« Avant que le public
britannique puisse avoir une
conviction », déclarait un
publiciste avisé, « il lui faut
d'abord la faire comparaître devant le
tribunal de son opinion... Et rien de ce qui peut
affecter gravement la vie de la nation
n'échappe à l'épreuve, de ce
tribunal. Nous voudrions tous nous en passer s'il
était possible, cependant, il n'en est pas
un seul parmi nous, qui ne soit reconnaissant
d'avoir subi cette épreuve, lorsqu'elle est
terminée ».
Tel est le jugement de feu W.-T. Stead,
homme d'expérience suffisante dans le
domaine de la justice pour connaître ce dont
il parlait. Mais si Stead avait des raisons de
rendre grâce pour un procès
imposé, il en était de même de
Barnardo. Et maintenant que les vieilles passions
se sont éteintes et que l'éloignement
a clarifier les événements, il
ressort ceci : Pour un homme du
tempérament et des convictions de Barnardo,
un conflit avec la loi du pays, telle qu'elle
existait à cette époque, était
une chose inévitable ; car jamais cet
homme n'aurait pu rester loyal avec sa conscience
s'il avait refusé d'affronter le tribunal.
Pour lui, la loi spirituelle était la loi
suprême, et si les lois du Royaume opposaient
la violence contre ce qu'il croyait être
véritablement la loi divine, il ne lui
restait pas alors le choix. Son devoir - quelque
sacrifice, qu'il lui coûtât -
était d'user de toute son influence, pour amener
les articles de la
loi
des hommes à une plus grande
conformité avec la loi de Christ.
Il n'est donc guère surprenant
que, plus d'une lois, à cause de sa
conscience - et pour l'amour de ses enfants -
Barnardo fut contraint de lutter avec des
géants. Cependant, sachant que sa querelle
était juste, il se sentait
protégé par une « triple
armure ». Comme Luther à Worms, il
tint bon résolument. « Me voici je
ne puis autrement. Que Dieu me soit en
aide ! »
L'initiation de Barnardo aux
mystères de la procédure légal
remonte naturellement à l'époque de
l'arbitrage. Mais si nous voulions examiner cette
période harassante de la vie de Barnardo et
suivre une à une toutes les vicissitudes de
la lutte de Barnardo avec la loi, il nous faudrait
un volume entier ; car sa vision, son
initiative et son courage le conduisirent devant
toutes sortes de tribunaux pour défendre la
cause de ses « Homes ». Il est
cependant une année - celle de 1890 - qui se
détache parmi toutes les autres comme
« l'Année du
Procès », et dont les
conséquences sont inscrites dans notre
Code.
En 1890, Barnardo fut appelé,
devant la Cour d'Appel pour deux cas importants. Il
était lui-même son propre avocat
contre trois avocats chevronnés. Et bien que
sur certains points de loi, le jugement, dans les
deux cas, ait été rendu contre lui,
tous les juges déclarèrent cependant
qu'il avait remporté une victoire morale.
Car il prouva si complètement la
« pourriture » de certaines
lois, que la Commission législative fut
contrainte d'agir et la loi célèbre
sur la « garde des enfants »
fut votée, loi qui enlevait aux parents tous
leurs droits légaux sur les enfants qu'ils
abandonnaient. Elle fut bientôt connue dans
tout le pays sous le nom de « Loi
Barnardo ».
Mais avant d'en arriver à la
bataille de 1890, nous devons éclaircir
certains points. Il faut se rappeler que Barnardo
était véritablement un protestant
ardent, si nous voulons
comprendre l'histoire de ses
« Homes ». Son oeuvre fut,
dès le début, une activité
missionnaire protestante, qui prit racine et se
développa dans une atmosphère
protestante évangélique. De plus, le
fait que cette vie religieuse avait pris naissance
dans les cercles protestants de Dublin, ne le
prédisposait nullement à une attitude
sympathique envers le Catholicisme romain. D'autre
part, les catholiques romains ne l'aimaient pas
davantage. Il faut encore se rappeler
qu'immédiatement après la mort de
« Poil de Carotte », Barnardo
avait fait cette promesse : « Aucun
enfant indigent ne sera refusé ».
Ce qui signifiait qu'aucune distinction ne serait
faite quant à la couleur, la race ou la foi.
Tout enfant indigent était candidat à
l'admission, que sa peau fut blanche, jaune, brune
ou noire qu'il fut protestant, catholique,
mahométan ou juif.
Dans les cas d'indigents
non-protestants, cependant, Barnardo était
toujours moins prompt à les admettre
définitivement, pour laisser à leurs
coreligionnaires le temps de le décharger de
cette tâche ; car il n'entrait pas dans
son plan de faire du prosélytisme. Mais,
dès le début, il devint
évident que ses
« Homes » étaient
nettement protestants, et chaque enfant admis
définitivement était
élevé dans la foi
protestante.
D'ailleurs pendant des années, ce
principe fut suivi d'une manière
régulière. Et Barnardo n'eut jamais
à entrer en conflit avec les juifs, bien
que, dès le début, quelques enfants
israélites eussent trouvé un abri
dans ses « Homes ». Mais on ne
pouvait en dire autant des catholiques romains.
Parmi les enfants indigents de l'
« East-End » se trouvait un
grand nombre d'Irlandais et d'Italiens, descendant
de parents catholiques, tout au moins de nom.
Pourtant, pendant de longues années,
l'Eglise catholique ne créa aucune oeuvre de
sauvetage. Mais, lorsqu'enfin le Cardinal Manning
commença à s'apercevoir que Barnardo
allait sauver de la rue certains enfants de parents
catholiques et qu'il élevait dans la foi
protestante, une bataille homérique
s'ensuivit - car lorsque Manning était
excité, il saisissait n'importe quel
prétexte pour retirer les enfants des
« Homes » de Barnardo.
Cependant le docteur, luttant pour un principe,
n'était pas moins obstiné et exigeant
que Manning. Aussi lorsque certains enfants avaient
été laissés à ses soins
pendant des mois ou même des années,
sans qu'il fût question de les reprendre et
que des ordres pour les retirer parvinrent de leurs
indignes parents qui semblaient n'être que
des « instruments » entre les
mains du Cardinal, on s'aperçut
bientôt que le « petit
docteur » était prêt
à lutter fermement pour « ses
enfants ».
À partir de 1880, l'Eglise
catholique romaine en Angleterre prit conscience du
problème de la protection des enfants
indigents catholiques. Mais, au début, ses
efforts étaient hésitants ; ce
n'est qu'en 1887 - lorsque le Cardinal Manning eut
nommé le chanoine St-John, « pour
s'occuper des vagabonds et des perdus du quartier
sud de Londres » - qu'une politique
agressive fut mise en oeuvre, et, à partir
de cette époque, Manning déclara la
guerre aux « Homes » de
Barnardo. Les accords existant entre certains
prêtres catholiques romains et Barnardo
furent péremptoirement
désavoués et Barnardo en fut si
exaspéré qu'en décembre 1889,
il publia La conscience du Cardinal, ou
« la preuve donnée de la
négligence systématique par le
clergé catholique romain de leurs propres
vagabonds jusqu'à ce que ceux-ci aient
été sauvés du péril de
la rue par des agences
chrétiennes ». Alors le
zèle de Rome commence à
s'échauffer contre les sauveteurs. C'est
l'histoire d'une certaine correspondance entre le
docteur Barnardo et le secrétaire du
Cardinal Manning.
