FERVEUR DU PREMIER AMOUR. - LA CITÉ DE
L'ÂME INVITE EMMANUEL A VENIR DEMEURER CHEZ
ELLE. - EMMANUEL Y CONSENT. - POURSUITE DES
DIABOLONIENS QUI SE SONT CACHÉS DANS
L'ENCEINTE DE LA CITÉ. - FUITE
D'INCRÉDULITÉ. - EMMANUEL DONNE UNE
NOUVELLE CHARTE À LA VILLE. -
VÊTEMENTS BLANCS. - BONHEUR. - INSENSIBLEMENT
L'ÂME SE LAISSE DÉ-TOURNER DE SON
PRINCE, ET OUBLIE LA FERVEUR DU PREMIER AMOUR. -
EMMANUEL QUITTE LA CITÉ.
Après ces choses, la grande ville de
l'Âme se rendit au Camp royal comme un seul
homme pour remercier le Prince, lui dire sa
reconnaissance, et chanter les louanges de son
vainqueur. Puis elle le pria de venir chez elle, et
d'y habiter à jamais... Car maintenant que
nous t'avons vu, dirent-ils, maintenant que nous
avons contemplé ta majesté, nous ne
pourrions supporter que tu nous quittes. Nous
mourrions certainement. Puis il reste
peut-être quelques Diaboloniens dans nos
murs. Si tu nous abandonnais, que ne feraient-ils
pas. N'essaieraient-ils pas de nous faire retomber
sous le joug de Diabolus ?
- Si je m'établis dans vos murs,
répondit le Prince, m'aiderez-vous à
réaliser les desseins que j'ai dans le Coeur
contre mon ennemi et le vôtre ?
- Seigneur, notre faiblesse est
extrême..., mais si ta lumière marche
devant nous, et si ton amour est notre
arrière-garde, si tu nous conduis par ton
conseil, tout sera certainement pour le mieux.
Viens donc dans la ville, agis comme bon te
semblera, mais garde-nous de tomber dans le
péché, et fais de nous des serviteurs
utiles. »
Alors, Emmanuel répondit de
façon favorable : « Il allait
s'établir dans la Cité de
l'Âme. » À l'ouïe de
ces paroles, les citoyens furent transportés
de joie. Ils jonchèrent de verdure le chemin
que devait suivre le Prince et sa garde d'honneur,
ils décorèrent les grandes
artères de la Ville et leurs maisons. Le
château aussi fut préparé, afin
de devenir sa demeure particulière. Le
lendemain, au milieu des cantiques de louanges et
des cris d'allégresse, le Prince en costume
d'apparat et son état-major y
pénétrèrent. Les autres chefs
et leurs troupes furent répartis chez les
habitants.
Ceux-ci ne se lassaient pas de voir leur
Roi, d'observer ses manières et sa
conduite ; aussi lui demandèrent-ils de
venir souvent se promener dans la
Cité ; et d'avoir accès à
toute heure auprès de lui. Le Prince accorda
ce qu'ils désiraient ordonnant que les
portes du Palais fussent toujours ouvertes.
Certain jour, Emmanuel fit une grande
fête à laquelle il convia toute la
ville et il donna un banquet. Il reçut ses
invités avec des mets délicats qui
venaient du ciel. À chaque nouveau plat qui
était passé, les conviés se
demandaient les uns aux autres :
« Qu'est ceci ? » Car ils
ne savaient ce que c'était. Et tandis qu'ils
goûtaient à la nourriture des anges et
prenaient du miel découlant du Rocher, une
musique céleste se faisait entendre.
La fête terminée, Emmanuel
proposa à ses conviés certaines
énigmes et il leur expliqua les choses qui
le concernaient. Ils comprirent alors, en
contemplant leur Roi, ce qui était
resté obscur pour eux
jusque-là ; ils virent en lui la
substance de ce qu'annonçaient les symboles.
C'était Lui l'Agneau, le Sacrifice, le
Rocher, Lui qui portait le
péché : Lui la Porte, et le
Chemin.
De retour dans leurs maisons et
occupés aux besognes quotidiennes, les
invités pensaient encore aux affaires
d'Emmanuel ; et ils chantaient ses louanges
jusque dans leur sommeil.
