Par toutes les questions qu'elle soulève, l'affaire de la bulle
Unigenitus vient apporter à la justesse de notre démonstration le plus
éclatant des témoignages. Une allusion à ce document avait sa place
toute marquée dans notre étude. Il n'est point d'illustration plus
vivante, plus cruellement vraie du fait que l'ingérence du pouvoir
politique dans les affaires de l'Eglise, et la méconnaissance des
principes spirituels de la véritable autorité, conduisent aux pires
catastrophes.
On sait avec quelles véhémentes protestations, les
plus notables évêques de France, et à leur tête Mgr de Noailles,
archevêque de Paris, appuyés par la Sorbonne
comme par la grande masse des catholiques les plus éclairés et les
plus pieux, accueillirent la bulle, ou constitution Unigenitus, du
pape Clément XI. Le dogme de l'infaillibilité n'était pas encore mûr,
en ce temps-là.
Cette bulle fut donc promulguée, en 1713, à propos
d'un petit livre d'un prêtre de l'Oratoire, Pasquier Quesnel, qui
avait paru en 1671, avec l'approbation expresse de l'évêque de
Châlons, Félix Vialart. Il était intitulé - Morale de l'Évangile.
Il prit plus tard le titre Réflexions morales, sous lequel il
est mieux connu.
Il eut un extraordinaire succès. Bossuet en fut un
grand admirateur.
Les Jésuites prirent ombrage de ce livre. Ils y
voyaient la réprobation de leur morale à eux, comme aussi la
réfutation des doctrines d'un des leurs, le Jésuite Molina. Aussi,
persuadèrent-ils Louis XIV (1) d'en
demander au pape la condamnation. Sur les pressantes instances du monarque,
Clément XI promulguait donc sa bulle le 8 septembre 1713. Comme nous
venons de le dire, ce fut une désolation et un grand scandale pour la
majeure partie du clergé de France, parmi lequel un violent mouvement
de réaction se produisit, soutenu particulièrement par les évêques de
Montpellier, d'Auxerre, de Bayeux, de Pamiers, de Senez et de Paris.
Dans son Histoire du Mouvement Janséniste,
à laquelle nous emprunterons beaucoup, A. Gazier écrit ces
significatives paroles : « C'est un grand bonheur pour
Bossuet qu'il soit mort en 1704, au début de l'affaire Quesnel, et
près de dix ans avant la bulle, car on ne saurait dire ce qui serait
advenu ».
Il n'est pas exagéré d'avancer que la bulle Unigenitus
consomma l'anéantissement des libertés gallicanes. Elle fut comme une
sorte de mystérieuse réplique de la Révocation de l'Édit de Nantes.
Car, de même que celle-ci réussit, pour un temps, à étouffer la pensée
huguenote française dans le sang ou par l'exil, la bulle de Clément XI
finit à peu près d'éteindre, dans notre malheureux pays, le flambeau
de la plus noble indépendance et de la plus pure spiritualité
catholiques.
Les persécutions contre les protestataires - les appelants,
comme ils furent désignés - n'eurent sans doute pas le caractère
sanglant des représailles exercées contre les partisans de la Réforme.
En effet, ils se soumettaient à Rome. Mais, nombreuses furent les
excommunications, les lettres de cachet, les condamnations à l'exil.
Et une fois de plus, le dernier mot resta à la force. On alla jusqu'à
exiger des catholiques qui refusaient d'accepter la Constitution, des
billets de confession, signés d'un prêtre approuvé, faute desquels ces
fidèles étaient privés des sacrements et de la sépulture
ecclésiastique...
Les citations qui suivent du livre de Quesnel, et
que la bulle dénonce comme hérétiques et impies,
sont extraites de l'ouvrage d'Augustin Gazier (2) où
la bulle se trouve reproduite in-extenso.
