Vous n'avez pu
veiller
seulement une heure avec moi.
(Matt.
XXVI,
40.)
Le mot : veiller, évoque deux
images. L'homme qui veille est celui qui demeure
éveillé et résiste par
là à l'invitation de la nuit ou de la
fatigue. L'homme qui veille est aussi celui qui est
prêt ; sa vigilance est la lampe
allumée dont le rayon révèle
le danger, domine la route, éclaire
l'avenir. Réveil et vigilance, ces
deux pensées s'appellent l'une l'autre. Pour
pouvoir être prêt je me refuse au
sommeil. Pour pouvoir me tenir
éveillé je demeure actif, par
l'effort de mon attention.
il en est Un, qui, tout le long de votre
existence, vous réitère sa
question : « Dors-tu ? ou es-tu
prêt ? ». C'est le Dieu vivant
qui ne sommeille jamais, et sa voix se fait plus
insistante aux heures des grandes surprises de la
vie et de la mort ; plus émouvante
aussi dans ces moments troubles de l'histoire,
alors que l'humanité, engagée dans
quelque sombre impasse, hésite dans sa
marche. Que de motifs - personnels et collectifs -
avons-nous aujourd'hui pour appeler sur nous le
souffle du Réveil ! Et nous resterions
sourds à la voix de Dieu, aussi
négligents que les disciples qui se sont
endormis au soir du Jeudi-Saint
sous les oliviers de
Gethsémané ? Parce qu'eux aussi
avaient toutes les raisons pour veiller et ne l'ont
pas pu, nous nous arrêtons auprès de
ces hommes vaincus, nos frères et nos
semblables, afin de nous sentir nous aussi atteints
en plein coeur par la parole de reproche et d'appel
du Maître :
« Vous n'avez pu veiller
seulement une heure avec moi. Pourquoi
dormez-vous ? »
Jésus trouve ses trois amis endormis
de tristesse (Luc
XXII, 45). La lassitude
est-elle, peut-elle être pour le
chrétien une excuse à la
paresse ?
Non, répond Jésus-Christ. Que
peut peser la fatigue de Pierre, de Jacques et
de Jean, en regard de celle du
Maître ? Ils ont ensemble accompli,
il y a quelques jours, le même
pèlerinage sur les routes brûlantes
qui conduisent à la ville sainte ; ils
ont ensemble, depuis leur entrée à
Jérusalem, connu des émotions
violentes, mesuré le contraste entre
l'enthousiasme fugitif du peuple et l'allure
inquiétante des chefs. À la fatigue
physique sont venues s'ajouter chez les
apôtres l'incertitude et la crainte. Pierre
n'avait-il pas d'ailleurs prévu que ce
voyage finirait mal ? Ils se résignent
à voir s'achever en drame la belle aventure
commencée. Que leur reste-t-il à faire sinon
à s'abandonner à l'inévitable,
et à se livrer, en attendant, au sommeil qui
les invite alors qu'approche cette lourde nuit au
réveil inconnu ?
Mais Jésus, lui, a soutenu,
outre le fardeau des épreuves communes, le
prodigieux effort d'une lutte intime, dès
longtemps engagée, et dont sa prière
est l'aboutissement pathétique. En face
l'une de l'autre, sa volonté - et celle du
Père. Maintenant est manifeste
l'échec de toutes ses démarches
d'amour. Et parce que la nuit est venue,
obscurité de la nature parabole de
l'obscurité spirituelle, il ne dormira
pas : il lutte, il prie. Lui, le Fils,
dont les accents confiants trouvent si facilement
la route directe vers le coeur paternel, il prie,
en répétant trois fois les
mêmes mots suppliants. L'heure de la
fatigue sonne l'appel au réveil de
toutes les énergies de l'âme.
Tu l'as dit, ô Seigneur, alors que
prédicateur admiré par la multitude,
guérisseur des corps infirmes, consolateur
des coeurs brisés, ne trouvant plus un
instant de repos au cours de tes journées
trop remplies, tu te levais avant l'aube pour
trouver dans le silence de la montagne la face de
ton Dieu ! Tu l'as redit alors qu'à la
veille de ta Passion, ton âme,
dilatée, élargie par
l'épreuve, a trouvé les paroles
d'espoir et de victoire de tes discours d'adieux,
et les promesses du dernier souper. L'heure de la
fatigue, heure du réveil ! Tu le
répètes enfin à
Gethsémané, en face de ces hommes
endormis et du ciel silencieux.
