Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

LA RÉFORME AUX VALLÉES


La première Bible vaudoise.

Quelqu'un a dit : « Le pape des Vaudois c'est un livre ». Mais ce livre c'est la Bible c'est-à-dire le Livre par excellence.

C'est en effet au nom de la Bible, pour lui obéir et pour la répandre, parce qu'il y avait trouvé la voie du salut, que Valdo quitta tout, occupation, richesses, famille, et organisa le mouvement vaudois. Si, d'après le précepte de Christ, il distribua ses biens aux pauvres, il jugea que les affamés de Lyon étaient encore plus privés du pain quotidien de la Parole de Dieu que de la nourriture du corps. Aussi employa-t-il une partie de ses ressources à leur procurer cette Parole.

Avant l'invention du papier, les manuscrits étaient très coûteux. Les manuscrits de la Bible étaient d'autant plus rares, soit à cause de leur volume, soit parce que, depuis Grégoire I, l'église romaine tendait à en réserver l'usage au clergé. On a remarqué qu'en France, en dehors des ecclésiastiques, il n'y eut que les Vaudois et la famille royale qui osassent employer librement les Saints Livres.
D'ailleurs, la Bible connue étant en latin, elle n'était pas comprise par le peuple, qui ne prenait au culte qu'une part toute de forme.

Pour connaître tous les trésors du saint volume, Valdo, qui n'était pas un latiniste, dut recourir à deux prêtres. Bernard Ydros et Étienne d'Ansa. Celui-là traduisait du latin dans le langage courant, celui-ci faisait des copies de la partie traduite, que Valdo s'empressait de lire et d'expliquer au peuple et, dès qu'il le put, de répandre hors de Lyon, par le moyen de ses disciples qui parcouraient deux à deux les bourgs et les campagnes. On y joignit une glosse, ou commentaire, qui courait alors dans la chrétienté.

La langue française était alors en formation, et la version, que nous pouvons appeler de Valdo, fut sans doute écrite en dialecte lyonnais. De même que la Bible de Luther a servi à la formation de la langue allemande, en faisant prévaloir le dialecte saxon, on peut croire que la Bible de Valdo n'a pas été étrangère au fait qu'aujourd'hui encore Lyon compte parmi les villes où l'on parle le meilleur français. Certes, cette langue, mobile entre toutes, a bien changé dans ces sept siècles et demi et l'on ne la reconnaîtrait guère dans les manuscrits, qui subsistent, de la Bible vaudoise.

Les Cathares, ou Albigeois, adoptèrent, eux aussi, la Bible de Valdo, tout en introduisant, dans le texte sacré, quelques modifications en relation avec leurs croyances gnostiques. Ainsi, le manuscrit, qui est conservé à Lyon, doit avoir servi à une communauté cathare.

D'autres Bibles vaudoises, en langue provençale, sont conservées à Carpentras en Provence, à Paris, à Grenoble.
La bibliothèque de Strasbourg en possédait une, qui périt dans l'incendie provoqué par le bombardement prussien, en 1870. Heureusement, le savant Edouard Reuss avait déjà pu en faire l'objet de ses études.

Zurich conserve un Nouveau Testament vaudois, qui y fut apporté par Guillaume Malanot, pasteur d'Angrogne avant et après l'exil. Gilly en a publié, en fac-similé, l'Évangile de Saint-Jean, et Salvioni en entier dans l'Archivio glottologico de Milan.

Cambridge possède la Bible que Morland, ambassadeur de Cromwell, acquit aux Vallées à l'époque des Pâques Piémontaises et qui a appartenu à Clément, du Villaret, et à Prin, de Subiase.

Le savant français, Samuel Berger, a établi, au cours de patientes recherches, que la Bible vaudoise est à la base de toutes les traductions françaises du moyen âge. Il faut arriver au XVIe siècle et à Lefèvre pour trouver une nouvelle version de la Vulgate, et à Olivétan pour avoir la première traduction des originaux.
Mais il y a plus. D'après Berger, les Bibles italiennes du moyen âge, telles que celle de Cavalca, et même celle de Brucioli, au XVIe siècle, auraient comme point de départ la Bible vaudoise.

Des savants allemands ont soutenu qu'il en fut de même pour leur pays et que la Bible manuscrite, découverte il y a quelques années à Tepl, en Bohême, servit à Luther pour la traduction, à laquelle il travailla pendant son séjour à la Wartbourg.

