Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

III

QUE T'IMPORTE ? TOI, SUIS-MOI

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Et celui-ci, que lui arrivera-t-il ? - Que t'importe : Toi, suis-moi.
(Jean XXI, 21-22.)

Lire : Jean XXI, 13 à 23.

Un sentiment inné de justice inspire à nos consciences une protestation contre les trop criantes inégalités sociales, contre la coexistence de riches incapables de compter leurs fortunes, et de pauvres plongés dans le plus total dénuement. Mais cette inégalité n'est pas la seule qui s'affirme au sein de notre humanité. Il est, en dehors d'elle, une inégalité des destinées. Le bonheur et le malheur ne sont point répartis également, et il est impossible de parler d'une juste distribution des joies et des épreuves proportionnées par le Dieu souverain aux vertus et aux vices de chacun.

Nulle créature humaine, dès l'instant où elle possède un coeur vivant et vibrant, ne peut demeurer à l'abri de toute détresse ; nul chrétien n'aurait le droit de se réclamer de Jésus, s'il ne connaissait quelqu'une de ces croix que le Seigneur nous demande de porter : croix du renoncement consenti, croix de la sympathie fraternelle qui rend une âme participante de la douleur d'une autre âme. Mais il n'en demeure pas moins une singulière opposition entre les témoignages des uns et des autres.

Tel frère a pu nous dire : « Depuis que je me suis donné à Dieu, tout est devenu aisé ; j'ai connu des exaucements inespérés. Dans ma santé, dans ma vie de famille, dans mon activité, j'ai été constamment visité par la bonté d'un Dieu prêt à m'ouvrir les routes de toutes les délivrances ». Tel autre nous a déclaré : « Depuis ma conversion Dieu m'a conduit de dépouillement en dépouillement, comme s'Il entendait forger mon âme au feu de la tourmente. Il a dressé devant moi obstacles sur obstacles, et c'est à travers les combats, les déceptions, les solitudes et les larmes, que ma fidélité a été éprouvée ». L'appel du Christ retentit toujours le même : « Toi, suis-moi ». Mais la marche à la suite du Sauveur ne détermine pas un itinéraire identique, que nous aurions tous à adopter. À chacun l'Esprit dicte sa voie, ou plus dure, ou plus douce.


I

Cette dispensation mystérieuse de Dieu est illustrée par le contraste des traditions relatives à la fin des deux grandes carrières apostoliques de Pierre et de Jean. Si nous nous rapportons à une tradition (dont la valeur historique peut être discutée), Jean, après le martyre de Jacques, quitte la Palestine, sans doute accompagné de Marie à lui confiée à l'heure suprême par le Crucifié, et va s'installer en Asie Mineure, dans la région d'Éphèse. Il affronte luttes et persécutions, mais au soir de la vie, se trouve environné par un cercle d'amis, dont le respect s'accroît avec les ans. Il prolonge ses jours jusqu'à une extrême vieillesse. Alors que ses forces déclinent, il a la joie de pouvoir encore se faire transporter dans les assemblées chrétiennes, pour y répéter l'exhortation qui résume son testament spirituel. « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres. » Plusieurs frères en Asie, disaient même de lui : « Il ne mourra point avant la fin du monde ». Et quand il eut expiré, se propagea dans certains milieux l'idée que St Jean n'était mort que d'une mort apparente, et qu'il vivait encore secrètement sur la terre, attendant le retour de son Maître.

Quant à Pierre, une tradition très probablement authentique, veut qu'après des années de voyages missionnaires, d'activité et d'aventures, il ait été mis à mort à Rome, lors de la persécution de Néron. Condamné au supplice de la croix, il aurait demandé, se jugeant indigne de reproduire par la forme de sa mort la Passion du Christ, à être crucifié la tête en bas.

Ces deux traditions sont déjà comme indiquées dans cet appendice du quatrième Évangile, qui constitue son dernier chapitre. Jésus ressuscité a un suprême entretien avec ses deux apôtres aimes. Après avoir réhabilité Pierre et lui avoir adressé les plus magnifiques promesses, il lui annonce à lui, l'apôtre fougueux, épris d'indépendance, l'approche des jours où il lui faudra abdiquer tout orgueil, pour se laisser conduire sur la voie du renoncement et du sacrifice.

