Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE IV

L'INSTINCT DU MAL CHEZ LES ENFANTS

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J'ai beaucoup discuté jadis la doctrine du péché originel. Après ce que j'ai vu et appris dans des foyers où les parents, entièrement soumis à Dieu, s'efforcent d'élever leurs enfants conformément à l'esprit du Christ, je ne songe plus à la discuter.


LES QUERELLES

Les querelles des enfants nous offrent souvent la preuve la plus directe du péché originel, et cela dans des familles où ils n'ont jamais eu sous les yeux aucun exemple de discorde. Mais ces mêmes querelles nous offrent aussi la preuve la plus éclatante de la puissance de Dieu dans la prière, le recueillement et la direction reçue.

Une mère qui a deux enfants, un garçon et une petite fille, nous a raconté qu'elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour leur apprendre à vivre en bonne harmonie, surtout par son propre exemple. Les deux enfants s'aimaient bien, mais ils avaient de temps en temps des querelles violentes. Un matin ce fut une vraie bataille. La mère avait grande envie d'intervenir, de sermonner chacun des enfants, et de les punir si c'était nécessaire. Mais elle se sentit amenée à les laisser faire et à ne rien dire jusqu'au moment du recueillement qu'elle avait chaque jour avec eux.
Même alors, elle ne dit rien de ce qui était arrivé. Chacun fit sa prière, puis tous les trois se turent pour écouter Dieu. La fillette, Anne, beaucoup plus jeune que son frère Charles, était très sérieuse. Quand vint son tour, elle dit : « Dieu m'a dit qu'il faut que Charles et moi nous soyons plus gentils entre nous, et aussi qu'il faut que je lui demande pardon. » La conséquence, d'après le témoignage de la maman, fut que la paix régna pendant plusieurs jours entre les petits.

J'étais l'autre soir dans une réunion de petites filles, appartenant surtout à des familles d'ouvriers. Toutes ces mioches commencèrent à se recueillir en silence. L'une d'elles avait même un crayon et du papier, pour noter ce qui lui viendrait. Quand vint le moment de « partager », une petite, nommée Pauline, s'écria soudain : « Je me suis bien chamaillée avec mon petit frère aujourd'hui, et je lui ai donné une bonne tripotée. » Elle ajouta qu'elle avait compris, durant le silence, qu'il fallait le dire. On voyait qu'il y avait en elle un combat intérieur, et la directrice attendit un moment. Alors Pauline s'écria de nouveau : « Mais c'est lui qui a commencé, et demain il en recevra une autre ! »

Évidemment l'enfant avait conscience de son péché, mais ne voulait pas s'en repentir ; elle le sentait elle-même. Alors la monitrice raconta une petite histoire qui se terminait par ce propos d'un petit garçon : « Ce n'est pas ton affaire, ce que l'autre a fait de mal ; ça, c'est l'affaire de Dieu. Mais toi, quand tu perds la tête, tu fais perdre la tête à Dieu. » Ces petites filles qui écoutaient l'histoire comprirent-elles ce que nous appelons la responsabilité individuelle de chacun pour son péché ? Pour moi, j'en suis sûre. On pria encore. Et quand Pauline s'en alla, elle dit : « je ne taperai pas mon frère demain. »

Dans la section enfantine de notre école du dimanche, un beau matin, mon attention fut attirée par les cris aigus de deux tout petits marmots qu'on avait fait entrer avant l'école pour ne pas les laisser courir dans la rue. J'entrai ; ils se jetaient l'un sur l'autre avec des cris perçants. Il était difficile de les séparer, et très difficile de comprendre ce dont chacun accusait l'autre. Ils appartenaient à deux bonnes familles, et chacun d'eux avait reçu de sa mère et de sa nurse une éducation aussi attentive que possible.

