Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

TROISIÈME PARTIE

L'Autorité dans la Religion de l'Esprit


 « ... Je déclare, comme devant le tribunal de Jésus-Christ où je m'attends à comparaître bientôt, que toutes mes recherches soit de l'Ecriture, soit de l'histoire de l'Eglise, soit de mon propre coeur, n'ont fait que me confirmer dans la conviction inébranlable que quand l'Ecriture parle, c'est Dieu qui parle, et que quand elle proclame Sa volonté, la voie du salut, les grandes doctrines du péché, de la grâce, du Père, du Fils, du Saint-Esprit, ce qu'elle nous dit n'est pas moins véritable et moins assuré que si le ciel s'entrouvrait dans ce moment sur notre tête, et si la voix de Dieu retentissait, comme autrefois en Sinaï. Il n'y a pas de bornes à la confiance et à la soumission que nous devons aux Écritures, pas plus de bornes qu'on n'en trouverait à la vérité et à la fidélité de Dieu...

Ainsi, l'Écriture est la Parole écrite de Dieu comme Jésus-Christ est la Parole vivante de Dieu.

« Ceux qui s'appuient des caractères humains de l'Écriture pour en méconnaître la divinité, raisonnent comme ceux qui s'appuient sur la personnalité humaine de Jésus-Christ pour lui refuser le titre de Dieu, faute de comprendre que la nature humaine et la nature divine sont unies dans la personne de Jésus-Christ comme la parole humaine et la parole divine sont unies dans les Écritures.

Quant à la manière dont se fondent les deux natures dans un cas, et les deux voix dans l'autre, c'est le fond même de l'objet de la foi sur ce point, mystère profond mais, nous dit St Paul, « mystère de piété » et qui remplit notre âme de joie et d'espérance ».

Adolphe MONOD,
Les Adieux (p. 166, 175).


CHAPITRE XV

L'Eglise et l'Autorité


Il nous paraît maintenant nécessaire d'aller au devant d'une très grave objection qui immanquablement nous sera faite : Vous avez établi, nous dira-t-on, que ni St Pierre, ni personne n'a été placé, sur la terre, à la tête de l'Eglise. Il n'existe donc aucune autorité ici-bas, aucune autorité réelle, divine, infaillible devant laquelle on soit tenu de s'incliner ? Le désordre doit alors régner parmi les, fidèles chrétiens !...
Non ! Nous sommes au contraire convaincu, tout autant que nos frères catholiques, qu'une autorité extérieure, concrète et indiscutée, est aussi nécessaire à l'Eglise, en matière de foi, qu'elle est indispensable à une nation, en matière sociale et politique. Pour l'une, comme pour l'autre, rejeter le principe d'autorité, nous l'affirmons hautement, c'est se condamner à sombrer dans l'anarchie et la mort.

La question est seulement de savoir où, et quelle est, pour l'Eglise cette autorité.
Comme on l'a fort bien dit, il ne suffit pas de parler de l'autorité pour faire de l'autorité. Il ne suffit pas davantage d'en proclamer la. nécessité (1). Il suffit encore bien moins, par un coup d'état, de se proclamer infaillible. Il faut chercher l'autorité où elle se trouve. L'autorité, comme la vérité, c'est Dieu.
Mais Dieu, Dieu, où trouver sur la terre l'expression formelle de sa pensée et de sa volonté, c'est-à-dire de son autorité ? Car il faut que l'homme se soumette. Il le faut, par ce simple motif que l'homme n'est pas Dieu (passim. P. 90).

L'expression infaillible de l'autorité de Dieu pour les hommes et pour l'Eglise, réside, pour les catholiques, dans le chef suprême de la foi. l'Eglise romaine, le pape, qui remplace à leurs yeux notre Seigneur Jésus-Christ sur la terre. Pour le chrétien selon l'Évangile, cette autorité se trouve dans la Parole écrite (2), norme infaillible et suprême de la Foi, avec le Saint -Esprit comme lumière, comme instructeur et comme guide.