Dans ces lignes
révélatrices Barnardo se montre tout
à fait excité et il ne mâche
pas ses mots. Il défend son point de vue
avec hardiesse en réponse aux arguments de
ceux qui maintenaient qu'il ne devait, en aucune circonstance,
résister
aux demandes des catholiques romains pour le
retrait de leurs enfants, quel que fut le temps que
ceux-ci aient passé « dans sa
famille ». Il avait souvent
été traité d'
« homme bigot, intolérant et
étroit d'esprit » ; dans
certains journaux catholiques romains,
« son caractère personnel, ses
motifs et ses méthodes étaient
violemment attaqués, tandis que plusieurs
organes de la presse quotidienne le traitaient de
« méprisable et
d'infâme ». De plus, il avait
reçu des lettres le menaçant
personnellement. Quelqu'un lui écrivait
d'Irlande et l'informait qu'il visiterait
bientôt Londres, et « si vous
n'êtes pas alors protégé par
les murailles de la prison - déclarait-il -
vous pouvez penser que votre quiétude est
entre mes mains, car je vous frapperai à la
tête ! »
Barnardo expliquait ensuite la raison de
son refus d'accéder aux demandes
catholiques. Habituellement, quand des parents
catholiques demandaient l'admission de leurs
enfants, il leur conseillait de faire d'abord une
demande à leurs propres prêtres. Mais
dans la plupart des cas on lui répondait
« Je l'ai fait ; il dit qu'il ne
peut pas m'aider il m'a conseillé d'aller
moi-même à l'Assistance publique ou
d'y envoyer mes enfants ; mais je ne veux pas
de cela ». Dans certains cas, les
prêtres s'étaient fâchés
et les avaient renvoyés en les traitant de
« mendiants ». Barnardo,
d'autre part, ne recevait jamais un enfant
catholique sans faire connaître clairement
à ses plus proches parents qu'il serait
élevé dans la religion protestante.
Cependant ils l'imploraient à plusieurs
reprises : « Oh ! prenez
l'enfant, pour l'amour de
Dieu ! ».
Barnardo montra encore qu'il n'avait
jamais admis plus de 5% d'enfants catholiques, si
ce n'est à la Maison du Travail, bien que -
certaines années - les demandes catholiques
fussent supérieures à 20 % sur le
total des demandes. Cependant, parmi ces 20 % se trouvait
une forte
proportion de
catholiques romains irlandais qui racontaient de
« belles histoires »
bientôt démenties par l'enquête.
En conséquence on prenait un soin tout
spécial pour examiner tous les faits dans
les demandes catholiques et il n'y avait d'admis
que ceux qui étaient notoirement indigents.
Pourtant les ennuis de Barnardo
augmentèrent. Des prêtres ordonnaient
parfois à des parents de demander le retour
de leurs enfants qui avaient passé plusieurs
années déjà dans les
« Homes », les menaçant,
tant qu'ils ne l'auraient pas fait, d'être
privés des rites de l'Eglise catholique
romaine. Pendant ce temps, bien que Barnardo fut
assailli de demandes pour le retrait d'enfants
catholiques, ceux-ci laissaient un grand nombre de
leurs enfants s'enfoncer dans le dénuement
et le crime.
« Je n'ai jamais
rencontré - déclare Barnardo - dans
les hôtels meublés ou les taudis, ni
de jour, ni de nuit, un seul prêtre
catholique romain à l'oeuvre pour essayer de
sauver leurs propres enfants misérables de
l'infamie indicible qui entoure les jeunes vies
dans de tels lieux ».
Mais tandis que Barnardo montrait le
besoin d'une oeuvre catholique de sauvetage en
particulier à Londres, Liverpool, Manchester
et Glasgow, son tempérament
s'échauffait : « Que nos
« Homes » entrent en
scène.... les enfants n'ont pas plutôt
franchis nos portes, que les catholiques romains
qui, jusqu'ici, avaient paru indifférents au
milieu affreux où vivent les leurs, plus
déplorable encore que l'obscurité
païenne, deviennent jaloux, au sujet du salut
de leurs enfants, auxquels, déclarent-ils,
on a enlevé la vraie
Foi ! ».
Un peu plus loin il fait cette
déclaration si nette :
« En mai 1887, je pensais
qu'il était grand temps de me remuer et
d'essayer de montrer les conditions des jeunes
catholiques romains au cardinal Manning, dans
l'espoir de l'obliger à commencer d'une
manière satisfaisante, le sauvetage des
enfants de parents catholiques romains, afin
qu'ils ne
soient
pas dépendants de « Homes
protestants » tels que les nôtres,
car ils périssent à cause du manque
de « Homes » semblables. Je
sentais qu'il n'était pas en mon pouvoir de
tenir tête à la misère des rues
et que si les catholiques romains voulaient
commencer à arracher ceux qu'ils
réclamaient pour leur propre Église,
des antres du mal, où je les rencontrais,
bien des souffrances, bien des vices et bien des
crimes seraient évités. En outre, je
n'aurais plus, dans ce cas, la peine immense
d'être obligé, par la suite,
d'abandonner ceux dont je me sentais - une fois
qu'ils étaient entrés dans mes
« Homes » et sous ma garde -
par la Providence de Dieu et non par la Loi, le
tuteur et le protecteur ». Cette
correspondance ouverte entre Barnardo et Manning,
en mai 1887, se poursuivit pendant plus d'une
année. Mais elle fut inutile. Bien plus, ce
fut pire après ! Loin d'amener la
réconciliation, elle excita la fureur de
Manning. Aussi, quand Barnardo publia La
Conscience du Cardinal, la lutte devant les
tribunaux devint inévitable. Si nous voulons
comprendre les événements, il nous
faut faire le compte-rendu de certains autres
procès.
Le plus célèbre de ces
procès fut celui de Gossage dont les faits
sont étrangement dramatiques.
Le 15 septembre 1888, le pasteur E.
Husbaud écrivit à Barnardo, lui
demandant de recevoir dans ses
« Homes » un jeune
garçon, Harry Gossage, âgé de
dix ans. Dix jours plus tard, après
l'enquête habituelle, l'enfant était
admis. En résumé les faits
étaient les suivants : La mère
de l'enfant - une ivrognesse
invétérée - l'avait
donné, dans un café de Leamington,
à deux italiens, joueurs d'orgue de
Barbarie, pour parcourir le pays en demandant
l'aumône. De plus, l'enfant affirmait que les
joueurs d'orgue avaient donné de l'argent
à sa mère, argent qu'elle
dépensa sur le champ pour boire. Il
déclara également que sa mère
l'avait, par deux fois, abandonné et le
laissait mourir de faim en temps
ordinaire. Et maintenant, après avoir
erré pendant des mois avec les joueurs
d'orgue, constamment ivres, qui le maltraitaient
fort, il avait été abandonné
à Folkestone.
Découvert par un agent, il fut
aussitôt envoyé à
« L'Union ». Le pasteur E.
