Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

Préface

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Ce petit volume, contenant un choix très limité d'articles publiés, pendant une période de quarante ans, dans « L'Écho des Vallées », par le vénéré Professeur Jean Jalla, est présenté, en plein accord avec la Société d'Études Vaudoises, par la Société d'Étudiants « La Balziglia », qui, ayant comme but l'étude et la propagande de l'Histoire Vaudoise parmi la jeunesse des Vallées, a voulu ériger ce monument à la mémoire de Celui qui en a été de notre temps l'expression la plus haute et la plus pure.

Le livre, qui voit le jour grâce aux oblations volontaires de parents, d'amis, d'admirateurs, d'élèves anciens et actuels du Prof. Jalla, est destiné à continuer son oeuvre dans la petite Patrie Vaudoise, qu'il aima de toute son âme ; à porter dans toutes les familles des Vallées un souffle de cet amour ; à leur rappeler d'où elles ont été taillées et de quelle souche elles ont été tirées. Ce volume, destiné aussi à remplacer, en cette année 1936, la petite brochure traditionnelle que, depuis vingt ans à peu près, la plume alerte du Prof. Jalla traçait à l'occasion de la fête du XVII Février, a dû garder une allure simple et populaire ; et pour cela tous les articles, très nombreux et intéressants, qui n'avaient pas un caractère strictement vaudois et populaire, en ont été exclus.

Tel qu'il est, nous souhaitons qu'il soit accueilli avec bienveillance et reconnaissance, presque comme le message d'outre-tombe de Celui. qui a donné toute sa vie à la mission de l'étude et de la propagation de notre histoire.

LA BALZIGLIA.


JEAN JALLA


C'est avec l'émotion la plus intense et la plus douloureuse que tous les Vaudois, tous les Amis du Peuple Vaudois, ont appris la nouvelle que l'illustre et vénéré Professeur Jean Jalla, l'Historien Vaudois, n'était plus ! Il a disparu soudainement, dans le plein épanouissement de son activité de professeur, de pasteur, de citoyen, d'homme de science.

Le 22 octobre 1935 il donnait encore ses cours au Collège Vaudois ; le 3 novembre, son coeur bon et généreux avait cessé de battre.

Le Professeur Jean Jalla n'est plus matériellement parmi nous ; mais sa personnalité reste au coeur même dé son peuple, de ces Vallées qu'il a aimées du plus fidèle amour. Elle reste par le solide monument de ses oeuvres, et surtout par le souvenir le plus cher et le plus profond.

Jean Jalla naquit le 6 juillet 1868 aux Clos de Villesèche, où son père Louis était pasteur ; tout près du Pomaret, où son grand-père Jean-Jacques lui aussi avait été longtemps pasteur. De ses cinq frères aînés, deux furent pasteurs, deux missionnaires. C'est donc dans un milieu entièrement pastoral, que son caractère vaudois se forma.

Il suivit les cours du Collège de Torre Pellice ; puis ceux de la Faculté Vaudoise de Théologie et en même temps de la Faculté de Lettres de l'Université de Florence. Avant même d'avoir acquis son diplôme de Docteur ès-Lettres, il devint professeur au Collège de Torre Pellice, en 1892 ; et il y resta toute sa vie, développant dans ce milieu ses nombreuses activités. Il fut pendant de longues années ancien et vice-président de la Paroisse de Torre Pellice ; pendant 43 ans directeur de l'École du dimanche ; il déploya continuellement une oeuvre pastorale, prêchant très souvent, tenant des conférences, faisant des tournées de propagande religieuse. D'autre part il fut longtemps Directeur de l'Écho des Vallées, Président des Institutions Hospitalières Vaudoises.

Dans sa longue et efficace carrière de professeur, ce qui le caractérisa fut une vive et constante affection pour ses élèves, qu'il suivit même de loin d'un intérêt actif et continuel.
Mais c'est surtout comme historien hors ligne que nous voulons le signaler, résumant ce qu'a écrit de lui le Prof. David Jahier, Président de la Société d'Études Vaudoises, de laquelle il fut un des inspirateurs et collaborateurs les plus actifs et les plus dévoués.