Pierre l'écoute. À l'appel du Maître retrouvé : « Toi, suis-moi », il veut répondre par l'obéissance immédiate et empressée. Mais comme Jean s'attache à ses pas, Pierre avec cette curiosité où se glisse un reste de l'ancienne jalousie, s'enhardit à poser une question à son sujet à Jésus : « Et lui, que lui arrivera-t-il ? »

Il pense que Jésus va prédire à Jean les mêmes dures expériences qu'à lui-même. Mais non : « Si je veux qu'il demeure jusqu'à ce que je vienne, que t'importe ? Ne te préoccupe pas tant de l'avenir de l'autre. Préoccupe-toi tout d'abord d'apporter à ton Maître - enfin - l'hommage de ton obéissance fidèle et résolue : « Que t'importe ? Toi, suis-moi ».


II

En face de tout l'incompréhensible des destinées, et de votre destinée, il vous arrive aussi de regarder autour de vous pour dire : « Et lui, que lui arrivera-t-il ? ». Et pourquoi cette épreuve sur moi, et ce bonheur pour un autre ?

La Bible parle plus d'une fois du trouble des croyants en face des injustices du sort. Le psalmiste interroge : « Pourquoi les méchants prospèrent-ils, alors que le juste est dépouillé ? ». L'Ecclésiaste évoque la déception de celui qui a longtemps travaillé, et ne peut jouir du fruit de ses efforts. job répand devant l'Éternel sa plainte, et proteste de son innocence, du sein de sa misère et de son abandon. Et la Bible donne pour réponse la déclaration de l'Éternel : « Mes pensées ne sont pas vos pensées et mes voies ne sont pas vos voies, mais autant les cieux sont élevés au-dessus de la terre, autant mes pensées sont élevées au-dessus de vos pensées et mes voies au-dessus de vos voies » (Esaïe LV, 8-9). St Paul, faisant écho aux prophètes, condamne au silence les accents de nos révoltes. « Oh ! homme ! qui es-tu pour contester avec Dieu ? Le vase d'argile dira-t-il à celui qui l'a formé : « Pourquoi m'as-tu fait ainsi ? » (Rom. lX, 20) Notre égoïsme et notre courte vue nous ramènent souvent dans l'ornière ancienne de la piété intéressée. Souvent, il nous faut entendre ou deviner la réflexion accusatrice de l'homme, insurgé contre le Créateur : « Qu'ai-je fait à Dieu pour être ainsi éprouvé ? ». Et lorsque au hasard des jours, vous avez rencontré des frères, riches de trésors que vous n'avez jamais connus, ou que vous avez perdus, ne s'est-elle jamais insérée en vous la pensée de la jalousie envieuse : « Pourquoi n'est-il pas aussi pour moi, ce bonheur-là ? »

Oh ! nous avons trop pitié de la souffrance humaine pour nous ériger en juges de ces pauvres envieux du bonheur d'autrui. Et qui de nous ne l'a jamais été en quelque manière ? Nous les comprenons. les soupirs secrets de ceux qui, demeurés solitaires, croisent sur la route des couples et des familles heureuses, qui entonnent les chants de l'amour et de l'espoir. Cette jalousie des sans-travail à l'adresse des favorisés du marché industriel, cette rancoeur des éprouvés à l'égard de ceux à qui tout réussit, cet agacement des malheureux de la terre en face de ceux qui clament la splendeur de vivre, tout cela peut même parfois s'exprimer dans une sorte de voeu atroce et inavoué : « S'il m'arrive encore un malheur à moi, n'en arrivera-t-il pas aussi un pareil à lui ? »

Il est des révoltes et des souhaits vengeurs qui, aussi longtemps que nous oublions Dieu, trouveraient leurs motifs et leurs excuses. Mais il y a Dieu, le Dieu souverain, qui nous impose silence : « Mes voies ne sont pas vos voies ». Dans l'impénétrable des destinées, il y a des ténèbres, et ces ténèbres sont souvent oeuvre de l'ennemi, accumulées par la puissance du Mal, qui crée le péché et le désordre, et pervertit tout ce qu'elle touche.

