Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

APPENDICE II

LE TESTAMENT

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 Par celui-ci, George Müller demandait que l'Oeuvre des Orphelinats et les autres branches de l'Institut biblique continuassent avec les mêmes principes qui avaient présidé à leur fondation, et il nommait M. Wright seul directeur. Il le désignait aussi comme héritier, lui léguant ce qu'il possédait en propre : meubles, linge, livres, argent, etc. [Le tout, y compris l'argent, un peu plus de quinze cents francs, fut estimé à quatre mille francs, à la mort du donateur]. Ce document se termine par ces ligues :

« En achevant d'écrire ce dernier testament de ma propre main, je ne puis m'empêcher d'admirer la merveilleuse grâce de Dieu qui m'amena à la connaissance du Seigneur Jésus à l'âge de vingt ans et cinq mois, alors que je ne me souciais pas de lui, et qui m'a gardé dans sa crainte et sa vérité jusqu'à ce jour, c'est-à-dire pendant soixante-neuf ans et quatre mois, me permettant ainsi de le servir durant tout ce temps. Et maintenant en face de l'éternité, je déclare que ma seule espérance de salut est basée sur ma foi dans les mérites du Seigneur Jésus-Christ, mon adorable Sauveur, et en sa mort expiatoire. Je signe ce testament de ma propre main, devant deux témoins, ce 16 mars mil huit cent quatre-vingt-quinze (1895) George MÜLLER ».


III
APPRÉCIATIONS DE CONTEMPORAINS SUR G. MÜLLER ET SON OEUVRE

Il nous est impossible de transcrire ici les appréciations nombreuses et élogieuses qui furent publiées à l'époque de la mort de George Müller. Voici quelques extraits :

« M. Müller laisse derrière lui une vie toute consacrée aux Orphelins. La piété, l'humilité, l'amour de cet homme, resteront longtemps dans le souvenir des églises... Unissons-nous silencieusement dans un acte solennel d'actions de grâce pour bénir Dieu qui l'a donné au monde. Ce don-là est le plus précieux qu'Il puisse faire à l'humanité. » (Séance du Synode National des Églises libres évangéliques).

« Les résultats obtenus par M. Müller sont sans précédent... Cependant, loin d'aimer à paraître, il était d'un tempérament timide et retiré, et redoutait la publicité. Il y a bien des années, on lui offrit cinq cents livres sterling (au pair douze mille cinq cents francs) s'il voulait se laisser photographier ; il le refusa énergiquement (1)... Bien des visiteurs de marque allèrent à Ashley : Comte de Derby, Lord Salisbury, Lord Hampton, etc... » (Le Times).

« On se souviendra de George Müller comme de l'homme qui ne fit jamais d'appels ni de réclame...

Son oeuvre fut la meilleure des réclames... Sa foi était de celle qui soulève les montagnes... Il ne se lassa pas de faire le bien. » (St-James' Gazette).

« M. Müller occupe une place unique parmi les philosophes du XIXe siècle. En ce temps d'agnosticisme et de matérialisme, il mit à l'épreuve des théories sur lesquelles la plupart des hommes se contentent d'avoir d'inutiles controverses. Même ceux qui élaborent des discours sur les lois naturelles et ne partagent pas les vues de M. Müller sur la puissance de la prière, ne peuvent s'empêcher d'admirer la foi et la persévérance extraordinaires de cet homme qui fonda une colonie d'Orphelins, et reçut jusqu'en mai dernier pour son oeuvre et les autres branches de l'Institut biblique plus de trente-cinq millions de francs. » (Bristol Evening News).

« ... Comment ce miracle fut-il accompli ? - Par la prière, dit M. Müller. » Cette réponse ne peut manquer d'exciter les sarcasmes et les railleries du rationalisme. Mais les faits demeurent ; qu'on les explique. Il n'est pas scientifique de diminuer des événements historiques qu'on trouve trop difficiles à expliquer. Quant à escamoter les Orphelinats qui s'élèvent à Ashley, la chose semble bien impossible, et tous les tours de passe-passe n'y suffiraient pas..., (Liverpool Mercury).