Il fut de fait, écrit M. Jahier, l'Historien Vaudois par excellence. S'inspirant dès l'abord à l'influence de l'historien Alexis Muston, se formant ensuite à l'école séculaire des grands maîtres d'histoire vaudoise, Gilles, Léger, Arnaud, il commença par recueillir une immense quantité de matériaux historiques, réunis, on peut le dire, au jour le jour durant plus de cinquante ans de recherches et de fouilles, dans les Archives de l'État, des provinces, des communes, de l'Évêché de Pignerol, des paroisses vaudoises, même de l'étranger ; plus encore, il eut soin de recueillir parmi bien des familles, de précieux documents historiques, qui enrichissent aujourd'hui les Archives et le Musée de la Société. C'est ainsi que, maître comme nul autre en la matière, il put écrire au fur et à mesure, en s'appuyant sur des documents d'une authenticité inattaquable, des oeuvres importantes telles que Pierre Valdo, Les Temples des Vallées Vaudoises, Les Légendes Vaudoises, l'Histoire anecdotique des Vaudois du Piémont, l'Histoire populaire des Vaudois des Alpes, en plusieurs éditions, et de nombreuses et précieuses monographies et articles, d'une valeur incontestable, dans le Bulletin de la Société d'Études Vaudoises et dans d'autres Revues. Ces derniers temps, il rédigeait le second volume de la Storia della Riforma in Piemonte, l'oeuvre magistrale de sa vie ; il y travaillait avec intensité, corrigeant les épreuves, revoyant les manuscrits, quand la maladie le terrassa. Il mourut sur le sillon du vaste champ qu'il avait si profondément labouré.

Le but historique très noble qu'il se proposa fut celui de donner une base scientifique à notre histoire, à tendances jusque là par trop confessionnelles. Par ses recherches personnelles, il contribua, pour une large part, à en épurer et en multiplier les sources et à parvenir à cette objectivité qui est requise par l'Histoire. Pour cette raison sa monumentale oeuvre historique demeurera comme un patrimoine sacré, légué par lui à son peuple.

Comme historien, il avait ceci de caractéristique : qu'il confrontait toujours les faits avec les localités où ces faits s'étaient déroutés et auxquelles ils devaient leur inspiration. C'est ainsi qu'il parvint à une connaissance parfaite des Vallées Vaudoises, dont chaque montagne, chaque colline, chaque vallée, chaque plaine, que dis-je ? chaque pouce de terrain avaient pour lui une voix qui non seulement lui narrait le fait historique, mais lui confiait quelque gracieuse légende : ces légendes, pieusement recueillies par lui, furent une source non négligeable de l'histoire. N'oublions pas de mentionner son Guide des Vallées Vaudoises, composé avec la collaboration du docteur David Rivoir.

Mais le but principal que l'Historien Vaudois se proposa, et auquel il voua la plus grande et la meilleure partie de sa vie, fut celui de rendre à l'histoire de nos pères la place qui, dans chaque famille vaudoise, lui appartient, et en intensifier ainsi la vie spirituelle et morale. Et pour atteindre ce but, il multiplia les efforts et les publications : la superbe collection des opuscules du 17 Février, les nombreuses monographies historiques populaires, les conférences historiques sur tous les points de notre histoire, les centaines d'articles publiés, surtout dans nos journaux L'Écho et La Luce. On peut bien dire que ce but, il l'atteignit pleinement. Le nom de Jean Jalla, observe en concluant le prof. Jahier, devint parmi nous des plus populaires. Inséparable de l'Histoire Vaudoise, il pénétra dans tous nos foyers ; et ce nom y rappellera toujours celui qui en fut le plus compétent propagateur.

C'est pour continuer son oeuvre dans ce but, que ce modeste livre est publié. Parmi les centaines d'articles sur l'histoire vaudoise, publiés dans L'Écho des Vallées, il en a été choisis 50, des plus caractéristiques et remarquables. C'est la reconstruction de tel personnage vaudois, de telle famille, de tel fait intéressant des grandes époques de notre histoire ; c'est la description efficace et émue de tel endroit des Vallées, qui a été témoin des exploits héroïques de nos pères ; c'est l'exposition de l'oeuvre de tel capitaine, de tel historien, qui a laissé chez nous des traces ineffaçables. Ces reconstructions, ces descriptions, ces expositions, que lui seul pouvait faire d'une façon si originale, se servant de l'inépuisable trésor de matériaux qu'il possédait, sont exprimés par cette forme simple et claire, par ce langage familier et sympathique, par lesquels la profonde compétence et l'amour vibrant pour ses Vallées se cachaient sous le voile de la plus admirable modestie.
Ainsi, par ce livre, Jean Jalla parle encore.

Torre Pellice, le XVII Février 1936.

 

JEAN JALLA, l'Historien Vaudois.

 

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