Tes témoins fidèles,
à travers les siècles nous parlent le
même langage, forts à l'instant
même où ils paraissent le plus
faibles. C'est Saint Paul en qui la maladie, le
souci
missionnaire, les chaînes de la
captivité, ne font qu'exciter l'ardeur de la
foi, l'intensité de la prière,
l'audace de l'espérance. Ce sont tous les
ouvriers de l'action chrétienne, nos
réformateurs et nos pionniers ; ce sont
tous ces héros de la patience
chrétienne : persécutés,
malades et infirmes croyants. Ils nous aident
à mesurer la somme d'énergie que peut
exprimer la définition que la Bible donne de
l'invincible persévérance des
héros d'Israël :
« fatigués - mais poursuivant
toujours ».
L'esprit de découragement nous
menace aujourd'hui. Comment les hommes de bonne
volonté n'auraient-ils pas parfois le
sentiment de la vanité de l'effort en un
monde où s'affrontent tant de progrès
merveilleux - et tant de hontes morales, tant de
science - et tant de folies ?
Que penser d'une nation où l'on voit
constamment grossir le budget de l'Hygiène
sociale, où l'on multiplie les appels
à la lutte contre la tuberculose, et qui
demeure si hésitante à combattre
énergiquement l'alcoolisation du
peuple ? d'un pays
« chrétien », à
juste titre fier de ses écoles, mais
où beaucoup d'éducateurs croient
devoir s'orienter vers cette sotte
neutralité religieuse qui entend proscrire
le mot sublime de Dieu ? d'une ville où
nos enfants ont pu, en allant au Ciné voir
les funérailles du roi des Belges, y voir
défiler ensuite un film de l'espèce
la plus grossière ?
Ah ! quelque graves que soient les
secousses politiques d'aujourd'hui, elles sont
moins inquiétantes encore que ce
défaitisme qui s'insinue jusque dans nombre
de coeurs et de foyers chrétiens, et qui invite au
sommeil du
laissez
faire ! ceux-là même qui
devraient demeurer debout pour veiller.
Lassitude de paresse qui
s'affirme en face du péché social, mais
aussi en face des épreuves
personnelles. Elles sont si cruelles à
certains. Il est des existences où
l'enchevêtrement des obstacles
matériels et des chagrins intimes tisse un
réseau d'infortune si serré que le
bonheur semble ne plus pouvoir s'infiltrer, et que
l'on est tenté de dire (savons-nous mesurer
la gravité d'une telle
réflexion ?) : Voilà des
êtres auxquels les seuls moments qui leur
réservent quelque paix sont ceux où
ils appartiennent à l'inconscience du
sommeil !
Et pourtant c'est parfois du fond de ces
grandes détresses qu'émerge la vraie
prière. Ici se mesure la diversité
des âmes. Dans l'extrême fatigue,
Pierre dort - mais Jésus prie. Nous
connaissons des victimes et des vaincus auxquels
nous hésitons à aller
présenter le message de Dieu. Nous
prévoyons trop bien leur
réponse : « Les seules
attitudes qui me soient permises sont : la
révolte, ou la morne résignation, ou
la recherche de l'oubli ! ». Mais
nous en avons rencontré d'autres, en qui
s'affirmait. au sein même des pires
afflictions, le sens de l'invisible. Et voici,
quand elles ont fait le tour de leurs soucis, et
mesuré l'épaisseur des
ténèbres qui pèsent sur elles
et sur le monde, quand elles se sont reconnues
déjà guettées par un sommeil
mortel, elles sont venues nous dire
d'elles-mêmes :
« Prions ! l'heure est sombre, il
faut une lumière d'En-Haut ».
« Mes forces me trahissent, il me faut le
bras d'un Sauveur. Veillons une heure avec
Lui ! ».
