Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

Les sceptiques sont désarmés

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Barnardo méditait sur cette étonnante découverte et, de plus en plus, l'appel de l' « East-End » devenait insistant, tandis que celui de la Chine devenait moins pressant pour lui, Se pouvait-il que « sa Chine » fût toute proche ? Quand cette idée fit jour pour la première fois, Barnardo pensa que c'était une manoeuvre de Satan, qu'il fallait exorciser tout de suite. Ne s'était-il pas offert pour être missionnaire en Chine ? Oserait-il lâcher le manche de la charrue ? Mais que cet appel fut la voix d'un démon ou d'un ange, il ne pouvait la faire taire.

Lâcher le manche de la charrue ? L'appel persista. Certainement Dieu avait d'autres sillons à labourer, aussi importants que ceux de la Chine. Le véritable missionnaire ne doit-il pas se contenter de servir, là où ses talents porteront le plus de fruits ? Ne se pouvait-il donc pas que sa main fut plus apte à tenir la charrue dans l' « East-End » qu'en Chine ?

En attendant, il accomplit sans retard, son plus pressant devoir. Après avoir gardé Jim Jarvis, chez lui, pendant quelques jours, il demanda l'aide de ses amis ; et l'on trouva, pour Jim, un foyer et une humble famille chrétienne où il fut reçu comme pensionnaire. Il goûta là, pour la première fois de sa vie, les privilèges de la vie de famille. Il alla aussi, régulièrement, à l'école pour la première fois et il se montra un élève studieux et intelligent. Mais, après quelques années d'école, la soif de l'aventure naquit chez lui. Il avait beaucoup entendu parler de l'attrait des immenses étendues du Canada, et son ambition était de posséder une ferme canadienne. Si nous pouvons anticiper sur l'histoire de Jim, nous dirons que son ambition fut satisfaite ; car, quinze ans après avoir quitté l'Angleterre, il était devenu un riche fermier canadien, très respecté dans son village.

Mais revenons à cette nuit mémorable. On se souvient que Jim dit, étourdiment : « Irons-nous voir un autre « plumard » ? et qu'il ajouta : « Il y en a encore des quantités » ; mais Barnardo était trop navré pour en voir davantage. Cependant, le premier choc passé, il sentit qu'il était de son devoir, d'examiner plus attentivement, le problème auquel il s'attaquait. S'agissait-il de conditions accidentelles ? Un tel spectacle pouvait-il se voir tous les jours de la semaine ? Et si c'était vrai, où trouver encore d'autres « plumards » ? Quelle était l'étendue de cette tribu de jeunes garçons abandonnés ? Y avait-il des petites filles dans les mêmes conditions ? Et surtout, comment placer devant la conscience des chrétiens la responsabilité d'une situation si honteuse ?

Avec l'aide de Jim, Barnardo poursuivit ses recherches dans d'autres quartiers ; et il n'est que trop vrai qu'ils en trouvèrent des tas d'autres, beaucoup plus que Jim, lui-même, ne pouvait en compter ! Barnardo était effrayé par la gravité du problème qu'il rencontrait. Que pouvait-il faire, lui étudiant missionnaire, sans autres revenus que la pension que lui donnait son père, et un infime capital ? Il n'était pas dans une situation qui lui permit d'offrir à ces jeunes garçons, un foyer, un emploi, ou même une amitié digne de ce nom. Il pouvait cependant faire deux choses : D'abord, par l'entreprise des « Ragged Schools », il offrit à ces enfants tout l'aide qu'il put. Ensuite - chose plus importante - il parla à chacun de ses amis chrétiens, de la honte d'un tel état de fait.