Puis Emmanuel s'occupa de fortifier la
Cité, il fit élever des tours sur les
remparts et y fit placer les Frondes
apportées du Palais de Shaddaï. Il
inventa aussi un engin redoutable. Placé au
Coeur de la Ville, dans le Château, il
envoyait par la Porte de la Bouche des projectiles
auxquels rien ne pouvait résister. Cet
instrument était sous la garde et à
la disposition du Capitaine Confiance.
Ensuite, le Prince manda M. Volonté
et lui donna la garde des portes des remparts et
des tours. De plus, il le chargea de la
sécurité de la ville et mit la milice
sous ses ordres. Il lui fut très
spécialement recommandé de faire tous
ses efforts pour surprendre tous Diaboloniens qui
se seraient cachés dans la Cité et de
les tuer sur place ou de les déférer
à la Cour de Justice.
Puis le Seigneur Intelligence fut
mandé et rétabli en sa charge.
Emmanuel lui dit de se construire un palais
près de la Porte de l'Oeil. Ce palais devait
affecter la forme d'une tour pour être, le
cas échéant, facile à
défendre. Enfin, le Prince lui recommanda de
lire avec soin chaque jour le livre de la
Révélation, afin d'en être
éclairé et de pouvoir s'acquitter de
sa charge avec sagesse et
fidélité.
M. Connaissance fut nominé
Archiviste, Emmanuel réservant au Seigneur
Conscience un autre emploi. Toute effigie de
Diabolus, toute image des Diaboloniens devaient
être détruites, arrachées,
mises en poudre. Seule, celle de Shaddaï
devait être gravée en lettres d'or au
Coeur même de la Ville de l'Âme,
c'est-à-dire dans le Château. Trois
Diaboloniens de marque devaient être
très particulièrement
recherchés, pourchassés,
traqués et saisis : les deux maires,
Incrédulité et Convoitise Charnelle
et l'Archiviste : « Oublie le
Bien ». Plusieurs conseillers et
bourgeois furent aussi désignés aux
poursuites et, par la suite, pris par le
Gouverneur : MM.
« Athéisme », Coeur
Endurci », Fausse Paix »,
« Pas de
Vérité », Sans
Piété »,
« Orgueil », etc... Emmanuel
donna l'ordre de démolition des forteresses
qu'avait fait élever Diabolus. Tous les
matériaux devaient être jetés
hors de la ville. Ce fut un long travail.
Enfin une Cour de Justice fut
convoquée pour juger les prisonniers
qu'avait faits le Gouverneur ; et plus
particulièrement, des Diaboloniens de
marque. Les assises durèrent longtemps.
À entendre les inculpés, ils
étaient tous innocents, tous avaient agi par
amour de la ville et pour son bien. Nous ne
citerons ici que l'argumentation de « M.
Assurance Trompeuse », un Diabolonien de
renom. Comme l'accusation lui reprochait d'avoir
travaillé insidieusement et diaboliquement
à calmer les remords de la ville
désobéissante et rebelle,
l'enracinant ainsi dans la révolte contre
son Roi, en l'entraînant toujours plus bas
dans la misère et la honte, il
répondit comme suit :
- « Messieurs de la Cour, et vous
tous nommés présentement pour
être mes juges, il est vrai que je me nomme
Assurance ; mais Assurance
Trompeuse ?
Jamais ! Recherchez diligemment
auprès de ceux qui me connaissent bien quel
est mon vrai nom, ils vous diront :
« Assurance. » Tel mon nom
véritable, tel je suis ! J'ai toujours
aimé la tranquillité, et je suppose
que les autres l'aiment aussi. Aussi quand je
voyais mes voisins dans l'angoisse, je m'employais
à les réconforter.
1° Ainsi lorsque Cité de
l'Âme se fut détournée de
Shaddaï, quelques-uns en eurent du remords, de
l'angoisse. Moi les voyant si malheureux, j'ai fait
tout mon possible pour les rassurer.
2° Quand les coutumes de Sodome
prévalurent dans la Cité, si pour
quelque cause, les citoyens étaient
molestés, je m'y opposais, travaillant
à ce que chacun se sentit libre d'agir
à sa guise en toute
tranquillité.
3° Quand la guerre éclata entre
Shaddaï et Diabolus et qu'Âme d'Homme
vivait dans la terreur redoutant la destruction, je
travaillai par divers moyens à ramener la
paix en son sein.