Celle-ci débute en ces termes :
« Lorsque le Fils unique de Dieu enseignait
la vérité à ses disciples, il les mit en garde contre... ces maîtres
de mensonge, ces séducteurs pleins d'artifice qui ne font éclater
dans leurs discours les apparences de la plus solide piété que pour
insinuer imperceptiblement leurs dogmes dangereux, et que pour
introduire, sous les dehors de la sainteté, des sectes qui
conduisent les hommes à leur perte ; séduisant avec d'autant
plus de facilité ceux qui ne se défient pas de leurs pernicieuses
entreprises que, comme des loups qui dépouilleraient leur peau pour
se couvrir de la peau de brebis, ils s'enveloppent, pour ainsi
parler, des maximes de la loi divine, des préceptes des Saintes
Écritures, dont ils interprètent malicieusement les expressions...
vrais fils de l'ancien Père de mensonge... etc. »
Est-ce à des schismatiques que parle le souverain
pontife pour employer une telle véhémence ? Point du tout. Ceux
qui sont ainsi traités sont les religieux de Port-Royal, de pieux et
zélés catholiques, demeurés fidèlement attachés à
Rome et auxquels on n'a à reprocher qu'une certaine liberté de pensée
évangélique dans les limites de la plus stricte orthodoxie
romaine.
Parmi les cent-une propositions condamnées, tirées
du livre de P. Quesnel, nous ne citerons que celles, plus en rapport
avec notre sujet, qui ont trait à l'Eglise et à la lecture des Saintes
Écritures :
Qu'est-ce que l'Eglise, sinon l'assemblée des enfants de Dieu, demeurant dans son sein, adoptés en Jésus-Christ, subsistant en sa personne, rachetés de son sang, vivant de son esprit, agissant par sa grâce, et attendant la paix du siècle à venir ?
L'Eglise, ou le Christ tout entier, qui a pour chef le Verbe incarné, et pour membres tous les saints.
Unité admirable de l'Eglise... C'est un seul homme composé de plusieurs membres, dont Jésus-Christ est la tête, la vie, la subsistance et la personne... Un seul Christ composé de plusieurs saints, dont il est le sanctificateur.
Rien de si spacieux que l'Eglise de Dieu, puisque tous les élus et les justes de tous les siècles la composent.
Le peuple Juif était la figure du peuple élu dont Jésus-Christ est le chef.... On s'en retranche aussi bien en ne vivant pas selon l'Évangile, qu'en ne croyant pas à l'Évangile.
Il est utile et nécessaire, en tous temps, en tous lieux, et à toutes sortes de personnes, d'étudier l'Écriture, et d'en connaître l'esprit, la piété et les mystères.
La lecture de l'Écriture sainte est pour tout le monde.
L'obscurité sainte de la Parole de Dieu n'est pas, aux laïques, une raison pour se dispenser de la lire.
C'est fermer aux chrétiens la bouche de Jésus-Christ que de leur arracher des mains ce Livre saint, ou de le leur tenir fermé en leur ôtant le moyen de l'entendre.
Interdire la lecture de l'Écriture, et particulièrement de
l'Évangile, aux chrétiens, c'est interdire l'usage de la lumière aux
enfants de la lumière, et leur faire souffrir une espèce
d'excommunication.
Et voici comment la bulle se termine :
Nous déclarons, par la présente constitution,
qui doit avoir son effet à perpétuité, que nous condamnons et
réprouvons toutes ces propositions comme étant respectivement
fausses, captieuses, malsonnantes, scandaleuses, pernicieuses...
séditieuses, impies, blasphématoires, hérétiques... Et nous
défendons à tous les fidèles de lire (les livres qui les rapportent
ou les défendent) sous peine d'excommunication.
Nous ordonnons de plus à nos vénérables Frères
les patriarches, archevêques, etc., comme aussi aux inquisiteurs de
l'hérésie, de réprimer et de contraindre par les censures, par les
peines susdites, et par tous les autres remèdes de droit et de fait,
ceux qui ne voudraient pas obéir, et même d'implorer pour cela, s'il
est besoin, le secours du bras séculier... Que si quelqu'un ose
commettre cet attentat, qu'il sache qu'il encourra l'indignation du
Dieu Tout-Puissant et des bienheureux Apôtres St Pierre. et St Paul.