À cette époque, on organisa à l'Agricultural Hall, à Londres, une grande réunion populaire, présidée par le pasteur-docteur Thain Davidson. Le but de cette réunion était de ranimer l'intérêt pour les missions lointaines. Barnardo, candidat missionnaire pour la Chine, y fut invité, et comme tel, dut prendre place sur l'estrade. À l'heure annoncée, la salle était comble ; mais le principal orateur, très connu du public, n'était pas arrivé. Un peu plus tard, pendant le chant d'un cantique, parvint un message disant que « l'orateur » était malade et ne pourrait venir. Le docteur Davidson fut consterné. Que faire ? On ne pouvait renvoyer cette assemblée sans lui donner un message et à qui pourrait-il le demander il Soudain, il eut une inspiration. Cet étudiant en médecine, assis près de lui, ne lui avait-il pas raconté une histoire étonnante sur les vagabonds de l' « East-End » ? N'était-ce pas aussi un appel missionnaire ? Et, ce jeune Irlandais, ne parlerait-il pas avec un véritable zèle missionnaire ? En cette terrible extrémité, il s'adressa donc à Barnardo.

Le jeune homme fut abasourdi. Jusque-là, il ne s'était jamais adressé à une assemblée, même cinq fois moins nombreuse que celle-ci. Cependant, tandis que le docteur Davidson le présentait, il fit monter vers Dieu une prière silencieuse et lutta désespérément pour rassembler ses idées. Un instant plus tard, il se trouvait au centre de l'estrade ; tous les regards étaient fixés sur lui. Sans faire de réthorique, il raconta très simplement l'histoire de Jim Jarvis et les expériences de cette nuit mémorable. Il parla aussi de ses récentes découvertes, montrant ainsi l'importance du problème, car certaines visites postérieures lui avaient révélé des « plumards » encore plus déplorables que le premier.

Pendant près d'une heure, Barnardo exposa les faits. Il avait essayé plusieurs fois de s'arrêter ; mais l'auditoire le pressait de continuer et quand finalement il s'assit, la salle croulait sous les applaudissements. Il n'y avait aucun doute, quand à l'effet de cet appel. Il n'avait raconté que ce qu'il connaissait par expérience et chacun de ses gestes, chacune de ses paroles dénotait sa sincérité. Son message transperça l'âme de nombreuses personnes et beaucoup s'en retournèrent heureuses que l' « orateur », qu'elles étaient allées entendra ne soit pas venu.

Parmi ceux que cet appel toucha le plus, se trouvait une jeune servante, qui demanda, après la réunion. si elle pourrait parler à M. Barnardo. Elle raconta timidement comment, pendant des semaines, elle avait économisé tout son argent « pour aider les missions lointaines ». Mais après l'avoir entendu, elle désirait donner ses économies « pour secourir les vagabonds des rues de Londres ». Puis, avant que Barnardo pût prononcer une parole, elle glissa dans sa main une petite bourse, en disant : « Pour aider l'oeuvre missionnaire, auprès de ces pauvres enfants sans logis ». Puis elle disparut, laissant Barnardo muet de surprise. Il ne lui avait même pas demandé son nom. Cependant l'incident était significatif : c'était le premier don qu'il recevait d'un étranger et il le considérait non seulement comme une « souscription publique », mais comme un appel à un service plus grand. En arrivant chez lui, il ouvrit le paquet ; il contenait vingt-sept centimes.

Le lendemain, le discours de Barnardo fut publié dans la presse. Il provoqua aussitôt des mesures de censure, et tandis que Barnardo, qui ne lisait aucun journal à cette époque, ignorait tout des comptes-rendus et des polémiques, son discours devenait le sujet de chaudes discussions.

Lord Shaftesbury était l'un de ceux qui lurent, avec, le plus grand intérêt, les comptes-rendus du discours de Barnardo. Pendant vingt-trois ans, une armée de volontaires, au service de l'Union des « Ragged Schools », avait travaillé parmi les enfants des classes populaires, et au cours de ces années, Lord Shaftesbury, avait été non seulement leur président, mais leur guide. Se pouvait-il que toute une population de vagabonds, sans feu ni lieu, ait ainsi glissé à travers leurs filets ? Cela paraissait incroyable, mais Lord Shaftesbury savait trop combien on peut s'illusionner sur les questions sociales pour dogmatiser ou condamner de parti pris. Il se refusait à accuser ce jeune homme de mensonge. N'avait-il pas été lui-même, en mainte occasion, confondu par des faits à peine croyables ? Et ce jeune homme, n'était-il pas directeur de l'une de ses « Ragged Schools » ? Il était de son devoir de s'assurer des faits et il prit ses dispositions pour cela. Il inviterait ce jeune enthousiaste à dîner, chez lui, à Londres, avec quelques-uns de ses amis, intéressés par les questions sociales, parmi lesquels se trouvaient certains membres de la presse.

