Mrs Burke Rivers enseigna pendant trois
ans, avant de se marier, à notre
École du dimanche. Elle avait comme
élèves les enfants les plus
avancés. Elle a rédigé
elle-même la note qu'on va lire, et qu'elle a
intitulée :
COMMENT FAIRE SENTIR AUX ENFANTS LA
RÉALITÉ DU CHRIST ?
Les premières notions religieuses que
l'enfant acquiert lui viennent
nécessairement par l'intermédiaire de
ses parents ou, un peu plus tard, de ses
éducateurs. Et c'est pourquoi il est
indispensable que la personne qui doit
révéler à l'enfant la
présence de Dieu ait elle-même une vie
religieuse profonde et authentique. Je ne saurais
trop insister sur ce point : la
première condition pour pouvoir apporter le
Christ à un enfant, c'est de le
posséder soi-même. Si l'on raconte
à des enfants quelque histoire religieuse du
temps passé, cela peut sans doute les
intéresser. Mais ils seront
empoignés, si celui ou
celle qui leur parle leur raconte une histoire de
sa propre vie, où l'on voit Dieu intervenir.
Cela parle directement à leur coeur et
à leur imagination. Ils brûlent de
faire eux-mêmes la même
expérience. Souvenons-nous d'ailleurs que
les enfants ont souvent une intuition beaucoup plus
pénétrante que celle des adultes, et
ne se laisseront jamais mettre dedans par ce qui
n'est qu'un faux-semblant, par des propos sur Dieu
qui sonnent creux, qui ne sont qu'un masque vide
derrière lequel il n'y a rien.
Puisque l'éducateur religieux n'a au
fond qu'un but que l'enfant saisisse la
réalité de Dieu ; il faut
nécessairement qu'il croie possible de
transmettre à l'enfant la certitude intime
qu'il possède lui-même ; en
d'autres termes, qu'il croie que l'enfant est
susceptible d'arriver à cette même
certitude. Ce qui ne signifie certes pas que l'on
doive concevoir ou traiter l'enfant comme un
adulte, mais ce que nous n'avons pas le droit
d'oublier, c'est que le Christ, plein d'amour pour
les enfants, a ordonné qu'on les laisse
venir à lui.
Ceci nous amène à dire un mot
de la manière dont on doit s'y prendre pour
se mettre à la portée des petits. On
entend beaucoup dire que les parents doivent se
mettre au niveau de leurs enfants, doivent les
traiter comme des égaux, c'est à
dire, je suppose, comme des adultes. De toute mon
expérience avec les enfants, je puis dire
que j'ai appris ceci : il existe un terrain
commun, fait d'honnêteté et de
confiance, sur lequel nous nous rencontrons, les
enfants et nous, de plain-pied. Du
côté de l'adulte, cela suppose l'amour
de l'enfant et quelque chose d'accueillant, qui
n'éloigne pas les petits. il est quelquefois plus
facile
d'aimer
un enfant que d'entrer de plain-pied dans ses
difficultés et dans sa pensée.
Il est bon que l'éducateur s'efforce
de revivre par la mémoire sa vie de petit
enfant. Sans doute, il s'aperçoit bien vite
qu'il y a des masses de choses qu'il a tout
à fait oubliées, mais justement c'est
cette gymnastique elle-même qui l'aidera
puissamment à comprendre le mieux possible
la pensée de l'enfant et les
difficultés qu'il rencontre. Ces
difficultés sont relatives à sa
famille, à son école, à son
entourage, et aussi à sa pensée
intime. Pour pouvoir venir au secours de l'enfant,
il faut que nous connaissions aussi exactement que
possible tous ces éléments : ses
circonstances de famille, ses rapports avec les
parents, les frères, les soeurs ; ses
réactions à l'école, ses
ambitions, ses succès, ses craintes, ses
antipathies.
Nous voici arrivés à la
question capitale. Comment l'enfant arrive-t-il
à connaître Dieu ? Que peut
être pour lui l'abandon à la
volonté de Dieu ? Comment faut-il
aborder avec lui la question du
péché ? En somme, cela peut se
résumer ainsi : comment ce qui s'est
réalisé chez l'éducateur se
réalisera-t-il chez l'enfant ?
Je n'ai jamais éprouvé le
besoin, dans aucune de mes leçons, de donner
aux enfants aucune définition ou aucune
description du péché, pour qu'ils
puissent le reconnaître. je n'ai jamais eu
non plus avec eux à insister sur la
« conviction du
péché ». Je ne sais pas si
on pourrait dire la même chose d'aucune
réunion d'adultes. Les enfants ont un
mystérieux instinct qui leur fait saisir
tout de suite ce qui ne va pas, en eux comme en
nous. À l'égard du
péché ils sont extraordinairement
honnêtes, à condition bien entendu que la crainte
n'intervienne pas. Combien de fois, dans un
recueillement, l'enfant a été
spontanément « convaincu de
péché ». Pour l'un, c'est
le sentiment qu'il devrait se lever plus tôt,
pour être à l'heure à
l'école. Pour l'autre, l'idée qu'il
doit se discipliner lui-même, en
dépensant l'argent qu'on lui a donné.