Je m'assis à la fin entre les deux et je mis ma main sur mes yeux pour prier. Instinctivement ils firent tous les deux comme moi. Personne de nous ne dit rien. Au bout de quelques secondes l'un des petits se leva brusquement, prit la main de l'autre, et lui dit : « Jimmie, tu auras les clochettes ; nous allons jouer avec, tous les deux. »


LE MENSONGE

Il n'y a guère de problèmes d'éducation qui soit plus mal compris et plus mal résolu que ce que les parents appellent, bien à tort, les « mensonges » de leurs enfants. Il arrive souvent qu'un enfant finit par devenir à la longue un véritable « menteur », tout simplement parce que ses parents et ses éducateurs n'ont pas su discerner la vraie nature de ce qui leur est apparu comme des mensonges, et ont développé chez lui l'habitude de mentir, par des punitions intempestives et maladroites.

Ce que nous appelons mensonge chez l'enfant n'est d'ordinaire qu'un effet de son imagination. L'histoire qu'il nous raconte, il l'a vécue en pensée, et il ne songe qu'à en faire profiter son entourage. S'il réussit à intéresser, à divertir son auditoire, il est par là stimulé à fouetter son imagination pour continuer à concentrer sur lui l'attention. Si ses parents ne lui semblent pas accorder à son histoire toute l'attention qu'elle mérite et ont l'idée malheureuse de vouloir le réprimer, alors il perd confiance en eux et va raconter son histoire aux gens du dehors, ce qui offusque les parents, et entraîne souvent pour lui d'injustes punitions.

J'ai toujours admiré la façon dont ma soeur a su prendre l'une de ses enfants, une fillette beaucoup plus jeune que ses soeurs, d'une imagination très vive et d'une nature très affectueuse, vivant au milieu de beaucoup d'adultes. Ma soeur écoutait attentivement les histoires de la petite Émilie, puis elle lui disait : « Maman aime bien cette histoire » ou bien : « Quelle merveilleuse histoire, mon Émilie ! » et alors, ses bras toujours serrés autour de son enfant : « Maintenant dis à maman ce qui s'est vraiment, réellement passé ; dis-moi qui était là, tout à fait réellement. »

Quelquefois la cause du mensonge, c'est la crainte, non pas nécessairement la crainte suscitée par le père ou la mère, ou une grande personne, mais une crainte d'origine inconsciente. Toute punition l'augmentera. Aucune explication ne servira de rien. Tout ce que l'enfant pourra saisir, c'est que pour une raison mystérieuse il a mécontenté quelqu'un, et pour échapper à cette nouvelle crainte, consciente cette fois, il dira un nouveau mensonge.

Dans un petit séjour que je fis une fois chez une amie, je fus profondément troublée par son attitude à l'égard de son petit garçon, qui avait pris sans permission des caramels dans une boîte. Voyant qu'ils manquaient dans la boîte, et apercevant des traces brunes sur la figure du petit, la mère s'écria : « Tommy, est-ce que tu as pris des caramels ? » - « Non, non, maman ! »

Le saisissant par le bras, et le secouant, la mère lui dit : « Tommy, je ne veux pas que tu mentes comme ça ! Quand je t'interroge, il faut que tu me dises la vérité. Voilà que tu as menti de nouveau, et cela devant tante Olive ! »

Pendant quinze minutes, j'eus devant moi, face à face, la mère tout en pleurs et toujours plus en colère, et l'enfant interloqué, mais obstiné. Chaque fois que la mère répétait sa question : « Allons, Tommy, dis-moi la vérité : as-tu pris ces caramels ? » Le petit garçon répondait : « Non, non ! » puis enfin se contenta de secouer la tête négativement. je ne voulais pas intervenir, car cela aurait pu faire autant de mal à l'enfant que la scène qui venait de se passer sous mes yeux, mais je ne pouvais pas admettre que sa mère le fouettât, comme elle l'en menaçait. Alors je dis simplement : « Hélène, si nous avions ensemble un recueillement, toi, Tommy et moi, avant que tu le fouettes. Peut-être que Dieu pourrait aider Tommy à te dire qui a pris les caramels. »

Mon amie n'avait pas encore l'habitude de pratiquer le recueillement, mais elle sentait que je la désapprouvais, et je pense aussi qu'elle était bien aise d'avoir un prétexte pour ne pas fouetter l'enfant. Nous inclinâmes donc nos têtes en silence. Ce silence se prolongea tellement que le petit Tommy, qui n'avait que quatre ans, en conclut que la chose était finie et s'en alla jouer. Hélène resta seule avec moi, et nous eûmes alors une longue conversation, où nous recherchâmes tous les complexes, tous les conflits intérieurs qu'elle avait par son inexpérience développés chez son enfant, afin de les guérir et de les éviter dorénavant.