« George Müller est mort, et le monde est appauvri par son départ... La vie de cet homme touche à ce point au merveilleux qu'elle semble difficilement croyable. Avec lui, comme le veut l'adage, la vérité est plus étrange que la fiction. L'étudiant prussien à la vie tapageuse est devenu le philanthrope le plus âgé et le plus avisé de son pays d'adoption. Sans amis, sans influence, sans argent, sans situation sociale, avec un passé de dissipation, cet homme s'est attiré par l'intégrité et la noblesse de sa vie le respect et l'amour de ses contemporains. Il a enlevé au trottoir des milliers de victimes, aux prisons des milliers de criminels, aux maisons de pauvres des milliers de malheureux parias. Et tout cela, il le fit « en maniant l'Épée de l'Esprit », pour employer son propre langage. Sa vie et son exemple ont une beauté touchante et émouvante qui ne peuvent qu'impressionner vivement, même en ce siècle sceptique et utilitaire... » (Daily Telegraph).


IV
LES DONATEURS ET LES DONS

Il faudrait plusieurs volumes pour la seule publication des dons que recevait chaque jour George Müller. Beaucoup ont une histoire intéressante. « Nos fonds sont déposés à une banque qui ne peut faire faillite, avait dit une fois la directrice de l'un des orphelinats à un visiteur. » Réponse concise et juste. En apparence, il pouvait y avoir des jours sombres, Dieu intervenait toujours en temps voulu.

« Ce n'est pas de temps à autre que Dieu pense à nous, écrivait G. Müller, mais toujours. Quelle que soit la chose dont nous avons besoin : de l'argent, des provisions, des habits, il l'envoie immanquablement. » Quatre-vingt-dix-huit pour cent des donateurs étaient des inconnus. Certains léguèrent à leur mort des milliers de livres sterling sans avoir jusque-là donné aucun signe de vie. Parfois la cloche de la porte d'entrée retentissait, et lorsqu'on venait ouvrir, au lieu de visiteurs ou trouvait un paquet sur le seuil. Une fois, M. Müller prenant au portemanteau son chapeau et ses gants pour sortir, trouva dans l'un de ces derniers un billet de cinq livres sterling (cent vingt-cinq francs). C'était là un exaucement remarquable : quelques secondes avant, il était à genoux demandant à Dieu d'envoyer du secours.

Les dons en nature sont des plus variés : un jour c'est un monsieur qui envoie une bibliothèque de valeur ; un autre jour on reçoit des autographes de George IV, Sir Robert Peel, Lord Melbourne, une autre fois une voiture, une cage et huit canaris, deux boeufs vivants, à tuer et à détailler pour les orphelins, des chars chargés de légumes, etc...

Nous relevons parmi les dons en nature de l'année 1897, 7.203 pains de quatre livres qui représentent 296 dons, 306 gâteaux, près de 44.699 pommes et de 4.238 poires, 40 sacs de pommes de terre, 20 caisses de savon, un sac de pois, 9 tonnes de charbon, 26 cuissots de venaison, 112 lapins, 312 faisans, 1 lièvre, 8 oies, 8 grands fromages, 5 sacs de gruau d'avoine, huit sacs de farine, 16 morues, du saumon salé, 30 livres de thé, 44 de miel, des oeufs, du chocolat, des figues, des bonbons, des caisses d'oranges, des dattes, des raisins secs, etc.... des bijoux, des habits, et de multiples objets destinés à être vendus pour que le produit en fût attribué aux Orphelinats. Quelques-uns des donateurs envoient le produit d'une pièce de terre qu'ils ont mise à part pour l'Orphelinat ; d'autres une part sur la vente de poules, de porcs, de vaches, de moutons, de fruits. de légumes, de fleurs, d'abeilles, de raisins, de fougères, etc...

