Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VIII

Une aventure de la Foi

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La vie de Barnardo fut remplie d'aventures de toutes sortes inspirées par sa foi. Une nuit, alors qu'il faisait une tournée dans les hôtels meublés d'un quartier connu, il fut assailli par des individus grossiers qui le dépouillèrent de son chapeau, son pardessus, sa montre, sa chaîne et son stylo, et s'emparèrent de l'argent qui se trouvait dans ses poches. Un instant plus tard, ils avaient disparu. Barnardo savait qu'il était inutile d'essayer de les poursuivre. Quoiqu'il se fut séparé à regret de ses biens, il était impuissant à les retrouver ; aussi poursuivit-il ses visites. Mais à son plus grand étonnement, il se trouva, un moment après, face à face avec l'un des voleurs qui s'écria en lui présentant ses affaires : « Si nous avions su que vous étiez le docteur Barnardo, nous ne vous aurions jamais touché. Nous vous demandons pardon, Monsieur ! »

Cette expérience est caractéristique, comme beaucoup d'autres que fit Barnardo dans les hôtels meublés de l' « East-End ». En 1851, Lord Shaftesbury présenta un projet de loi, pour l'enregistrement et l'inspection des hôtels meublés au sujet duquel Dickens écrivit : « C'est la meilleure loi qui ait jamais passé au Parlement anglais ». Mais bien que cette loi obligeât l'enregistrement et l'inspection, limita le nombre des occupants et contraignit ces hôtels meublés à prendre certaines mesures d'hygiène, cependant les conditions de ces hôtels meublés étaient encore bien mauvaises. Lorsque Barnardo commença son oeuvre missionnaire, de nombreux hôtels meublés de Londres étalaient leur corruption physique, morale et spirituelle. Et certains d'entre eux, fréquentés par des jeunes gens entre douze et vingt ans, étaient parmi les pires.

Barnardo avait essayé pendant des années de pénétrer dans l'un de ces meublés connus comme un repaire de jeunes voleurs, mais en vain. Il était gardé de près : le « délégué », un énorme géant, ne permettait à aucun étranger d'en franchir le seuil. Plus d'une fois, Barnardo s'étant attardé devant l'entrée, il lui proposa d'un ton bourru d' « aller s'occuper de ses affaires ». Mais un jour, tout changea. Barnardo parcourait de nuit le quartier de Drury Lave et s'approchait de ce repaire de voleurs lorsqu'il remarqua le visage très sombre du « délégué » qui se tenait devant la porte. Au lieu de prendre, comme de coutume, un air courroucé à l'approche de l'étudiant en médecine, il eut, au contraire, l'air manifestement soulagé de le voir. Aussitôt il lui fit signe d'entrer et lui dit d'un air très agité qu'un des habitués venait de contracter une fièvre violente. « Voulez-vous l'examiner, docteur ? Et pour l'amour du ciel, préservez-nous de la quarantaine ! »

L'occasion que Barnardo attendait depuis si longtemps était enfin arrivée ; on le conduisit immédiatement auprès du jeune malade. Il y avait dans la chambre plusieurs jeunes gens qui ne paraissaient pas plus de dix-neuf ans. Le malade était un garçon nerveux de seize à dix-sept ans, et la fièvre, bénigne, devait céder au traitement ; aussi la quarantaine était-elle inutile. Mais le jeune garçon devait garder le lit quinze jours et Barnardo vint le visiter une et même deux fois par jour. Il apprit bientôt quelque chose des secrets de ce lieu et son appellation de « cuisine de voleurs » se trouva justifiée. C'était un antre de voleurs où l'on vendait fréquemment à des receleurs des marchandises volées, pour le septième ou le dixième de leur valeur marchande.

Barnardo comprit aussi en peu de temps deux choses très significatives ; premièrement que la plus grande partie de la clientèle de la maison ne savait ni lire, ni écrire ; deuxièmement que s'il visitait son malade le soir, il trouvait presque tous les jeunes garçons « à la maison ». Il mit à profit cette constatation. À sa troisième visite, il avait apporté un exemplaire de La Case de l'Oncle Tom, qu'il voulait lire à son malade pour l'aider à passer les longues heures d'inaction au lit. Mais, à sa grande surprise, il avait à peine commencé sa lecture que tous les jeunes gens l'entourèrent « tout yeux et tout oreilles ». Comprenant alors l'occasion offerte, il prolongea sa visite jusqu'à une heure avancée de la soirée, et lorsqu'après avoir soigné son malade, il reprit sa lecture, presque tous les jeunes garçons de la maison l'écoutaient.

Le quatrième soir, il arriva particulièrement tard et passant par la cuisine pour aller retrouver son malade, il remarqua un jeune garçon de dix-sept ans environ qui faisait rôtir un hareng devant le feu. Son apparence arrêta un instant Barnardo. Il avait un visage fin, des traits réguliers et une silhouette athlétique. À cause de son maintien, sa présence dans cet antre semblait un paradoxe. Il n'avait pas le regard furtif et la bouche contractée si particulière aux voleurs ; il semblait parfaitement à son aise, tout à fait maître de lui.

