Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

SECONDE PARTIE

Comment les enfants apprennent à connaître Dieu


CHAPITRE VIII

IMPORTANCE DE L'ÉDUCATION RELIGIEUSE

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Ce livre n'est en somme qu'une série de notes prises au jour le jour, où j'ai voulu rassembler les principaux résultats de mon expérience dans l'enseignement religieux donné le dimanche ou dans la semaine à un grand nombre d'enfants.

J'ai voulu montrer que la vie spirituelle est toujours possible chez les enfants. Mais si elle ne commence pas dès l'enfance, elle ne s'acquiert plus que très difficilement et dans la souffrance.

J'ai voulu esquisser ce que doit devenir l'éducation religieuse pour qu'on ne puisse jamais plus dire à l'avenir qu'elle ne sert à rien lorsqu'il s'agit de former un caractère et de prévenir la criminalité.

J'ai voulu enfin montrer aux parents et aux éducateurs qui ont fait eux-mêmes, d'une manière profonde et radicale, l'expérience de la vie du Christ en eux, comment ils peuvent à leur tour transmettre cette expérience lumineuse aux jeunes âmes dont ils s'occupent, pour que cette foi subsiste en eux et les dirige quand l'éducateur ne sera plus là, pour qu'elle les soutienne durant toute leur vie comme aucun idéal humain ni aucune pratique de morale humaine n'a pu le faire jusqu'ici. Depuis une dizaine d'années, quelques-uns d'entre nous ont acquis la conviction qu'il y a des principes fondamentaux sur lesquels on peut édifier la vie spirituelle dont je parle. Et nous croyons que même les petits enfants peuvent comprendre et saisir ces principes, pour résoudre à leur lumière les difficultés de leur âge.

Comment débute chez l'enfant la vie spirituelle ? Comment acquiert-il ses premières notions sur Dieu, sur la religion, sur les choses de l'esprit ? Lui viennent-elles toujours de l'enseignement donné par quelqu'un ? Viennent-elles nécessairement de sa famille, de son école, de son entourage, de son milieu social ? Ou bien sont-elles en nous un don de Dieu, né avec nous, qui est, comme toutes nos tendances innées, apte à s'épanouir ou au contraire à se flétrir sous l'influence des circonstances extérieures ?

Tout récemment, on nous amena une enfant de dix à onze ans. Sa mère, qui nous l'amenait, était dans un grand embarras. C'était une enfant unique. Son père et sa mère appartenaient à deux confessions opposées et irréconciliables. Ils étaient tombés d'accord pour ne donner à leur unique enfant aucune instruction religieuse quelconque, mais pour la laisser libre, le moment venu, de prendre connaissance de toutes les religions et de choisir celle qu'elle voudrait. D'une façon mystérieuse, à un moment donné, cette enfant eut l'impulsion de prier Dieu, sans que (d'après tout ce qu'on a pu savoir et d'après son propre témoignage) l'on puisse attribuer la chose à personne qu'à Dieu seul. La fillette n'aurait pas pu dire ce qu'elle concevait ainsi, elle n'avait certainement jamais pensé ni à la personnalité de Dieu ni à Sa demeure. Sa principale prière était que Dieu fît « que papa et maman cessent de se battre » ; un peu plus tard que Dieu fît que son père lui permette d'aller à une réunion d'enfants dans une église, réunion fréquentée par certaines de ses petites camarades. Aucun des deux parents n'avait refusé cette permission, car aucun d'eux ne savait qu'elle voulait aller à cette réunion. Mais à son foyer la religion était totalement absente. Ni son père ni sa mère, à sa connaissance, n'allait à aucune église. En secret, chacun d'eux observait à sa façon certaines fêtes consacrées par l'Eglise à laquelle il appartenait, mais la fillette n'en savait rien. Elle n'avait jamais entendu parler d'Eglise que comme une chose dont on a peur. Dieu était tabou dans cette maison-là.

La mère finit par s'apercevoir que la fillette priait à sa façon et qu'elle était travaillée par toutes ces questions, et elle s'en aperçut en interrogeant l'enfant à propos de divers incidents qui avaient attiré son attention. Le père trouvait tout cela ridicule, il estimait que cela n'avait aucune importance, et il accusait même la mère de manquer à sa promesse, relative à l'absence totale d'éducation religieuse. Et cependant l'Eglise à laquelle la petite voulait aller n'était ni celle du père ni celle de la mère, mais également opposée aux deux. Je n'ai pas pu savoir la fin de l'histoire, car nous n'avons connu l'enfant que pendant quelques mois. je l'ai racontée comme un exemple de ce que je crois fermement, à savoir que le besoin de saisir Dieu et les réalités spirituelles fait partie intégrante de notre être, de nos instincts fondamentaux, et que cette aspiration vers Dieu est satisfaite ou bien étouffée suivant que les forces du mal sont tenues en échec ou bien triomphent d'elle.

Et voilà pourquoi j'insiste tellement sur l'importance de l'éducation religieuse. Sans doute, la conversion d'un buveur et son retour à la vie normale sont quelque chose de plus dramatique et de plus empoignant, mais était-il nécessaire de le laisser tomber si bas ? Sans doute, il est plus émouvant de convertir une jeune actrice, et de la transformer en missionnaire qui met tous ses talents au service du Christ, mais pourquoi l'avoir laissée grandir sans connaître le Christ ? Nous dépensons beaucoup d'argent, nous dépensons beaucoup de nobles vies pour un travail de sauvetage et d'évangélisation, mais nous ne faisons presque rien pour former l'âme des enfants et pour leur permettre d'entrer dans la vie de la bonne manière.

Je le reconnais, l'éducation religieuse n'a rien de dramatique, rien de spécialement émouvant. Il faut jour après jour répéter les mêmes choses, inlassablement. Et la plupart du temps nous ne voyons pas les résultats de nos efforts. Nous perdons de vue nos petits élèves, les circonstances de la vie nous éloignent d'eux. Dans mon travail parmi les enfants, je me sens soutenue par la foi et par l'espérance, mais je n'ai jamais la joie de sentir quelque chose d'achevé, ou même d'avoir une certitude quant à l'avenir d'aucun de ces petits. Ce travail est modeste, il ne procure ni gloire ni prestige : il n'a rien d'emballant, il ne vous donne jamais la satisfaction d'avoir accompli une tâche jusqu'au bout.

Malgré tout cela, je crois de toute mon âme à l'importance de l'éducation religieuse, et cela, avant tout, parce que je crois à la prière. je m'appuie moi-même sur la prière dans mon travail pour les enfants. Et cela m'a conduite à me rendre compte que c'est dans la prière et par la prière, en amenant tout d'abord les enfants à saisir la prière comme une réalité vivante, que germe et que naît leur vie religieuse. C'est par là que doit débuter toute éducation chrétienne, avant même qu'il soit question d'aucune doctrine, ni même de la Bible ou d'explications sur la nature de Dieu. Aussi c'est sur la prière des enfants que je voudrais tout d'abord insister.

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