Quelques jours après la réunion de l'Agricultural Hall, Barnardo était l'hôte de Shaftesbury. La soirée se passa comme il avait été prévu. Des journalistes et des hommes à l'esprit large se réunirent autour de la table du comte et bientôt Barnardo fut le centre de la conversation. Un torrent de questions lui fit raconter les faits saillants de sa vie : Où était-il né ? Quand était-il arrivé à Londres ? Comment avait-il été conduit à étudier, pour ces missions en Chine ? Pendant combien de temps avait-il enseigné dans une « Ragged School » ? Comment se faisait-il qu'il ait parlé à cette réunion de l'Agricultural Hall ? Est-ce que les comptes rendus de son discours étaient exagérés ? Ce qu'il avait vu n'était-il pas accidentel ? Un des invités lui demanda même, si ces jeunes garçons n'avaient pas voulu lui jouer un tour. Enfin, après une longue conversation et de nombreuses questions, quelqu'un lui demanda : « Si toutes vos déclarations sont vraies, nous conduirez-vous dans l' « East-End », pour nous faire voir les spectacles que vous avez décrits ? Barnardo répondit qu'il le ferait volontiers et lorsqu'ils le désireraient.

Lord Shaftesbury saisit l'occasion. « Il serait peut-être difficile de nous réunir tous une autre fois », dit-il. Pourquoi n'irions-nous pas ce soir ? Barnardo acquiesça. Alors, à près de minuit, on fit venir des voitures et bientôt cette étrange compagnie, composée de quinze à vingt convives de West-End, partit à la recherche des vagabonds de l' « East-End ». Les voitures roulaient, roulaient toujours. Barnardo les avait dirigées sur « Queen Shates », près du marché aux poissons de Billingsgate, quartier situé à l'Est du pont de Londres, sur la rive gauche de la Tamise. Il était alors une heure du matin et le froid était vif. L'endroit, que Barnardo avait en vue, était protégé de l'âpre vent d'Est et, par une nuit comme celle-là, c'était un coin très sombre. Dans des conditions analogues, il avait découvert là, une vingtaine de gamins. Après avoir parcouru tout un dédale de rues sales et étroites, les voitures s'arrêtèrent sur l'ordre de Barnardo et toute la compagnie descendit. Un vent glacial les frappa au visage. « Il est certain », s'écria l'un d'eux, « que par une nuit pareille, aucun enfant ne dort dehors ». Ses paroles exprimaient la pensée de ses compagnons.

Laissant les voitures derrière lui, tout le groupe suivit Barnardo dans des chemins boueux jusqu'à une cour, d'où émergeait des piles de caisses, de barils et de corbeilles. Barnardo assura ses compagnons qu'ils allaient trouver des enfants endormis derrière ces piles, à moins qu'ils n'échappassent inaperçus. Les recherches commencèrent donc. Ils frottèrent des allumettes, retournèrent les caisses et les barils, soulevèrent les brouettes et les corbeilles, mais ils ne trouvèrent aucun garçon. Des murmures s'élevèrent. Pendant ce temps, Barnardo examinait, au centre de la cour, une grande pile recouverte de bâches, retenues au sol par des pieux. Barnardo étendit son bras plusieurs fois pour tâter. Mais en vain ! Se pouvait-il qu'en cette nuit, parmi tant d'autres, il fut tombé sur un dortoir vide. Mais il chassa promptement cette idée ; il était sûr que des enfants dormaient-là, et il devait les trouver.

