Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE V

LES PARENTS PRODIGUES

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Je ne prétends pas que tous les parents appartiennent au type dont il va être question dans ce chapitre. Je connais dans l'histoire, je connais dans mon expérience personnelle beaucoup de mères dévouées, beaucoup de pères attentifs au véritable intérêt de leurs enfants. Un des signes les plus heureux de notre époque, c'est le nombre croissant de jeunes couples qui se donnent beaucoup de peine pour l'avenir spirituel de ces petits êtres qui dépendent d'eux à tant d'égards.

Il n'en est pas moins vrai que les parents prodigues sont responsables de la banqueroute de bien des jeunes vies, de cet égoïsme, de ce paganisme de la jeunesse contemporaine, que nous avons vu grandir et s'épanouir depuis la guerre. Le malheur, c'est que la plupart de ces parents prodigues ne se rendent pas compte de leur responsabilité. C'est pourquoi j'ai cru qu'il fallait leur consacrer ce chapitre.

Depuis au moins deux générations, les parents et les éducateurs se jettent mutuellement le blâme, en ce qui concerne la banqueroute de la jeunesse d'aujourd'hui. Persuadés qu'il y avait là un défaut d'« organisation », nous avons « organisé » des rapprochements, des comités mixtes, des bulletins, des réunions, et quoi encore ? Le principe était excellent sans contredit, mais dans tout cela on laissait de côté les deux éléments de beaucoup les plus essentiels de la question : Dieu et l'enfant lui-même. La direction de Dieu, le concours de l'enfant, on ne s'en préoccupait pas, on ne les cherchait pas.

La volonté de l'adulte, les idées de l'adulte, présentées souvent sans la moindre explication, presque toujours mal comprises par l'enfant et allant contre ses notions instinctives de justice et de dignité personnelle, tout cela aboutit à un choc désastreux, et le problème de la discipline est tragiquement posé. Il en résulte chez l'enfant la colère, l'entêtement, la soumission forcée, la rancune secrète, le désir profond de conquérir sa liberté à tout prix et de tromper ceux qui l'ont ainsi asservi. En présence de tels sentiments, qu'ils ont eux-mêmes suscités sans s'en rendre compte, les parents et les maîtres ont recours à la sévérité, aux commandements impératifs et péremptoires, enfin aux punitions. On ne cultive plus chez l'enfant que la crainte. L'amour et la confiance s'évanouissent. On élève des barrières entre l'enfant et son Dieu, entre l'enfant et ses parents, barrières qui ne pourront être brisées plus tard qu'avec la plus grande difficulté, et peut-être jamais, à moins que n'aient pu intervenir les notions bienfaisantes de l'abandon à Dieu, de la direction, et du partage.

Plusieurs des récits précédents ont déjà montré comment cela est possible. L'histoire de Charlie va nous en donner une nouvelle illustration.

Charlie avait quatorze ans. Il vivait avec son grand-père et la seconde femme de celui-ci, sa grand-mère par alliance. Il y avait eu dans la famille des tragédies domestiques. Charlie était séparé de son grand-père par deux générations. Quant à sa « cousine », comme il appelait sa grand-mère, il n'y avait entre elle et lui aucune parenté et à peu près aucune sympathie. Sa venue dans ce vieux ménage ne fut pas très bien accueillie. Il incarnait pour ainsi dire toutes les tristesses familiales. Il contraignait ses grands-parents à des obligations dont ils se croyaient libérés depuis bien des années.

De plus ce n'était pas un gentil garçon, loin de là. Il n'y avait pas grand chose en lui d'attirant. Il avait, plus encore que la plupart des garçons de son âge, une paresse instinctive à se laver les mains et la figure. Des gronderies répétées, le fait d'être renvoyé de table à cause de sa saleté et de son débraillé, rien ne semblait y faire. Son impertinence, sa désobéissance, ses incartades, dépassaient toute mesure ; quant à son langage, mieux vaut n'en rien dire.