En quittant la cuisine, Barnardo, avisant un jeune garçon, lui demanda qui était ce jeune homme. « Mais c'est Punch ! répondit-il, c'est le roi de cette maison ! Il n'y a pas un autre garçon à Londres qui connaisse son métier comme Punch. Il vole certainement plus qu'une douzaine de camarades. Et il ne s'est jamais fait pincer ! »

Ce soir-là, Punch se joignit à ses compagnons autour du lit du malade et tandis que l'histoire se poursuivait, il semblait absolument sous le charme. Dès ce moment. là, il ne manqua pas un mot de l'histoire, jusqu'à ce que le livre fut fermé, et ensuite lorsque Barnardo lut Le Voyage du Chrétien, son intérêt s'accrut encore.
Finalement, le malade étant guéri, Barnardo annonça qu'il ne viendrait plus leur lire. Plusieurs jeunes garçons demandèrent alors à être admis au « Home » où ils pourraient apprendre à lire. Punch hésitait. Il était vaincu par le désir ardent d'apprendre à lire : mais s'imaginant que le « Home » était une véritable prison, il grignotait prudemment l'appât. Finalement, après des centaines de questions, il demanda la permission d'entrer pour une année seulement, disant expressément que si à ce moment-là, il n'avait pas appris à lire, il aurait la permission de partir comme il était venu. Barnardo, comprenant bien de quelle trempe était Punch, accepta sans remords ; ainsi entra au « Home », ce « Roi des voleurs ».

Barnardo, pour des raisons manifestes, surveillait de très près les progrès du jeune garçon et l'amenait fréquemment dans son bureau pour l'occuper à des besognes particulières ; et peu à peu, certains faits furent mis en lumière. Punch n'avait jamais connu, ni son père, ni sa mère. Ses premiers souvenirs remontaient à un Asile de Pauvres où il était affreusement maltraité et dont il s'échappa, à l'âge de neuf ans. Pendant quelque temps, il essaya de « gagner. sa vie » en vendant des allumettes ; mais c'était une tâche difficile, car il était souvent obligé de « dormir dehors » et devait se contenter d'un repas par jour. C'est alors, qu'une nuit, dans un hôtel meublé, un copain habile se moquant de sa simplicité, promit de lui apprendre à « voler ». « Il est facile à, ce jeu-là de gagner une demi-couronne ou, si tu as de la chance, cinq shillings en un clin d'oeil. Mais en vendant des allumettes il te faut toute une journée pour gagner un sou ou deux ».

Punch accepta la philosophie de son compagnon et commença immédiatement son éducation en vue de « la profession », et il devint si expert dans l'art de voler qu'au bout de trois ans ses compagnons le reconnurent pour leur « Roi ». Et même après qu'il eût passé plusieurs semaines au « Home », il ne semblait pas qu'il eut pris la moindre conscience de la valeur morale du vol. C'était toujours pour lui un jeu d'habileté.

Un jour qu'il mettait de l'ordre dans le bureau de Barnardo et que celui-ci le questionnait sur son passé, Punch commença à se vanter hautement de ses exploits de « voleur » qui « ne s'était jamais fait prendre ». Barnardo, en entendant ces contes fantastiques, le réprimanda fortement d'exagérer ainsi. Punch se tut aussitôt et tous deux se remirent au travail. Vingt minutes plus tard environ, le jeune garçon demanda l'heure au docteur. Ce dernier mit sa main dans la poche de son gilet ; sa montre avait disparu ! Il en était de même de sa chaîne, son agenda, son canif et son mouchoir ! Punch se mit à ricaner et soulevant une feuille de buvard sur une table voisine, découvrit tous les objets disparus.

À la suite de cet incident, Barnardo parla à Punch du mal que représentait le vol, mais sans aucun résultat ; aussi essaya-t-il une autre tactique. Il savait que Punch s'était lié d'amitié avec un jeune garçon du « Home », d'une honnêteté irréprochable, nommé James. Il lui dit que si James apprenait qu'il était un voleur leur amitié cesserait aussitôt. Punch parut embarrassé et l'entretien se termina là.
Quelques jours plus tard, Punch entra dans le bureau de Barnardo, l'air abattu et les yeux gonflés, déclarant qu'il devait quitter le « Home » immédiatement. Le docteur voulut connaître la cause de cette demande péremptoire, et Punch lança comme une flèche cette accusation : Vous m'avez fait un sale coup, vous savez ! James m'a appelé « voleur ».