Les rapports ne donnent que les initiales des donateurs, et souvent les détails du don. Nous voyons ainsi que les uns ont pris l'habitude du don systématique, les autres donnent à l'occasion d'une délivrance, d'un exaucement, d'une bénédiction, d'autres en se refusant un voyage, une voiture de première classe, du sucre avec le thé, un dessert ; un armateur renonce à assurer ses navires et donne pour les orphelins le montant de la police d'assurance ; un prince renonce à aller à une soirée de gala et envoie l'économie réalisée de ce chef, ce qui suffit à payer le dîner de cent enfants ; le fils d'un baron se passe de beurre et d'oeufs pendant six semaines, et ajoute à l'argent reçu de ce chef celui qu'il gagne en chassant les rats et les souris

Voici un don de trente francs qu'envoie une couturière, prix du premier travail fait avec une machine à coudre qu'elle vient de recevoir ; quarante francs économisés en supprimant le champagne à un déjeuner de noces ; vingt-neuf francs d'une couturière qui les a amassés en donnant vingt centimes par robe faite ; cent francs d'un mécanicien pour acheter des puddings aux orphelins le jour de Noël ; la moitié du montant des prix obtenus à des expositions, par un fermier, pour ses moutons ; deux cents francs réunis en donnant trente centimes par agneau. « Trois mille sept cents francs pour payer la pension d'un nombre d'orphelins égal à celui de mes enfants » (onze cette année-là), etc., etc...

Cinq cents francs économisés en ne fumant pas pendant un an ; - douze cent soixante-quinze francs parce que j'ai fait de grandes pertes, et que Dieu a permis que je pusse continuer mes affaires quand même ; - dix francs d'une veuve, la première semaine de gages de mon enfant ; - douze mille cinq cents francs d'Irlande avec ces mots : « Je vous ai envoyé six francs vingt-cinq il y a quelques années ; c'était alors une grosse somme pour moi. Depuis lors, je me suis considéré comme l'administrateur des biens que Dieu me donne et je vous envoie bien plus facilement cette seconde somme que la première. »

Un octogénaire envoie cent francs de Californie et écrit : « J'ai compris en lisant votre dernier rapport que j'étais un figuier qui n'avait que des feuilles et pas de fruit, bien que je fasse profession d'être chrétien depuis longtemps. Je vous envoie le montant de l'économie faite en supprimant le verre de grog auquel j'étais habitué. »

En 1865, M. Müller est à Ilfracombe, il est accosté dans la rue par un monsieur qui lui demande s'il est bien M. Müller ? Sur une réponse affirmative, son interlocuteur explique qu'il vient de M. et lui apporte de l'argent pour les Orphelins. « Je suis un homme d'affaires, continua-t-il en se présentant, ce qu'on nomme « un bûcheur ». L'un de vos rapports m'est tombé sous la main : je l'ai lu et je dois vous confesser que cela m'a laissé sceptique. Je ne pouvais croire que vous obteniez le nécessaire en priant. Toutefois, cette question revenait souvent en ma pensée ; M. Müller reçoit-il vraiment ces fortes sommes d'argent uniquement par la foi, et en réponse à la prière ? Sur ces entrefaites, j'entendis parler d'une propriété à vendre et que je désirais acheter. J'allai la voir et je la fis évaluer par un homme d'affaires compétent qui l'estima un certain prix. Sceptique, je me dis alors : « Et maintenant nous allons voir si Dieu est avec M. Müller ; si le prix de vente ne dépasse pas un prix inférieur et que je stipulai, je donnerai cent livres sterling à M. Müller.