Ses grands-parents étaient complètement découragés. Cette situation les faisait beaucoup souffrir. C'était de braves gens allant régulièrement à l'église, et d'une piété sincère. Ils essayèrent de donner à Charlie quelques notions religieuses, mais sans le moindre succès. Il n'avait que du dédain pour tout cela. La sévérité de son grand-père, l'injustice et l'irritation de sa grand-mère, le sentiment qu'il éprouvait vaguement que de tels parents n'étaient pas comparables à ceux de ses camarades, tout cela obscurcissait sa pauvre petite âme. Il se défendait à sa manière, en étant aussi « rebroussier » et aussi désagréable que possible.

Alors il arriva... que les groupes arrivèrent dans la ville. Le grand-père, qui était un des membres dirigeants de l'Eglise, leur fit bon accueil. Il voulut conquérir pour lui-même et pour les siens cette libération nouvelle, cette nouvelle vision de la vie religieuse qu'apporte l'enseignement des groupes. Sa femme, la grand-mère par alliance de Charlie, fut une des premières à faire à Dieu l'abandon et de sa vie et de sa volonté.

Deux jours plus tard, elle demanda au jeune garçon de s'asseoir auprès d'elle, elle avait quelque chose à lui dire. Elle lui confessa qu'elle avait été irritable et impatiente à son égard, elle lui demanda pardon, elle l'assura qu'elle l'aimait. Charlie lui répondit : « J'avais reconnu sur ton visage que cela s'était passé en toi, le lendemain du jour où ils sont venus, bien que tu ne m'en aies rien dit pendant deux jours. J'aimerais beaucoup avoir un recueillement avec toi. »

Il s'ensuivit beaucoup de pareils recueillements. L'on peut voir dans le carnet de directions de Charlie, qu'il a permis à plusieurs d'entre nous de regarder, comment, durant ces recueillements successifs, le Saint-Esprit le convainquit lui-même des défauts que ses grands-parents lui avaient jusque-là reprochés en vain, et d'autres défauts encore, dont ils ne savaient rien. Dix jours plus tard, il dit à sa grand-mère, après avoir eu un recueillement avec elle : « Je t'aime vraiment maintenant, je t'aime encore plus que ma trompette. » Pour comprendre toute la portée de cette déclaration, il faut savoir que la grande ambition de Charlie à ce moment-là était de devenir soldat, et que sa trompette incarnait cette ambition.

Ce ne fut pas là un feu de paille, durant seulement une dizaine de jours. Charlie a été persévérant et fidèle, appliquant dans tous les domaines ses nouveaux principes de direction et de partage. Il vient d'être reçu dans l'Eglise dont ses grands-parents sont membres tous deux, et où ils déploient beaucoup d'activité.

L'un des problèmes les plus embarrassants pour une mère, si elle ne recherche pas la direction de Dieu par la prière, le recueillement et le partage, ce sont ses rapports avec sa fille lorsqu'elle arrive à l'adolescence. Je sais une femme dont toute la vie sentimentale et l'attitude sociale a été enténébrée pendant de longues années, tout simplement parce que sa mère, à un moment décisif, n'avait pas su lui dire la vérité sur son propre passé. La jeune fille avait commencé de fréquenter des cercles où elle rencontrait des jeunes gens. Elle avait beaucoup de succès. Elle était intelligente et cultivée, et elle écrivait avec talent des articles pour des périodiques universitaires ou religieux dirigés par des jeunes.

Après la publication dans une revue religieuse d'un article d'elle tout à fait remarquable, le directeur de cette revue reçut une lettre anonyme. Cette lettre disait brutalement que la jeune fille était une enfant adultérine, que ses parents ne s'étaient mariés que lorsqu'elle avait un an et que ce mariage même était d'une légitimité contestable, car la mère n'avait jamais divorcé, et son premier mari avait disparu. Le directeur, un tout jeune homme très enclin à plaisanter, lut cette lettre à haute voix devant l'intéressée et plusieurs de ses amis.

