Ce petit volume, contenant un choix
très limité d'articles
publiés, pendant une période de
quarante ans, dans « L'Écho des
Vallées », par le
vénéré Professeur Jean Jalla,
est présenté, en plein accord avec la
Société d'Études Vaudoises,
par la Société d'Étudiants
« La Balziglia », qui, ayant
comme but l'étude et la propagande de
l'Histoire Vaudoise parmi la jeunesse des
Vallées, a voulu ériger ce monument
à la mémoire de Celui qui en a
été de notre temps l'expression la
plus haute et la plus pure.
Le livre, qui voit le jour grâce aux
oblations volontaires de parents, d'amis,
d'admirateurs, d'élèves anciens et
actuels du Prof. Jalla, est destiné à
continuer son oeuvre dans la petite Patrie
Vaudoise, qu'il aima de toute son âme ;
à porter dans toutes les familles des
Vallées un souffle de cet amour ;
à leur rappeler d'où elles ont
été taillées et de quelle
souche elles ont été tirées.
Ce volume, destiné aussi à remplacer,
en cette année 1936, la petite brochure
traditionnelle que, depuis vingt ans à peu
près, la plume alerte du Prof. Jalla
traçait à l'occasion de la fête
du XVII Février, a dû garder une
allure simple et populaire ; et pour cela tous
les articles, très nombreux et
intéressants, qui n'avaient pas un
caractère strictement vaudois et populaire,
en ont été exclus.
Tel qu'il est, nous souhaitons qu'il soit
accueilli avec bienveillance et reconnaissance,
presque comme le message d'outre-tombe de Celui.
qui a donné toute sa vie à la mission
de l'étude et de la propagation de notre
histoire.
LA BALZIGLIA.
C'est avec l'émotion la plus intense et
la plus douloureuse que tous les Vaudois, tous les
Amis du Peuple Vaudois, ont appris la nouvelle que
l'illustre et vénéré
Professeur Jean Jalla, l'Historien Vaudois,
n'était plus ! Il a disparu
soudainement, dans le plein épanouissement
de son activité de professeur, de pasteur,
de citoyen, d'homme de science.
Le 22 octobre 1935 il donnait encore ses
cours au Collège Vaudois ; le 3
novembre, son coeur bon et généreux
avait cessé de battre.
Le Professeur Jean Jalla n'est plus
matériellement parmi nous ; mais sa
personnalité reste au coeur même
dé son peuple, de ces Vallées qu'il a
aimées du plus fidèle amour. Elle
reste par le solide monument de ses oeuvres, et
surtout par le souvenir le plus cher et le plus
profond.
Jean Jalla naquit le 6 juillet 1868 aux Clos
de Villesèche, où son père
Louis était pasteur ; tout près
du Pomaret, où son grand-père
Jean-Jacques lui aussi avait été
longtemps pasteur. De ses cinq frères
aînés, deux furent pasteurs, deux
missionnaires. C'est donc dans un milieu
entièrement pastoral, que son
caractère vaudois se forma.
Il suivit les cours du Collège de
Torre Pellice ; puis ceux de la Faculté
Vaudoise de Théologie et en même temps
de la Faculté de Lettres de
l'Université de Florence. Avant même
d'avoir acquis son diplôme de Docteur
ès-Lettres, il devint professeur au
Collège de Torre Pellice, en 1892 ; et il y
resta toute sa vie, développant dans ce
milieu ses nombreuses activités. Il fut
pendant de longues années ancien et
vice-président de la Paroisse de Torre
Pellice ; pendant 43 ans directeur de
l'École du dimanche ; il déploya
continuellement une oeuvre pastorale,
prêchant très souvent, tenant des
conférences, faisant des tournées de
propagande religieuse. D'autre part il fut
longtemps Directeur de l'Écho des
Vallées, Président des Institutions
Hospitalières Vaudoises.
Dans sa longue et efficace carrière
de professeur, ce qui le caractérisa fut une
vive et constante affection pour ses
élèves, qu'il suivit même de
loin d'un intérêt actif et
continuel.
Mais c'est surtout comme historien hors
ligne que nous voulons le signaler, résumant
ce qu'a écrit de lui le Prof. David Jahier,
Président de la Société
d'Études Vaudoises, de laquelle il fut un
des inspirateurs et collaborateurs les plus actifs
et les plus dévoués.
Il fut de fait, écrit M. Jahier, l'Historien Vaudois
par excellence.