J'ai donc toujours été un
homme vertueux, procurant la paix à
l'âme tourmentée. Et puisque celui qui
procure la paix est proclamé béni et
heureux par quelques-uns, je vous prie, Messieurs
les Juges, vous qui êtes
réputés pour votre
équité et votre justice dans la Ville
de l'Âme de reconnaître que j'ai
été poursuivi et emprisonné
sans cause ; veuillez donc ordonner ma mise en
liberté, et l'arrestation de ceux qui m'ont
accusé indignement. »
À les entendre, tous étaient
blancs comme neige, ils justifiaient leur
infâme conduite, et même ils
accusaient ! Mais les témoins furent
appelés ; la culpabilité, les
mensonges et les crimes des accusés furent
surabondamment prouvés, et la peine capitale
fut prononcée. Les habitants de la ville de
l'Âme furent chargés de
l'exécution de la sentence pour le
lendemain.
Que se passa-t-il ? Comment cela se
fit-il ? Cette même nuit
Incrédulité réussit à
briser ses chaînes et à s'enfuir. Le
geôlier fit son rapport au Gouverneur, et des
recherches furent entreprises, mais
inutilement.
Après avoir erré quelque temps
autour de la Cité, Incrédulité
se décida à rejoindre Diabolus. Un
Monsieur « Voit Bien » assurait
l'avoir aperçu traversant à grands
pas les endroits désertiques en
s'éloignant de la ville.
Incrédulité rencontra son Prince sur
une colline dominant la Porte (le l'Enfer, et il
lui raconta tout ce qui s'était passé
dans Âme d'Homme depuis qu'elle appartenait
à Emmanuel. À l'ouïe de ces
nouvelles, Diabolus fut pris d'un
épouvantable accès de rage et jura de
se venger.
Revenons à la Cité. Il lui
incombait de crucifier elle-même, ses
ennemis : les Diaboloniens saisis dans ses
murs et condamnés. Mais au moment de
l'exécution, ceux-ci se
démenèrent si énergiquement
que les citoyens n'en seraient pas venus à
bout si le Secrétaire de Shaddaï qui
était présent n'était venu
à leur secours en entendant leurs appels. Il
posa ses mains sur les leurs pour les vivifier et
ranimer leur vigueur ; de sorte que la Ville
de l'Âme put venir à bout de sa
tâche et crucifier ceux qui avaient
entraîné la Cité à sa
ruine.
Heureux des marques d'obéissance et
de fidélité données par la
ville qui avait exécuté ses ordres,
le Prince vint lui-même dans la Cité
et la réconforta avec des paroles selon son
Coeur. Elle avait montré par son
obéissance, son amour pour la Personne de
son Prince. Emmanuel allait lui donner une marque
de sa faveur en nommant un nouveau capitaine, un
citoyen de la Cité, nommé
Expérience, qui, jusque-là
était au Château, attaché
à la personne du Capitaine Confiance. Il
était intelligent, entendu, circonspect, et
aimé de ses concitoyens qui eurent une
grande joie de sa nomination.
Le Prince retourna ensuite au Palais,
où les Chefs et les Anciens de la Ville se
rendirent aussi pour lui rendre hommage, et le
remercier de ses soins, de son amour, de sa
garde.
Emmanuel leur annonça en cette
occasion qu'il allait renouveler la Charte de la
Cité et leur donner un nouveau Testament. Un
jour fut fixé pour la lecture du document
dont voici la teneur :
« Moi, Emmanuel, Prince de Paix,
grand Ami de l'Âme, je lègue, au nom
de mon Père et au mien, à ma
chère Cité
Premièrement : Un pardon
gratuit complet, éternel, pour son
iniquité, les offenses et
péchés commis contre mon Père,
contre moi, contre ses voisins, contre
elle-même.
Deuxièmement : Je lui
donne ma sainte Loi et mon Testament avec tout ce
qu'ils contiennent pour son réconfort et sa
consolation éternels.
Troisièmement : Je lui
donne une portion de la Grâce même et
de l'Amour même qui est dans le Coeur du
Père et dans le mien.