Impossible à notre faiblesse de déterminer au sein de ce chaos ce qui est volonté de Dieu et ce qui vient de l'adversaire. Mais pourtant, si l'acceptation de l'incompréhensible fait partie de l'attitude de la foi, la Révélation répand sur le mystère quelques rayons de clarté.


III

Un premier rayon : Dieu ne mesure pas les choses comme nous les mesurons, et nous pouvons apprendre un peu à voir avec son regard, à Lui.

« Pourquoi tant de malédictions sur l'un, tant de bénédictions sur un autre ? » Mais qui donc te dit que ce bonheur facile, composé d'avantages extérieurs et brillants, soit bénédiction ? Et qui te dit que ces larmes soient maudites ? Dieu qui contemple toutes choses de plus loin et de plus haut, voit aujourd'hui comme aux jours anciens, défiler le cortège de ceux qui, grandis dans la douleur, répètent la confession du Psalmiste :

« Avant d'avoir été humilié, je m'égarais, mais maintenant, j'observe ta parole. »
« Il m'est bon d'être humilié afin d'apprendre tes statuts. » (Ps. CXIX, 67 et 71)

Il voit aujourd'hui comme jadis la misère de ceux qui s'enferment dans un bonheur égoïste, tombeau de leur âme, et de leurs énergies enlisées dans une paresse fatale.

Dieu voit la plénitude de telles vies, trop tôt brisées à nos yeux, mais qui se poursuivent sur le plan de l'éternité, tandis qu'il connaît le néant de tant d'existences, installées dans la matière comme si elles devaient s'y assurer une résidence perpétuelle et qui ne se repaissent que de cendres. Oh ! pauvreté de tant de mesquines jalousies, de sottes curiosités ! Que lui arrivera-t-il, à lui ? Trouver un fiancé, fonder un foyer... gagner une fortune, vivre très longtemps... Tout cela signifie-t-il nécessairement : Bonheur ? Et si oui, réjouis-toi du bonheur de ton prochain ! mais bien plus encore réjouis-toi de ce que Dieu te cache le lendemain, et celui des autres et le tien, et te veut dire tout simplement : « Que t'importes ? Toi, suis ton Sauveur ». Là est la seule route sûre de l'avenir, le seul chemin qui aboutisse vraiment.

Un autre rayon : Dieu veut être servi et glorifié de mille manières. Le Christ fut diversement mais également glorifié par Pierre qui reçut la couronne des martyrs, et par Jean, le vieillard, qui s'endormit dans la paix, après avoir été jusqu'au bout l'infatigable héraut de l'amour dans l'Eglise naissante. Dieu se réjouit de la diversité des âmes, comme il se réjouit dans les oeuvres de sa création des visages multiples de la beauté des choses. « Même une étoile diffère en éclat d'une autre étoile. » (1 Cor. XV, 41) Dieu a besoin de témoins qui parlent, et de témoins muets, de martyrs et de disciples paisibles et souriants. Il a besoin de soldats militants de l'Esprit, et il sait utiliser le rayonnement discret d'âmes modestes qui, dans l'ombre, répandent un parfum de bienveillance sereine. Il faut qu'il se trouve des chrétiens capables de montrer Christ à travers leurs sanglots, leurs plaies ; il faut qu'il s'en trouve d'autres prêts à entonner les hymnes de la joie parfaite. Toi, tu offriras à Dieu ta maladie, tes blessures, tes larmes. Toi, tu lui offriras tes jeunes énergies, ta santé, ta vaillance. Et en tout cela Dieu sera glorifié.

À l'ombre de Pierre, je vous aperçois, disciples tourmentés, non seulement par vos épreuves, mais par vos faiblesses intimes. Vous avez aimé Jésus, mais l'avez aussi renié. Vous avez eu vos splendides ardeurs, mais aussi vos lâchetés, jusqu'au moment où Dieu a enfin prévalu. Vaincus de Dieu, vous avez dû aller là où vous ne vouliez pas aller. Vous connaissez la brûlure des larmes, et leur sens spirituel aussi, larmes du repentir, de la douleur, de la solitude acceptée. Et parce que vous avez dû lutter et pleurer, votre témoignage en est plus émouvant et plus fécond.