S'inspirant dès l'abord à l'influence
de l'historien Alexis Muston, se formant ensuite
à l'école séculaire des grands
maîtres d'histoire vaudoise, Gilles,
Léger, Arnaud, il commença par
recueillir une immense quantité de
matériaux historiques, réunis, on
peut le dire, au jour le jour durant plus de
cinquante ans de recherches et de fouilles, dans
les Archives de l'État, des provinces, des
communes, de l'Évêché de
Pignerol, des paroisses vaudoises, même de
l'étranger ; plus encore, il eut soin
de recueillir parmi bien des familles, de
précieux documents historiques, qui
enrichissent aujourd'hui les Archives et le
Musée de la Société. C'est
ainsi que, maître comme nul autre en la
matière, il put écrire au fur et
à mesure, en s'appuyant sur des documents
d'une authenticité inattaquable, des oeuvres
importantes telles que Pierre Valdo, Les Temples
des Vallées Vaudoises, Les Légendes
Vaudoises, l'Histoire anecdotique des Vaudois du
Piémont, l'Histoire populaire des Vaudois
des Alpes, en plusieurs éditions, et de
nombreuses et précieuses monographies et
articles, d'une valeur incontestable, dans le
Bulletin de la Société
d'Études Vaudoises et dans d'autres Revues.
Ces derniers temps, il rédigeait le second
volume de la Storia della Riforma in
Piemonte, l'oeuvre magistrale de sa vie ;
il y travaillait avec intensité, corrigeant
les épreuves, revoyant les manuscrits, quand
la maladie le terrassa. Il mourut sur le sillon du
vaste champ qu'il avait si profondément
labouré.
Le but historique très noble qu'il se
proposa fut celui de donner une base scientifique
à notre histoire, à tendances jusque
là par trop confessionnelles. Par ses
recherches personnelles, il contribua, pour une
large part, à en épurer et en
multiplier les sources et à parvenir
à cette objectivité qui est requise
par l'Histoire. Pour cette raison sa monumentale
oeuvre historique demeurera comme un patrimoine
sacré, légué par lui à
son peuple.
Comme historien, il avait ceci de
caractéristique : qu'il confrontait
toujours les faits avec les localités
où ces faits s'étaient
déroutés et auxquelles ils devaient
leur inspiration. C'est ainsi qu'il parvint
à une connaissance parfaite des
Vallées Vaudoises, dont chaque montagne,
chaque colline, chaque vallée, chaque plaine, que
dis-je ? chaque pouce de terrain avaient pour
lui une voix qui non seulement lui narrait le fait
historique, mais lui confiait quelque gracieuse
légende : ces légendes,
pieusement recueillies par lui, furent une source
non négligeable de l'histoire. N'oublions
pas de mentionner son Guide des Vallées
Vaudoises, composé avec la collaboration
du docteur David Rivoir.
Mais le but principal que l'Historien
Vaudois se proposa, et auquel il voua la plus
grande et la meilleure partie de sa vie, fut celui
de rendre à l'histoire de nos pères
la place qui, dans chaque famille vaudoise, lui
appartient, et en intensifier ainsi la vie
spirituelle et morale. Et pour atteindre ce but, il
multiplia les efforts et les publications : la
superbe collection des opuscules du 17
Février, les nombreuses monographies
historiques populaires, les conférences
historiques sur tous les points de notre histoire,
les centaines d'articles publiés, surtout
dans nos journaux L'Écho et La
Luce. On peut bien dire que ce but, il
l'atteignit pleinement. Le nom de Jean Jalla,
observe en concluant le prof. Jahier, devint parmi
nous des plus populaires. Inséparable de
l'Histoire Vaudoise, il pénétra dans
tous nos foyers ; et ce nom y rappellera
toujours celui qui en fut le plus compétent
propagateur.
C'est pour continuer son oeuvre dans ce but,
que ce modeste livre est publié. Parmi les
centaines d'articles sur l'histoire vaudoise,
publiés dans L'Écho des
Vallées, il en a été
choisis 50, des plus caractéristiques et
remarquables. C'est la reconstruction de tel
personnage vaudois, de telle famille, de tel fait
intéressant des grandes époques de
notre histoire ; c'est la description efficace
et émue de tel endroit des Vallées,
qui a été témoin des exploits
héroïques de nos pères ;
c'est l'exposition de l'oeuvre de tel capitaine, de
tel historien, qui a laissé chez nous des
traces ineffaçables. Ces reconstructions,
ces descriptions, ces expositions, que lui seul
pouvait faire d'une façon si originale, se
servant de l'inépuisable trésor de
matériaux qu'il possédait, sont
exprimés par cette forme simple et claire,
par ce langage familier et sympathique, par
lesquels la profonde compétence et l'amour
vibrant pour ses Vallées se cachaient sous
le voile de la plus admirable modestie.
Ainsi, par ce livre, Jean Jalla parle
encore.
Torre Pellice, le XVII Février 1936.
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