Barnardo l'assura qu'il y avait une erreur et tous deux s'agenouillèrent bientôt. Le docteur pria d'abord, puis Punch ; et avant de se relever, le jeune homme avait perdu tout l'orgueil de ses anciens exploits. De ce jour, le vol fut un chapitre clos dans l'histoire de sa vie.
Au bout de sept mois, Punch lisait couramment, aussi Barnardo lui fit-il présent d'une Bible et d'un exemplaire de La Case de l'Oncle Tom. À la fin de l'année, alors qu'il était libre de s'en aller, il demanda la permission de rester plus longtemps et d'apprendre un métier. Il devint, en deux ans, un cordonnier expert qui apprenait le métier aux autres garçons. Trois ans après son admission au « Home » on demandait un habile cordonnier pour établir et surveiller une cordonnerie dans une autre institution. C'était une bonne occasion et Barnardo fit venir Punch. Mais à son étonnement des larmes jaillirent des yeux du jeune homme : « Je suis bien peiné, Monsieur, vous voulez vous débarrasser de moi ».
Barnardo le détrompa aussitôt ; et l'ancien voleur s'en alla à son poste de direction où il donna entière satisfaction et fut, pour les jeunes garçons qu'il enseignait, un exemple de chrétien vivant.

Toutes les aventures de Barnardo dans les bouges ne se terminèrent pas aussi bien. Tout pécheur exercé qu'il fut, dans ces eaux troubles, il arrivait parfois que « l'anguille humaine » qu'il essayait de saisir, l'attrapait lui-même. Un soir, dans un hôtel meublé renommé, une jeune fille de dix-sept ans environ, qui l'avait épié, se mit à crier en l'apercevant : « Molly ! Molly voici le type qui nous a enlevé nos compagnons ». Un instant plus tard, Barnardo était entouré par un cercle de jeunes filles en furie, qui lui tiraient les cheveux, le frappaient au visage, déchiraient ses vêtements et finalement le renversèrent sur le sol. Quelques-unes le maintenaient par terre tandis que les autres le battaient à coup de pantoufles. Et lorsqu'enfin il eut réussi à se débarrasser de ses assaillantes et à s'enfuir, il était tout contusionné, ses lunettes étaient brisées et ses vêtements déchirés.

Voici quelle était la cause de ce châtiment : Barnardo venait de persuader quelques jeunes gens de quitter cet hôtel meublé - où chaque soir des jeunes filles de mauvaise vie venaient danser avec eux - pour entrer dans un hôtel modèle pour les jeunes travailleurs, dirigé par Quintin Hogg.

Les incidents que nous venons de relater ne sont que le type de centaines d'autres ; mais il est une expérience unique dans la vie du docteur, c'est celle qu'il fit dans un certain meublé. Il ne dormit qu'une fois dans un hôtel meublé, mais cette aventure resta toujours pour lui, un cauchemar.

Après avoir pénétré souvent dans des hôtels meublés, Barnardo décida de taire lui-même l'expérience d'une nuit dans un de ces bouges ; il organisa son expédition avec l'aide de Mick Farrel, un petit Irlandais âgé de treize ans environ, qui avait dormi dans presque tous les bouges de l' « East-End ». Il ne se rasa plus pendant plusieurs jours et sa barbe avec un peu de poussière et de boue répandues judicieusement sur son visage, sa tête et ses mains formaient déjà l'essentiel de son déguisement. Des pantalons et une veste en haillons, un vieux chapeau déformé, un mouchoir rouge très sale, des souliers éculés et un morceau de corde pour suspendre ses pantalons, complétèrent ce déguisement. Ainsi commença l'aventure avec l'intrépide Mick pour guide.

Tout le long du chemin jusqu'à K... Street, Mick vantait le meublé particulier vers lequel il conduisait Barnardo. Il n'était fréquenté que par la haute pègre, « des gens qui avaient un bon travail, en vérité » ; cependant pour quatre « pence » vous pouviez avoir des draps « blancs comme des lis » et avec cela un logement « digne d'un roi ».

En arrivant dans une rue « étroite et infecte », Barnardo se trouva enfin devant le merveilleux hôtel. C'était un édifice farouche à plusieurs étages et au-dessus de la porte s'étalait une enseigne : « Lits pour hommes 4 « pence ». Barnardo enleva ses lunettes, enfonça son vieux chapeau déformé sur ses yeux, resserra la corde autour de sa taille et suivit Mick. Ils arrivèrent bientôt devant le patron qui s'écria, en reconnaissant Mick : « Bonjour mon garçon ! Où étais-tu pendant tout ce temps ? À ta maison de campagne sans doute, cela ne m'étonnerait pas » Le pince-sans-rire affirma qu'il en était bien ainsi et la plaisanterie terminée, le patron leur indiqua les lits 17 et 18, les plus splendides qu'on puisse trouver ; dans l'un d'eux, Gladstone venait dormir quand il voulait être élégant.