Il est donc permis d'affirmer que l'influence de Valdo a été grande, pendant des siècles, tant chez ses disciples qu'au sein de l'église catholique, en France, en Italie et en Allemagne ; et que notre vieil historien Pierre Gilles n'exagère pas lorsqu'il écrit que les Barbes ont été « bien versés ès langues et intelligence de l'Escriture saincte, et vigilant à transcrire tant qu'ils pouvaient les livres de la S. Écriture pour leurs disciples, avant qu'ils eussent la commodité de l'imprimerie ».



Chanforan.

Ce nom, que selon l'étymologie on devrait écrire Champforan, indique un emplacement où, à l'imitation du Forum de Rome et d'autres villes, qui ont reçu d'elle leur civilisation, se traitaient les affaires publiques. C'est là que se tenaient les marchés, c'est là qu'avaient lieu les assemblées du peuple.

Au moyen âge, les communes du Val Luserne réussirent à s'affranchir, en bonne partie, des redevances dues aux seigneurs féodaux, en leur versant une somme annuelle, moyennant laquelle elles pouvaient s'administrer elles-mêmes, nommer leurs syndics et conseillers et discuter tous leurs intérêts. Il y eut alors ces réunions, assez fréquentes, des chefs de famille, qui ne furent supprimées qu'à l'époque de la Révolution française.

Ces assemblées avaient lieu, paraît-il, dans le champ foran. Aussi trouve-t-on des localités portant ce nom, a Salse, à Usseaux, à la Cluse près Gap, et celui de Foran à Salbertrand et à Molines. Faët possède l'Adret Foran.

Le Champ foran d'Angrogne était bien situé pour servir aux usages qui ont été indiqués. Placé au vrai centre de ce vaste vallon, près du Serre, le plus gros hameau de la commune, il présente, sur une pente assez douce, tout l'espace voulu pour réunir la population de la commune entière. Il est limité au couchant par le ravin appelé le Foran, tandis qu'à l'autre extrémité du plateau s'élèvent des maisons, dont les habitants avaient, par là, reçu le surnom de Chanforan, au moins dès le XVe siècle. Les familles de ce nom ont disparu d'Angrogne, pour passer à La Tour, Saint-Jean et Rocheplate.

En se réunissant à Chanforan pour leurs synodes, nos pères ne faisaient donc que continuer un usage séculaire, qui n'avait de nouveau que le fait de traiter des intérêts de la religion là où l'on n'avait, jusqu'alors, discuté que des affaires matérielles.
Les synodes précédents avaient toujours été tenus en cachette, si bien que nous ignorons où ils ont siégé, sauf les deux, précédant immédiatement celui dont il s'agit ici.

La Réforme, c'est-à-dire le soulèvement d'une grande partie de l'Europe contre l'Eglise, qui, depuis plus de trois siècles, pourchassait les Vaudois, n'avaient pas manqué d'attirer leur attention. Aussi convoquèrent-ils tous leurs Barbes en un synode particulièrement important, qui eut lieu en 1526, l'année de la première diète de Spire. Cent vingt Barbes s'y trouvèrent, représentant 80.000 Vaudois. Pour être à l'abri de toute surprise, ils avaient choisi un ravin reculé, loin de toute habitation, le riant alpage du Vallon, au-dessus du Laux, au pied de l'Albergian.

En 1926 nous avions lancé, sur les colonnes de L'Écho, l'idée que notre jeunesse s'y rendît en un pieux pèlerinage commémoratif. Personne n'a pris garde à cette proposition. L'événement méritait mieux que ce complet oubli.
Ce fut, en effet, cette assemblée qui décida d'entrer en relations avec les réformateurs, et qui envoya en Allemagne le Barbe Martin Gonin avec un collègue.
Leur relation fut sans doute favorable, puisque le Barbe Morel fut chargé de rédiger les points sur lesquels on désirait recevoir des éclaircissements, en vue de l'union avec les nouvelles églises réformées.

Pendant ce temps, la Réforme s'était aussi affermie, en Suisse. Aussi, soit à cause de la distance bien moindre, soit grâce à la communauté de langue, Morel et un collègue s'arrêtèrent-ils auprès des directeurs des églises de Neuchâtel, Berne, Bâle et Strasbourg, dont ils obtinrent des réponses satisfaisantes. Morel les présenta à un synode partiel, qui eut lieu en Provence. C'était en 1530.
Il s'agissait d'une question de la plus haute importance, que l'on ne pouvait décider qu'avec l'intervention de tous les Barbes, particulièrement les plus âgés et expérimentés. Or ceux-ci se trouvaient précisément alors à la tête des communautés vaudoises de Calabre et des Pouilles.
C'est pour les consulter et, si possible, leur faire faire ce long voyage, que le synode fut fixé à deux ans de distance, en 1532.