Folle de colère, la jeune fille lui arracha la lettre et courut chez elle l'apporter à sa mère. Quelque chose qu'elle vit passer sur le visage de sa mère, et son exclamation involontaire : « Ça, c'est un coup d'Antoine Blank ! » suffirent à convaincre la jeune fille que la lettre disait la vérité. Elle écoutait dans un silence morne et accablé les paroles violentes de sa mère, qui déclarait qu'il fallait découvrir et punir l'auteur de cette lettre infâme. Une fois seulement elle l'interrompit pour lui dire : « Maman, si c'est vrai, dis-le moi. je n'aurai pas pour toi moins d'amour. » La mère s'écria : « Comment oses-tu me parler ainsi ? » et la chose en resta là.

L'occasion d'une franche explication entre la mère et la fille était passée et ne revint plus jamais. Je ne puis pas raconter ici la suite de l'histoire, car il s'agit d'une personnalité très connue, mais tout ce que je puis dire c'est qu'elle a traversé des années tragiques, qui auraient pu sans doute lui être épargnées si sa mère avait osé lui parler avec franchise ce jour-là.

L'instinct de possession, qu'on pourrait appeler aussi la rage de la propriété, est un péché qui caractérise un grand nombre de parents prodigues. Cela commence très tôt, au moment où le bébé vient de naître, et où les parents, dans leur joie et dans leur orgueil, tracent d'avance toute la carrière de leur enfant, du berceau jusqu'à la tombe. C'est un péché dont on ne se rend pas du tout compte : on le baptise des plus beaux noms : protection, sollicitude, amour, etc. Les pères y sont portés autant que les mères, mais les pères sont plus malins, et le laissent moins voir.

Le père d'une nombreuse famille avait à un haut degré, à l'égard de tous ses enfants, cet instinct possessif, jusqu'au jour où lui-même s'abandonna au Christ. Sally, l'aînée des filles, fut destinée à l'enseignement. Jim, l'aine des fils, à l'École navale. Hélène, la seconde fille, fut désignée pour s'occuper du ménage et pour aider sa mère. Arthur, le second fils, devait apprendre l'agriculture et seconder son père dans ce domaine. Et ainsi pour chacun des autres enfants. On ne tenait aucun compte de leurs désirs pour le choix d'une activité ou d'une profession. Le père payait sans barguigner tous les frais de leur éducation, tous les vêtements nécessaires, toutes leurs cotisations d'éclaireurs, de sociétés de tout genre. Mais ils n'avaient pas un sou qui leur appartînt en propre, et dont ils pussent disposer sans en référer à leur père. Ce n'était pas du tout que le père fût avare. Mais il se défiait exagérément de l'imprudence de ses enfants et de leur manque de jugement. Il ne comprenait pas qu'il leur fallait apprendre l'indépendance et la confiance en soi, fût-ce au prix de quelques erreurs.

À mesure que les enfants grandissaient et devenaient plus rétifs, plus difficiles à diriger, des luttes intestines apparurent dans la famille. Hélène, la « ménagère », avait de grandes dispositions pour la musique et voulait l'étudier. La mère se fit sa complice, et détourna de l'argent destiné au ménage pour payer les leçons de musique. Sally, à l'école normale où on devait la préparer à sa profession d'institutrice, négligeait ses cours à tel point qu'on la jugea incapable d'arriver au but, surtout comme elle s'absentait trop souvent sans raison valable. On s'aperçut qu'elle fréquentait certaines soirées un peu louches. Là encore la mère avait manoeuvré pour protéger sa fille contre la colère du père, jusqu'au moment où Sally fut renvoyée chez elle. Même alors, la mère et la fille s'entendirent pour cacher au père que Sally avait fréquenté des dancings, les principes du père interdisant sévèrement la danse.

Jim marchait bien à l'École navale, mais Arthur, à l'époque où je fis connaissance avec la famille, était un sacripant, la terreur de tous les environs. À force de tromper son père, et de parvenir par la ruse à ses fins, il s'était enhardi jusqu'à braver en face tous les ordres et tous les règlements. On l'avait chassé déjà de deux écoles, on avait consulté pour lui des psychiatres. On vint me consulter moi-même, à cause de l'expérience que j'avais des jeunes délinquants.