Je donnai des ordres à une tierce personne pour qu'elle se rendît à la vente aux enchères et achetât pour mon compte. Ceci se passait en un endroit assez éloigné ; mais ma curiosité était excitée à un si haut point, et je désirais tellement savoir l'issue de cette affaire, que je pris le train suivant pour être renseigné sans délai. À ma grande surprise, j'appris que j'étais l'acquéreur au prix inférieur que j'avais stipulé. Alors je me mis à réfléchir sur les principes qui réglaient votre manière de faire : ils étaient éminemment évangéliques, avais-je le droit en tant que chrétien de mettre en doute les exaucements à la prière ? Plus je vais, plus je comprends que vous êtes dans le vrai, et me voici »

Le 5 juillet 1880, George Müller recevait une lettre de Nouvelle-Zélande avec cent vingt-cinq francs, Voici un extrait de la lettre : « L'année dernière, nous étions à Bristol et nous demeurions en face de vos maisons d'orphelins dont la vue renouvelait sans cesse notre foi. À cette époque, j'ai été huit mois sans travail, ne recevant qu'un secours de 8,75 par semaine pour ma famille et moi, mais Dieu n'a pas permis que nous manquions du nécessaire. Quand les choses semblaient aller au plus mal, vos mille fenêtres éclairées dans la nuit me paraissaient comme autant de promesses, comme disait ma femme, et je puis ajouter qu'elles ont été le moyen d'un millier d'exaucements... »


V
CONSEILS POUR LIRE LA BIBLE

Si quelqu'un me demandait ce qu'il faut faire pour lire la Bible avec profit, je répondrais d'abord : comprendre que seul Dieu peut l'illuminer par son Esprit ; et puisque Dieu veut que nous lui demandions ce qui nous est bon, il convient que nous implorions sa bénédiction avant de la lire et pendant que nous la lisons.

Le Saint-Esprit est le meilleur des maîtres et un maître suffisant ; mais il ne s'ensuit pas qu'il réponde immédiatement à nos requêtes ; nous pouvons avoir à demander bien des fois l'explication d'un passage avant d'être exaucé, mais l'exaucement est certain si nous cherchons patiemment la lumière dans le but de glorifier Dieu.

Il est extrêmement important de lire chaque jour et en suivant une portion de l'Ancien et du Nouveau Testament :

1° parce que cela aide à la compréhension du texte. Choisir un chapitre préféré ici et là empêche de comprendre grand'chose aux Écritures.

2° Aussi longtemps que nous habitons ce corps, le changement nous est nécessaire, même dans les choses spirituelles. Dieu y pourvoit par la grande variété que nous trouvons dans sa Parole.

3° Lire la Bible entièrement glorifie Dieu : En laissant ici et là quelques chapitres, nous disons en fait sinon en paroles que certaines parties sont meilleures que d'autres, ou bien qu'il y a des pages inutiles.

4° Lire l'Écriture régulièrement et d'un bout à l'autre peut nous donner une vue d'ensemble, donc aider à sa compréhension. Cela empêche de donner trop de valeur à certaines conceptions que nous chérissons.

Les Écritures contiennent tout ce qu'il a plu à Dieu de nous révéler de sa volonté. Nous devons donc faire notre possible pour lire complètement le document qui l'exprime. Je crains que de nos jours il y ait bien des chrétiens qui n'ont jamais lu entièrement la Bible ; et cependant ils pourraient le faire en quelques mois, en en lisant quelques chapitres chaque jour.
Il est nécessaire de méditer durant la journée sur ce que nous avons lu, soit sur une partie de notre lecture, soit sur le tout...

Quant aux Commentaires, ils remplissent la tête de toutes sortes de notions et aussi de la Parole de Dieu ; mais lorsque le Saint-Esprit lui-même nous enseigne en réponse à la prière et à la méditation, c'est le coeur qui est touché et pénétré. Or la connaissance intellectuelle enfle, et puis elle est essentiellement variable. Que de fois nous délaissons quelque théorie, quelque opinion reçue, pour de nouvelles, lorsque nous lisons quelque commentaire qui nous semble meilleur ; quitte à les abandonner aussi par la suite pour d'autres. Ce que le coeur a saisi rend généralement humble, joyeux, et conduit plus près de Dieu. La connaissance acquise de cette manière-là ne se laisse pas ébranler par quelque raisonnement que ce soit, et comme elle a pris racine dans notre coeur, nous l'utilisons en l'appliquant à notre vie...