Rome, le 8 septembre 1713.
On a bien lu : le secours du bras séculier. Et l'on sait ce que
cela veut dire, le bras séculier : C'est
l'exil, c'est la Bastille, c'est le gibet...
Et St Pierre ? que vient faire le nom de St
Pierre en cette affaire, sinon nous obliger à mesurer la distance qui
sépare l'apôtre de ses successeurs.
Les propositions ci-dessus sont donc, d'après le
pape Clément XI, toutes hérétiques, ou suspectes d'hérésie. Les 79° et
80e, en particulier, relatives à la lecture des Saintes Écritures,
sont déclarées : Téméraires, scandaleuses, injurieuses,
séditieuses et favorisant les hérésies et les hérétiques...
En sorte que le pape Pie XI, en recommandant
solennellement, dans une encyclique récente, la lecture des Livres
Saints, s'inscrit en faux contre la parole de son prédécesseur. C'est
encore, prise sur le vif, l'une des contradictions les plus flagrantes
entre les enseignements des divers papes.
L'encyclique de Pie XI est venue trop tard,
hélas ; elle est passée sous l'oeil indifférent d'un siècle où la
lecture de la Bible n'intéresse plus guère le monde catholique. Aussi,
les Jésuites ont-ils laissé dire Pie XI...
Mais il n'en était pas ainsi au temps de Clément
XI ; et l'on comprend la consternation et le bouleversement de
l'Eglise de France à la lecture de pareils anathèmes lancés contre ce
qu'elle pouvait considérer à bon droit comme étant la vérité
chrétienne. Ce que l'on comprend moins, c'est la soumission de
l'Eglise de France...
Exagérions-nous, lorsque nous disions que Rome
n'était peut-être pas très bien fondée à assimiler les relations de
clergé à fidèles avec celles de brebis à agneaux ?
L'Histoire du Mouvement Janséniste, ou de Port-Royal,
- celle de A. Gazier et d'autres, - jette un jour singulier sur la
façon dont l'Eglise romaine tient compte des plus hautes aspirations
et des droits sacrés de l'âme à la vérité, en particulier, de la
liberté de conscience de ses fidèles, de ceux mêmes qui lui sont le
plus attachés.
Rien n'est pire que la corruption du meilleur...
La gravité de nos déductions doit susciter, nous le comprenons bien,
une émotion profonde dans le coeur de tout lecteur catholique pieux.
Que croire et qui croire, si St Pierre n'a pas été
le premier pape, s'il n'était pas infaillible, s'il n'a pas occupé le
premier siège pontifical romain ?... Ne renverse-t-on pas la base
même de notre Foi !...
Sur quoi et sur qui, cher lecteur, doit reposer
notre Foi ? N'est-ce point sur notre Seigneur Jésus-Christ, mort
pour nos offenses et ressuscité pour notre justification ?
N'est-ce point sur le rocher de sa Parole divine, contenue
dans l'Écriture ? N'est-ce point sur l'enseignement des saints
apôtres ?
Et cet enseignement, cette base pour notre Foi, où
les avons-nous ? N'est-ce point dans les écrits sacrés du Nouveau
Testament ?
Au cours des pages que vous venez de lire,
avez-vous trouvé une assertion, relevé une seule parole qui fussent en
contradiction avec les déclarations authentiques du Christ et de ses
apôtres ? Avons-nous dit quoi que ce soit d'injurieux pour les
personnes, dans votre Église, ou pour votre foi ? Et nous pensons
ici avec une sympathie toute particulière à tant d'humbles et
admirables prêtres ou religieux, qui ont cru, ou qui croient, de
toutes les forces et de toute la sincérité de leur coeur que lorsque
leur Église parle, c'est Dieu qui parle...
Oui, et, nous pensons surtout à tous ceux dont la
vie fut, à leur insu, torturée par les conflits déchirants que
suscitait dans leurs pieuses et nobles âmes la méprise tragique sur la
véritable autorité.