C'est alors que le père lut un livre du Révérend Sam Shoemaker, qui le convainquit de péché. Il se rendit compte que toute sa foi religieuse était fondée sur la crainte, et non sur l'amour. Il comprit que Dieu nous demande tout autre chose que la conformité extérieure à des rites et à des commandements ; que Dieu nous demande de vivre selon Sa direction, et non selon la nôtre. Il comprit que toute sa conduite avait été dirigée jusque-là par sa propre volonté et ses jugements tout humains. Peu après il apprit que les groupes d'Oxford, auxquels appartenait M. Shoemaker, allaient tenir des réunions dans la ville, chez quelqu'un avec qui il était en relations. il y assista, et fit la glorieuse expérience de la puissance du Christ, qui renouvela et transforma sa vie. Il s'en ouvrit tout de suite à sa femme, et il eut la joie de la voir elle aussi donner sa vie au Christ, prête à collaborer avec lui pour reconstruire leur foyer.

Ce qu'il avait à faire ensuite était bien plus difficile, mais le résultat fut frappant. Un matin, toute la famille étant réunie pour le culte de famille, il leur exposa ce qui lui était arrivé. Il leur demanda pardon pour toutes ces années où s'était déployé son autoritarisme, où il s'était durement refusé à tenir compte de leurs désirs personnels ; enfin tout y passa. Les enfants étaient stupéfaits, ils gardaient le silence, mais restaient plus ou moins sceptiques, se demandant quelle nouvelle lubie leur père mettait en avant. Hélène fut la première à parler, et dit qu'elle aimerait assister à ces réunions : « Ça doit être épatant. »

Le culte de famille fut désormais tout autre chose. Au lieu de lire un long chapitre de la Bible que personne n'expliquait, et que personne ne comprenait, au lieu des longues prières fastidieuses en patois de Canaan, ce fut un recueillement collectif, suivi de partage, avec des passages de la Bible que chacun choisissait d'après les directions qu'il cherchait dans le silence. Au lieu des longues exhortations et des sévères remontrances, la confiance et la collaboration cordiale entre parents et enfants. Les filles et la mère confessèrent et leurs longues rancunes et leurs astucieuses tromperies. Au lieu de la rébellion et de la discorde, le bonheur et la paix régnèrent dans la famille.

Je n'ai pas encore parlé des parents prodigues les plus notoires, de ceux qui négligent totalement leurs devoirs de père et de mère. Leur nombre, hélas ! n'a fait que grandir durant ces dernières années.

La tendance si prononcée de notre époque vers l'individualisme et l'indépendance a développé extraordinairement l'égoïsme, le culte de soi-même et le mépris des autres. Nous avons oublié que la vie normale de l'individu suppose nécessairement, pour qu'il ne tombe pas dans l'égoïsme accapareur et tyrannique, une forte discipline acquise dès l'enfance et une conscience bien formée de ses devoirs envers les autres. Une génération ainsi élevée, tout imprégnée du matérialisme contemporain et de l'idéal de notre temps : « Enrichissez-vous ! » n'ayant que du dédain pour la vie spirituelle, et ne se rendant nul compte de son importance comme base d'un ordre social, pouvait-elle saisir les devoirs de famille, et notamment ceux des parents à l'égard de leurs enfants ? Ces devoirs disparaissaient à leurs yeux, dès qu'ils gênaient leurs plaisirs ou leurs affaires.

Que de parents qui s'imaginent avoir rempli tout leur devoir envers leurs enfants lorsqu'ils ont dépensé tout l'argent nécessaire pour leur fournir de l'excellente nourriture, d'excellents vêtements, d'excellentes leçons ! J'en connais beaucoup qui s'affligent de la conduite déplorable de leurs enfants, à qui rien n'a manqué, sinon l'influence morale et religieuse qu'ils auraient dû trouver à leur foyer.