VI
L'ASSEMBLÉE DES FRÈRES ; LE BAPTÊME

Au commencement de notre activité à Bristol, frère Craik et moi, quelques frères et quelques soeurs, nous nous réunîmes à Béthesda. Aucun règlement à la base de nos réunions ; la Parole écrite était notre unique Code. Dès le début, il fut entendu qu'avec l'aide de Dieu, nous éprouverions toutes choses à la lumière de sa Parole, et que nous n'introduirions et ne garderions énergiquement que ce qui pourrait soutenir victorieusement cette épreuve. Ce fut vraiment « dans la faiblesse », mais d'un coeur droit, que le 13 août 1832 nous nous réunîmes pour la première fois et prîmes ces décisions devant Dieu. C'est pour cela que nous-mêmes nous ne savions pas alors ce qu'il y avait lieu de décider au sujet de l'admission des nouveaux membres : fallait-il n'admettre que ceux qui avaient été baptisés après avoir cru au Seigneur Jésus, ou bien pouvait-on admettre tous ceux qui croyaient en Jésus ? La question restait donc ouverte, et rien, ne fut décidé à l'origine.

Nous nous sentions libres de prendre la sainte Cène avec ceux qui n'étaient pas baptisés, nous pouvions donc travailler en toute bonne conscience à « Gideon Chapel » où la majeure partie des « saints » n'étaient pas baptisés ; au début en tout cas. Mais au fond de nos coeurs, nous avions le secret désir, frère Craik et moi, de ne voir que les chrétiens baptisés se joindre à nous à Béthesda. Nous avions été les témoins en Devonshire de pénibles divisions dans l'Assemblée, entre ceux qui étaient baptisés et ceux qui ne l'étaient pas ; ce que nous attribuions alors au fait des divergences de vue sur ce point particulier. Donc, et sans ériger en règle que l'église de Béthesda devait être une église de plus intime communion, nous veillions à ce que ceux qui demandaient à y être reçus fussent soigneusement instruits sur la question du baptême.

Durant plusieurs mois, aucune difficulté ne surgit.
Il n'y eut que des chrétiens baptisés qui demandèrent à être reçus parmi nous, ou des chrétiens qui désiraient l'être, ou d'autres enfin qui furent convaincus du caractère scripturaire du baptême des croyants, après avoir étudié le sujet avec nous.

Mais un jour, trois soeurs qui n'avaient pas été baptisées demandèrent à être reçues parmi nous, et leur façon de voir ne fut pas modifiée après que nous eûmes étudié le sujet avec elles. Cependant, comme frère Craik et moi nous les savions véritablement chrétiennes, et que nous n'étions pas au clair nous-mêmes sur la pensée du Seigneur en cette affaire, nous décidâmes de les recevoir, toutefois, afin que la décision fût prise à l'unanimité comme c'était alors la coutume parmi nous pour les actes concernant l'Eglise, nous portâmes la question devant nos frères, disant que ces trois soeurs ne considéraient pas comme scripturaire le baptême des croyants. Y avait-il quelque objection à ce qu'elles fussent admises ?

Plusieurs protestèrent aussitôt, et deux ou trois réunions s'ensuivirent, durant lesquelles la question fut examinée à fond, nous-mêmes essayant de connaître la pensée de Dieu. Plusieurs jours se passèrent ; et avant que nous ne fussions arrivées à aucune décision, l'une des soeurs vint nous trouver pour nous remercier de ne pas l'avoir admise, avant qu'elle fût baptisée, car elle voyait maintenant que c'étaient la fausse honte et la crainte du qu'en-dira-t-on qui l'avaient empêchée de demander le baptême ; mais avec le secours du Seigneur elle avait décidé de le faire et venait nous voir dans ce but.

Cette circonstance ne fit que fortifier les frères qui tenaient le baptême pour nécessaire avant l'admission ; et frère Craik et moi nous ne pûmes que nous demander derechef si, après tout, ces frères n'avaient pas raison ? En conséquence il nous parut difficile de nous opposer plus longtemps à eux. Nous reçûmes donc dans l'assemblée, la soeur qui avait demandé le baptême ; mais pas les deux autres.