Pour une fillette, le regret d'avoir
été égoïste, en refusant
de surveiller le bébé. Durant le
partage, tout cela vient au jour et la monitrice
est à même d'aider l'enfant à
remettre de l'ordre dans sa vie.
Il faut leur expliquer que ce sont justement
ces manquements qui les empêchent de saisir
Dieu pleinement. Il faut leur dire, en s'appuyant
sur sa propre expérience, qu'ils doivent
remettre tout en ordre, et que Jésus-Christ
pourra les débarrasser de tous ces
péchés, s'ils le laissent faire.
Certaines gens s'imaginent qu'il y a
là quelque chose de morbide. Je veux vous
raconter l'histoire de deux fillettes de neuf ans,
qui se disputaient presque chaque fois qu'elles
jouaient ensemble. Chacune d'elles, en rentrant
à la maison, déclarait à sa
mère que jamais plus elle ne jouerait avec
l'autre. Bien entendu, chacune oubliait son
serment; elles rejouaient ensemble, et se
redisputaient. Une fois, dans le recueillement
à l'école du dimanche, l'une des deux
petites, en présence de l'autre, nous
déclara que Dieu lui avait dit que
c'était mal de sa part de toujours se
chamailler avec Hélène.
Hélène sur-le-champ lui fit
écho, et toutes ensemble nous parlâmes
de la chose gaiement et en riant. Les deux
fillettes reconnurent qu'il était ridicule
d'agir comme elles avaient fait jusque-là,
et résolurent qu'il n'en serait plus ainsi.
Depuis lors je n'ai jamais vu
qu'elles se soient querellées. Que
pourrait-on voir de « morbide »
dans cette manière joyeuse et saine de
régler tous ses différends avec son
prochain ? Les adultes ne pourraient-ils pas
ici prendre leçon sur les
enfants ?
D'après les observations que j'ai pu
faire, « l'abandon ». chez un
enfant, c'est tout simplement le fait de remettre
sans plus sa jeune vie à Dieu ; il n'a
pas besoin de ce retournement douloureux
qu'implique d'ordinaire la conversion chez un
adulte. L'argile chez l'enfant est encore
plastique, et elle se modèle bien plus
aisément. Que d'espoir dans une jeune vie
ainsi modelée ! Quoi de plus normal,
quoi de plus naturel, pour un enfant qui aime Dieu
et qui sait que Dieu l'aime, que de vouloir que
Dieu règle et dirige toute sa vie ? Si
l'enfant est droit et sincère, sa foi sera
durable et féconde.
Nous apprenons aux enfants à
considérer le recueillement quotidien comme
ayant la plus grande importance dans le maintien et
le progrès de la vie chrétienne.
À notre école, nous faisons toujours
précéder la leçon par un temps
de recueillement, qui ne dépasse pas trois
à cinq minutes pour les tout-petits, et huit
minutes pour les grands. Les enfants saisissent
très vite ce dont il s'agit et adoptent le
recueillement avec enthousiasme et ferveur. On ne
les contraint jamais soit de prier à haute
voix, soit de faire part aux autres des directions
qu'ils ont reçues. Le moniteur ou la
monitrice doit donner l'exemple du partage, en
toute sincérité, en toute
simplicité; et même les enfants les
plus timides ne résistent pas longtemps
à cette atmosphère de confiance et de
loyauté parfaites.
Ce qui est souvent plus difficile, c'est
d'obtenir que l'enfant fasse un recueillement
quotidien chez lui, surtout dans les familles
où les parents ne font rien pour l'y aider.
Mais dès que l'enfant a bien saisi cette
idée qu'il doit écouter Dieu chaque
jour s'il veut savoir quelle est pour ce
jour-là la volonté de Dieu, il fera
de lui-même un effort pour avoir un
recueillement chaque jour. Un petit carnet
où il inscrira ses directions l'aidera
à être fidèle. Dans un groupe
de fillettes déjà plus grandes, je
sais que les quatre cinquièmes d'entre elles
font très régulièrement leur
recueillement quotidien.
La pierre de touche définitive, bien
entendu, c'est la vie religieuse qui grandit et
s'épanouit. Il faut que les moniteurs aient
toujours pour leurs élèves une vision
d'avenir qui soit à la hauteur de leur
croissance spirituelle. Le plus précieux
service qu'ils puissent leur rendre, c'est de
développer en eux le sentiment de la
réalité de Dieu, en le fondant sur la
droiture, la sincérité, et aussi sur
la connaissance bien exacte des héros de la
foi, dans la Bible, de Jésus Christ
lui-même et de la révélation de
Dieu qu'il nous apporte. Alors l'enfant pourra,
littéralement, enraciner sa vie en Dieu.