Husbaud présenta le cas au Maire et aux
tuteurs de Folkestone, et ils furent tous d'accord
pour placer l'enfant dans les
« Homes » de Barnardo. En
conséquence, le 25 septembre, l'enfant
était admis, et Barnardo s'étant
assuré de l'adresse de la mère, lui
écrivit, le 28 septembre, pour lui demander
si elle désirait que son fils restât
dans les « Homes ». S'il en
était ainsi, il lui demandait de
répondre à certaines questions. Le
lendemain, ne sachant pas écrire, elle
obtint d'un pasteur anglican, qu'il lui
écrivit sa réponse, et voici la
lettre à laquelle elle apposa sa signature
d'illettrée :
« CHER MONSIEUR,
Je serai très heureuse si vous voulez
garder mon fils, Henry Gossage, dans les
« Homes » du docteur Barnardo,
car je ne peux l'avoir à ma charge.
Ses deux frères sont au Canada.
Je gagne ma vie en faisant des lessives et je gagne
si peu que je ne puis me charger de lui. Mon mari
est mort il y a six ans. Les grands parents de mon
fils sont encore en vie, mais ils habitent assez
loin d'ici et doivent aider d'autres membres de
leur famille. Ses autres parents, oncles et tantes
du côté de son père, sont dans
l'impossibilité de m'aider.
Je reste,
Votre dévouée
La signature (X) de Mary Gossage. »
À la réception de cette lettre,
l'enfant Gossage fut admis définitivement,
cette lettre signifiant que la mère ne
professait aucune religion. Au
« Home », l'enfant était
heureux, mais il parlait souvent de ses deux
frères au Canada et exprimait le
désir d'y aller aussi. En conséquence, le 9
novembre, Barnardo - ne soupçonnant aucune
difficulté de ce côté-là
- envoya un imprimé à Mme Gossage
pour lui demander de le remplir et de le lui
retourner ; elle donnait ainsi la permission
d'envoyer le jeune garçon à
l'étranger, si une telle décision
devait être jugée bonne pour
lui.
Le lendemain se passa une chose tout
à fait imprévue. M. William Norton,
un riche canadien, vint rendre visite au Quartier
Général et montrant des lettres
d'introduction d'hommes influents du Canada,
demanda une entrevue avec le docteur Barnardo.
Norton montra un réel intérêt
et Barnardo lui fit visiter tout le
« Home » de Stepney. Puis,
revenant au bureau du Directeur, ils
discutèrent de l'opportunité
d'envoyer des enfants au Canada, et Norton lui fit
savoir que le but principal de sa visite
était de s'assurer si Barnardo lui
permettrait de prendre un jeune garçon et de
l'adopter. Il montra d'autres lettres, parmi
lesquelles s'en trouvait une d'un pasteur de
l'Eglise presbytérienne, déclarant
que la maison de Norton constituait un milieu
idéal pour un enfant adopté.
Barnardo fut très satisfait de la
conduite de Norton et de ses lettres
d'introduction. Mais ce monsieur voulait mettre une
condition à l'adoption de cet enfant. Il
avait souvent entendu parler de cas, où
après l'adoption, des parents indignes
avaient eu recours à des pratiques
malhonnêtes pour obtenir de l'argent des
parents nourriciers ; aussi voulait-il adopter
un enfant à la condition expresse que son
adresse au Canada serait refusée aux
parents. Après une longue discussion,
Barnardo accepta cette stipulation, et on amena
immédiatement plusieurs jeunes
garçons pour parler avec M. Norton, parmi
lesquels se trouvait Harry Gossage.
M. Norton accepta immédiatement
Harry, et le jeune garçon également
attiré, bondit de joie à la
perspective qui s'ouvrait devant lui. Aussi,
Barnardo pensant que c'était une occasion
inespérée pour l'enfant, les arrangements furent
promptement
conclus. Le 16 novembre, Norton devait recevoir
l'enfant des mains de Barnardo et ils devaient
s'embarquer le lendemain pour le Canada. Donc, le
jour dit, après une entrevue qui dura trois
heures, Barnardo - après avoir fait ses
adieux à Harry - le confia aux soins de M.
Norton.
Dans l'intervalle s'élevèrent des complications, bien que Barnardo n'en sut rien encore. Quand Mme Gossage reçut l'imprimé de Barnardo, le pasteur anglican qui avait écrit à sa place la première fois, était parti pour les Indes. En conséquence, elle le montra à une personne qui la persuada de ne pas le remplir, mais d'écrire à Barnardo pour lui demander le transfert de son fils dans un « Home » catholique. Cette lettre, qui ne contenait aucune autorisation de Mme Gossage, si ce n'est les paroles de l'auteur inconnu, était datée du 11 novembre (le dimanche) et parvint aux « Homes » le lendemain avec des milliers d'autres lettres. Mais à cause d'une maladie suivie d'un repos sur le continent, Barnardo n'en fut informé qu'après l'embarquement de l'enfant. D'ailleurs ce n'est qu'en janvier 1889, qu'une autorisation pour le transfert de l'enfant fut envoyée par Mme Gossage elle-même, et elle provenait de « Southam Union » où celle-ci habitait maintenant. Pendant ce temps également, on reçut l'assurance que le père de l'enfant était un méthodiste wesleyien qui avait exprimé, avant sa mort, le désir de voir son fils élevé dans la religion protestante ; ce qui n'avait point empêché la mère, deux ans après sa mort, de faire baptiser catholique l'enfant, alors âgé de six ans, sous l'instigation de certaines personnes. Tels étaient en bref les faits connus lorsque Mme Gossage demanda une assignation d'habeas corpus (1) contre Barnardo. Après avoir entendu la cause devant le tribunal, M. Justice Mathen, le 13 mais 1889, refusa l'assignation.
Mais Manning et ses lieutenants ne perdirent pas
leur temps. Et, quelques mois plus tard, une
décision favorable pour eux, au sujet du
« cas Tye », leur permit de
rappeler le « procès
Gossage » devant la « Chambre
divisionnaire » ; le fait saillant
du « cas Tye » était que
Barnardo, malgré une lettre de la
mère retirant sa permission, avait
envoyé l'enfant au Canada.
À la « Chambre
divisionnaire », une plaidoirie à
sensation fut prononcée disant que Barnardo,
en violant la loi, enlevait aux pauvres
mères leurs droits les plus sacrés.
Et l'attaque était si subtile qu'il y eut
non seulement une assignation d'habeas
corpus contre Barnardo (le 30 novembre 1889).
mais le Président du Tribunal suprême
« censura quelque peu
sévèrement » sa
conduite.
Barnardo fit aussitôt appel et le
vendredi 24 et le lundi 27 janvier 1890, son appel
vint devant le président Lord Esher et le
juge Fry. Les détails de ce procès
où Barnardo plaidait sa propre cause contre
trois avocats éminents, sont
particulièrement poignants.
Après avoir
écoutées témoignages et les
dépositions sous serment, le
Président déclara que Mme Gossage
était une « brute
dénaturée » qui disposait
de son enfant « tout comme s'il
était un singe » et qui
« n'avait jamais su et ne s'était
jamais inquiétée de savoir ce qu'il
était devenu ». Il affirma, en
outre, que pour cinq shillings on pouvait la
persuader de faire quoi que ce soit de son enfant.