Eu arrivant à sa couchette, Barnardo remit ses lunettes et observa soigneusement la scène. La pièce était malpropre et sordide ; l'atmosphère, était chargée de fumée, de poussière et de mauvaises odeurs. Dans la vague lumière apparaissaient trente-quatre lits, presque tous occupés par des jeunes garçons entre dix et dix-sept ans. C'était la coutume, apparemment, d'enlever jusqu'au dernier vestige de, vêtements avant de « sauter dans son lit », car, de tous côtés, émergeaient des bras nus et des poitrines découvertes. Mais son étonnement s'accrut encore lorsqu'en regardant auprès des lits, il n'aperçut nulle part de traces de vêtements.

Ce mystère fut éclairci par Mick : il lui expliqua que les « copains » mettaient leurs vêtements sous leur oreiller et leurs souliers dans leur lit « pour empêcher qu'ils soient volés ». Mais la chemise était l'objet d'un soin tout spécial, comme le démontra bientôt Mick. Il ôta sa chemise, la roula en boule et la fit pénétrer sous le coutil, expliquant qu'elle était ainsi protégée de la vermine. Il annonça que les initiés aux mystères des meublés prenaient toujours cette précaution. Cette information donnée, Mick, alors entièrement dévêtu, s'écria : « Au lit » et il se plongea entre ses draps « blancs comme neige ». Puis, se nichant confortablement, il ajouta : « Voici ce que j'appelle un véritable meublé vraiment ! ».

Barnardo ne pouvait se résoudre à suivre l'exemple de Mick. Il enleva la plupart de ses vêtements, mais il se refusa à entrer dans son lit sans vêtement aucun. La curiosité le poussa également à examiner ses draps « blancs comme neige ». C'était des draps de « grossier calicot aussi jaune que possible ». Mais - et c'était pire - ils étaient couverts de marques indélébiles rappelant plus d'un conflit passé avec la gent insecte.
Barnardo prit cependant son courage à deux mains et se mit au lit promptement. « L'odeur des draps et de l'oreiller était accablante », mais serrant les dents, il résolut de la braver, et comme il était tard et l'atmosphère remplie de buée chaude, il s'endormit bientôt.

« Pendant combien de temps dormis-je ainsi, je ne sais, mais je m'éveillai soudain d'un rêve affreux. Je croyais que mes compagnons de chambre m'avaient dénoncé comme espion et, pour me châtier, chacun d'eux m'égratignait par tout le corps avec des épingles et ils me frottaient ensuite avec du poivre. J'en appelais contre leur cruauté ; je luttais, mais en vain. Maintenant les épingles arrivaient jusqu'à mon visage et il me semblait même que le poivre pénétrait mes yeux et mon nez, me piquant, me brûlant, j'en devenais presque fou ! En essayant de donner un coup de pied à l'un de mes assaillants, je roulai hors de mon lit et m'éveillai soudain... pour retrouver l'horrible réalité dans un rapide coup d'oeil, car, éveillé maintenant dans mon lit que j'avais rejoint, je trouvai que les sensations que j'avais ressenties dans mon rêve n'étaient pas le produit de mon imagination ! Le gaz brûlait encore ; je regardai mes bras et mes mains qui me piquaient horriblement. Ils étaient couverts de marques et de pustules. Alarmé, je m'assis sur mon lit... La vérité est que les draps étaient couverts de myriades d'insectes en marche qui regardaient mon corps comme leur juste propriété. J'appelai Mick. Il ne m'entendit pas. Je bondis hors de mon lit et remontai complètement le gaz. Je m'aperçus alors que le plancher, les murs et le plafond avaient également changé de couleur. La chambre fourmillait de petites bêtes. Je souffrais alors horriblement ; un bataillon d'insectes parcourait mon corps et faisait un festin de roi à mes dépens. J'aurais hurlé de douleur... ».
Se tournant alors vers Mick, Barnardo le secoua vigoureusement, en criant : « Lève-toi, mais lève-toi donc, tout de suite ! Il faut que je m'en aille, sinon je deviendrai fou ! ».

Mick se réveilla difficilement et s'écria, en apprenant la cause de l'anxiété de son compagnon : « Eh ! bien, ce n'est rien du tout ! Je les ai vues bien pires sur moi... il y en avait deux fois plus ! » Mais Barnardo, presque hors de lui de douleur, n'était pas en état de discuter. Il persuada vivement Mick d'enfiler ses vêtements misérables, pour aller chercher un refuge au dehors sans tarder. Mais avant de gagner la rue, ils durent apaiser le propriétaire, furieux d'être dérangé à cette heure de la nuit. Mick était à la hauteur de sa tâche. « Son compagnon, expliqua-t-il, était malade et ne pouvait pas rester. Mais de toute façon nous avons payé et nous n'avons que faire de vos jérémiades ! »