Gérald est le fils d'un banquier. Sa mère s'occupe d'une foule de bonnes oeuvres. Les deux parents sont très généreux pour leur Église, quand il s'agit de cotisations à payer ou de dons extraordinaires. En dehors de cela, ils vivent comme des païens. Gérald eut tous les avantages que peut procurer la fortune : la meilleure école, le meilleur « College », les meilleurs clubs ; il fit même un excellent mariage. Il avait vingt-quatre ans quand il publia à ses frais une brochure qui fit scandale, où il attaquait grossièrement l'Eglise et le mariage, où il se faisait l'avocat du vice le plus odieux. Les grands responsables, à mes yeux, ce sont ses parents. Le père connaissait beaucoup moins son fils que ses confrères et ses clients. Ce fils lui apparut d'abord comme « un coûteux intrus », un peu plus tard comme « un ourson mal léché, gâté par sa mère », enfin comme « un dégénéré sans vergogne, qui n'avait qu'à rester avec ses pareils, et à vider la maison ». Quant à la mère, elle consultait des psychiatres, des religions bizarres, même des somnambules, jamais Dieu.

C'était des parents prodigues. Ils le sont encore. Lorsque la jeune épouse de leur fils rencontra les groupes d'Oxford, un certain été, et tenta de régénérer son mari et son foyer, ils s'opposèrent avec vigueur à « ces idées subversives », sans paraître se rendre compte qu'il n'y avait plus en dehors de cela que le divorce, et leur petit-fils privé d'un foyer normal.

Ce mot de « divorce » m'amène à parler de la pire espèce de parents prodigues, je veux dire de ces pères et de ces mères qui acceptent ou qui recherchent le divorce à la légère, et pour des raisons de commodité ou de convenance personnelles. Il existe peut-être des exceptions, mais pour moi je n'ai jamais connu d'enfants de parents divorcés dont la vie ne soit tout au moins obscurcie par ce fait, là même où elle échappe à la catastrophe tragique. Je pourrais raconter des centaines d'histoires se rapportant à de pareils enfants, où on les verrait perdant toute foi en Dieu et dans la famille, répudiant cyniquement tous les devoirs les plus sacrés, méprisant et la loi humaine et la loi divine.

Il arrive souvent qu'à la suite d'un divorce un enfant est séparé d'un père ou d'une mère qu'il aime, et confié à l'autre parent, pour qui il en vient à éprouver de la rancune et de la rébellion, à cause même de cette séparation. Le juge a sans doute jugé de son mieux, mais cela ne change rien au conflit intérieur qui laboure l'enfant.

D'autre part, avez-vous réfléchi au trouble psychologique presque inévitable que l'enfant doit subir tous les six mois, quand on a décidé qu'il passerait une moitié de l'année avec l'un de ses parents, et une moitié avec l'autre ?
Chacune de ces réadaptations est pénible, et peut-être dangereuse. J'en ai vu chez beaucoup les suites déplorables.

Par exemple, j'ai connu pendant quatre ans, de cinq ans à neuf ans, un gosse nommé Frankie. Son père et sa mère obtinrent le divorce pour « incompatibilité d'humeur », entendez pour cris de rage et insultes réciproques. Frankie encore maintenant, si on le gronde trop vivement, s'écrie : « Oh ! ne parlez pas comme ça ! Papa et maman parlaient comme ça et maman pleurait toujours ! »

Chaque fois que commence pour lui un nouveau semestre, il faut qu'il s'adapte, non sans peine, à son nouveau milieu, à sa nouvelle demeure, à sa nouvelle école. Puis il est amené sans le vouloir à prendre, au moins en pensée, quelquefois en paroles, la défense du parent absent, même sans aucune provocation de la part du parent présent, mais comme une réaction naturelle de son esprit devant une réadaptation qui lui coûte. On entend par exemple sa mère dire à des amis : « Ce pauvre petit a été tellement privé d'affection qu'il proteste quand on lui témoigne de l'amour. » Le père à son tour dit de Frankie : « Le moutard me revient complètement gâté. Il me faudra bien six mois pour le guérir de ses sentiments de révolte. » Et l'un et l'autre, le père et la mère, se disent souvent : « Dieu merci, Frankie sera bientôt assez grand pour qu'on le mette dans une bonne école où l'on tâchera d'en faire quelque chose. »

Ce qui manque le plus chez tous les parents prodigues, c'est la recherche sincère de la direction divine. Là où elle manque, l'intelligence, l'amour, les meilleures intentions du monde ne peuvent pas la remplacer. Un père et une mère sont des êtres humains, c'est à dire toujours faillibles, mais le remède est toujours là, si on sait le chercher en Dieu.

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