Si nous croyons que Dieu s'est révélé, sa révélation nous oblige (passim. P. 92). Et Il s'est révélé, à la fois par son Fils, Jésus-Christ, et par sa Parole. Son Fils est remonté au ciel, mais sa Parole nous reste, la Sainte-Écriture, la Bible. Une fois reconnue pour divine, la Révélation n'est plus soumise à notre tribunal. Nous ne la jugeons pas, elle nous juge (passim P. 92). C'est cette vérité élémentaire que rejettent tous les rationalismes, et que rejette l'Eglise de Rome, quand elle répond qu'une telle autorité est un mythe, et ne peut conduire, à cause de la diversité des opinions, chacun étant l'arbitre de sa croyance, qu'à la multiplicité des sectes, c'est-à-dire au chaos. De même, dit-elle, qu'il faut des juges et un tribunal pour interpréter les lois et les appliquer, de même, il faut un Docteur suprême à l'Eglise pour interpréter l'Écriture, loi de Dieu.

Elle cite en particulier, à l'appui de cette opinion, le cas de cet Éthiopien, intendant des trésors de la reine Candace. Comme il lisait, sur son char, le prophète Isaïe (Actes VIII), Philippe, l'évangéliste, s'approcha et lui demanda : « Comprends-tu bien ce que tu lis ? » - « Comment le pourrais-je, répondit l'Éthiopien, si quelqu'un ne me guide ? » Philippe lui expliqua alors le passage et le conduisit à la foi.

- « Vous voyez, nous dit-on ; l'exemple est typique. Comme cet Éthiopien, le simple fidèle est dans l'impossibilité de comprendre les Écritures, à moins que quelqu'un, instruit et qualifié par l'Eglise, ne lui en donne le sens... »

Un examen, tant soit peu approfondi, de ce récit entier du Livre des Actes, découvre toute la faiblesse de l'argument. Bien plus, il révèle que cet argument se trouve être une preuve frappante à l'appui de la thèse des chrétiens évangéliques. Cela est bien facile à comprendre :
Pour quelle raison, cet Éthiopien ne peut-il pas saisir le sens du passage qu'il lit dans le prophète Isaïe ? - Pour la raison unique et toute simple qu'il n'est pas un « fidèle ». N'ayant pas encore la foi en Jésus, le Saint-Esprit, par conséquent, n'est pas descendu dans son coeur pour l'éclairer.
« L'homme naturel, dit St Paul, ne peut connaître les choses de l'Esprit de Dieu, parce que c'est par l'Esprit qu'on en juge... » (I Corinth. Il. 14.)

Mais une fois que l'Éthiopien a cru, qu'il a accepté Jésus-Christ de toute son âme, qu'il a été baptisé, une fois qu'il est devenu un fidèle, enfin, qu'arrive-t-il ? - Philippe ayant soudain disparu, l'Éthiopien, est-il dit, continue tout joyeux son chemin (3). Une seule chose, désormais, lui est nécessaire : obéir à la Parole de Dieu et conserver précieusement dans son coeur le Saint-Esprit, lumière et grâce divine. La promesse de Jésus va se vérifier pour lui : « L'Esprit-Saint que mon Père enverra en mon nom, Lui, vous enseignera toutes choses... Il sera en vous... Il vous guidera dans toute la vérité ». (St Jean XIV. 26 ; XVI. 7-14.) Et cette Vérité, c'est la Parole écrite, cette Parole qui, pour le chrétien selon l'Évangile, est l'autorité infaillible, suprême, indiscutée, cette Parole qui est, en même temps, la Parole vivante, Jésus-Christ. (St Jean I. 1-14.)
Et nous sommes ici en accord avec tous les anciens Pères de l'Eglise. Oui, nous le disons bien haut, il n'en est pas un seul qui démentirait cette affirmation. Tous n'invoquaient-ils pas exclusivement l'Écriture, comme arbitre suprême, en cas de divergence ou de contestation de doctrine ?

Est-il possible que pour vouloir s'attacher à les imiter, on se trouve accusé de les renier ?
Mais comment justifier alors les théologiens romains qui, lorsqu'ils prennent à partie la Réforme évangélique, montrent que leur soin, leur souci principal, loin de faire appel à l'autorité exclusive des Écritures sont, au contraire, d'en écarter manifestement le témoignage ?
C'est la « tradition » (4) qui apporte à peu près tout le fonds des raisons et des preuves.