Une fois dehors, Barnardo, « à plusieurs reprises », respira « à longs traits l'air frais de la nuit ». La rue était étroite et sale, mais elle semblait un « paradis » à côté de « cet antre abject, rempli de fumée et de buée ».
En arrivant chez lui il prit aussitôt un bain très chaud puis, se regardant dans une glace, il eut un choc : « J'écris très sérieusement en déclarant qu'aucun de mes anciens amis n'aurait reconnu le visage qui se reflétait dans ma glace. Boursouflé, gonflé, rouge et livide... on pourrait difficilement imaginer un visage qui ressembla davantage à celui d'un lutteur professionnel. Il me fallut trois semaines pour être visible de nouveau... ».
Mick cependant affirmait toujours que l'expérience de Barnardo était de second ordre. « Eh ! quoi, Monsieur, j'ai vu des punaises rusées qui gravissaient un mur et atteignaient le plafond, puis se laissaient tomber sur un dormeur, parce qu'elles ne pouvaient pas grimper le long du bois du lit »

Mais les aventures provoquées par la foi de Barnardo ne se limitaient pas aux garnis et aux cabarets. On l'appela dès le début - et avec raison - « le jeune homme à la lanterne » ; car, entre minuit et trois heures du matin, il allait chercher dans les hangars, les étables et les barques, dans les barils et les caisses à claire-voie et sauver, à la lumière de son fanal, des centaines d'enfants abandonnés pour les conduire avec une sollicitude paternelle, à son Refuge d'Amour. Et même lorsqu'il n'était pas occupé à cette tâche, il se reposait rarement pendant ces heures de la nuit et parfois même pas avant l'aurore. Un de ses amis, le docteur Milne, disait de lui : « Tandis que les autres dormaient, lui étudiait et travaillait ».

Au début de la mission, lorsque Barnardo prêchait dans les rues, ou promenait des bannières en tête d'une procession, on lui jetait parfois des seaux d'eau sale des fenêtres les plus élevées. On lui lançait à la tête des tomates, des pommes ou des oeufs pourris et il ne pouvait pas toujours éviter le projectile. Plus d'une fois, des chats, des rats ou des lapins morts furent précipités par les ciel-ouverts des « halls » dans lesquels il prêchait ; et il avait très souvent l'humiliation de voir son chapeau enlevé de sa tête et envoyé d'un coup de pied dans la gouttière. Mais de telles expériences ne le découragèrent jamais ; elles semblaient seulement clarifier son esprit et augmenter son zèle. Un camarade de Barnardo, étudiant en médecine, qui se moquait lui-même du « sens trop rigide ». que Barnardo « donnait au mot devoir », admettait qu'au retour de ses exploits son visage « portait sa plus heureuse expression - non pas celle de la joie du triomphe, mais celle de la joie du combat, qui est le propre des vaillants et des forts ».

Parmi les premières aventures de Barnardo, il n'en n'est pas de plus courageuse ni de plus riche en signification pour l'avenir que celle du sauvetage des fillettes et des jeunes filles. Ses « Homes » avaient commencé leur tâche uniquement parmi les jeunes garçons et jusqu'en 1873, il n'y eut aucun projet pour recevoir les fillettes de la même façon. Mais l'expérience lui imposa la conviction qu'il n'aurait accompli que la moitié de sa tâche, tant qu'il n'aurait pas fait des plans pour recevoir les jeunes filles dans les mêmes conditions. Il découvrit, à plusieurs reprises, en visitant les hôtels meublés, des fillettes de treize à quatorze ans avec des bébés illégitimes et fréquemment des jeunes garçons sauvés l'avaient imploré d'aider leurs soeurs malheureuses. Les titres mêmes de certains de ses premiers tracts reflètent la complexité et la difficulté du problème des jeunes filles qu'il devait affronter : Comment je pus ramener deux jeunes filles.... Celles qui n'avaient jamais eu de maison, Comment ai-je pu les repêcher. Ceux-ci ne sont que les types de centaines d'autres tracts dans lesquels il exposait le problème du sauvetage des jeunes filles abandonnées, ou vivant dans un milieu totalement immoral.

Comment ce problème fut-il envisagé ? Dans quelles conditions Barnardo commença-t-il son oeuvre de sauvetage ?
Cette question nous fait revenir en arrière, à l'époque du mariage de Barnardo. Pendant son voyage de noce, une lettre enflammée de M. Cheyne Brady, parue dans le Christian, suggérait que le plus beau présent de noce qu'on put offrir aux jeunes époux, serait la création d'un fond pour la fondation d'un « Home » pour les jeunes filles. Barnardo répondit : « C'était depuis deux ans le désir le plus ardent de mon coeur ».

Le développement fut ensuite très rapide. M. John Sands offrit « Mossford Lodge », petite propriété située à Barkingside, dans le comté d'Essex, comme centre du nouveau projet et d'autres amis donnèrent les fonds nécessaires à la transformation et à l'ameublement du bâtiment. C'est ainsi que Barnardo et sa jeune femme revinrent de leur voyage de noce pour s'installer à Mossford Lodge ; et en octobre 1873, les aménagements étaient assez avancés pour permettre l'admission des douze premières fillettes. Une année plus tard, cinquante fillettes, autrefois abandonnées, vivaient à Mossford Lodge et le nombre des pensionnaires ne fit que s'accroître. Mais il y avait en réserve des problèmes troublants. Les histoires de la vie des premières fillettes étaient « effrayantes par ce qu'elles révélaient du degré de dégradation et de négligence au milieu duquel elles avaient vécu. L'une d'elles avait « essayé deux fois de se suicider » ; l'autre, âgée de neuf ans, « avait rempli de sable la bouche d'un bébé puis s'était assise sur sa tête ». D'autre part, le « Home » avait d'abord adopté le système des dortoirs qui consistait à mettre ensemble un grand nombre de jeunes filles et de fillettes et à organiser leur vie comme dans un pensionnat. De là, que de désillusions !