Nous pensons à un François d'Assise, par exemple,
qui sur la fin de sa vie se consuma dans les larmes, ces larmes que St
Augustin appelle le sang de l'âme, en voyant déjà,
en la prévoyant surtout, la décomposition de son ordre parce que ses
disciples, méconnaissant à l'envi sa pensée, commençaient à sacrifier
l'obéissance à l'Évangile à l'obéissance à l'autorité de l'Eglise. St
François, lui, n'avait jamais obéi qu'à l'Évangile. Bien-aimé
François, ah ! Poverello, qu'as-tu fait lorsque, croyant assurer
le succès de ton cher ordre, tu acceptas la protection du Cardinal
Hugolin, le futur Grégoire IX ! Ce fut, dit P. Sabatier (P. 242,
« Vie de St François »), le signal de la lutte
qui s'ouvrait définitivement entre l'idéal franciscain, chimérique
peut-être, mais sublime (3) et la
politique ecclésiastique, jusqu'au jour où, moitié par humilité,
moitié par découragement, François, la mort dans l'âme, abdiquera la
direction de sa famille spirituelle à lui confiée par Dieu,
entre les mains de l'Eglise, passant ainsi, de son vivant, à l'état de
relique... Personne ne me montrait ce que je devais faire, a dit St
François dans son Testament Spirituel, mais le Très-Haut lui-même m'a
révélé que je devais vivre selon le modèle du
Saint Évangile (passim. P. 290).
Nous pensons encore à un Lacordaire qui enfanta
dans la souffrance un disciple tel que le Père Didon. Ce père Didon,
que la jalousie et la haine implacable des pires ennemis de l'Eglise,
- ses défenseurs patentés, ô ironie, - les Jésuites, envoyèrent, près
de deux ans, expier son péché de loyale obéissance au Saint-Esprit sur
le rocher corse de Corbara, mais où, en réponse, il composa dans la
douleur ses lettres les plus poignantes, et commença sa Vie de
Jésus-Christ, l'une des plus belles vies du Christ qui aient été
écrites. Qui n'a pas lu les « Lettres du Père Didon »
ne peut savoir ce que souffre une âme sacerdotale sanctifiée et
immolée, quand elle est prise dans le double étau de l'obéissance
lumineuse au Saint-Esprit, et de l'obéissance aveugle à son Église.
L'Eglise romaine, on le sait, ne connaît que des
fidèles ou des révoltés. Ou lui obéir, même contre sa conscience, ou
être hérétique. Et quand une âme qui aime ardemment Jésus-Christ se
voit acculée à cette alternative de la révolte contre l'autorité de
l'Eglise, ou de l'infidélité à la parole de Jésus, c'est affreux.
Alors se présente et vient s'offrir, dans cette
angoisse - qui ? osons le nommer, le Tentateur - et c'est le compromis,
avec des arguments d'une subtilité satanique, d'ordre du sentiment et
d'ordre de la conscience, le compromis par où se trouvent
conciliés les inconciliables... Ah ! voilons notre
face ; qui d'entre nous, catholique ou protestant, un jour ou
l'autre de sa vie, n'a souscrit à quelqu'un de ces compromis ?
Nous nous devons la vérité.
Ah ! la douloureuse contrainte, pour un
chrétien, de dire la vérité à son frère, même au risque de déchirer
son coeur !
Non, Dieu ne parle point à l'Eglise par
l'Eglise : Dieu a parlé une fois pour toutes à l'Eglise par
son Fils, notre divin Sauveur et Seigneur Jésus-Christ (Hébreux
I. 1-2). Et les échos sacrés de cette voix nous les trouvons
dans la Parole infaillible du Seigneur, où sont également consignés
les écrits des apôtres que le Saint-Esprit inspirait.