Oui, avec Lui. Et cet avec Lui
est
déjà une aurore d'exaucement. Votre
Dieu a voulu venir à vous, en la personne
d'un Frère qui a connu la nuit de la
solitude, les incertitudes de la pauvreté,
et toutes les épines des sentiers de la
terre. En Lui Dieu est définitivement Celui
qui est près des coeurs abattus et des
voyageurs lassés.
L'heure de la fatigue... c'est l'heure
où vous le pouvez rencontrer, pour trouver
dans sa communion la force de reprendre la marche.
- Seigneur, nous avons soif, Seigneur nous avons faim,
- Que notre âme expirante avec Toi communie
- À la table où s'assied ta fatigue infinie.
- Nous te reconnaîtrons quand tu rompras le pain (1).
Jésus, ayant réveillé les
disciples, pense à leur avenir, à
leur salut. « Veillez et priez afin de
ne pas succomber à la
tentation ».
Pour ces intimes du Christ, l'heure de la
tentation est proche, l'heure où ils
céderont à la lâcheté.
« L'abandonnant alors, tous les
disciples prirent la fuite ». Oui,
tous, et vous aussi, les trois témoins de la
glorieuse transfiguration : Pierre, Jacques et
Jean ! Oui, toi aussi, Pierre qui
t'étais écrié :
« Quand même tous
t'abandonneraient, moi, jamais ! ».
Oui, toi aussi, Jean, l'intime confident,
penché il y a quelques heures sur le coeur de ton
Maître, prêt à boire les paroles
de la vie éternelle ! Tous !
à l'heure où la tentation s'insinuait
en eux, ils dormaient.
Ah ! qu'elle serait droite et belle la
carrière d'un chrétien qui aurait
été capable de redire tout
simplement, mais avec l'accent d'une entière
ferveur. à tous les matins de toutes ses
journées, la prière du
Seigneur : « Ne nous induis point en
tentation, mais délivre-nous du
mal », et qui, en nulle occasion, ne se
serait trouvé face à face avec
l'ennemi, sans avoir auprès de lui son
Sauveur victorieux ! Une de nos plus graves
infidélités est dans la
facilité avec laquelle au lieu de
dire : « Le péché
m'appelle ! approchons-nous de
Dieu », nous disons au contraire :
« Le péché m'appelle !
Je n'ai plus envie de prier ». Une
âme qui a perdu contact avec Dieu est une
proie facile pour l'adversaire.
Le chrétien militant n'est pas
semblable au soldat qui attend l'heure du
péril pour inspecter son arme. Il prend au
sérieux le sens du mot : Tentation, qui
signifie ; un essai, une invitation, une
première sollicitation. Ce n'est pas
lorsqu'un homme est lié par son
péché, captif de son caractère
et de son milieu, que l'appel de Dieu lui est
facile à entendre et lui promet un salut
magique. Les miracles de la Grâce
toute-puissante ne nous autorisent pas à
fermer nos yeux à la douloureuse
réalité : Il est un
engourdissement de la conscience qui est une mort
anticipée, il est des esclavages maudits, en
face desquels notre témoignage
chrétien semble frappé de
stérilité. La sagesse de Dieu
réclame la vigilance non pas de l'homme
tombé, mais de l'homme tenté.
C'est au moment où la
pensée du mal s'introduit avec ses promesses
illusoires que vous devez être trouvés
veillants.
Il est de jeunes âmes qui ont assez
résolument accueilli le Christ, et assez
fidèlement veillé avec lui, pour
interdire au péché de jamais
s'installer chez elles en triomphateur. La place
était occupée, occupée par
Celui qui est seul capable de mettre en fuite les
démons. Mais dans combien d'existences,
hélas ! l'expérience du salut
n'a-t-elle pas été
précédée d'une succession de
chutes et de larmes ? Et cela, parce
qu'à l'heure de la tentation, la lampe de la
prière était éteinte, l'image
du Christ effacée ou lointaine. L'heure
où l'ennemi rôde ne marque pas le
temps de dormir, mais le temps de veiller, de
veiller avec Jésus-Christ.
Gethsémané a signifié
pour Jésus l'heure de lac décisive
tentation. Contre son âme est dirigé
le plus terrible assaut qu'elle ait jamais
connu ; et l'attaque lui arrache des larmes et
des sueurs sanglantes. Ce jour-là,
Jésus, dont la volonté était
si continuellement en harmonie avec la
volonté du Père, a connu ce que nous
connaissons trop bien : le dur effort pour
retrouver l'accord avec Dieu, pour pouvoir
dire : Ta volonté - et le dire alors
que cette volonté indiquait la croix.