« C'était une mauvaise femme,
déclara-t-il, et elle n'est pas meilleure
maintenant ». Il déclara que sa
déposition solennelle sous serment
était « un mensonge
impertinent » ; quant à sa
déclaration à savoir que son mari,
à son lit de mort, lui avait accordé
la permission d'élever son fils dans la
religion catholique, le directeur de l'Assistance
publique de Warwick (un témoin
désintéressé) jura
« qu'au moment de la
mort du dit Edward Gossage », il avait
fait appeler Mary Gossage, auprès du lit de
mort de son mari, et « qu'elle
était alors en état
d'ivresse ».
Et c'était là, la
« pauvre femme », que ce
« malfaisant docteur
Barnardo », avait privé du droit
« sacré » de
décider de l'avenir de son enfant. Mais la
loi, telle qu'elle était, maintenait ses
exigences. En effet, le Président, tout en
déclarant qu'il comprenait très bien
les raisons pour lesquelles Norton avait
été « si désireux en
effet », que la mère ne fut pas au
courant de ses faits et gestes, maintint cependant
que en ce qui concernait Barnardo, le
problème était le suivant :
« Si vous avez violé la loi pour
les motifs les meilleurs, vous n'en avez pas moins
violé la loi, et vous devez en supporter les
conséquences ».
Vers la fin de l'audience, alors qu'il
devenait évident que pour les juges,
Barnardo avait violé la loi, Lord Esher,
pour illustrer la thèse légale,
proposa un cas hypothétique :
« Je pense que si, après avoir
gardé l'un de ces enfants dans vos
« Homes » pendant une
année, vous le mettiez simplement à
la rue, ce serait une cruauté de votre part,
et que vous ne le feriez pas ; mais si vous
agissiez ainsi, je ne crois, pas qu'on pourrait
lancer contre vous une assignation d'habeas
corpus. Cette déclaration impliquait
que, Barnardo n'ayant pas jeté l'enfant
à la rue, mais l'avant placé dans une
très bonne situation au Canada, était
exposé à recevoir une assignation habeas corpus. Et Barnardo,
poussant les
conséquences de cette thèse
jusqu'à sa signification profonde,
répondit : « Messieurs, si la
loi est ainsi, s'il faut comprendre que c'est
là l'expression de votre autorité de
juge sur ce point, j'ose dire que votre
décision doit atteindre jusqu'aux racines
profondes non seulement de mon oeuvre, mais encore
de toutes les institutions engagées dans le
sauvetage de l'enfance, pour la retirer des
influences mauvaises et du milieu le plus
affreux ».
Puis, admettant que si telle
était la loi, il avait dû
déjà « dans des centaines
de cas » la violer par mégarde.
Pendant les vingt dernières années,
il avait, sans le consentement des parents (qui le
plus souvent étaient « impossibles
à découvrir »),
envoyé à l'étranger un
très grand nombre d'enfants, toujours
poussé par un seul motif : le bien de
l'enfant. Quelle était alors sa position
légale vis-à-vis de ces
enfants ? Était-il exposé
à voir venir ces parents devant la Cour,
réclamer son aide pour les replonger dans la
misère de leur sort premier ?
« J'en appelle à votre
autorité quand vous donnerez votre
arrêt ; s'il est contre moi sur ce
point, afin d'établir pour ma conduite - et
celle des autres - qu'elle est et doit être
notre attitude en face de cette notion nouvelle et
singulièrement étendue de l'habeas
corpus.
Au cours de l'Appel, il fut
prouvé que Mme Gossage, si anxieuse
maintenant de voir Harry placé dans un
« Home » catholique, avait
raconté à des habitantes de
l'Assistance publique, où elle habitait,
qu'elle désirait placer son
nouveau-né sous la garde de Barnardo, tandis
qu'elle permettait qu'on exploitât son home
et ses droits légaux pour retirer Harry des
« Homes » ; elle se
vantait en même temps, de faire entrer son
dernier bébé dans les
« Homes » de Barnardo,
où il serait beaucoup mieux soigné
qu'à l'Assistance publique. Ce fait,
lorsqu'il fut cité au cours du procès
par le juge Fry, amena l'hypocrite réponse
que la mère n'avait pas à craindre
l'influence religieuse des
« Homes » du docteur Barnardo
quand l'enfant était si
jeune ».
Un des juges fit alors ressortir la
conséquence logique de ce point de
vue : « Et quand il sera assez grand
pour subir une influence religieuse, il y aura, je
suppose, une autre demande d'habeas corpus ?
À cette suggestion, l'avocat de la
mère répondit : « Je
ne crois pas que le docteur Barnardo pourrait s'y
opposer. Cette déclaration n'est pas
incompatible avec son désir d'élever
son enfant dans la religion catholique romaine.
Sans doute, c'est une femme qui ne s'est pas
conduite comme elle le devait envers son
enfant ; mais, actuellement, elle subit de
meilleures influences ».
À ce moment, une escarmouche
entre l'avocat et le Président fut
relatée comme suit dans le
Times :
Le Président :
« Voulez-vous dire que vous excusez sa
conduite, donner son fils à un joueur
d'orgue comme s'il s'agissait d'un singe ?
C'était une brute
dénaturée ».
L'Avocat : « Nous savons
encore moins de l'homme auquel Barnardo a
donné son fils ».
Le Président :
« Vous n'éveillez aucune sympathie
de ma part avec de tels
arguments ».
L'Avocat : « Si la
mère était une mauvaise femme et si
elle a donné son fils à une brute, il
n'y a pas de raison pour permettre au docteur
Barnardo de donner l'enfant à M.
Norton ! ».
Le Président :
« Je ne vois aucun signe de repentance de
sa part ».
L'Avocat : « Elle vient
maintenant devant la Cour pour lui demander de
l'aider à retrouver son enfant afin qu'elle
puisse l'élever dans sa
Foi ! ».
Mais avant la conclusion de cet appel, un aveu
remarquable fut fait. En réponse à
une remarque de Lord Escher, que la demande de Mme
Gossage n'était pas de bonne foi,
puisqu'elle avait été faite et
payée par une institution catholique
romaine, l'avocat reconnut : « Je ne
doute pas que la mère fut poussée
à retirer son enfant pour le placer dans une
Institution catholique et qu'elle n'aurait fait
aucun pas en dehors de cette pression, mais ceci ne
doit pas influencer la Cour ».
De tels faits cependant ne
changèrent pas un iota de la thèse
juridique. Le cas était toujours
ramené sur ce terrain : les parents
étaient les tuteurs naturels de leurs
enfants et avaient le droit de diriger leur
éducation. Et aucune preuve de leur conduite
indigne ne pouvait changer la
loi ».
Les conclusions du Président
contiennent des remarques significatives :
« L'histoire de ce cas,
déclare-t-il, expose parfaitement à
la fois le bien véritable accompli par le
docteur Barnardo et ses Institutions, et aussi les
choses qu'il a faites, je crois, en violation de la
loi ». Il repoussa l'argument selon
lequel la mère était maintenant
« sous de meilleures
influences » : « Il est
inutile de me dire que la mère voit plus
clairement son devoir envers son enfant.