« Quand nous-mêmes, écrivait l'apôtre Paul,
quand un ange venu du ciel vous annoncerait un autre Évangile que
celui que nous vous avons annoncé, qu'il soit
anathème ! » (Galates
I. 8.)
Dieu nous préserve de tenir un autre langage !
Ainsi, tout ce que l'on peut nous opposer, c'est la
tradition. Au nom de la tradition, et en son nom seul, on pourrait
essayer de réfuter nos affirmations.
La tradition, la vraie tradition, nul, plus que
nous, n'en a le respect, la vénération. Nul n'est plus prêt à
reconnaître que la contribution des Pères de l'Eglise au trésor
spirituel de la Foi est une vraie et grande richesse.
Mais notre respect pour la tradition ira-t-il
jusqu'à nous faire placer les écrits des Pères de l'Eglise sur le même
niveau que les écrits sacrés du Canon, sinon même au-dessus ?
Serons-nous aveuglés jusqu'à dire que tout est
inattaquable dans les écrits des Pères de l'Eglise ? Ou bien que
rien n'est légende dans les innombrables récits qui veulent agrandir
les gestes des apôtres rapportés par l'Écriture ? ou bien que la
Légende Dorée, par exemple, est une source incontestable de
sûres informations ?
Qu'un fait aussi prodigieux que le Christianisme
n'eût pas suscité, à ses débuts, des quantités de fables, voilà,
plutôt, ce qui serait impossible !
Et lorsque, conduit par un guide sûr ; on
étudie l'histoire des premiers siècles de l'Eglise, quand on assiste à
la pullulation de sectes, de pratiques et de déviations bizarres qui
menaçaient sans cesse d'étouffer le germe naissant de l'Évangile,
quand on constate l'apparition de ce mysticisme malsain qui évolue
parfois sur des gouffres de dépravation, par l'action d'un paganisme
qui couve toujours sous la cendre, on est au contraire émerveillé que
l'accumulation - sous le faux nom de « tradition » - de tant
de matériaux douteux et de miracles suspects, n'ait pas été plus
considérable encore !
Il est incontestable que tous ces récits
s'inspiraient des intentions les meilleures et d'une grande vénération
pour la personne des apôtres. Mais, a-t-on ajouté à la gloire de St
Pierre en inventant, par exemple, contre toute évidence, le pontificat
de l'apôtre à Rome ? Est-ce que son martyre, subi après sa vie si
noble et si pure, ne suffisait point à immortaliser son nom ?
Et a-t-on pensé ajouter à la splendeur de son
auréole en racontant ceci, par exemple :
« Pierre, enfermé dans le Tullianum, ou prison
Mamertine, y a fait jaillir la source, que l'on voit dans cette
prison, pour baptiser son gardien ».
Or, on sait que cette source existait bien avant la
naissance de l'apôtre...
Il est superflu d'insister.
La déformation a d'ailleurs commencé dès l'origine.
En effet, même aux temps apostoliques, ne voit-on
pas déjà, si l'on s'en rapporte aux Épîtres, le bouillonnement
virulent des superstitions et des idolâtries ?
« La prédiction de Jésus s'accomplit :
L'ivraie est semée à foison. Le levain commence à
corrompre la pâte... » (St
Matt. XIII. 33 ; I
Cor. V. 7)
Du temps de St Paul, à Corinthe, n'y a-t-il pas
déjà des hérésies ? (Actes
XX, 30). N'y a-t-il pas des personnes de l'Eglise se faisant
baptiser au lieu et place d'autres personnes, mortes sans avoir reçu
ce sacrement ? (I
Corinth. XV. 29). Et la Sainte Communion ne tend-elle pas
à perdre son caractère d'auguste et tragique simplicité ! (I
Corinth. XI. 17-22).
Le document connu, appelé Doctrine des douze
Apôtres, auquel on est en droit d'assigner une date bien plus
reculée que celle du Symbole dit des apôtres, reflète admirablement
l'état d'âme des chrétiens du second siècle. On y prend sur le vif
l'une des étapes de l'invasion progressive du sacerdotalisme et du
ritualisme dans ce qui deviendra par la suite l'Eglise romaine.