Pour commencer, la première question qu'elle avait posée à l'enfant était tout à fait malheureuse. Ne posez jamais, jamais, jamais, à un petit enfant une question à laquelle il peut répondre par oui ou par non. Presque toujours il vous répondra ce qu'il suppose devoir vous faire plaisir ou bien ce que lui dicte la crainte. L'idée de « vérité » n'intervient pas pour lui, et il ne comprend pas la différence entre la vérité et le mensonge. L'approbation, l'amour, la crainte, ce sont là. les seuls mobiles qui le font agir, et ils ne sont pas raisonnés, ils sont subconscients. Le bien et le mal sont des idées qui supposent le jugement, et Tommy avait à grandir encore pendant Plusieurs années avant que son jugement moral fût formé. La mère aurait dû poser la question de telle manière que Tommy fût forcé de répondre assez longuement et avec assez de détails pour laisser apparaître la vérité ou tout au moins pour se trahir. Et la mère et le fils se seraient trouvés devant la véritable question, celle de la désobéissance. Par exemple, elle aurait pu dire : « Tommy, combien de caramels as-tu pris ? » Ou bien : « Tommy, qu'as-tu fait des caramels que tu as pris dans ma boîte ? » La question directe qu'elle lui posa était pour lui une tentation à mentir, à chercher à tout prix l'approbation, à éviter le blâme, prenant ainsi l'habitude pernicieuse dont il souffrirait toute sa vie.

Et puis quelle erreur de répéter sans cesse la question douloureuse ! Que pouvait faire Tommy, sinon s'en tenir à sa négation première ? Comment se laisser confondre, « et cela devant tante Olive ! » La mère savait clairement ce qui en était, et après l'échec de sa première tentative elle aurait dû interroger l'enfant tout autrement, ou mieux encore, le prendre à part, lui expliquer très doucement comment elle savait ce qui s'était passé. Et elle aurait pu l'amener à confesser ainsi son petit larcin et à le regretter.

Aujourd'hui mon amie ne commet plus les mêmes erreurs. Elle et son petit Tommy ont appris le secret du recueillement.


LA CRAINTE

Virginie est une mère dont le petit garçon s'appelle Mead. Virginie a dû beaucoup lutter dans sa vie pour surmonter ses craintes instinctives, et de très bonne heure elle résolut d'aider son petit gamin à dominer ses appréhensions. Elle s'y sentit poussée tout particulièrement quand une autre mère lui raconta comment elle avait échoué dans la même tentative, et qu'elle crut deviner la cause de cet échec : « Vous comprenez, disait cette dame, moi-même au fond je suis terriblement froussarde ; mais je ne laisse jamais ma fille s'en apercevoir, et elle me dit : Oh ! maman, c'est épatant d'être brave comme tu l'es ! »

Tout au contraire, Virginie se sentait dirigée à tout dire à son petit garçon, à lui raconter comment elle s'y prenait pour dominer sa peur. Et c'est bien ce qu'elle faisait. Elle lui expliquait comment Dieu lui disait de faire telle chose dont elle n'avait nulle envie, et comment Dieu lui donnait la force de la faire. Tout jeune que fût Mead, il comprit la leçon. Il comprit comment il pouvait trouver la force d'obéir à papa ou à maman quand on lui demandait de faire une chose qui lui était désagréable.

Virginie souffrant chaque année du rhume des foins, on lui avait prescrit une série de quinze piqûres, dont elle avait très peur, ayant une grande appréhension de la moindre douleur physique. Mead, son petit garçon, n'avait alors que trois ans et demi. Virginie lui parla de sa crainte et lui demanda de prier avec elle. Cela fit beaucoup d'impression au petit, que sa mère lui demandât secours. Chaque fois que Virginie allait chez le médecin, ils priaient ensemble, et Mead disait : « 0 mon Jésus, sois avec maman pour qu'elle ne pleure pas ! - Tu vois, maman, tu n'auras pas peur, parce que j'ai dit une prière pour toi. » Quelquefois il accompagnait sa mère, assistait à la piqûre, et voyait que leur prière avait été exaucée.