C'était une mauvaise femme et elle n'est pas
meilleure maintenant... ». Ses
conclusions déclarèrent que l'enfant
avait été « trahi par sa
mère », et pourtant le jugement
fut rendu contre le Docteur : « Je
dis au docteur Barnardo, que même si la
mère avait signé l'accord, elle
pouvait le révoquer à n'importe quel
moment et refuser la permission d'envoyer l'enfant
à l'étranger. Il faut qu'il se rende
compte que cet accord était sujet à
ce risque ». De plus, la Cour maintenait
que si Barnardo n'avait reçu lui-même
la lettre que plusieurs jours après
l'embarquement du jeune garçon, ses
subordonnés l'avaient reçue, et il en
était responsable. En conséquence, il
fut ordonné : « Le docteur
Barnardo est condamné à faire tous
les efforts nécessaires pour obéir
à l'assignation, il doit écrire des
lettres, demander par annonce, et si
nécessaire, aller en Amérique pour
chercher l'enfant ».
Un passage des conclusions est
particulièrement frappant :
« Je ne dis pas qu'en envoyant
l'enfant au loin, il (le docteur Barnardo)
n'agissait pas pour son bien. Je ne dis pas que
j'ai des soupçons au sujet de la
capacité et de l'honnêteté de
Norton ; mais, légalement, le docteur
Barnardo n'avait
pas le
droit de lui donner l'enfant. Il avait
été arrangé
délibérément entre eux, qu'il
n'y aurait aucune possibilité de rechercher
l'enfant. Je ne m'étonne pas de cela. Si
Norton apprenait quelle sorte de mère avait
l'enfant.... il souhaiterait naturellement de le
protéger contre des parents qui viendraient
de la banlieue de Londres et qui
réclameraient son enfant adopté.
Cependant, le docteur Barnardo, en donnant
l'enfant, a accompli un acte
illégal... ».
Ainsi se termina le procès
Gossage à la Cour d'Appel. Mais il restait
un tribunal suprême, et Barnardo,
déterminé à pousser la loi
jusque dans ses derniers retranchements, fit appel
devant la Chambre des Lords. Dans l'intervalle
cependant, l'autre partie, dans son zèle
pour « démasquer »
Barnardo, s'était emparée d'un autre
cas.
Le 19 juin 1888, à la demande d'un
ouvrier et selon le désir express de sa
mère, John James Roddy fut admis aux
« Homes » de Barnardo ;
une enquête soigneuse avait établi les
faits suivants : Ce petit garçon
illégitime, de neuf ans et demi, parcourait
souvent les rues entre onze heures du soir et
minuit ; sa mère, une femme indigne qui
passait ses soirées dans les tavernes, le
négligeait complètement ; leur
foyer se composait uniquement d'une pièce
sombre dont le loyer (trois shillings et six pences
par semaine), était le plus souvent
payé en retard ; et souvent les voisins
émus de compassion pour lui, lui donnaient
de la nourriture dans la rue. Ainsi la cause de
l'admission était un « abandon
presque complet », qui mettait en danger
la vie de l'enfant ; et la mère signa
l'accord de Barnardo par lequel elle remettait son
fils au soin des
« Homes ».
Dans le contrat, la mère se
déclara
protestante.D'ailleurs l'enfant
avait suivi l'École de semaine et
l'École du dimanche d'une Église
protestante et avait été
baptisé protestant, tandis que le
père présumé déclarait
être aussi protestant.
À l'admission le petit
garçon pesait à peine quarante
livres, bien que le poids moyen d'un enfant de son
âge fut de cinquante-six livres. Cependant,
une bonne nourriture et des habitudes
régulières firent merveille et
lorsque, dix-huit mois plus tard, on demanda son
retour, il était en pleine
santé.
Mais quelle fut la raison de cette
demande de retrait de l'enfant au nom de la
mère ?
Plusieurs fois, la mère, qui
jusqu'à cette époque avait
vécu avec quatre hommes différents,
avait visité son fils à Leopold House
et plus d'une fois elle était arrivée
en état d'ébriété. Mais
un jour, elle apparut à la grille de la
maison dans un tel état d'ivresse que le
portier lui refusa l'entrée, et comme
c'était une irlandaise au caractère
violent, elle s'emporta et entra en furie. Dans une
autre occasion, où le jeune garçon
avait eu la permission de lui rendre visite, elle
s'enivra, et Barnardo s'en plaignit. En septembre
1889, le jeune garçon avait la
rougeole ; aussi la mère venant lui
rendre visite pendant qu'il était au
pavillon des isolés, n'eut pas la permission
de le voir ; on lui dit cependant qu'il allait
beaucoup mieux et serait mis en pension à la
campagne dans quelques jours, proposition à
laquelle elle agréa.
Telles étaient les relations de
Barnardo avec la mère, lorsque le 22
décembre 1889, sans aucun avertissement,
arriva une lettre d'un avoué, le même
qui avait engagé toutes les actions
précédentes, qui demandait, en faveur
de la mère, que cet enfant protestant, alors
âgé de onze ans, lui soit
rendu.
Que s'était-il donc
passé ? Les faits sont très
simples. En plusieurs occasions, en état
d'ivresse, la mère avait juré de se
venger de Barnardo qui l'empêchait toujours de
voir son fils ;
et un
jour, irritée, elle rendit visite à
sa nièce - une personne catholique romaine -
et lui conta son ennui. Aussitôt la
nièce insista pour la conduire à un
prêtre et tous deux la persuadèrent de
faire transférer son fils dans un
« Home » catholique. On lui
avait dit apparemment que, chaque semaine, on
placerait quelque argent à la banque, au
crédit de l'enfant, somme qu'elle pourrait
retirer quand l'enfant quitterait le
« Home » catholique.
Au reçu de cette lettre, Barnardo
fut profondément ennuyé.
Déjà ses relations avec ces hommes de
loi étaient tendues :
« Depuis deux ou trois ans, des essais
persistants avaient été faits pour
enlever des Institutions qui étaient sous ma
garde, une classe spéciale d'enfants. Dans
chacun de ces cas, à part une exception, les
parents, père, mère ou tante, suivant
le cas, qui faisaient ces demandes étaient
des gens pervers ou tout au moins douteux. Dans
chacun de ces cas, les enfants avaient
été retirés par mes mains de
situations d'un abandon complet, de souffrance
physique ou d'indigence totale, et parfois de la
société de gens immoraux ou de
personnes condamnées pour crimes. Mais il y
avait une autre ressemblance dans chacun de ces
cas. Bien que les gens fussent manifestement sans
argent, ils étaient
représentés à chaque occasion
par des avoués et des avocats et les
avoués étaient tous du même
Cabinet !
Naturellement, quand ces avoués
demandèrent le retour du jeune garçon
pour être placé dans une
« bonne école »,
Barnardo posa des questions auxquelles les
avoués répondirent « par
courtoisie » dirent-ils. Mais ils
maintenaient que Barnardo n'avait « aucun
droit légal » de les poser et
l'avertissement, qu'à l'avenir, il ne
pouvait s'attendre à une telle
« courtoisie ». Mais leur
réponse à la question principale
était entièrement
mensongère ; aussi Barnardo
insista-t-il pour connaître le nom de cette
« bonne école » ou du
moins, si elle était
protestante ou catholique. Les avoués
laissèrent de nouveau cette question de
côté. « Notre cliente pourra
peut-être s'occuper elle-même de son
fils ; elle est tout à fait capable de
l'élever ». Barnardo savait que
cette déclaration était fausse, aussi
fit-il écrire aussitôt à la
mère par son secrétaire. Il
l'informait qu'il « considérait de
son devoir, comme tuteur actuel de l'enfant et pour
son plus grand intérêt, de rechercher
le conseil et l'autorité de la Cour avant de
s'engager dans cette voie » ; il
l'avertissait que si elle amenait le cas en
jugement, elle aurait « à
satisfaire les juges au sujet de la parfaite
respectabilité, sobriété et
moralité » de sa vie ; car
une enquête soigneuse serait faite dans ses
« habitudes et son genre de vie depuis de
longues années ». Mais il ajoutait
que si elle retirait sa demande, son fils serait
placé dans un « Home - de Londres,
où elle aurait la permission de le voir
autant que possible selon les
« Règlements des
Institutions ».