Quatrièmement : Je lui
donne et lui lègue gratuitement le monde et
tout ce qui s'y trouve pour son bien ; elle
dominera sur le monde comme il convient pour
l'honneur de mon Père, pour ma gloire et
pour son réconfort. Je lui donne les
bénéfices de la vie et de la mort,
des choses présentes et des choses à
venir. Privilèges dont aucune autre
cité, ville ou corporation n'a joui avant
elle.
Cinquièmement : Je lui
donne libre accès en ma
présence ; en tous temps j'entendrai
ses requêtes et j'interviendrai en sa faveur
lorsqu'on lui fera du tort. .
Sixièmement : Je lui
donne autorité et puissance pour rechercher,
poursuivre et exterminer tous Diaboloniens qui
toujours font la guerre à l'Âme.
Septièmement : Tous ces
privilèges et immunités sont
uniquement pour les citoyens de la ville de
l'Âme. Les Diaboloniens en sont exclus et
tous autres étrangers. »
Au jour marqué, la nouvelle charte
fut lue par M. Connaissance, sur la place du
Marché, devant tous les habitants de la
Cité, puis elle fut gravée en lettres
d'or sur les portes du château, au Coeur de
la ville, afin qu'ils ne l'oubliassent jamais et
que leur amour et leur joie en fussent
augmentés. La proclamation de cette nouvelle
constitution fut l'occasion de grandes
réjouissances dans toute la ville de
l'Âme.
Ensuite, le Prince convia au Château
les principaux et les Anciens de la Cité
pour les entretenir d'un ministère nouveau
qu'Il voulait instituer au milieu d'eux :
celui du Secrétaire en chef de la Cour de
Shaddaï : dont le nom est aussi
« le Consolateur », le
Saint-Esprit, qui les guiderait dans toute la
Vérité et leur enseignerait toutes
choses. Il appartenait à la Maison du
Père et partageait la nature de Shaddaï
et celle de son Fils. Lui, serait le premier
Conseiller de la Ville de l'Âme ; Il
devait donc avoir la première place dans
l'affection de la Cité. « Ses
paroles sont vivantes ; elles sont
accompagnées de force. II communique aussi
la force et la vie intérieures, Il mettra la
vie dans vos Coeurs, Il vous aidera à
formuler vos requêtes. Mais veillez à
ne point le contrister... »
Le Prince fit alors appeler l'ancien
archiviste,
M. Conscience, et lui dit :
« Tu es versé dans les lois de la
Cité et tu seras mon ministre pour
l'enseignement de la morale, des lois civiles et
naturelles. Mais en même temps, et bien que
maître toi-même, tu deviendras
l'élève du Secrétaire royal,
du Saint-Esprit. C'est à Lui que tu dois
recourir pour qu'Il t'enseigne ; il y a un
esprit en l'homme mais c'est Lui qui peut
l'éclairer et l'inspirer saintement. Sois
humble ! Souviens-toi des Diaboloniens qui ont
rejeté leur premier état et qui sont
aujourd'hui prisonniers de l'Abîme. Et comme
tu as vieilli et que tu t'es affaibli et corrompu
durant les années d'oubli de ton Roi, je
t'autorise à boire librement du sang de mes
grappes. Ton Coeur et tout ton être en seront
purifiés, tes yeux en seront
éclairés, ta mémoire
fortifiée, et tu pourras garder
soigneusement les enseignements du
Consolateur. »
Emmanuel s'adressa aussi à tous les
habitants de la Cité et leur annonça
la nomination du Consolateur et celle de M.
Conscience comme prédicateurs et
instructeurs. Le premier leur
révélerait les choses célestes
et éternelles, le second devait les guider
dans les choses terrestres, les questions touchant
à la morale. Quant au nouvel
archiviste : M. Connaissance, lui aussi devait
se soumettre au Saint-Esprit et se garder de tout
ce qui n'émanait pas de cette source
unique.
Emmanuel avertit aussi les habitants qu'il
laissait parmi eux les capitaines : Confiance,
Espérance, Charité, Patience.
« Assistez-les, chérissez-les. Ils
vous défendront comme des lions lorsque
l'ennemi vous attaquera. Mais si, de quelque
manière, vous les oubliiez, si vous les
délaissiez, ils en seraient aussitôt
affaiblis. Si de quelque manière mes
Capitaines étaient affaiblis, la ville de
l'Âme ne saurait être forte.
