreux perpétuera son souvenir, prolongera son influence et contribuera encore à glorifier son Maître.

J. B.

Consécration

 

À toi, mon Dieu, je me donne,
Je me donne tout entier !
Ton amour est ma couronne,
Ta force est mon bouclier.
 
Je te donne mes journées,
Mes succès ou mes revers ;
Je te donne mes années,
Mes printemps et mes hivers ;
 
Mes désirs, avec leur flamme
Que tu peux seul apaiser,
Et les rêves de mon âme
Que tu veux réaliser. (3)
 
Toutes les fleurs de ma route
Viens les cueillir de ta main ;
Tous mes pleurs, goutte après goutte,
Les recueillir dans ton sein.
 
Dans la joie ou la souffrance,
Je veux te suivre en tout lieu ;
Toute ma vie à l'avance,
Je te l'apporte, ô mon Dieu !
 
EDOUARD MONOD.

Table des matières

(1) Pour les adultes : Mary Slessor of Calabar, pioneer missionary, par W. P. Livingstone, 1 vol. in-8 de 347 pages, avec planches, 8e édition. Londres et New-York, Hodder et Stoughton. Prix : 7 francs.

Pour la jeunesse et les enfants : The white Queen of Okoyong, par W. P. Livingstone, 1 vol. de 208 pages, illustré; Londres et New-York, Hodder et Stoughton. Prix net : 2 francs.

C'est ce deuxième ouvrage, plus court et d'un caractère plus populaire, que Mme Soltau-Monod a traduit librement en français.

(2) Mary Slessor of Calabar, p. 45 et 134.

(3) C'est nous qui soulignons. (TRAD).

 

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