Cette initiation à la confiance, au partage, à la prière, aida Mead à supporter vaillamment une légère opération, l'année suivante. À la grande surprise de son père, Mead, qui avait autrefois si peur de la plus petite intervention, ne manifesta pas la moindre appréhension dans la salle d'hôpital, ni devant l'éther, ni en présence du médecin ni de l'infirmière. Il dit seulement : « Pourquoi le médecin ne vient-il pas ? Je ne puis pas attendre davantage. »

À cinq ans et demi, Mead dut affronter une nouvelle crainte, dont il triompha de nouveau, grâce à sa confiance dans le recueillement et la direction de Dieu. Pendant fort longtemps, Mead avait eu une peur étrange de tout ce qui était nouveau : une chose nouvelle qu'il lui fallait faire, un instrument nouveau comme un pressoir à cidre, et tout particulièrement le fait de mettre des objets d'habillement nouveaux. Essayer des souliers, des vêtements, des chapeaux, c'était pour lui une tragédie et pour sa mère une terrible humiliation. Jamais il n'aurait consenti à se déguiser avec des chapeaux ou des costumes en papier. Une fois, quand Virginie l'amena chez un de ses cousins, qui était orthopédiste, pour lui faire examiner les pieds, il s'ensuivit une terrible scène. Le simple fait de devoir ôter ses souliers et ses chaussettes le jeta dans une crise de larmes désespérée et impressionnante. Rien ne pouvait calmer ces craintes, ni la persuasion, ni le raisonnement, ni les punitions ; leur cause échappait à toute investigation.

Puis il fut d'âge d'aller à l'école. Fier d'être un grand garçon, il oublia d'abord sa terreur des nouveautés. Mais elle revint dès que la maîtresse parla de lui faire peindre des images. C'était du nouveau, et il lui faudrait revêtir un tablier : encore du nouveau ! Il ne tremblait pas tout à fait, mais il avait peur de ces choses nouvelles, effrayantes : la peinture, le tablier ! Chaque matin Mead laissait tomber ces mots : « Oh ! je crois que je n'irai pas à l'école, ce matin. » Le père et la mère, qui comprenaient ce que cela signifiait, se gardaient de rien dire. Et puis tout de même il y allait.

Le quatrième jour, pendant que Mead. en compagnie de son père, s'en allait vers l'école, Mead lui dit :
« Papa, je n'aurai plus peur, maintenant, de la peinture.
- À merveille, dit son père. Et comment as-tu trouvé ça ?
J'ai eu un petit recueillement ce matin, tout seul, répondit Mead. Jésus m'a dit que c'était ridicule d'avoir peur comme ça de ce qui est nouveau. Alors maintenant je n'ai plus peur. »

Ce jour-là, il fit sa peinture sans aucune peur. À la fin de la semaine, il essaya cinq complets d'été, il mit un chapeau en papier. Plusieurs semaines après, on l'amena chez un médecin pour subir un examen complet. Il proposa bien au début que sa petite soeur fût examinée la première. Mais il se laissa ensuite déshabiller de pied en cap sans la moindre hésitation, très sagement.

« J'ai toujours partagé avec lui, me disait sa mère, même mes propres craintes, et la façon dont Dieu nous aide à les surmonter. » N'est-ce pas là une belle leçon pour tous les parents ?

Je ne puis résister à l'envie de rapporter encore un petit trait supplémentaire, assez amusant, qui n'est venu à ma connaissance que plus tard. Durant l'été, Mead se trouvait à la campagne, dans la maison familiale, avec son petit cousin, Skippy, à peu près du même âge que lui. Il y avait aussi deux petites cousines, mais plus jeunes que les garçons. L'aînée, Anne, est une délicieuse gamine, qui adore son frère Skippy, et joue toujours avec lui et avec Mead. Mais cet été, le jeune Mead, tout fier de se sentir enfin un grand garçon qui n'a plus peur de rien, eut l'idée d'exclure les filles des jeux masculins qu'il inventait avec son cousin Skippy, et les deux garçons voulurent affirmer leur solidarité masculine.