Ouvrons, par exemple, l'Étude sur le Protestantisme de Mgr Freppel, ancien évêque d'Angers :
« Nous ne refusons pas, dit-il, la controverse sur le terrain des Écritures, mais nous faisons observer qu'il est plus simple et plus rationnel de suivre une autre voie, en cherchant tout d'abord où se trouve la vraie Église de Jésus-Christ, car il est évident que là se trouvent la vraie doctrine et la véritable interprétation des Écritures. Outre l'avantage qu'elle possède de trancher la question par un argument sans réplique, cette méthode offre encore celui d'être à la portée de tous, de ceux-là même que le défaut d'instruction rend incapables d'un examen approfondi du texte sacré, car il est facile de reconnaître la véritable Église... » (page 40.)

Mais, mesure-t-on bien la grave accusation que l'on porte contre l'Escriture lorsque l'on affirme avec Mgr Freppel, que l'interprétation de celle-ci « n'est pas à la portée de tous, de ceux-là même que le défaut d'instruction rend incapables d'un examen approfondi du texte sacré » ?
De quelle instruction s'agit-il ? L'Écriture n'ouvrirait-elle donc ses pages qu'à une élite intellectuelle ou religieuse ?
Ah ! que nous sommes loin de l'enseignement de St Irénée, au IIe siècle, quand il affirmait :
« Le sens des Écritures est facilement intelligible pour tout esprit droit et simple. S'il est des passages obscurs, ils s'expliquent par d'autres plus clairs, de telle sorte que l'Écriture s'explique par l'Écriture, et n'a besoin, pour être interprétée, d'aucun secours étranger. » - « Sur les grandes questions de la foi et du salut, disait-il encore, il n'y a pas d'incertitude possible : la Bible est claire (5). »

Ne voit-on pas, d'abord, qu'à soutenir le point de vue de Mgr Freppel, on frappe au coeur l'Écriture dans son universalité ? Que l'on conteste ensuite, aux premiers chrétiens, la possibilité d'avoir compris les Évangiles et, spécialement, les Épîtres des Apôtres, bien qu'elles leur fussent destinées ? Car les membres de l'Eglise primitive, ces Thessaloniciens, ces Éphésiens, ces Colossiens, sortis la veille même des ténèbres de l'idolâtrie, n'étaient, certes, ni érudits, ni même bien avancés sur le chemin de la perfection chrétienne, et leurs connaissances théologiques étaient des plus sommaires.

Et alors, à quoi bon leur écrire ces lettres, à quoi bon leur en recommander la lecture, à quoi bon, si elles sont au-dessus de leur portée ?
- « Je vous en conjure par le Seigneur, dit St Paul, à la fin de l'une d'elles, que cette lettre soit lue à tous les frères ! (1 Thess. V. 27 ; Coloss. IV. -16.)

Et d'autre part, s'ils pouvaient les comprendre, pourquoi les chrétiens d'aujourd'hui, même ignorants, mais sincères, mais humblement attentifs et obéissants à la voix de l'Esprit, seraient-ils moins capables de les entendre que ceux d'autrefois ?
« Le génie, laissé à ses pauvres clartés humaines, ne les comprendra pas, mais les âmes simples les entendront, malgré leur sublimité ; et quiconque ouvre leurs pages doit se souvenir de la parole du Maître : Bienheureux les coeurs purs, ils verront Dieu » ; voilà ce que répond le P. Didon dans son beau livre « Jésus-Christ » (page 31).

Que devient-elle enfin cette parole de Jésus ?
« Je vous bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux intelligents et les avez révélées aux petits. Oui, Père, je vous bénis de ce qu'il vous a plu ainsi ! »




CHAPITRE XVI

L'Église et l'infaillibilité

 

Les théologiens romains donnent une autre raison pour contester que le simple fidèle puisse recevoir directement, par l'assistance du Saint-Esprit, la faculté de comprendre l'Écriture : c'est la variation des croyances. L'histoire des Églises séparées de Rome, disent-ils, n'est autre que « l'histoire de leurs variations ». C'est le mot de Bossuet.
Il est vrai qu'il existe un émiettement infiniment regrettable, de dénominations évangéliques. Mais, ne voyons pas seulement ce qui divise, voyons et qui unit.