Avant longtemps, Barnardo fit une découverte qui lui fit comprendre que son programme de sauvetage pour les jeunes filles avait été mal conçu : « Un soir, je surpris une conversation malsaine dans ce que je croyais être notre heureux « Home » chrétien, et je réalisai alors, en un instant, quelles forces cachées du mal étaient à l'oeuvre, détruisant tout ce que nous avions espéré obtenir. Tandis que j'écoutais avec horreur, je sentis vraiment que j'avais probablement fait plus de mal que de bien... Nul ne peut imaginer le désespoir accablant qui semblait m'écraser quand je compris que mes beaux plans produisaient de tels résultats ! »

Barnardo était abasourdi. Tous ses plans pour sauver les fillettes abandonnées avaient échoué. Devait-il abandonner cette branche de son oeuvre et confesser sa défaite ? Il se mit à prier : « Je dis à notre Père que j'étais prêt à tout abandonner à l'instant et à reconnaître... que j'avais eu tort. Alors la paix revint dans mon coeur ». Mais la lumière ne s'était pas encore levée ; il cherchait toujours une directive. Alors une nuit, l'esprit oppressé par ce problème, il fit un rêve ; et comme par une révélation, son problème était résolu dans ce rêve.

Mme Barnardo a rapporté à l'auteur le souvenir de cette nuit mémorable :
« Vers le milieu de la nuit, mon mari s'éveilla brusquement en m'appelant : « Syrie, Syrie ! Je viens d'avoir la révélation de ce que nous devons faire pour nos fillettes ». Puis, s'écriant : Psaume LXVIII, 6 : « Dieu donne une famille à ceux qui étaient abandonnés », il bondit hors de son lit, donna de la lumière et chercha sa Bible pour vérifier l'exactitude de la citation. Il se remit au lit alors, et me raconta son rêve avec une très grande joie. « Je vois, dit-il, une maisonnette recouverte de lierre et toute entourée de fleurs, dont la baie vitrée était brillamment éclairée. Je m'approchai et regardai à l'intérieur. La pièce que je vis avait toute l'apparence d'un foyer heureux et confortable. Le mobilier était simple, mais de bon goût ; il y avait aux murs de belles gravures. Au centre de la pièce se trouvait une grande table, à laquelle était assise une jeune femme vigoureuse, l'air heureux, et autour d'elle se groupaient quinze à seize fillettes au visage radieux. Je regardai alors plus attentivement et je m'aperçus que la jeune femme lisait à haute voix dans la Bible de famille, ouverte au Psaume soixante-huitième. J'écoutai et je l'entendis lire le sixième verset : « Dieu donne une famille à ceux qui étaient abandonnés ». Arrêté par ces paroles, je me mis à observer attentivement le visage des fillettes et soudain je reconnus chaque visage pour être celui d'une de nos petites, mais leur attitude était transformée ! »

Après avoir raconté son rêve, Barnardo s'écria :
« Syrie, ceci est une révélation ! Dieu veut me faire connaître que nos fillettes doivent être séparées en familles, et habiter dans des maisons, avec une mère de famille aimante pour surveiller le foyer ! ». Aussitôt levé, Barnardo écrivit au Christian, exposant sa vision de « cottages homes » pour les fillettes, et il demandait de l'aide pour donner suite à ce projet. Mais, après la publication de cet appel, les jours passaient sans aucun résultat ; et Barnardo, craignant d'avoir agi avec témérité, se sentait mal à l'aise. Avait-il été faussement influencé par son rêve ? N'était-ce qu'un réflexe psychologique de son cerveau surmené ? Dans cet état d'incertitude, il sentit le besoin de se rafraîchir spirituellement et décida alors de se rendre à une convention chrétienne à Oxford.