Le Synode de Chanforan (1532).

L'ouverture du synode ayant été fixée au 12 septembre 1532, dès le mois de juillet deux jeunes Barbes, Martin Gonin et Guido, partirent pour la Suisse afin d'inviter à y participer les réformateurs dont les réponses, données en 1530, allaient être mises en discussion. À leur arrivée, en août, Guillaume Farel convoqua à Grandson un colloque de pasteurs pour saluer les délégués vaudois. Puis, malgré les affaires multiples et urgentes, qui le retenaient à Neuchâtel. il partit avec eux, accompagné de Saulnier et d'Olivétan, français comme lui.

L'assemblée synodale, très nombreuse, comprenait les Barbes des Calabres et des Pouilles, du Piémont, du Dauphiné, de la Provence et d'autres régions de la France, que ces fidèles messagers de l'Évangile parcouraient régulièrement deux à deux. Le public vaudois y était aussi largement représenté, à cette époque où les articles de foi excitaient l'intérêt des humbles, tout comme des théologiens.

On examina pendant plusieurs jours les points de doctrine exposés dans la lettre persuasive qu'Oecolampade avait remise au Barbe Morel. La parole calme de Saulnier et les discours enflammés de Farel y ajoutaient une puissance particulière. Mais surtout, comme les fidèles de Bérée, les Vaudois consultaient les Écritures et acceptaient tout ce qu'ils trouvaient y être conforme.
À côté de certains dogmes, comme la transsubstantiation la prédestination, le mérite des oeuvres, et surtout le salut par grâce, on examina aussi des questions de morale et de discipline tel que le célibat des ministres du culte, que les Vaudois observaient encore, sans qu'il fût, cependant, obligatoire.
Les décisions ou actes du synode, rédigés en italien, nous ont été conservés. Mais ce n'est pas le cas de nous y arrêter ici.

Ces résolutions ne furent pas prises à la légère, ni sans contraste. Certains Barbes, sortis du clergé romain, comme Jean, de Molines en Queyras, et Daniel, de Valence dans la Drôme, s'efforcèrent, mais en vain, de retenir les doctrines et les pratiques, que les Vaudois conservaient encore depuis leur séparation de l'église catholique.. Dépités de leur insuccès, ils quittèrent les Vallées, emportant maints documents importants qui étaient entre leurs mains, car ces Barbes étaient les plus influents. Convaincus qu'eux seuls représentaient désormais le mouvement vaudois dans toute sa pureté, ils se rendirent en Bohême, où ils persuadèrent cette Église soeur que leurs collègues, prêtant l'oreille aux raisonnements spécieux de quelques étrangers, avaient renié le passée glorieux de leur Église. Il fallut le synode suivant pour mettre la chose au point.

Une autre décision, de la plus grande importance, fut encore prise par le synode de Chanforan. Dans tous les pays était senti le besoin de mettre la Bible entre les mains du peuple. Les Barbes montrèrent aux Réformateurs les copies manuscrites, qu'en faisaient les élèves de l'école du Pradutour. Mais elles étaient en patois et, d'ailleurs, l'imprimerie allait permettre d'en multiplier les exemplaires avec une grande rapidité.

Il fut donc résolu de publier une édition de la Bible entière. On adopta la langue française, qui servait aux nombreuses congrégations éparses des Alpes aux Pyrénées, et qui était aussi comprise en Italie depuis les expéditions de Charles VIII, Louis XII, et François 1er.

Plein d'enthousiasme, Farel se chargea de la traduction.
Mais, quoique très instruit, il. était un homme d'action plus que de cabinet. Il ne tarda donc pas à céder cette lourde tâche à Olivétan, docte en grec et en hébreu, et qui s'était déjà appliqué à des travaux de ce genre.
Restait la question financière.
Les Réformateurs, qui avaient déjà fait gémir la presse, calculèrent le coût de l'impression à 500 écus d'or, soit 5200 livres, correspondant à soixante mille francs or d'avant guerre. Ce chiffre n'effraya pas le synode, qui le vota, sur-le-champ. Un fort à-compte fut versé entre les mains de Saulnier, en le pressant de veiller à ce qu'elle parût au plus tôt.
Ce fut la première Bible française, traduite non plus du latin, mais des originaux grec et hébreu. Revue par Calvin, et successivement par maint autre théologien, la Bible d'Olivétan est à la base de toutes les traductions françaises, qui ont paru jusqu'au 19.me siècle, en particulier de celles de Martin et d'Ostervald.