S'ils étaient malades, c'est que la
ville d'Âme les aurait contaminés.
Veillez à observer mes ordonnances ;
votre bonheur en dépend.
« Je sais à n'en pas douter
qu'il reste parmi vous quelques Diaboloniens, et
vous-mêmes le saurez bientôt ; ce
sont pour vous d'implacables ennemis qui vous
ramèneraient sous la domination de Diabolus
si vous n'y preniez garde. Ils se sont
retirés dans les cavernes, sous les
murailles, mais ils existent. Sous aucun
prétexte, vous ne traiterez avec eux ;
mais vous les pourchasserez et les mettrez à
mort. Voici quelques-uns des noms des principaux
d'entre eux : Fornication, Adultère,
Colère, Meurtre, Vice, Fausseté,
Envie, Ivrognerie, Querelles, Sédition,
Sorcellerie. Vous les chasserez, vous les
détruirez, autrement ce serait eux qui
causeraient votre ruine. Veillez.
« J'ai établi sur vous
comme guides et comme pasteurs le Consolateur et M.
Conscience. Vous avez aussi les quatre capitaines
de ma première armée qui vous
instruiront en toute saine doctrine. Ils pourront
vous faire une lecture chaque jour ou chaque
semaine. »
Le Prince Emmanuel instruisit donc la ville
de tout ce qui intéressait son
développement, sa sécurité et
sa prospérité. Il décida de
lui donner une nouvelle marque de confiance en lui
conférant un signe distinctif parmi les
autres peuples tribus et langues habitant
l'Univers. Certain jour, les habitants furent
invités au château et là,
après leur avoir expliqué sa
pensée, Emmanuel sortit de son trésor
des robes blanches et les en revêtit.
« Ainsi le monde saura que vous
êtes à moi, dit-il, et ceci vous
aidera également à reconnaître
les traîtres qui se glisseraient parmi
vous. » Tous furent donc revêtus de
vêtements appropriés à leur
taille et à leur stature ; ils
étaient de fin lin, blanc et pur :
« Ce vêtement est ma livrée,
'ajouta le Prince. Portez-le par amour pour moi, et
pour que le monde sache que vous êtes
à moi. »
Alors, la corporation de la Cité de
l'Âme resplendit comme le soleil, et son
apparence éclatante rappelait celle d'une
armée en marche bannières
déployées.
Il n'y a que moi dans l'Univers qui puisse
donner cette livrée, dit Emmanuel. Aucun
autre quel qu'il soit, prince ou potentat, ne peut
la donner aussi. Et maintenant écoutez mes
paroles :
1 ° Veillez à la porter chaque
jour et à toute heure du jour, afin que
personne ne puisse jamais douter que vous
êtes à moi.
2° Gardez vos vêtements
blancs : Des vêtements tachés
seraient un déshonneur pour moi.
3° Veillez à ne point les
laisser traîner dans la
poussière.
4° Veillez à ne point les
perdre, de peur que votre honte et votre
nudité n'apparaissent.
5° Cependant, si, malgré mes
avertissements, vous laissiez salir votre
vêtement - ce qui m'attristerait et
réjouirait Diabolus - hâtez-vous de
faire ce que requiert ma loi pour les
blanchir. »
Maintenant, la Cité de l'Âme
était comme un signet sur la main droite
d'Emmanuel. Aucune autre Cité ne pouvait lui
être comparée. Quand son oeuvre fut
achevée, Emmanuel ordonna que son
étendard fût hissé sur la
Citadelle. II allait souvent visiter les
habitants ; pas de jour ne se passait qu'Il
n'allât voir les anciens ou qu'ils ne
vinssent le voir. Ils avaient besoin de parler
ensemble des grandes choses accomplies et de celles
qui étaient encore en son Coeur pour la
Cité. Il allait par les rues, les jardins,
les vergers, guérissant les malades,
bénissant, disant quelques paroles aimables.