À la suite de Jean, vous voici, âmes harmonieuses, qui vous êtes épanouies dans l'atmosphère de l'amour divin, animées du désir spontané de répandre un peu de cet amour dans le monde. Vis-à-vis de vous, l'incrédule confesse : En voici qui possèdent la paix, en voici qui portent un peu du ciel dans leur regard et un peu de la flamme sacrée dans les démarches de leur active charité. Honneur aux croyants dont le bonheur, loin d'avoir pétrifié le coeur, l'a élargi, et a pu faire de leur vie un chant d'actions de grâce et d'adoration.

Jésus ne veut pas que les siens discutent entre eux du degré de leur consécration ; il les entraîne tous vers le même but. Pourquoi l'un a-t-il plus d'ardeur et l'autre plus de tendresse ; l'un plus de fermeté morale et l'autre plus de compréhension fraternelle ? « Pourquoi, demande Pierre, serai-je un martyr, alors que l'autre ne le sera point ? »

Mystère, mystère du Dieu vivant qui a voulu la vie multiple. Son symbole n'est point la route droite où s'avancerait en ordre serré, une troupe d'hommes, revêtus d'un même uniforme. Les chemins sont divers, plus rocailleux ou plus aisés, mais ils convergent tous vers la même cime de l'Éternel amour. Le chant de la vie n'est pas formé par un misérable concert où chacun répéterait la même note, mais bien par la symphonie où résonnent des cordes différentes, les unes douloureuses, les autres triomphales, mais qui composent une même harmonie à la gloire du Dieu Sauveur. Que t'importe si dans le concert ton frère joue une partie plus brillante ou plus facile que la tienne ? Ce qui t'est demandé, c'est de tenir ta partie. « Toi, suis-moi. »


IV

Toi, suis-moi. À travers les événements, les joies, les peines, un Dieu te cherche, te parle, qui te veut à Lui. Il entend engager le dialogue avec toi à travers ces signes, parfois obscurs, parfois si clairs que sont les circonstances de hier, et de demain, et avant tout, celles d'aujourd'hui, de ce précieux aujourd'hui, seul instant qui t'appartienne. Instant où à nouveau Dieu parle.. et où à nouveau tu lui réponds soit par ton silence, soit par ton obéissance.

Les autres ? Que t'importe. C'est de toi qu'il s'agit, c'est toi que Dieu convoque. Hier ? demain ? Que t'importe. C'est de maintenant qu'il est question, de l'appel présent, bien connu et toujours nouveau : « Toi, suis-moi ». Oui, toujours nouveau. Puisqu'il en est, hélas ! qui hier ont suivi Jésus-Christ, et qui aujourd'hui se dérobent à son invitation. Ah, Dieu ! renouvelle notre fidélité et permets que quand de nouveau tu nous appelles, de nouveau nous répondions, joyeux et résolus et sans demander : « Où nous mènes-tu ? Vers un devoir facile ou vers une tâche ardue ? Vers la lumière ou vers la nuit ? » - Qu'importe ? Là où nous serons avec toi, il y aura de la clarté même s'il nous faut souffrir, et renoncer et mourir.

« Toi, suis-moi. » Appel toujours nouveau, puisqu'il en est qui hier sont demeurés sourds ou ont répondu : non, et qui se lèvent aujourd'hui et secouent la chaîne qui les asservissait à la chair, à l'argent, aux idoles du monde. Ah ! Que Dieu touche les coeurs de ceux à qui aujourd'hui peut être jour du salut ! À travers le vaste monde, comme dans notre petit monde : l'Eglise, la famille, nos amis, qu'il s'en trouve qui soient prêts à dire : « Les autres, qu'importe ? M'approuveront-ils ou me blâmeront-ils, me suivront-ils ou non ? je n'ai pas à attendre leur signe quand j'ai salué le signe du Sauveur qui passe, et l'appel de son amour qui m'environne ».