Alors, frottant une autre allumette, il découvrit un endroit où deux bâches chevauchaient et avançant la main, se mit à tâter avec précaution, mais en vain. Il alla du côté opposé et refit de même. Il sentit bientôt, sous sa main, le pied d'un garçon endormi. « Doucement, mais avec fermeté », dit-il, « je tirai de toutes mes forces sur ma prise et je ramenai un pauvre garçon, en guenilles, à demi-mort de faim ! ». S'écroulant aux pieds de Barnardo, les yeux encore gonflés de sommeil, le jeune garçon se crût saisi par la police et commença immédiatement « à pleurnicher des excuses ». Mais son visage s'éclaira, dès qu'il fut assuré qu'il se trouvait parmi des amis ; et il réalisa promptement « qu'il pourrait y avoir quelque chose de bon pour lui » malgré ce brusque réveil. Quand on lui demanda « Es-tu le seul à dormir ici ? ». Il répondit : « Oh non, mon prince, il y a un tas de gosses là-dessous ».

Tout le groupe entoura aussitôt le vagabond. « Si nous te donnons « six pence » essaieras-tu d'en faire sortir d'autres ? » Sa réponse fut enthousiaste. « Naturellement, je pense bien ! » Et aussitôt, il grimpa sur le sommet aplati de la bâche et se mit à exécuter une sorte de danse sauvage. Tout le groupe le regardait faire avec étonnement, sans comprendre le pourquoi de cette gigue ; mais quand l'un d'eux s'écria : « Pourquoi danses-tu ainsi ? » il répondit : « C'est la danse sur le toit ! Ceci va les réveiller ! »

Les spectateurs regardèrent plus attentivement : la surface de la bâche commençait à s'agiter ; le jeune garçon sautait carrément sur le corps de ses compagnons endormis. Shaftesbury le supplia aussitôt de descendre. Cependant, son procédé était ingénieux, car avant qu'il eût atteint le sol, cinq ou six de ses compagnons avaient passé leur tête hors de la bâche, pour voir si la route était libre. Mais à moitié endormis encore, la plupart furent pris.

Le problème était maintenant de faire sortir les garçons restés sous la bâche ; mais cette difficulté fut résolue par l'un des captifs. « Promettez-leur de donner quelque chose à chacun, et ils sortiront ! » En conséquence, Shaftesbury offrit un « penny » et un repas à chacun des garçons qui sortirait et cela eut un effet magique ; car une fuite précipitée s'ensuivit. « Les bâches fortement tendues sur un si vaste espace », raconte Barnardo, « commencèrent à s'affaisser par l'absence de l'étai humain qui les soutenait, et nous eûmes bientôt devant nous, sur un seul rang, une étrange armée d'enfants abandonnés - preuve terrible de la nécessité, d'une oeuvre, telle que je l'avais commencée, comme le fit remarquer Lord Shaftesbury. »

Quand tous ces vagabonds furent alignés, nous en comptâmes soixante-treize, entre sept et dix-sept ans. Quelques rares avaient un chapeau et des chaussures, mais ils étaient tous vêtus d'affreux haillons. Cependant ils formaient le régiment type de l'armée des garçons abandonnés, qui vivent dans les rues de Londres.

Barnardo connaissait, près de là, un café ouvert toute la nuit - « Chez Dick Fisher ». Aussi les conduisit-il vers la fête promise. Les gamins, pendant le trajet, poussaient des cris de joie. Le froid, la faim, la nudité n'étaient plus rien pour eux. N'allaient-ils pas partager un bon repas ? Ces « Messieurs » ne leur avaient-ils pas promis un penny à chacun ? En arrivant dans le café de Dick Fisher, cette étrange compagnie remplit la salle. Ils mangèrent tous à satiété. Au début, le propriétaire était ennuyé de voir son café assiégé par ces garnements, mais lorsqu'il s'aperçut que Lord Shaftesbury était leur hôte, il « se mit en quatre » pour que tout fût très bien. Plus d'une fois, il envoya chercher des provisions à une boutique ouverte la nuit et quand il eut fini, chaque vagabond croyait avoir partagé un festin de Noël ; car le café, les saucisses et les tartines de beurre auraient pu nourrir deux fois plus d'hommes.

Le « banquet » terminé, Shaftesbury paya Dick Fisher de sa peine et fit changer un demi « souverain » en « pennies ». Puis, les garçons défilèrent un à un devant « le bon comte » et reçurent la pièce promise. Quand le dernier eut empoché son « penny », ils se mirent à pousser des cris de joie. Ensuite, Lord Shaftesbury et Barnardo leur adressèrent quelques paroles et leur promirent d'autres secours sans tarder.
Les jeunes garçons rejoignent leur gîte.