« Non, dit notre jeune héros transformé ; nous ne voulons pas des filles. Elles ont toujours peur ! »

Sans doute, un tel propos pose un nouveau problème, que Mead et ses parents auront à résoudre en commun. Mais il prouve bien à quel point Mead a triomphé de ses craintes. D'ailleurs, aux dernières nouvelles, Anne a victorieusement résisté à toutes les tentatives des petits garçons pour l'exclure de leurs jeux.


L'ÉGOÏSME

Chez une fillette, nommée Day, le péché dominant, c'était l'égoïsme, bien qu'il se manifestât surtout par son esprit querelleur. Elle avait une masse de beaux jouets, de livres d'images, de perles et de colliers, elle vivait dans une très belle maison, à la campagne. Pendant deux ans environ, elle avait été le seul bébé de la famille, et quand sa petite soeur Florence naquit, ou plus exactement quand elle fut d'âge à jouer avec Day, celle-ci avait acquis un instinct très décidé de propriétaire, et n'acceptait pas de partager avec personne ce qu'elle estimait lui appartenir en propre. Elle ne voulait pas que Florence se serve de ses jouets ou même touche quoi que ce soit de ce qui était à elle. Quand d'autres enfants venaient jouer avec elle, c'était des querelles incessantes.

Sa mère, Constance, et sa gouvernante, Nell, étaient très préoccupées de cet égoïsme accapareur, et priaient Dieu ensemble très souvent, pour qu'Il les aidât à résoudre ce problème. Elles eurent la direction de raconter à Day des histoires où l'on voyait de beaux exemples de générosité et de mise en commun. Elles lui laissèrent le soin de s'en faire l'application à elle-même ; elle n'y manqua point, elle comprit qu'elle devait prêter ses jouets, même s'il arrivait qu'on les lui casse, et qu'il lui fallait en ce cas accepter la chose de bon coeur.

Après quelque temps, l'enfant et sa gouvernante purent parler ensemble en toute franchise et, dans leurs recueillements, Nell se rendait compte que Dieu dirigeait lui-même la petite beaucoup mieux et avec beaucoup plus d'efficacité qu'aucun enseignement moral n'aurait pu faire.

Nell avait un bracelet que Day admirait beaucoup et qu'elle demandait souvent à tenir dans ses mains. La gouvernante avait toujours refusé, craignant qu'elle le laissât tomber. Mais dans un recueillement Nell se sentit poussée à dire à Day :
« J'ai été égoïste en ne te permettant pas de t'amuser quelques minutes avec mon bracelet. J'ai fait de la peine à Jésus, et je le regrette. » Elle n'ajouta rien, mais un peu plus tard, dans tel ou tel recueillement, Day se mit à dire des choses comme celles-ci :
« Jésus m'a dit que j'avais été égoïste aujourd'hui en m'amusant avec mes jouets, et que je dois les prêter à Florence pour s'amuser avec. »

Ou bien : « Jésus m'a dit que Florence est égoïste en s'amusant avec sa poupée, et qu'il faut que je lui apprenne à ne plus l'être, parce que cela fait de la peine à Jésus. »
Ou encore : « Mon Jésus, je suis fâchée d'avoir été égoïste avec Gray (une petite compagne de jeu). - Jésus m'a dit que lorsque Gray viendra demain, il faudra que je lui prête mon cerceau. »

Peu à peu, le caractère de Day se modifia. Elle en vint à offrir à Florence les jouets qu'elle chérissait le plus, en lui disant : « Même si tu le casses, ça ne me fait rien, parce que tu es trop petite pour comprendre. »

Quelquefois on l'entendait qui essayait d'inculquer à Florence le nouveau principe qu'elle apprenait pour elle-même : « Ne fais pas ça, Florence ; ça fait de la peine à Jésus quand nous sommes égoïstes. »

Comme Noël approchait, Constance eut la direction d'employer une nouvelle méthode pour aider sa petite fille à triompher de son égoïsme, à cette période des cadeaux de Noël où dans les familles riches l'égoïsme trouve un si riche terrain. Elle se mit à raconter à Day des histoires où il était question d'enfants qui avaient froid, qui avaient faim, qui n'avaient pas de jouets, qui n'avaient point de petite soeur pour jouer avec eux. Elle lui parlait d'un enfant malheureux pour lequel elle priait le soir avec Day. Un soir, Day leva la tête et dit :
« Maman, Jésus veut que je donne mes agneaux à cette pauvre petite fille. »