Bossuet n'a pas su reconnaître qu'en dehors des variations propres aux théologies des différentes confessions de la chrétienté nominale, subsiste le patrimoine commun aux chrétiens vivants de tous les siècles. Et par ce patrimoine, nous entendons l'ensemble des grands faits et des grandes doctrines de la Foi, la Foi biblique. Or, ce patrimoine, ou cette très sainte Foi, donnée aux saints une fois pour toutes, dit St Jude, a été conservé bien autrement plus pur et plus intact dans les Églises de chrétiens évangéliques que dans l'Eglise romaine.

Et lorsqu'avec un esprit averti et éclairé, et dans la largeur chrétienne, on compare entre elles ces multiples dénominations, - celles demeurées fidèlement attachées à la Parole de Dieu - on est étonné de constater que dans la plupart des cas, leurs divergences sont très superficielles et simplement de modalité ecclésiastique. On peut même dire que beaucoup se différencient infiniment moins encore que les Franciscains des Dominicains, par exemple, ou les Sulpiciens des Jésuites (6). Autorité unique et suprême, pour les uns comme pour les autres Mais pour les uns, autorité extérieure et humaine : le pape. Pour les autres, autorité intérieure et divine : le Saint-Esprit parlant par l'Écriture.

Oui, nous affirmons qu'il existe, en dehors et au-dessus de Rome, un solide front évangélique, composé d'une multitude de croyants étroitement unis et soudés, et dont les âmes se rejoignent, en dépit de toutes les barrières ecclésiastiques, sur les trois principes fondamentaux et essentiels de la Foi chrétienne :

Autorité absolue des Saintes Écritures :
Divinité de Jésus-Christ ;
Sacrifice expiatoire et rédempteur du Fils de Dieu, et salut gratuit par la foi.

Le symbole des apôtres conserve, aux yeux de ces croyants, la même autorité qu'il avait aux temps où il fut formulé.
Si l'unité de ce bloc évangélique est en profondeur, au lieu d'être en surface, a-t-elle pour cela moins de valeur ?
D'autre part, que constate-t-on, lorsque l'on suit, pas à pas, l'histoire de l'Eglise romaine et son évolution à travers les siècles ? - Que cette histoire n'est pas autre chose que l'histoire de ses variations.

Consultons les annales des Conciles, ouvrons n'importe quel précis de dogmes catholiques, que voyons-nous ? L'Eglise romaine en perpétuelle variation.
En veut-on des preuves ? En voici quelques-unes !

Vers le milieu du IXe siècle, Paschase Radbert, abbé de Corbie, imagine la doctrine de la Transsubstantiation. Cette doctrine fut vivement combattue, comme hérétique, par les docteurs catholiques les plus autorisés du temps, Scot Erigène, entre autres. St Bernard de Clairvaux, au XIIe siècle, proteste contre la théorie de la manducation corporelle, disant que Jésus-Christ nous est offert dans la Sainte-Cène : spiritualiter, non carnaliter. Mais sa protestation ne fut pas entendue.

Enfin, cette doctrine fut officiellement et définitivement érigée en dogme au grand Concile oecuménique de Latran, en 1215, sous Innocent III. (F. Bonifas. Histoire des Dogmes.) Peut-on contester que ce soit là une variation ?
Jusqu'à l'époque du Concile de Constance (1414-1418) où il fut décidé, session 21e, que la coupe serait supprimée pour les fidèles, à la sainte communion, celle-ci s'était prise sous les deux espèces du pain et du vin.
Cette mesure ne devint effective qu'après le Concile de Trente, où la question fut résolue en faveur de la suppression de la coupe. Les anciennes coutumes du tube, et du pain, ou de l'hostie, trempés, sont définitivement abandonnées, et la participation à la coupe partout supprimée pour les laïques.
Peut-on contester que ce soit là une variation ?