Il était alors trois heures du matin et Barnardo étant près de son appartement, ne se joignit pas aux autres qui retournaient vers l'Ouest. Mais avant le départ des voitures, Shaftesbury le prit à part et lui parla comme un père. Puis, posant sa main sur l'épaule du jeune homme, cet homme d'expérience s'excusa d'avoir douté, lui et ses invités, de ses déclarations. Mais maintenant, la vérité était établie et si triste que pût être pour lui cette révélation, il était heureux que les faits fussent connus. « C'est seulement par l'opinion publique », dit-il, « que nous pourrons guérir ce mal affreux... J'agirai de telle manière, que tout Londres connaîtra ce que nous avons vu cette nuit ».

Puis il ajouta avec émotion : « Je remercie Dieu pour l'oeuvre que vous faites. Il faut arracher ces enfants à leur terrible sort ! ... Vous avez l'intention d'être missionnaire en Chine. C'est une noble ambition. Dieu a besoin de nombreux ouvriers en Chine. Mais, priez avec ferveur, au sujet des événements de cette nuit. Il se pourrait que Dieu vous appelât à être missionnaire au milieu des enfants abandonnés de cette métropole ! ».

Ceci dit, Shaftesbury saisit la main de Barnardo et l'étreignant avec force, il ajouta : « Que Dieu vous bénisse et vous conduise ! » Puis il fit demi-tour et rejoignit ses invités. Quelques instants plus tard, les voitures roulaient rapidement vers l'Ouest.
On ne peut estimer l'importance de cette nuit-là. Si Jim Jarvis était l'envoyé d'un monde inférieur, en révélant à Barnardo le but de sa vie, Lord Shaftesbury fut l'envoyé de Dieu, qui lui inspira l'idée d'entreprendre une grande oeuvre en devenant le missionnaire des taudis.

Barnardo méditait sur les événements de la nuit, et il lui semblait que Dieu faisait la pleine lumière en lui. En acceptant le défi des invités de Shaftesbury, il était certain de trouver vingt ou trente enfants abandonnés. Ils en découvrirent soixante-treize. C'était la plus nombreuse troupe d'enfants abandonnés et la plus pitoyable que Barnardo eut jamais vue. Longtemps après, il s'écriait : « Je prie Dieu de m'épargner de revoir un pareil spectacle ! » Et il est probable qu'il ne le revit jamais. Ainsi, il n'avait pas seulement désarmé ses critiques, mais aussi révélé une situation plus lamentable encore que celle qu'il avait décrite.

Il y avait plus encore : Lord Shaftesbury, qui avait un don particulier de juger les hommes, lui avait conseillé de considérer, dans la prière, l'appel de Dieu pour l' « East-End ». Pouvait-il rejeter ce conseil à la légère ? Lord Shaftesbury n'était-il pas le président de la Société Biblique Britannique et Étrangère ? N'était-il pas, aussi, un homme éminent, siégeant dans les plus grandes sociétés missionnaires britanniques ? Et pourtant ce chrétien plein d'enthousiasme pour les missions avait suggéré à Barnardo, que ses talents particuliers étaient peut-être faits pour un travail missionnaire à Londres plutôt qu'en Chine. Le maître des « Ragged Schools » médita et pria longuement ; et peu à peu, il lui sembla entendre, à travers la suggestion de Shaftesbury, la voix même de Dieu.

Plus tard, au cours du premier jubilé de la mission parmi les jeunes de l'East-End, Barnardo parlait encore, lui, comme un candidat missionnaire pour la Chine, s'il s'était trouvé quelqu'un qui voulût diriger sa mission à Londres. Mais aucun de ses collaborateurs n'avait eu sa vision ; et aucun ne se sentait capable de « porter son fardeau ». Barnardo resta donc à Londres, mais il eut cependant la joie, avant sa mort, de bénir dix-sept de ses enfants qui partaient pour être missionnaires en terre païenne, à sa place.

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