Miss Sarah Elisabeth Gustam a écrit ce
qui suit :
L'éducation moderne s'efforce de
préparer les enfants à tout ce qui
les attend dans la vie, de leur donner tout ce qui
leur sera nécessaire pour se
développer normalement. Nous tâchons
de les amener à la maîtrise de soi, de
leur apprendre à s'adapter aux circonstances
extérieures, à leur entourage,
à leur milieu. La psychologie moderne nous
fournit pour cela un secours précieux, dont
notre pédagogie a beaucoup profité.
On enseigne aujourd'hui la lecture, le calcul, la
géographie, l'histoire, d'après des
méthodes nouvelles, fondées sur les
découvertes les plus récentes de la
psychologie.
Si nous sommes soucieux de
l'éducation de nos enfants, nous ne
songerions pas à les mettre ailleurs que
dans des écoles où l'on applique ces
nouvelles méthodes. Et pourtant nos enfants
n'y reçoivent pas tout ce dont ils ont
besoin pour les préparer à la vie.
Dans bien des écoles, on ne fait rien pour
leur faire connaître Dieu, pour leur donner
le sens et le désir de la prière. Or,
l'éducation religieuse est un
élément indispensable de toute
éducation, et nous le laissons
entièrement ou presque entièrement de
côté. Tout ce que nous faisons, c'est
d'habiller nos enfants le dimanche matin, et de les
expédier dare-dare à une École
du dimanche, où, pendant un laps de temps qui
varie de quinze minutes
à une demi-heure, nous nous imaginons qu'ils
vont acquérir une connaissance de la
religion qui leur suffira pour toute leur vie.
Dans l'éducation religieuse comme
dans toute éducation, nous avons à
former de bonnes habitudes, de bonnes
manières d'agir et de juger. Nous voulons
que nos enfants apprennent à être
honnêtes, à dire la
vérité, à s'oublier
eux-mêmes. Nous voulons que nos enfants
prennent contact avec les réalités
spirituelles. Tout ce que l'enfant apporte avec
lui, c'est une grande aptitude à croire. Il
croit tout ce que lui disent ceux en qui il a
confiance, ses parents et ses maîtres. Au
début, il accepte avec docilité, et
sans soulever d'objections, ce qu'on lui dit sur
Dieu et sur la prière. Mais il vient ensuite
ce qu'on peut appeler une période de
transition, quand l'enfant se rend mieux compte de
ce qui se passe dans le monde, autour de lui. Il
observe la manière dont agissent les gens,
il écoute ce qu'ils disent, et il est
étonné, il se pose des
questions.
Les États-Unis ont été
fondés par des gens qui croyaient à
l'efficacité de la prière et du culte
de famille. Mais maintenant nous sommes trop
occupés pour nous rassembler et demander
ensemble à Dieu sa direction et son secours.
Nous disons bien à nos enfants, surtout
quand ils sont tous petits, qu'il faut qu'ils
fassent leur prière. Mais faire sa
prière et prier véritablement ne sont
pas du tout la même chose. D'un
côté nous avons une habitude qui
devient machinale, de l'autre le chemin qui conduit
toujours à Dieu. Si votre enfant est
plongé dans une atmosphère de
prière, il priera tout naturellement. Il
s'agit seulement de lui donner l'exemple, et il
prendra de lui même
l'habitude de la prière spontanée,
naturelle, régulière. Si l'influence
de notre prière se manifeste dans notre vie,
l'enfant ne s'y trompera pas.
La soeur d'une de mes amies avait une
fillette de quatre ans, dont elle ne savait plus
que faire quand la petite disait :
« Je ne veux pas ! » La
mère comme la fille avaient une forte
volonté et un caractère violent. Un
soir, la petite Dorothée refusa net de boire
son verre d'ovaltine au moment de se coucher. La
mère perdit patience et voulut l'y
contraindre. Naturellement l'enfant s'obstina
toujours plus et le résultat aurait pu
être déplorable si, au beau milieu de
sa colère, la mère ne s'était
pas tout à coup souvenue que sa fille comme
elle étaient des enfants de Dieu. Elle se
tourna vers sa fillette et lui dit
simplement : « Demandons à
notre Père céleste ce qu'il faut que
nous fassions. » Elles prièrent
ensemble. Après la prière, la maman
demanda pardon à Dorothée de
s'être mise en colère.
Dorothée, elle aussi, demanda pardon et
sauta au lit. Une minute après, elle se
relevait pour boire son ovaltine sans dire un
mot.
Il est bon que les enfants puissent avoir
tous les jours, et non pas seulement le dimanche
matin, de petites leçons d'instruction
religieuse, où on leur apprendra à
connaître Abraham, Isaac, Joseph, Moïse,
saint Paul, Timothée, et surtout toute
l'histoire de Jésus depuis son enfance
jusqu'à sa mort. Mais l'influence et
l'action des parents comptent beaucoup plus que
celles de l'école. Encouragez votre enfant,
accompagnez-le sans cesse sur le chemin qui
mène à Dieu.
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