Sur le quai de la gare, il rencontra « un frère chrétien » qu'il savait être l'un des hommes « les plus pieux qui fussent »... « un homme dont le visage même parlait de la Paix de Dieu qui habitait en lui ». Il se rendait aussi à la même Convention et tous deux pénétrèrent dans le même compartiment. Puis, comme s'il avait lu dans l'esprit du docteur, il se mit à le questionner, avec une, réelle sympathie, au sujet de son oeuvre. Barnardo lui exposa tous ses doutes alors son compagnon lui demanda avec émotion « Si Dieu vous montre que le plan que vous avez en vue est trop vaste et que vous devez l'abandonner, êtes-vous prêt à le faire ? »

Barnardo médita un instant, mais, sentant que sans « l'approbation et la bénédiction de Dieu », il valait mieux ne pas réussir « du point de vue terrestre », il répondit fermement. « Oui, je suis prêt à cela ». Son ami reprit : « Nous allons à Oxford pour chercher un rafraîchissement spirituel. Puisque nous sommes seuls dans ce compartiment, agenouillons-nous ensemble pour présenter à Dieu votre cas et lui demander, si c'est Sa volonté, de vous montrer clairement, avant de quitter Oxford, si vous devez aller de l'avant ou revenir en arrière ». Ils se mirent à genoux et « présentèrent à Dieu le cas de ces enfants ». Puis ils se relevèrent « légers et fortifiés ». En arrivant à Oxford, il fut convenu que cet ami viendrait déjeuner le lendemain matin avec Barnardo, à l'hôtel de ce dernier ; puis ils se séparèrent.

Le lendemain matin, Barnardo était en train de s'habiller lorsqu'il entendit frapper à sa porte. Pensant que c'était le garçon d'hôtel qui lui apportait de l'eau chaude, il répondit : « Entrez ! » Un homme passa sa tête dans l'entrebâillement de la porte. « Ses cheveux étaient ébouriffés ; il était évidemment incomplètement vêtu ! "Êtes-vous le docteur Barnardo ? » demanda-t-il. Je répondis : « Oui... » « Vous avez l'intention de bâtir un village pour les petites filles à Ilford, n'est-ce pas ? Et il vous faut des maisons ? » Je répondis : « Oui, c'est exact ». Il reprit : « En avez-vous déjà ? » Il n'entrait toujours pas, gardant sa tête dans l'entrebâillement de la porte. Je répliquai : « Non, pas encore... » « Eh ! bien, s'écria-t-il, inscrivez-moi pour la première. Bonjour Monsieur... » et il disparut. »

Barnardo était abasourdi, il ne savait même pas le nom de cet homme. Mais, se ressaisissant, il se précipita à demi-vêtu dans le couloir, rejoignit l'étranger et le ramena dans sa chambre. Ils s'entendirent alors plus complètement pour la construction de la première maison du village des petites filles. Ce donateur avait lu l'appel de Barnardo dans le Christian, et après avoir discuté là-dessus avec sa femme, ils avaient décidé l'érection d'un cottage en souvenir de leur petite fille, morte peu de temps auparavant. Cet homme était venu à Oxford pour la Convention chrétienne. Ayant appris que Barnardo était dans le même hôtel et que leurs chambres étaient sur le même palier, il s'était précipité, sans même prendre le temps de s'habiller entièrement, pour lui annoncer ce don.


LE VILLAGE DES FILLES

À huit heures, Barnardo retrouva son compagnon de voyage dans la salle à manger. Avant même que Barnardo eut mentionné le don, il sentit une telle joie dans l'âme de ce dernier, qu'il lui cita ce texte avec calme : « Il arrivera qu'avant même qu'ils m'appellent je répondrai, et tandis qu'ils parleront encore je les entendrai ».

Telle est l'histoire du premier cottage du « Girls Village Home, ». Mais d'autres suivirent, dont l'origine nous arrêterait également. Le 9 juin 1875, Lord Aberdeen posa la première pierre des onze premières maisons ; et un an plus tard, le 9 juillet 1876, le « Village Home » qui comprenait treize maisons et une buanderie, fut « ouvert » par Lord Cairus.

Le rêve de Barnardo devint ainsi une réalité ; et ce plan de maisons eut un succès remarquable. Sur les pelouses, qui entouraient Mossford Lodge, s'éleva bientôt le plus délicieux village du monde ; la maison avec la « mère » et sa famille en était le centre autour duquel se développait tout le village. En outre, le plan du village se conformait exactement au rêve de Barnardo. Des plantes grimpantes recouvrirent bientôt les murs ; des fleurs, des haies et des buissons ornèrent les environs du village ; chaque cottage fut meublé avec goût, chacun possédait la Bible, et chacun avait sa « mère de famille » autour de laquelle se groupait une famille d'heureuses fillettes.


AUTRES ASPECTS

L'accroissement du village fut extraordinaire. À la mort de Barnardo, vingt-neuf ans après son ouverture, il pouvait se glorifier de soixante-dix cottages dont plusieurs avaient été comme le premier, érigés « en souvenir ». Les services qu'il avait rendus étaient également incalculables, car avant le départ de « son fondateur », le village avait logé, vêtu, nourri, élevé, éduqué et enseigné un métier à neuf mille jeunes filles, tandis que les fillettes qui y vivent actuellement sont plus d'un millier. Cependant ces chiffres ne représentent qu'une fraction du nombre de fillettes indigentes recueillies par les « Homes » avant la mort du docteur. Quand Barnardo mourut, âgé de soixante ans, il avait sauvé soixante mille enfants dont 40% étaient des jeunes filles.