Quelqu'un m'interpelle, voix aussi directe que la voix du Berger qui appelle la brebis par son nom, que le message apporté par une lettre qui porte mon adresse : Toi, toi, suis-moi. Toi qui mourras seul, toi qui dois, seul, mettre l'huile dans ta lampe, sans compter sur les lumières d'emprunt, toi qui seras seul un jour devant ton Dieu, tu as aujourd'hui à dire à ton Sauveur le oui qu'il espère, sans attendre la réponse de l'autre que Dieu saura trouver quand il le voudra et comme il le voudra.


V

Il est une mauvaise manière de penser au prochain. C'est celle de Pierre qui, à l'instant où le Christ lui dit : « Tu auras à souffrir pour moi », se tourne vers Jean : « Pourquoi pas lui ? ». Attitude qui fait penser à celle de nos enfants. La mère demande un service à l'aîné. Il se tourne vers son cadet :

« Pourquoi pas lui ? » Ainsi quand Dieu te convoque, par un appel qui signifie pour toi, effort et don de toi-même, et peut-être larmes et croix, la tentation est grande de te dire : « Pourquoi donc moi ? » Mais ce que Dieu veut en te parlant, ce n'est pas qu'un autre réponde, c'est que tu répondes, toi.

Il est une bonne manière de penser à toi, celle qui te pousse à t'interroger toi-même : « Dieu m'a invité, vais-je lui répondre ? » Et quand la réponse jaillit du coeur : « Je te suivrai, oh ! Christ, mon Sauveur », c'est déjà le salut. Suivre un tel maître, c'est connaître le Dieu de toutes les victoires, c'est rencontrer un Sauveur qui a connu toutes les plénitudes de la joie, toutes les amertumes de la douleur, et le trouver auprès de soi à toutes les étapes, c'est entrer dans la communion de ses souffrances et dans celle de sa gloire.




- « Et lui, que lui arrivera-t-il ? Que t'importe ? Toi, suis-moi ? » Y aurait-il pourtant quelqu'égoïsme coupable dans cette attitude du croyant qui, préoccupé d'apporter à Dieu sa réponse personnelle, ne s'inquiète plus de la réponse des autres ? Ne puis-je pas, comme Pierre se retournant vers Jean, me retourner vers mon ami, vers mon frère, vers mon enfant, et demander : « Et lui ? » N'avons-nous pas à porter le souci spirituel de ceux qui nous sont chers ?

Ce qui pour Pierre ne doit pas avoir d'intérêt essentiel, c'est de connaître le détail de la destinée de son compagnon. Qu'importe qu'il ait une carrière plus facile ou plus longue que la sienne, qu'il suive exactement le même sillon que lui-même ? Ce qui importe, c'est qu'il s'engage sur le chemin que Dieu lui dictera. Ainsi quand nous songeons à nos bien-aimés, nous n'avons pas à réclamer pour eux les mêmes épreuves et les mêmes joies que Dieu nous réserve, ni à leur souhaiter une vie plus facile ou plus pénible que la nôtre. Le voeu que nous formons pour eux, doit être celui-là même que nous formons pour nous : « Puissent-ils répondre à l'appel de Dieu ! » Ce que nous pouvons faire de plus utile en leur faveur, ce n'est pas de leur apporter nos volontés, nos reproches et nos jalousies, nos encouragements et nos expériences. C'est avant tout de leur apporter notre témoignage en suivant nous-mêmes Jésus-Christ. Parents, anxieux de l'avenir de vos enfants, et qui dites : « Et eux ? que leur arrivera-t-il ? » ; ami, qui voudrais aider tel ami hésitant ou faible, il est des heures où il convient de revenir à la simplicité et au sérieux de l'appel direct de Jésus-Christ, de faire confiance à Dieu, en ce qui concerne les autres, et de dire : « Qu'importe ? J'ai à répondre, moi, à celui qui me dit : Toi, suis-moi ». Et l'éloquence de cette réponse, qui t'oblige à l'amour et à la prière, c'est encore la manière la plus efficace de servir les autres, en glorifiant ton Dieu.

À l'instant où cette réponse est donnée, s'évanouit pour toi la hantise des injustices du sort, et des mystères du lendemain, noyés dans la lumière de cette suffisante certitude :
À la suite du Christ être en route vers le triomphe, comme lui et avec lui, être dans la main du Père.

1933.

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