Jusqu'en 1870, on pouvait être un bon catholique romain sans être obligé de croire à l'infaillibilité du pape. « L'infaillibilité est, le privilège de l'Eglise » enseignaient les théologiens catholiques. Bossuet fut l'un des plus fermes et des plus éloquents défenseurs de ce point de vue.
Lors du Concile du Vatican, en 1870, cette position était abandonnée. Les catholiques devaient croire, désormais, que l'infaillibilité était le privilège, non plus de l'Eglise, mais du pape.
Peut-on contester que ce soit là une variation ?

Il n'y a donc pas lieu de s'étonner si, à bien des reprises, les papes se sont trouvés en désaccord, non seulement avec les décisions des Conciles, mais les uns avec les autres, annulant, par exemple, tel décret de leurs prédécesseurs. L'une des plus fameuses de ces contradictions fut la sentence du pape Pie VII rétablissant, en 1814, dans tous ses droits et tous ses privilèges, l'ordre des Jésuites dont le pape Clément XIV avait prononcé, en 1773, par son fameux bref Dominus ac Redemptor, la suppression. Et en remontant plus loin dans l'histoire, on sait que les Jésuites furent chassés de France en 1595 ; mais que l'intercession du pape Clément VIII les fit rappeler en 1603.

Rappelons encore que le pape Clément IX, en 1668, faisait rétablir solennellement les Religieuses de Port-Royal des Champs, accusées de jansénisme, et qu'environ quarante ans plus tard, en 1709, sans qu'aucun fait nouveau justifiât cette mesure, le pape Clément XI, à l'instigation des Jésuites, signait la bulle d'anéantissement de la célèbre abbaye et du monastère. On pourrait multiplier les exemples (7).

L'infaillibilité ne devrait-elle pas avoir, comme logiques corollaires, la cohérence et la pérennité ?
Malgré cela, Bossuet n'a pas hésité à affirmer, parlant de Rome : L'Eglise ne varie jamais.

Il est incontestable que le poids d'une affirmation dépend beaucoup de la notoriété de la personne dont elle émane. Et la personnalité de Bossuet a pesé puissamment sur la pensée religieuse du XVIIe siècle, et des suivants. Il y a pourtant une force plus grande encore que l'autorité d'une personne, quelle qu'elle soit, c'est l'autorité d'un fait. Lorsqu'un fait contredit une affirmation, dira-t-on : Tant pis pour le fait ? Un esprit droit a vite résolu la question.

Quelque tranchante que soit donc l'affirmation de Bossuet : l'Eglise ne varie jamais, cette affirmation se trouve démentie par des faits aussi nombreux que faciles à contrôler. Elle ne peut faire impression que sur des esprits insuffisamment informés.

Nous concluons : la conception de l'autorité suprême, en matière de Foi, que se fait l'Eglise romaine, est loin de l'avoir gardée exempte de variations.
Cette conclusion nous conduit à deux autres :

La Foi chrétienne trouve, dans l'Écriture seule, la garantie de l'immutabilité ;
La seule autorité absolue, la seule infaillibilité en matière de Foi, c'est la Parole de Dieu.

Hors de là, tout est illusion, déception, confusion, chez les Catholiques aussi bien que chez les Protestants.

C'est autour de cette Parole bénie que se sont rassemblés, et que continueront à s'unir, les croyants authentiques de tous les temps, rachetés et lavés par le sang du Calvaire, régénérés et scellés par le Saint-Esprit, à quelque dénomination, à quelque Église qu'ils appartiennent. Comme aussi, c'est par le moyen de cette Parole que la communion des saints, dont parle le Symbole des Apôtres, trouve sa signification précise.

Pour l'interprétation de cette Parole, le secours, le viatique du Saint-Esprit a été garanti à tous les enfants de Dieu par la promesse sacrée du Sauveur, faite la veille de sa mort : « Il vous guidera dans toute la vérité ».
À ces paroles de Jésus, nous croyons de toute notre âme, comme l'enfant croit à la parole de son père. Nous n'admettrions jamais qu'une telle promesse ne fût qu'une mystification.