Mais revenons à ces premiers jours. Chaque expansion nouvelle impliquait de nouveaux appels, de nouvelles responsabilités et de nouveaux problèmes ; et Barnardo ne recula devant aucun. Un pessimiste est, dit-on, celui qui voit un danger dans toute opportunité ; un optimiste, celui qui voit une occasion dans tout danger. À ce compte, Barnardo était un parfait optimiste. En 1874, par exemple, son oeuvre avait pris une telle extension, qu'il se rendit compte qu'il courait le risque de perdre tout contact personnel avec ses collaborateurs. Intrépide, il acheta et édita le Trésor des Enfants, organe qui lui donnait l'occasion d'interpréter, pour ses collaborateurs, le problème de l'enfance qu'il affrontait. Peu de temps après avoir acheté « Edinburg Castle », il comprit pour son Oeuvre missionnaire, le danger qui provenait de « Dublin Castle », un immense « Palais du Gin » situé dans Mile End Road. Il l'acheta sans perdre de temps et le transforma en un centre missionnaire et un Palais du Café qui n'eut pas moins de succès qu' « Edinburg Castle ». Vers la fin de l'année 1874, désirant convoquer une grande réunion représentative, il prévit qu'il n'y aurait pas assez de place dans le grand Hall d'Edinburg Castle, ni sous la Tente du Réveil ; de là surgit, pour lui, l'occasion de former d'autres plans : Avec le concours du pasteur C.-H. Spurgeon, la réunion fut convoquée au Metropolitan Tabernacle, dans lequel se pressèrent plus de cinq mille personnes désireuses de manifester leur intérêt pour la Mission. En 1875, pressé constamment par son oeuvre, il sentit qu'il risquait de s'enfermer dans ses idées ; comprenant ce danger, il trouva là l'occasion de faire un voyage en Écosse et en Irlande pour étudier les efforts faits dans ces pays pour élever les enfants orphelins ou abandonnés. Et aucun centre n'échappa à son regard critique et observateur.

Cependant les vicissitudes de ces premières années forment une histoire trop longue pour être racontée ici. En mars 1876, malgré de nombreux devoirs pressants, Barnardo passa ses derniers examens de médecine et fut licencié du Collège Royal de Médecine d'Edinburg. En conséquence il fut inscrit comme médecin de Londres et selon l'étiquette médicale fut appelé correctement « Docteur » Barnardo ; bien qu'on doive se rappeler qu'il n'est probablement pas un médecin sur dix qui ait le droit légal de s'appeler véritablement « Docteur », car il en est peu qui passent l'examen de Docteur en Médecine.

En 1876, l'oeuvre de Barnardo étant alors reconnue par des experts, il fut invité par le Congrès des Sciences sociales, assemblé à Liverpool, à lire une notice concernant les « Preventive Homes » devant cette auguste assemblée. La même année, « pour éloigner les cochers de la tentation des cafés », il inaugura le premier Refuge anglais pour les cochers, où l'on trouvait des repas à prix modiques, des salles de lecture, etc... et de nos jours, tous les Refuges de Londres ont été construits sur ce modèle. C'est encore cette même année qu'il ouvrit au 19, Stepney Causeway, une infirmerie pour les enfants, qui donna plus tard naissance à plusieurs hôpitaux Barnardo, tandis que plusieurs centres de la Mission reculaient leurs limites, cette année-là.

Le mois de janvier 1877 marque l'origine de Jour et Nuit, l'organe officiel des « Homes », et Barnardo fut jusqu'à sa mort, l'éditeur de ce journal qui avait des lecteurs dans le monde entier. À cette époque également, l'oeuvre des diaconesses de la Mission commencée en 1875, avait pris une telle extension que deux maisons de Row Road étaient occupées par la « Maison Protestante Évangélique des Diaconesses », où dix-huit à vingt-cinq jeunes femmes, en résidence, préparées avec soin, travaillaient parmi les pauvres de l'East-End comme des anges de Dieu.

Mais, tandis que l' « East End Juvenile Mission » allait de l'avant comme tout mouvement conquérant. elle se faisait des ennemis aussi bien que des amis. Et bien que certains de ses antagonistes fussent sincères, la majorité suivant l'exemple des serviteurs congédiés, des publicains irrités, des colporteurs de scandales et des besogneux crédules, ne fit qu'attiser le feu de la méchanceté. Mais bien que Barnardo ait été alors contraint de traverser la « fournaise ardente », aucun de ses cheveux n'y fut brûlé ; et quand enfin, les braises de la controverse se furent éteintes, il apprit, comme Henry Ward Beecker, à remercier Dieu pour ses ennemis, car bien qu'ils fussent exaspérants sur le moment, ils se montrèrent, à la fin, d'une plus grande valeur que bien des amis.
Mais pourquoi anticiper ?
Nous allons voir maintenant les faits de ce drame, si intensément humain, dans lequel l'honneur même de Barnardo fut mis en question.

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