Veiller avec lui qui, « ayant
été tenté, peut secourir ceux
qui sont tentés
(Hébreux
II, 18) ».
Privilège de notre piété. Vous
pouvez vous attacher à un Christ avec qui
vous vous trouvez encore comme avec un
frère, avec un semblable
- non pas dans la honte de vos chutes, mais bien au
moins dans les hésitations de vos luttes,
dans la veillée sainte où vous vous
préparez au combat. Veillez, non pas seuls,
mais avec lui, qui a su que la chair était
faible. Sa chair a frémi devant la coupe
amère, mais s'est courbée sous
l'appel de l'Esprit qui lui demandait de la vider
jusqu'au fond, pour le salut du monde.
L'heure de la tentation, c'est l'heure
où vous pouvez le rencontrer, pour
trouver dans son amitié le secret de la
victoire :
- Dans le désert tu partageas mes luttes, Jésus, mon Roi !
- Toi seul connais mes sanglots et mes chutes.
- Pour être fort dans mes rudes combats,
- Je viens à toi, Christ, ne me laisse pas.
« Vous n'avez pas pu veiller une
heure avec moi ! », avec l'ami
qui venait de leur dire : « Mon
âme est accablée de tristesse
jusqu'à en mourir. Restez ici, et veillez
avec moi ». Jésus, et cela est
unique en toute sa vie, remarque Pascal, cherche de
la compagnie et du soulagement de la part des
hommes... Si Pierre, Jacques et Jean devaient
veiller pour eux, en ce soir-là, c'était aussi pour Lui qu'ils
devaient veiller. Jésus est menacé.
Menace extérieure : la foule hostile ne
tardera pas à savoir, par judas, le lieu de
sa retraite. Menace intime : son âme est
engagée dans l'agonie. Ils dorment - ce
sommeil-là n'est plus
seulement fatigue, il est égoïsme et
lâcheté. Et vous vous indignez
justement, vous qui ne dormirez pas quand,
près de vous, gémira un enfant
malade, ou quand à votre porte retentira
l'appel au secours d'un malheureux. La
collaboration de l'amour des siens, de
ceux-là qu'il avait aimés jusqu'au
bout, a été refusée au
Sauveur.
Mais voici ce qui pourrait atténuer
la mélancolie de cette pensée :
le coeur de Jésus, si semblable au
nôtre, eut trouvé un
rafraîchissement dans cette présence
active à ses côtés de deux ou
trois amis prêts à soutenir
l'élan de sa prière, mais cette
défection des siens n'a pas compromis sa
victoire. Il sort de son combat solitaire fort et
résolu, pour aller à la rencontre de
Judas, de Pilate et des bourreaux du
Calvaire !
Si les hommes ont besoin du Sauveur, le
Sauveur n'a pas besoin d'eux pour s'affirmer
capable de dire : Oui ! à son
devoir et à son Dieu. Il sait trouver, seul,
la Présence souveraine et suffisante :
« Je ne suis pas seul, car le
Père est avec moi »
(Jean
XVI, 32).
Aujourd'hui, que de menaces pèsent sur
le Christ !
Hier encore, sans être certes le Roi
reconnu de tous, il était le Christ
respecté de tous. Même hors de
l'Eglise, toute conscience altérée de
justice, de paix et de charité lui rendait
hommage, et bénissait son nom. Aujourd'hui,
chez nous aussi, on entend enseigner le mépris de
l'Évangile, et tourner en dérision sa
loi d'amour : « Vous avez un seul
Dieu, votre Père, et vous êtes tous
frères ! ».
Si vous allez au Christ, personnellement
préoccupés, pour lui dire :
Rends-nous forts nous qui sommes faibles !
Sauve-nous, nous périssons ! le Christ
attend de vous autre chose encore, il attend que
s'élève de vos poitrines le cri de
l'intercession pour le monde : Que ton
règne vienne !
Il s'agit de veiller non seulement pour
vous, mais pour Lui, et pour sa
victoire !