Et c'est enfin le rassemblement spirituel de tous les enfants de Dieu autour de Jésus et de sa Parole de Vie qui constitue le corps mystique du Christ, la véritable Église, une, catholique (ou universelle) et apostolique (Symbole de Constantinople, 380), celle dont Jésus est à la fois le Fondement éternel, le Chef suprême et l'Époux divin, la seule Église contre laquelle les puissances de l'enfer ne prévaudront jamais !


1. A. de Gasparin, p. 94 : Les Écoles du doute et l'École

2. Quand nous parlons de l'Écriture, ou de la Bible, nous entendons les 39 livres de l'Ancien, et les 27 livres du Nouveau Testament. Nous rejetons les livres et écrits « apocryphes » que l'on trouve dans la Bible, dite catholique. Pourquoi cela ? Parce qu'ils ne peuvent revendiquer aucune autorité divine. En effet, ils ne figurent dans aucun catalogue des 4 premiers siècles du christianisme, et ils n'ont jamais été considérés comme règle de foi jusqu'aux jours du concile de Trente qui, le premier et le seul, les déclare canoniques.

Les juifs ne les ont jamais reçus comme canoniques, et ils ne sont cités ni par Notre Seigneur, ni par le Nouveau Testament, ce qui est d'autant plus remarquable que ce dernier contient environ 360 citations de l'Ancien Testament. Au surplus, d'autres raisons, des preuves internes obligent à les rejeter. Ainsi, l'histoire de Bel et du dragon ne concorde pas avec celle de Daniel dans la fosse aux lions ; la mort d'Antiochus Épiphane est racontée de trois manières différentes ; le livre de la Sagesse, attribué à Salomon, cite des passages d'Esaïe, postérieur de plus de 250 ans ; le mensonge est approuvé dans certains cas (Tobie V. 12, XII, 1) ; le suicide est loué comme héroïque et qualifié de noble (2 Machab. XIV. 42) ; les sortilèges sont sanctionnés dans Tobie VI. 16, 17 ; d'autres livres trahissent une puérile crédulité, et l'abandon volontaire des vérités révélées. (Angus, Manuel de la Bible ; D. Lortsch, Les Livres Apocryphes.) 

3. Les Éthiopiens feraient remonter à cet homme la première prédication de l'Évangile dans leurs contrées. 

4. Il ne faudrait jamais perdre de vue qu'à l'origine, le mot a tradition » ne s'appliquait qu'à la conservation, écrite ou orale, de ce que croyaient ou enseignaient les Apôtres, et leurs successeurs fidèles à cet enseignement. (Irénée III. 3. Bonifas, Histoire des Dogmes, t. Il). Il y a donc Tradition et tradition. 

5. F. Bonifas, Histoire des Dogmes (P. 226, 227). 

6. La condamnation récente, par le Saint-Office, on ne sait que trop à l'instigation de qui, du Manuel Biblique de l'ancien Directeur de Saint-Sulpice à Paris, feu l'abbé Vigouroux, dont l'orthodoxie était au-dessus de toute suspicion, souligne avec une singulière force les divisions profondes - pour ne pas employer un autre mot - qui existent entre les grands ordres religieux catholiques, sous une surface d'apparente unité.

7. Tous les historiens, même catholiques, sont obligés de reconnaître la chute du pape Libère, quand il répudia la communion d'Athanase et souscrivit à la condamnation du grand évêque pour rentrer dans les bonnes grâces de l'empereur Constance, zélé disciple d'Arius. La défaillance du pape Libère est attestée par St Athanase, par St Jérôme et par St Hilaire (Mgr Duchesne, Hist. anc. de l'Eglise, t. 2, p. 281 ; A. Gazier, Hist. du Mouv. janséniste, t. 2, p. 304). On n'ignore pas davantage que le pape Honorius 1er décida en faveur de l'hérésie des Monothélites (A. Gazier, passim, t. 2, P. 304), ce qui lui valut d'être inscrit sur la liste des hérétiques par le 6e Concile oecuménique (Constantinople, 680). 
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