Ce ne fut pas la mère qui
répondit à cette lettre. Elle avait
apparemment reçu des instructions pour
passer toute communication aux avoués ;
aussi, sur le champ, firent-ils un appel en justice
en son nom. Après une plaidoirie
passionnée au cours de laquelle l'avocat
prétendit lire dans la lettre de Barnardo
les plus sombres motifs d'agir, ils obtinrent une
ordonnance en leur faveur.
Le Tribunal étant
sérieusement prévenu contre la cause
du docteur et son avocat, dès le
début l'affaire devait se débattre
dans une atmosphère de soupçon et
même de blâme ; aussi, lorsque le
19 mai 1890, l'audience se termina, l'horizon
était sombre ; il le fut bien davantage
encore lorsque les juges, au lieu de rendre le
jugement le 20 mai comme il était promis, le
retardèrent jusqu' « après
Pentecôte », afin qu'il pût
être rédigé.
Parmi le paquet de lettres non
publiées de Barnardo, que sa femme a mis
entre mes mains, il en est une datée du 20 mai
1890.
Elle ne nécessite aucun commentaire :
« MA CHÉRIE,
« Je t'ai
télégraphié ce matin
dès que j'ai appris que les juges ont
l'intention de renvoyer le jugement
jusqu'après Pentecôte.
Je puis bien te dire que mes
avoués et mon avocat considèrent cela
comme un mauvais présage. Notre cause est
très forte, mais ils sont contre nous et
pour nous empêcher de gagner ils veulent
donner un jugement écrit... Tu sais que je
ne me tourmente pas facilement mais ce
procès m'a vieilli. Ta suggestion est
naturellement inacceptable : je puis mourir
à mon poste, mais je n'ai jamais appris
à fuir ; non, ma chérie, il faut te
préparer au pire, si c'est la Volonté
de Dieu. Je pourrai abandonner l'oeuvre tout
entière si je sais que c'est Sa
Volonté, et remettre dans la paix, la grande
charge et la responsabilité que j'ai
reçue de Ses propres mains. Mais abandonner
mes enfants en de telles mains, pour leur ruine, je
ne le ferai jamais tant que je vivrai. Ainsi donc,
ma chérie, ne me suggère plus cela,
car j'en suis blessé dans le fond de mon
âme.
Pendant ce temps, sentir la haine dont
je suis l'objet, sentir sur moi les basses
imputations que je méprise, tout cela est,
en effet, une lourde croix, pour moi. Mais je n'ai
pas perdu ma foi dans la Providence de Dieu qui
gouverne tout. S'Il n'est pas au gouvernail de
toutes ces affaires du monde, alors il n'y a plus
que le chaos ; mais s'Il est là, et
nous conduit calmement mais sûrement, c'est
peu pour nous de croire en Lui, quand nous perdons
notre route au milieu du brouillard. Il
n'abandonnera pas les siens. C'est ma seule
consolation. Maintenant je dois être content
d'avoir raison plutôt que de paraître
avoir raison ; et je le ferai avec l'aide de
Dieu... »
L'interprétation de Barnardo au
sujet de l'intention des juges
semble justifiée par les
événements. Le jugement promis le 20
mai, fut rendu en deux parties : la
première, un ordre d'habeas corpus le 15
août ; la seconde, une ordonnance
désignant un nouveau tuteur le 4
novembre.
De plus des « critiques
sévères » étaient
faites sur la conduite de Barnardo, principalement
à cause de sa lettre à la
mère, mais aussi parce qu'il avait
envoyé une dame dans le quartier où
elle demeurait pour observer sa conduite.
Effectivement, les juges avaient
suggéré que Barnardo n'était
pas une « personne
qualifiée » pour avoir la garde de
l'enfant bien qu'ils l'eussent laissé
à ses soins pendant tous les mois qui
précédèrent le rappel de
l'enfant pour lui donner un nouveau tuteur et
encore le laissèrent-ils à Barnardo
jusqu'à ce que la cause fut
jugée.
Les 10, 11 et 12 novembre 1890, la cause
repassa à l'audience de la Cour d'Appel
devant trois juges et Barnardo fut lui-même
son propre avocat.
Retracer les débats de l'appel
nous conduirait trop loin. Cependant certains faits
ne peuvent rester ignorés. Comme le
procès se poursuivait, Lord Escher (le
Président) déclara :
« Tout ce que je puis dire, après
tout ce que j'ai entendu, c'est que l'esprit de la
mère dépend de 5 shillings ou
même de 2 shillings et 6 pences ».
Dans une occasion, la mère se vanta à
ses voisins : « Je sais que les
catholiques vont me donner de l'argent
bientôt. S'ils ne le font pas après
tout le souci qu'ils me donnent, je leur ferai
savoir qui je suis... ». Quand à
sa religion, elle déclara au Tribunal
qu'elle avait été catholique toute sa
vie ; cependant, sa fille âgée de
vingt et un ans, jura qu'elle n'avait jamais su que
sa mère eût quelque chose à
faire avec la religion catholique romaine, et
l'avait même entendue dire du mal à ce
sujet. Lord Escher faisant allusion à la
véracité de la mère
déclara : « Nous (les trois
juges) ne sommes pas des enfants pour croire tout
ce qu'elle raconte ». Il était hors de doute
qu'elle avait de son propre choix, signé un
contrat par lequel elle s'engageait à faire
élever son fils dans les
« Homes » de Barnardo ;
que nulle objection ne s'élèverait
contre la façon d'agir des
« Homes » envers la mère
ou l'enfant, que le petit garçon
était heureux sous la garde de Barnardo et
qu'il exprimait le désir « d'y
rester ». Cependant, à cette
période, la loi enlevait à ces faits
toute leur valeur. « Quand la mère
est venue demander son fils - déclare Lord
Escher - vous n'aviez nullement le droit de lui
poser des questions. Vous n'aviez qu'une chose
à faire : lui remettre
l'enfant » ; et il ajouta :
« En supposant que la mère fut la
personne la plus incapable du monde pour avoir la
garde de son fils, néanmoins, si elle
demande l'enfant pour lui donner un autre tuteur,
alors son inaptitude n'a rien à faire en la
matière ».
Or, une telle déclaration
légale signifiait que les parents les plus
vicieux, pouvaient servir de marionnettes entre les
mains des ennemis de Barnardo, « s'ils
étaient pris ». C'est pourquoi la
cause restait pendante au sujet des droits
matériels de cette femme ivrognesse et
immorale qui avait si cruellement abandonné
son enfant. On arguait que « les parents
ne pouvaient perdre ce droit, ni par abandon, ni
par consentement ».