Quelqu'un objectera : De même
qu'à Gethsémané Jésus
est sorti triomphant du noir tunnel où il
était engagé, - sans le secours de
ses disciples infidèles - de même, il
peut, demain, revenir et régner même
si son Église dort, indifférente et
ingrate ! Je ne le crois pas.
L'oeuvre rédemptrice, Jésus
l'a accomplie par son seul amour, et ce n'est que
par ses péchés, et ses crimes que
l'humanité a collaboré au drame,
apportant dans l'histoire de la Passion son orgueil
et sa lâcheté, ses trahisons et ses
cruautés.
Mais l'accomplissement de cette oeuvre dans
l'histoire, mais l'exaucement terrestre du
« Notre
Père » ! Dieu ne veut pas
les réaliser sans que les membres du corps
du Christ y travaillent, chacun pour sa part.
Le Christ qui est l'Esprit continue
à vouloir s'incarner en ceux qui invoquent
son nom. Son amour ? il vit dans l'amour
de ceux qu'il inspire, et qui s'en vont, serviteurs
de leurs frères, messagers de pardon et de
miséricorde, sur les chemins où les
hommes souffrent et pleurent. Ses
souffrances ? Elles se prolongent dans les
martyres de
ceux qui sont persécutés pour la
justice, qui acceptent le sacrifice, qui portent
leur croix. Sa sainteté ? Elle rayonne
dans le monde par la consécration de ceux
qui renoncent au péché et se donnent
à l'oeuvre de Dieu. Si le règne du
Christ est aujourd'hui menacé, il ne nous
est pas permis de dormir, parce qu'à nous
est confié l'honneur d'être ouvriers
avec lui, et pour lui. Le témoignage du
chrétien doit s'affirmer net, personnel,
Courageux. Quand s'organisent dans les
ténèbres les efforts de ceux qui
voudraient étouffer la voix du Christ, quand
nous les voyons déjà même
sortir de l'ombre pour poursuivre leur propagande
au sein de notre peuple et auprès de nos
enfants, la question s'impose à
chacun :
« Resteras-tu endormi ? ou
voudras-tu veiller, veiller auprès du Christ
menacé, veiller avec lui aux portes du
foyer, et aux portes de la
cité ? »
Le triomphe de Jésus-Christ -
je ne dis pas son triomphe final et éternel
- ceci est l'affaire du seul conseil de Dieu, mais
je dis bien son triomphe actuel et prochain dans ma
vie. dans ma maison, dans mon église, dans
mon pays, c'est mon affaire, et il
dépend aussi de mon attitude : sommeil
- ou réveil.
Pourquoi dormez-vous ? Celui qui adresse
avec tant de douceur un reproche qui aurait pu
être porté par les accents d'une
colère indignée, leur avait
demandé l'aumône d'une
heure : « Veillez une heure avec
moi ». Il s'agit pour vous d'une autre
vigilance, celle de tous les
instants. « Veillez et priez sans
cesse. » Il y a pourtant un encouragement
et un réconfort dans l'humble requête
de Jésus au jardin des Oliviers :
« Veillez une heure avec
moi ».
Il peut se passer de grandes choses en
une seule heure, quand cette heure est riche de
la Présence suprême, quand elle est
réellement vécue avec
Jésus-Christ.
Pour avoir réfléchi une heure
en face de l'Évangile du salut, pour
s'être arrêté une heure au pied
de la Croix. des pécheurs ont
été pardonnés, des coeurs
illuminés, des vies
transformées.
Sache rester un moment avec le Christ pour
regarder - avec Lui - tes fatigues, tes craintes,
tes misères, et voir aussi autour du Christ
la menace du monde hostile. Et alors voici la
grâce qui te sera accordée : qui
a pu rester une heure avec Lui, sent
réapparaître en lui le désir
que cette heure sonne à nouveau. La soif de
la communion permanente fait monter du fond du
coeur la prière mystique des pèlerins
d'Emmaüs : « Reste avec nous,
Seigneur ! »
Et l'hôte invisible demeure, qui nous
garde de sommeils perfides, et allume dans la
maison la veilleuse perpétuelle de la
vigilance chrétienne.
Nous veillons pour Lui. Et Lui veille sur
nous.
1934.
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