Il voyait aussi ses capitaines quotidiennement. Un
sourire d'Emmanuel leur donnait force et vigueur
plus et mieux que quoi que ce soit d'autre, sous
les cieux. Pas de semaine ne se passait que le
Prince ne reçût les habitants à
sa table, ou qu'Il ne fût reçu chez
eux. Tous les jours maintenant étaient jours
de banquet spirituel. Et quand ils regagnaient
leurs demeures ils emportaient toujours quelque
présent royal. Si les Anciens n'allaient pas
au château, Emmanuel leur envoyait des vivres
de la Cour : du pain et du vin de la table du
Père. Si les habitants de la Cité
espaçaient leurs visites, Lui allait vers
eux, frappait à leurs portes, attendant
qu'on lui ouvrît, apportant avec soi quelque
marque de son amour et de sa faveur.
On n'entendait plus que cantiques de
louanges dans la Ville. Tout était
allégresse, bonheur, tranquillité.
Emmanuel avait installé un nouveau Chef dans
la Cité : la Paix de Dieu. Plus de
disputes, de querelles, tout était harmonie,
joie, santé. Cet état de chose dura
tout l'été.
Mais il se trouvait dans la ville un
individu nommé Sécurité
charnelle, il entraîna les habitants en un
triste esclavage. Diabolonien par son père,
il était par sa mère, Lady Ne craint
rien, petit-fils du Seigneur Volonté. Il y
avait eu tant d'alliances entre ceux de la ville et
les Diaboloniens, qu'il semblait à peu
près impossible d'exterminer tous les
ennemis de l'Âme.
Lorsque Diabolus fut capturé et
chassé, Sécurité charnelle
disparut, pensant qu'il serait prudent de se faire
oublier. C'était là un sage
raisonnement :
Après une absence prolongée,
il sortit de sa retraite avec précautions.
Il fut très prudent et, d'abord, ne se
mêla qu'au peuple, vantant la gloire et la
puissance de la ville qu'il déclarait
imprenable désormais. Ses discours plurent,
et il en éprouva une grande satisfaction. Il
se mit ensuite à chanter la valeur des
capitaines, la puissance des armes, la
solidité des fortifications de la Ville,
à chanter la bonté d'Emmanuel qui
avait promis un bonheur éternel à la
Cité. Ensuite, il essaya de gagner la faveur
des particuliers de marque. Et, bientôt,
toute la Ville se laissa prendre aux beaux discours
qui résonnaient si agréablement
à ses oreilles. Elle éprouva à
son tour ces sentiments de sécurité
charnelle qui endorment la vigilance, vigilance
d'autant plus nécessaire que des
Diaboloniens étaient toujours
dissimulés et actifs en son enceinte. Les
habitants firent des festins que ne
présidait plus Emmanuel, bien qu'il
habitât toujours dans la ville. Les
gouverneurs aussi se laissèrent prendre au
babillage incessant et flatteur de
« Sécurité
charnelle » qui chatouillait
agréablement leurs oreilles. Cependant tous
avaient entendu les avertissements
répétés d'Emmanuel. Il leur
avait dit que la force de l'Âme ne
résidait pas tellement dans ses
fortifications que dans son attachement et sa
fidélité à son Prince,
lesquels retenaient Celui-ci dans le palais
intérieur, au Coeur de la Cité.
Leur devoir immédiat, c'était
de lapider l'impudent Diabolonien. Au lieu de cela,
ils se laissèrent prendre à ses
pièges, s'attachant à lui au point
d'en oublier le Prince et ses instructions.
Oh ! S'ils avaient toujours
écouté Emmanuel ! Leur paix
eût débordé comme un
fleuve !
Emmanuel, constatant que la politique de M.
Sécurité et sa diplomatie avaient le
plus grand succès se retira de la ville de
l'Âme qui ne le recherchait plus, ne se
souciait plus qu'il vînt ou non la visiter,
ne venait plus à la sainte Table, bien qu'il
la dressât encore et les invitât au
festin. Il se retira parce que la Ville de
l'Âme - ne recherchait plus ses conseils se
croyant invincible et hors de la portée de
l'ennemi, parce qu'elle refusait d'écouter
la voix du Saint-Esprit qu'Il lui avait
envoyé.
Laissant la Citadelle, Il alla d'abord
jusqu'à la porte de la Ville, puis quitta
tout à fait la place, y laissant cependant
le ministère du Saint-Esprit, bien que la
Cité de l'Âme négligeât
d'entendre ses directions. En même temps que
s'en allait Emmanuel « la Paix de
Dieu » se retirait aussi de la
Cité.
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