Barnardo insistant sur son droit de
faire réviser le jugement rendu par le
Tribunal, y compris les critiques portées
contre lui-même, convainquit les trois juges
qu'il avait agi, non seulement pour le
« plus grand bien » de l'enfant
en écrivant la lettre si critiquée
à la mère et en envoyant une personne
pour observer sa conduite, mais aussi, tout bien
considéré, parce que c'était
son devoir d'agir ainsi. De là, comme le
procès se poursuivait, il devint
évident que Barnardo était
coincé dans un dilemme ; le conflit
entre la loi morale et la loi populaire, conflit
auquel les trois juges firent des
allusions.
L'audience terminée, les juges
conférèrent et demandèrent
« le temps de considérer le
cas ». Treize jours plus tard, le 25
novembre, ils rendaient leurs jugements
séparés.
Lord Escher, au début de son
jugement, déclara. « Ceci est,
dit-on, la cause d'une mère sensible,
anxieuse d'avoir son enfant sous sa garde et
blessée par le refus du docteur Barnardo de
lui laisser voir son enfant aussi souvent qu'elle
le désirait. Je ne crois pas un mot de tout
ceci ». Plus loin, il affirma que,
lorsque Barnardo reçut l'enfant, il
était pratiquement à la rue et
« aussi pauvre qu'il est possible de
l'être ». tandis qu'au sujet des
motifs religieux de la mère, il
déclara : « Il est absurde de
dire qu'elle avait quelque conviction
religieuse ; elle n'avait absolument rien de
cela ». Puis vient une remarque
tranchante : « C'est une partie de
l'oeuvre bénévole du docteur Barnardo
de recueillir de tels enfants. Je ne sais pas si
les Institutions catholiques agissent de
même. Je puis dire seulement que je n'ai
jamais eu de cause semblable, d'une institution
catholique qui aurait recueilli un enfant et que
les protestants viendraient essayer de le retirer.
Si l'on me permet cette expression, avec tout le
respect qui lui est dû, le docteur Barnardo
est le meilleur nettoyeur de rue des deux, et il
recueille le plus grand nombre de ces enfants
abandonnés. La mère a donné
librement son enfant au docteur Barnardo et l'y a
laissé pendant dix-huit
mois ».
Mais malgré ce magnifique
hommage, Lord Escher rendit un jugement
légal contre Barnardo. « La
mère s'est engagée par contrat
à ne pas retirer l'enfant. La loi est tout
à fait simple. Un parent ne peut se lier par
un tel contrat... C'est pourquoi ce contrat est
absolument nul ». Mais il changea
entièrement le terrain sur lequel Barnardo
était attaquée devant le Tribunal -
« Il est tout naturel que le docteur
Barnardo regardât de près la
demande » et il affirme de nouveau que le
docteur avait, avec raison,
« surveillé cette femme de très
près » ; et il ajoute :
« Je ne le blâme pas d'avoir agi
dans ce sens-là ! ».
Cependant la cause en revenait toujours à la
lettre rigide de la loi : « La loi,
comme l'a déjà appris le docteur
Barnardo, le place dans cette situation, car bien
qu'il ait pris l'enfant à la requête
de ses parents, par un contrat, et qu'il ait
dépensé pour lui, soins et argent,
néanmoins, quelque soit le moment choisi par
les parents pour réclamer l'enfant, il n'a
qu'une chose à faire : c'est
d'acquiescer, à moins qu'il puisse fournir
une raison légale pour agir
autrement ». Mais en donnant à
Barnardo l'ordre de « rendre
l'enfant », le Président termina
ainsi son jugement : « Je ne suis
pas d'accord avec les critiques faites au sujet de
la conduite du docteur Barnardo, qui ont
été formulées dans le jugement
du Tribunal ».
Le Président du Tribunal,
Lindley, en rendant son jugement, maintint que
l'enfant ayant moins de quatorze ans, son
illégimité n'intervenait en aucune
façon dans les droits de la mère.
« Je pense que la loi demande que les
désirs de la mère
l'emportent ». Puis il ajouta :
« Je ne suis par surpris que le docteur
Barnardo soit ennuyé de voir ses efforts
contrecarrés... par des gens qui
s'éveillent à leur devoir envers
leurs enfants, uniquement lorsqu'il les a
sauvés de la dégradation et de la
ruine. Mais le devoir de la Cour est... de rendre
la justice avec une indifférence absolue
envers toute autre considération, et bien
que je regrette qu'il se soit élevé
une telle contestation, cependant puisqu'elle s'est
présentée, il est de mon devoir de
dire que la loi est en faveur de la
mère... ».
Le Président du Tribunal, Lopes,
suggéra, dans son jugement, que
personnellement il était d'accord avec
Barnardo sur tous les points, aussi bien moraux que
légaux. Il insistait sur ce point que la
mère « avait signé
volontairement le contrat » par lequel
l'enfant devait rester dans les
« Homes » de Barnardo
« pendant plusieurs
années », et que « le
désir de retirer l'enfant émanait d'autres
personnes que d'elle-même ». Il
continuait ainsi : « L'enfant, si
l'on veut le remarquer, était heureux et
désireux de rester avec le docteur Barnardo.
Le père présumé de l'enfant
avait le même désir. Je doute que le
changement désiré, dans une
atmosphère différente, avec des
circonstances nouvelles, soient pour le bien de
l'enfant ». Puis faisant ressortir que le
Tribunal de Première Instance avait
jugé avec prudence, il conclut :
« Dans ces circonstances, la prudence ne
peut être mise de côté avec
légèreté et c'est pour cette
raison, et pour celle-là seulement, que mon
opinion ne diffère pas des jugements
déjà rendus ».
Mais bien que la décision, du
point de vue de la loi, fut contre Barnardo, sa
victoire morale fut encore plus éclatante
que dans le procès Gossage. Car les
jugements étaient une réplique sans
réponse aux clameurs de nombreux organes de
la Presse, disant « que dans ce
procès on refusait à une pauvre femme
catholique romaine, le désir très
naturel d'élever son fils dans sa propre
foi ».
Le procès Roddy, de même
que le procès Gossage, passa devant la
Chambre des Lords, Mais avant qu'aucune
décision ne fût prise, certains
projets de loi étaient
présentés au Parlement qui
promettaient de rendre à jamais impossible
une telle exploitation des droits des parents. Et
la loi dans laquelle ce projet prit corps a
été appelée,
communément, depuis le jour où elle
passa devant les Chambres, la « Loi
Barnardo ».
La vague de procédure lancée
contre Barnardo avait atteint son maximum au cours
des années 1889-1890. Elle laissa
dernière elle comme un limon fertilisant.
Plus d'un juge, après avoir rendu un verdict
contre Barnardo sur certains points de loi,
montrait sa sympathie pour son oeuvre en lui
envoyant un « premier don » pour ses
« Homes ». Mais ces
procès eurent des effets d'une plus grande
portée encore. Pendant le long intervalle de
temps entre le début du procès
Gossage et son audience à la Cour d'Appel,
deux lois importantes passèrent devant le
Parlement, influencées par les faits
révélés dans ce procès.
L'une d'elles était la loi pour la
protection de l'enfance et la prévention de
la cruauté contre l'enfance, qui en certains
cas, transférait tous les droits paternels
des parents vicieux à des tuteurs dignes de
cette, charge. L'autre était l'acte de
l'Assistance publique, qui, dans le cas des enfants
abandonnés, transférait aux
« tuteurs de la paroisse qui avaient
entretenus de tels enfants, les droits et
l'autorité normale des
parents ».