L'importance du Synode de Chanforan est donc triple.
Il a adopté la doctrine évangélique, telle que les Réformateurs l'avaient éclaircie, renonçant aux restes de catholicisme conservés par l'Eglise Vaudoise.
Il a fixé une discipline du ministère et du culte, que Calvin développa ensuite, en lui donnant l'organisation presbytérienne, demeurée en vigueur depuis lors.
Il a doté le protestantisme de langue française de la Bible, qui a fait sa force pendant trois siècles de persécutions.



La deuxième Bible vaudoise.

On a vu, dans un article précédent, comment des copies de la première Bible vaudoise étaient faites par les étudiants du Collège des Barbes, au Pradutour, et une partie de ces manuscrits y étaient conservés pour servir à la préparation de ces ministres de l'Évangile.

Lorsque, en 1532, le synode de Chanforan eut chargé Olivétan de préparer une nouvelle traduction française des Livres Sacrés, ces manuscrits ne lui furent pas inutiles ; aussi fixa-t-il pendant quelque temps sa résidence aux Vallées, et c'est des Alpes qu'il date l'introduction de sa Bible, en février 1535, après deux ans et demi de travail.
Cependant, la traduction d'Olivétan est doublement nouvelle en tant qu'elle comprend la Bible entière - et pas seulement le Nouveau Testament, comme celle de Lefèvre d'Étaples, alors toute récente - et en tant que le traducteur a recouru aux textes hébreu et grec, tandis que ses prédécesseurs s'étaient contentés du latin de la Vulgate.

Les Vaudois, impatients de pouvoir offrir la Parole de Dieu dans leur idiome aux foules que les échos de la Réformation réveillaient dans tous les pays de langue française, ne comprenaient pas la lenteur avec laquelle Olivétan procédait. Aussi le pressèrent-ils de se hâter ; et ce fut avec une joie profonde que le nouveau synode de Chanforan, en 1535, reçut les premiers exemplaires de l'ouvrage, pour lequel les Églises Vaudoises avaient voté une somme équivalant à 180.000 francs actuels.

La Bible d'Olivétan, aujourd'hui très rare dans son édition princeps, était de tous points supérieure aux précédentes, pour la langue, pour l'exactitude, pour les références et les notes explicatives. Elle pénétra chez les grands comme chez les humbles, et la Bibliothèque Nationale de Paris conserve celle qui a appartenu au roi Henri II, le grand persécuteur des évangéliques.

Cependant, elle se ressentait quelque peu de la hâte dont il a été parlé ; aussi, Olivétan étant mort en 1538, son cousin Calvin prit-il sur lui de revoir son travail en vue d'une nouvelle édition. Des révisions successives furent faites par Théodore de Bèze, par Jean Diodati, le traducteur de la Bible en italien, et par maint autre. Ainsi, de nombreuses éditions nouvelles virent le jour au cours des siècles XVIe et XVIIe. Malgré ces révisions, elles gardaient beaucoup de la langue d'Olivétan, désormais vieille et qui paraissait même parfois ridicule aux oreilles délicates des courtisans de Louis XIV.
C'est pourquoi, dès le commencement du XVIIIe siècle, tandis que les protestants français gémissaient sous, la croix, un de leurs pasteurs, David Martin, réfugié en Hollande, prépara une édition rédigée dans la langue courante. Suivit un travail semblable, de la part de J. F. Ostervald, à Neuchâtel, qui, s'appliquant surtout à moderniser le vieux français, perdit beaucoup de cette vigueur et de cette saveur qui rendent si agréable la lecture de Calvin et de ses contemporains. Ostervald eut aussi la préoccupation d'éliminer de la Bible certaines expressions qui lui paraissaient choquantes ; ainsi, il dira que « le vin fortifie le coeur de l'homme », au lieu de réjouit ; il remplacera le verbe « s'enivrer » par se rassasier ; il appellera Rahab l'hôtelière ; il appellera la pécheresse, qui oignit Jésus, la femme qui avait été de mauvaise vie.