Chaque soir elle parlait de tel ou tel de ses jouets qu'elle voulait donner pour Noël à quelque « pauvre petite fille ». D'abord il s'agissait de vieux jouets avec lesquels elle ne s'amusait plus, mais à la fin ses recueillements aboutirent à cette conclusion :
« Jésus m'a dit de donner mon beau chat aux enfants pauvres (un chat de peluche avec lequel elle dormait), parce qu'ils le serreront contre eux et ça leur tiendra chaud. »

Le matin de Noël, pendant qu'elle déballait ses propres cadeaux, elle s'arrêta pour dire : « Je parie que les enfants pauvres sont bien contents aussi de leurs cadeaux. » La veille, elle avait aidé à préparer un colis d'objets que l'on devait distribuer.

Tout récemment, elle s'est mise d'elle-même à prier pour ses petites compagnes de jeu, et à leur expliquer comment Jésus lui enseigne à ne pas être égoïste.


LA COLÈRE

La colère est une manifestation très fréquente de l'égoïsme instinctif. Cela commence très souvent quand l'enfant est tout petit, et si l'on n'y veille pas, l'enfant prend la déplorable habitude de se mettre en rage, avec des cris perçants, dès que l'on contrarie un de ses désirs. Quand le bébé crie pour atteindre son but, et surtout quand il commence à pouvoir dire : « Non, je veux pas ! » il s'agit pour les parents de lui apprendre la discipline, et ce n'est pas un problème facile.

Dans le cas de notre petite amie Day, ce problème de la discipline causa beaucoup de soucis à sa mère et à sa gouvernante. Ne s'étant pas rendu compte de l'importance de la chose quand elle était toute petite, les parents s'étaient imaginé que cela passerait à mesure qu'elle grandirait. Au contraire, ses accès de colère devenaient toujours plus fréquents.

Constance et Nell, dans leurs recueillements, eurent la direction d'enfermer Day dans sa chambre, toute seule, en lui conseillant de demander à Jésus d'arrêter ses cris de colère et son accès de rage. Au début, il y eut de véritables batailles, qui mirent à une rude épreuve les nerfs et la foi de Constance et de Nell. Puis un beau jour, au lieu des cris de la petite fille, il y eut un long silence. On ouvrit la porte, et Day parla ainsi :
« J'allais me mettre tout à fait en colère, mais Jésus m'a dit que si je le faisais, je resterais plus longtemps enfermée. Alors je ne l'ai pas fait. »

À son recueillement du soir elle dit : « Jésus m'a dit qu'il était triste quand j'étais désagréable et pas gentille. »

Voici encore quelques-unes des pensées qui lui sont venues dans ses recueillements :
« Je ne puis presque pas attendre que mon bain soit fini : je suis si pressée de parler avec Jésus.
- Jésus, aide-moi à ne pas faire ce que je ne dois pas faire, à ne pas toucher ce que je ne dois pas toucher.
- Florence, il ne te faut plus déchirer mes livres d'images. Jésus dit que ce n'est pas gentil, mais il dit aussi qu'il ne faut pas que je me mette en colère contre toi.
- Jésus m'a dit qu'il faut que je dise à maman que j'ai été très méchante aujourd'hui. »

Day n'est pas une enfant anormale, ni même une enfant précoce. J'ai passé bien des heures charmantes avec elle dans son foyer : je sais qu'elle est heureuse et pleine de vie. Elle a cette grande et rare bénédiction d'avoir des parents qui s'efforcent d'élever leurs enfants selon Dieu, en tenant compte de leurs besoins spirituels aussi bien que de leurs besoins matériels. Et cela sans la moindre trace de pharisaïsme. Là où « Dieu » et « Jésus » ne sont pas des mots exclusivement réservés à ce curieux endroit où les grandes personnes expédient les enfants le dimanche, et qu'on appelle « l'église », mais fait partie du vocabulaire courant et vivant de tous les jours, la religion est chose toute simple et toute naturelle, exempte de tout pharisaïsme.

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