Les indices des premières déviations apparaissent.
On y surprend en germe les premiers abus, qui conduiront
insensiblement cette Église à l'état où nous la trouverons dix-huit
siècles plus tard.
On ne reconnaît bientôt plus, tant sont rapides et
nombreuses les transformations qu'il lui faut subir, l'Eglise
primitive dans sa pure et belle simplicité...
Chrétien, qui voulez atteindre le but suprême que
nous propose notre très sainte Foi, qui voulez imiter et servir Jésus,
notre divin modèle, qui voulez remporter la couronne de gloire,
restez, ou revenez, sur le chemin solide et sûr de
la Parole de Dieu. Rejetez résolument tout enseignement, toute
doctrine qui la contredisent.
Les Pères les plus éminents de l'Eglise, ne nous
laissent aucun doute à ce sujet :
St Jérôme, qui fut surnommé « le père de
l'orthodoxie », nous adresse ces sévères paroles :
« Tout ce qui s'enseigne sans l'autorité et
sans le témoignage de l'Écriture, sous prétexte de tradition
apostolique, est frappé de l'épée de Dieu. » (Sur Aggée I.)
Il ajoutait : « Ignorer les Écritures,
c'est ignorer le Christ ».
Et St Ambroise, du IVe siècle également,
écrivait :
« Qui osera parler quand l'Écriture se
tait ? nous ne devons rien ajouter au commandement de
Dieu. » (L. de la Vocation des Gentils, ch. III.)
Et St Basile, de la même époque, appelé le plus
grand des Pères des Églises d'Asie, a dit, dans son livre de la
Foi :
« Rejeter quelque chose qui se trouve dans
l'Écriture, ou admettre des choses qui n'y sont pas,
c'est une marque évidente d'infidélité, c'est un acte
d'orgueil. »
St Paul adressait aux chrétiens de Corinthe, ces
solennelles paroles :
« Je vous rappelle, frères, l'Évangile que
je vous ai annoncé, que vous avez reçu, dans lequel vous avez
persévéré, et par lequel vous êtes sauvés si vous le retenez tel que
je vous l'ai annoncé ; autrement vous auriez cru en vain... »
(I
Corinth. XV. I).
Aucun changement ne peut donc être apporté au pur
et simple Évangile apostolique. Suivre un évangile différent, c'est
s'exclure de la Grâce de l'Évangile.
Et à Timothée, St Paul écrit :
« Mais l'Esprit dit clairement que dans les
temps à venir, certains abandonneront la Foi, pour s'attacher à des
esprits séducteurs, proscrivant le mariage, et l'usage d'aliments
que Dieu a créés afin que les fidèles et ceux qui ont connu la
vérité en usent avec actions de grâces », etc... (I
Timothée IV. 1-3). « Car un temps viendra, écrit-il
encore, où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine ; mais
ils se donneront une foule de docteurs, suivant leurs convoitises et
avides de ce qui peut chatouiller leurs
oreilles ; ils les fermeront à la vérité pour les ouvrir à des
fables... » (II
Timoth. IV. 3).
C'est pourquoi, lorsque la tradition contredit
l'Écriture, qui devons-nous croire, la parole des hommes ou la Parole
de Dieu ?
Et même si l'Eglise à laquelle nous appartenons
venait à parler autrement que l'Écriture, cette Église
l'aimerions-nous comme une mère, qui devons-nous croire, l'Eglise ou
l'Écriture ?
Il y va de notre salut éternel.
Il ne peut donc y avoir le moindre doute : Quand la tradition se
trouve en conflit avec l'Écriture, elle doit être écartée. La Parole
de Jésus, l'enseignement des apôtres, voilà la Tradition suprême pour
notre piété et pour notre Foi.
Notre tâche est terminée.
Si nous avons pu contribuer à élever, par ces
pages, l'autorité de la Parole divine, et à glorifier, non point
l'homme, mais Dieu, nous avons atteint notre but.
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