C'est ainsi que, pendant plus de trois siècles, les différentes éditions de la Bible française ne furent que des rééditions de celle d'Olivétan, revues principalement au point de vue de la langue, au risque de s'éloigner toujours plus du sens exact de l'original.
Ce ne fut que vers 1840 que Perret-Gentil, de Neuchâtel, recourut de nouveau à l'hébreu et au grec et donna une nouvelle traduction, fruit d'un travail consciencieux.
On peut en dire autant d'Oltramare, de Segond, de Stapfer et de mainte autre entreprise, individuelle ou collective, que ces derniers temps ont vu naître.

Il n'en demeure pas moins vrai que c'est de la Bible d'Olivétan, plus ou moins modifiée depuis Calvin jusqu'à Ostervald, que se sont nourries ces générations dont la foi robuste a traversé inébranlable, les persécutions, les massacres, les bûchers, la prison, l'exil, la confiscation des biens.

Que de conséquences bénies a eues la courageuse décision des pauvres montagnards, qui sous les châtaigniers de Chanforan, prirent à leur charge les frais considérables de cette oeuvre bénie ! Et combien doit nous être cher ce Livre pour lequel nos ancêtres ont fait de tels sacrifices !



L'histoire d'une Bible d'Olivétan.

On sait que la Bible d'Olivétan est très rare et qu'on peut presque compter sur les doigts les exemplaires connus aujourd'hui. La Bibliothèque Vaudoise en possède un, dont la reliure moderne a malheureusement coupé largement les marges. La Société d'Histoire Vaudoise est la propriétaire d'un autre, qu'elle a déposée au Musée de La Tour, mais qui manque du commencement et de la fin.

La paroisse de Gryon, au Canton de Vaud, compte une Bible d'Olivétan comme le principal trésor de sa bibliothèque.
Reliée au XVIe siècle, les feuilles de garde portent manuscrite la mention de la mort du dernier curé de Gryon, qui en fut le premier pasteur, noyé accidentellement en 1578.

Un siècle plus tard, cette autre : Avenue en partage à moy Suzanne Turrian, en l'an 1676. On y trouve encore insérée une lettre autographe, du 12 janvier 1700, du Consistoire de Genève, recommandant aux Églises de France - sous la croix - une nouvelle édition du Psautier.

Puis l'histoire de ce volume vénérable se tait pendant un siècle et demi. Mais en 1855, Pierre Abram Moreillon, de Gryon, en entrant dans la petite épicerie du village d'Arveyes, vit ce gros livre sur la table et demanda à la marchande ce qu'elle en faisait. - Je veux en faire des cornets pour envelopper la marchandise. Si, vous voulez me le donner, je vous fournirai du papier pour vos cornets. - Le pacte fut aussitôt exécuté.

Le nouveau possesseur inscrivit à la deuxième page ce qui suit : Cette Sainte Bible appartient au Forestier Pierre Abram Moreillon de Gryon, qui l'a faite relier à Aigle sur la fin de l'année 1855.
Dieu veuille, par sa grâce, la conserver à l'avenir comme par le passé et faire par son Saint-Esprit, qu'elle soit en bénédiction dans ma famille, ainsi qu'à tous ceux qui la liront. Amen.

À la fin du volume se trouve une dernière mention -
Le soussigné, ensuite du désir exprimé par sa femme, Julie-Marguerite, fille de Pierre-Abram Moreillon, fait don de la présente Bible d'Olivétan à la paroisse de Gryon, pour qu'elle y soit gardée à perpétuité en souvenir de ses parents ci-dessus nommés. Fait à Gryon le 18 février 1898. Louis Amiguet.

Nous extrayons ces données de la Feuille D'Avis, de Lausanne, du 7 courant (1), dont le correspondant saisit l'occasion pour tracer l'historique de cette traduction et pour décrire minutieusement cet ouvrage monumental.
Il rappelle en même temps que cette Bible, imprimée en 1535, va atteindre son quatrième centenaire en. même temps que celui de la Réformation au Pays de Vaud.

Si les ennemis de l'Évangile ont fait disparaître, presque entièrement, l'édition de la Bible de 1535, la Parole de Dieu n'a point été liée et elle est aujourd'hui répandue à millions d'exemplaires dans toutes les langues et dans tous les pays connus.
Aussi le forestier Moreillon a-t-il bien fait d'ajouter, en belle écriture gothique: Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point.


(1) Septembre 1933  
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