Ces deux lois, nous le
répétons, furent profondément
influencées par les faits exposés par
Barnardo. Mais la célèbre loi de la
Garde des Enfants, recevant l'assentiment royal, le
26 mars 1801, fut le résultat
immédiat de ce procès ; et sa
valeur, pour tous ceux qui s'occupaient des enfants
indigents, se trouva être une ample
récompense pour toutes les peines de
Barnardo.
Trois projets de loi furent
présentés à la Chambre des
Lords et plusieurs débats importants eurent
lieu avant que cette loi prit forme. Mais un projet
de loi fut présenté par le Comte de
Meath dont le débat montre la trop grande
sévérité. Plus tard, un autre
projet fut présenté par le Ministre
de la Justice et celui-ci fut jugé trop
faible. Puis une Commission de la Chambre des Lords
fut nommée, qui, après trois jours de
délibération, institua un
règlement acceptable.
Le 2 février 1891, le Ministre de
la Justice expose les flagrants abus de la loi
telle quelle est, tandis que Lord Thring poursuit
en montrant la nécessité d'une
réforme et dans son discours il attaque le
problème jusqu'au fond. Il déclare
que la législation proposée
était faite pour protéger
« les enfants abandonnés et les
vagabonds », contre l'exploitation de
leurs parents indignes, qui
après les avoir laissés élever
par charité, pouvaient des années
plus tard, alors qu'ils étaient devenus une
source de revenus, appeler en justice pour obtenir
leurs droits de parents. Il dénonça
cet article de loi « mauvais et
cruel ». Souvent, avoua-t-il,
« le seul moyen de sauver les enfants est
de les retirer des mains de semblables
parents ». Est-ce l'objet ou l'intention
de la loi que ces pauvres enfants soient
plongés dans la dégradation et la
ruine. Certainement non ! ».
Pour répondre à de telles
objections, Lord Thring dit qu'on prétendait
que « cette mesure tendait à
détruire le contrôle des
parents ». Mais, à ceux qui
brandissaient cet argument, il demanda :
« Peut-on appeler la rue un
Foyer ? ». Et à ceux qui
citaient le cinquième commandement comme une
garantie pour ne pas agir contre le droit des
parents, il fit remarquer que ceux qui abandonnent
leurs enfants ont violé la loi fondamentale
de Dieu et se sont ainsi refusés à
eux-mêmes la reconnaissance filiale
normalement due aux parents.
Mais laissons là les
débats. Qu'en était-il de la
loi ? Ayant passé sous ce titre :
« Projet d'amendement de la loi sur la
garde des enfants », ses six articles
montraient d'une manière concluante qu'on
l'avait appelée, avec justesse,
« la loi Barnardo ».
I. - Les pouvoirs de la Cour pour
refuser une assignation d'habeas corpus
étaient renforcés et
augmentés.
Il. - La Cour était
autorisée, à sa discrétion,
à ordonner le remboursement soit en entier,
soit en partie, des frais nécessités
par l'éducation de l'enfant.
III. - Dans le cas de parents qui
abandonnaient, délaissaient ou
négligeaient un enfant d'une manière
flagrante, il était établi qu'un
ordre d'habeas corpus pouvait être
refusé, « la Cour, en rendant cet
arrêt, devait s'inquiéter de la
conduite des parents ».
IV. - Dans chaque cas, la Cour devait
« consulter les désirs de
l'enfant ».
V. - Dans la loi, le terme
« parent » s'appliquait
à quiconque était, devant la loi,
susceptible d'entretenir un enfant.
VI. - Cette loi serait
intitulée : « Loi sur la
Garde de l'Enfance de 1891 ».
Le vote de cette loi termina un chapitre
particulièrement ennuyeux dans l'histoire
des « Homes » ; car depuis
le mois de mars 1891, ils ont joui d'une protection
légale satisfaisante contre ceux qui, au nom
de parents sans scrupules, pouvaient troubler le
caractère paisible de l'oeuvre. En janvier
1892, le Cardinal Manning mourut ; et un des
premiers actes de son successeur à
Westminster, le Cardinal Vaughan, fut de demander
à Barnardo un accord amical sur tous les
sujets en litige. Ces ouvertures furent
reçues dans le même esprit de
paix ; Barnardo demanda seulement que l'accord
fut d'abord sanctionné officiellement par le
« Chef » de l'Eglise catholique
romaine en Angleterre, à savoir le Cardinal
Vaughan. Lorsque l'accord fut enfin signé,
ce fut sous les auspices d'une loyauté
absolue ; et dès ce moment-là,
ni procès, ni sérieuse
incompréhension ne vinrent troubler les
mesures de cordiale coopération existant
entre les « Homes » du docteur
Barnardo et l'Eglise catholique romaine.
Les dispositions de l'accord
étaient celles que Barnardo avait offertes
dès le début. Elles étaient
entièrement réciproques. La demande
courante des catholiques, que chaque enfant
né d'un « mariage
mixte » soit rendu à la religion
catholique fut discutée, et seul le statut
légal fut maintenu. En conséquence,
Barnardo fut d'accord pour donner aux
« Homes » catholiques, les
enfants dont le père était catholique
ou si c'était un enfant illégitime,
celui dont la mère était catholique.
Dans le cas des protestants, les
« Homes » catholiques garantissaient une
action
réciproque. Mais dans les deux cas, si
aucune avance n'était faite pour rechercher
un enfant, quinze jours après la
notification, il ne pouvait plus y avoir de
réclamation.
Ainsi ces années de procès
se terminèrent dans la
réconciliation. Mais Barnardo avait-il eu
raison d'accepter de passer en jugement ?
Plusieurs amis intimes à cette époque
répondirent non ! « Il valait
mieux abandonner chaque enfant demandé, que
d'être conduit à un
procès ! » Avec
l'éloignement cependant, on voit que la
façon d'agir de Barnardo était
entièrement justifiée ; son
esprit positif lui faisait voir simplement que s'il
abandonnait la lutte à cause du risque d'un
procès, il ne ferait que prolonger
l'existence d'une loi injuste, tandis que sa foi en
la justice de sa cause le rendait insensible
à l'attaque personnelle dans la recherche
d'une réforme. Le résultat fut donc
qu'au travers de ces contestations, surgit une
législation qui rendit légale la
sécurité de ses enfants et celle de
beaucoup d'autres. Les frais de ces procès
ne furent pas payés par l'argent
donné pour les
« Homes » ; chaque
« penny » fut recueilli dans un
cercle d'amis.
Malgré tous les rapports inexacts
au sujet de l'attitude de Barnardo, les recettes
des « Homes », au cours de ces
années de procès s'étaient
fortement accrues. Les chiffres sont ici plus
éloquents que les paroles. En 1886,
année qui précéda
l'éclosion de ces contestations, les
contributions atteignaient à peine 77.000
livres sterling ; en 1891, année
où passa la loi Barnardo, elles atteignaient
plus de 131.000 livres ; et l'accroissement de
chaque branche avait marché de pair avec
l'augmentation des revenus. Ce n'était donc
pas en vain que le champion de la cause de
l'enfance était entré dans la lice
contre les géants de la loi.
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