Nos consciences ne protestèrent pas ; car tous pouvaient participer à la sainte Cène à Béthesda, sans toutefois être reçus dans le groupe le plus intime qui s'était constitué au sein de l'Eglise. Quant à l'Eglise de Gideon Chapel, non seulement tous les membres pouvaient communier, qu'ils fussent ou non baptisés, mais encore ils pouvaient faire partie de l'Assemblée. s'ils en faisaient la demande [c'est-à-dire du groupement auquel étaient soumises toutes les affaires concernant l'Eglise].

Car, à cette époque, nous n'avions pas encore compris que la Bible ne fait pas de distinction entre l'assemblée des frères et la réunion de ceux qui prennent ensemble la sainte Cène.

Les choses en restèrent là pendant plusieurs mois. Les croyants étaient reçus à la sainte Cène, même à Béthesda, sans être baptisés ; mais ils n'étaient pas admis à tous les privilèges de l'assemblée fraternelle. Au mois d'août de l'année 1836 j'eus une conversation avec frère R. C. au sujet de cette admission des chrétiens non baptisés à la Communion, chose qui me préoccupait depuis longtemps déjà. Et voici comment frère R. C. m'exposa sa pensée :

« Ou bien les croyants non baptisés ont une conduite qui n'honore pas le Seigneur, et en ce cas nous devons nous éloigner d'eux (Il Thess. III : 6), on bien leur conduite l'honore. Si un croyant ne se conduit pas comme il faut, non seulement nous devons nous séparer de lui pour la communion, mais aussi en toute autre occasion. Or ceci n'est manifestement pas l'attitude des croyants baptisés vis-à-vis de leurs frères non baptisés. Le Saint-Esprit ne le permet pas. An contraire il rend ce témoignage que le fait pour eux de n'être point baptisés n'implique pas qu'ils suivent une mauvaise voie ; aussi peut-il y avoir une communion bénie entre des croyants baptisés et les croyants non baptisés. Le Saint-Esprit ne permet pas que nous refusions de nous joindre à eux pour la prière, l'étude de la lecture des Écritures ; il ne permet pas que nous nous éloignions d'eux, ou que nous les éloignions de nous dans notre vie quotidienne, ou nos relations d'amitié, non plus que dans notre activité chrétienne ; et cependant il faudrait qu'il en soit ainsi s'ils avaient une mauvaise conduite. »

Le passage que frère C. avait cité : 2 Thess III : 6, fut le moyen dont Dieu se servit pour m'amener à comprendre sa pensée, qui est QUE NOUS DEVONS RECEVOIR « TOUS CEUX QUE CHRIST A REÇUS » (Rom. XV : 7), SANS NOUS LAISSER ARRÊTER PAR LES DEGRÉS DIFFÉRENTS DE GRÂCE ET DE CONNAISSANCE AUXQUELS ILS SONT PARVENUS.

Peu de temps après cette conversation, en mai 1837, nous eûmes l'occasion, frère Craik et moi (car il avait aussi saisi la vérité que j'avais enfin comprise), de manifester la lumière reçue : une soeur qui n'avait pas été baptisée et ne voyait pas la nécessité de l'être, demanda à être admise parmi nous. Nous eûmes avec elle plusieurs entretiens sur divers sujets, et particulièrement celui du baptême ; bien que nous ne fussions pas arrivés à la convaincre, nous proposâmes à l'assemblée de l'admettre. Ceci provoqua un nouvel examen de la question. Nous donnâmes nos raisons pour recevoir parmi nous cette soeur non baptisée, et lui accorder tous les privilèges des enfants de Dieu ; mais un grand nombre de membres, le tiers à peu près, élevèrent des objections sérieuses ; ils y voyaient des difficultés. On rappela très particulièrement que les premiers croyants furent baptisés après avoir fait profession de croire. Mais le Seigneur nous assista, nous aidant à montrer aux frères, la vérité à ce sujet ; de sorte que le nombre de ceux qui considéraient que seuls les croyants baptisés pouvaient être reçus parmi nous, décrut de jour en jour. À la fin, le 28 août 1837, il n'y eut plus que quatorze frères et soeurs sur cent quatre-vingts qui crurent devoir se séparer d'avec nous. [Je suis heureux de pouvoir ajouter que le plus grand nombre de ces quatorze virent leur erreur et revinrent à nous].

Depuis, le fait d'accorder à tous ceux qui aiment le Seigneur Jésus, baptisés ou non, tous les privilèges de l'assemblée des frères, n'a plus jamais causé de divisions. Or les faits que je viens de raconter remontent à plus de cinquante-sept ans.


VII
QUELQUES PENSÉES AU SUJET DE LA SAINTE CÈNE

I. Les premiers disciples communiaient chaque dimanche (Actes XX : 7).

Il. Ceux qui communient affirment leur participation à tous les bienfaits acquis par la mort du Seigneur, et leur communion mutuelle (I Cor. X : 16, 17). La plus grande liberté doit régner durant ce service pour l'exercice des dons d'enseignement et d'exhortation, pour la prière et l'action de grâces (Rom. XII : 4, 8 ; Ephés. IV : 11-16). Comment les dons de chacun pourraient-ils s'exercer pour l'utilité de tous, si une seule personne faisait ce service ?

III. Le pain doit-il être rompu par l'un des anciens, ou chacun des assistants doit-il le rompre pour soi-même ? - Nous ne trouvons pas dans l'Écriture de déclaration explicite à ce sujet. Cependant 1 Cor. X : 16, 17, semble préconiser la dernière manière de faire, qui met en évidence que le corps du Seigneur a été rompu pour nos péchés...


VIII
DU FORMALISME

J'ai souvent remarqué qu'il est funeste de faire une chose parce que d'autres l'ont faite, ou parce que c'est la coutume, ou parce que l'on s'est laissé persuader d'accomplir tel acte de renoncement apparent, alors que le coeur ne s'est pas donné. L'acte doit être le résultat de l'action intérieure et puissante du Saint-Esprit, de la communion avec le Père et le Fils.

Ayons la terreur de ce qui n'est que formalisme, habitude, coutume, dans les choses divines. C'est la vie, la puissance, la réalité, qu'il faut rechercher. Ce n'est pas du dehors, mais du dedans que doit venir notre inspiration.

Que doivent être MES VÊTEMENTS, ma maison, mes meubles ? Pour répondre à ces questions, je ne regarderai pas à ce que font les autres, ni a ce que font généralement mes frères et soeurs en Christ... Tout ce qui est don, renoncement, mort à l'égard du monde, doit être un fruit de la joie que nous expérimentons en Dieu, parce que nous savons que nous sommes ses enfants, et que, par la foi, nous sommes entrés dès ici-bas dans notre héritage éternel... Autrement, tôt ou tard, se produisent le regard en arrière et les regrets... Quiconque n'agit que sous l'action de la joie qu'il trouve en Dieu, se gardera de considérer avec condescendance ceux qui ne sont pas arrivés au même point que lui ; mais bien plutôt il priera pour eux... Nous avons peut-être plus de lumière et de force qu'eux sur certain point, mais sur tel autre ils peuvent avoir plus de lumière ou de grâce que nous.


IX
VOLONTÉ PROPRE

Le coeur naturel est toujours prêt à raisonner quand il faut croire, à travailler quand il faut se reposer, à choisir son propre chemin quand il faut suivre avec persévérance celui que Dieu veut, si pénible que cela puisse être.


(1) Jusqu'à l'âge de quatre-vingts ans, il refusa absolument qu'on publiât aucune de ses photographies. Mais quelques journaux s'étant mis à publier des reproductions fantaisistes de sa personne, il pensa qu'il était préférable de céder sur ce point et d'accorder la reproduction d'une photographie. 
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