L'enfant s'appelait Prue, et elle avait
neuf ans. Ses parents étaient partis pour
faire un voyage en Europe, et l'avaient
laissée avec sa tante, qui était une
fidèle chrétienne. Les enfants en
général sont tout disposés
à penser à Dieu et à Lui
parler. Mais il faut que quelqu'un auprès
d'eux leur donne l'exemple. Prue n'avait besoin que
de cela : sa tante lui dit ce qu'elle croyait
de tout son coeur, c'est à dire que Dieu a
un plan pour le monde entier, mais aussi pour
chacun de nous ; et que pour savoir ce que
nous avons à faire il faut parler à
Dieu, mais surtout se taire et le laisser parler.
« Tu n'entendras pas une voix comme celle
de papa ou de maman, mais Dieu te fera penser
toi-même. » Tout naturellement, la
petite Prue se mit à observer chaque matin
son recueillement. Sans que personne le lui ait
dit, on la vit arriver un jour avec un petit carnet
« pour écouter Dieu, moi
aussi ».
En revenant d'Europe, la mère fut
ravie que sa petite fille ait commencé
d'avoir une vie religieuse. Elle avait toujours
désiré que ses enfants aient une foi
religieuse, mais elle ne savait pas comment s'y
prendre. Pendant tout un hiver, elle leur lisait
chaque soir un passage de la Bible et leur faisait
dire leur
prière. Mais elle s'était
aperçue qu'on ne peut pas, dans ce domaine,
donner aux autres ce qu'on ne possède pas
soi-même.
La mère, qui s'appelait
elle-même Prue, essaya donc maintenant de
parler à sa petite Prue. C'était en
arrivant d'Europe ; sa vie n'avait pas encore
été changée. La petite Prue
demanda à sa mère ce qu'elle pensait
de la direction de Dieu. La mère,
après avoir réfléchi, lui
répondit : « C'est notre
conscience qui nous dit ce que nous devons
faire. » L'enfant resta silencieuse un
moment, puis elle dit : « Non,
maman, je ne crois pas ; la conscience nous
dit la différence entre le bien et le mal,
mais il pourrait y avoir cinq ou six choses qui
seraient bien, et la direction de Dieu nous dit
exactement celle qu'il veut que nous
fassions. »
« Je compris alors, me dit la
mère, que pour partager la vie spirituelle
de mon enfant, il me fallait, moi aussi, faire un
nouveau départ. »
Buddy, le petit frère de Prue, a
un an et demi de moins qu'elle. À
l'âge de neuf ans, il accompagna ses parents
à leur première house-party. Durant
l'hiver précédent, il était
allé demander à sa soeur comment se
faisaient les recueillements, et il essayait lui
aussi d'écouter Dieu. Mais ce n'était
rien de bien sérieux, du moins
jusqu'à la house-party. Là, il
assista à des recueillements collectifs, et
il fut impressionné de voir tous ces gens,
et non seulement ceux de sa famille, faire silence
pour écouter Dieu. Dans une réunion,
il se leva et dit ce qui lui était venu dans
le silence, une « direction »
authentique. Le lendemain, il raconta ce que Dieu
lui avait dit, dans un recueillement du matin avec
sa
soeur : « Ne ris pas des
autres ; tu es aussi risible
toi-même. »
Dans une conversation qu'il eut un peu
plus tard avec ses parents, Buddy leur expliqua
qu'autrefois il savait très bien que s'il
faisait certaines choses et qu'on le
découvrît, on le punissait ; et
qu'on appelait cela mal agir. Comme aussi que
d'autres choses qu'il faisait, on appelait cela
bien agir. Mais ce que Dieu lui avait
révélé dans son recueillement,
c'est qu'il était libre de choisir entre le
bien et le mal. Il ne s'en était jamais
douté jusque-là.
Le père de famille, qui s'appelle
George, n'était lui-même qu'un
débutant dans la vie religieuse. Sa femme
étant souffrante un soir, lui demanda de
s'occuper des enfants et de leur faire dire leurs
prières. Il alla les trouver, s'agenouilla
entre ses deux mioches, l'un et l'autre à
genoux, et comme il ne savait pas très bien
ce qu'il fallait faire, il attendit que les enfants
prennent les devants. Chacun d'eux pria à
son tour. George était ahuri de voir comme
ils parlaient librement à Dieu. Cela lui
ouvrait des horizons nouveaux, car sur bien des
points, il n'était encore qu'un païen.
Après ces deux prières, ce fut le
silence. George se demandait anxieusement ce qui
allait arriver. Sa fillette le poussa du coude, et
le garçon en fit autant. Et puis, à
voix basse : « Papa, tu vas bien
prier, toi aussi ? » Pour la
première fois il pria à haute voix,
poussé et contraint par la foi de ses deux
petits.
L'été suivant Buddy partit
pour aller dans un camp de vacances. Son
père et sa mère se rendaient bien
compte qu'ils devaient compter sur Dieu seul pour
protéger sa vie spirituelle, car là
où il allait personne ne s'en inquiéterait. Après
trois semaines ils allèrent le voir, et la
première chose qu'il leur demanda fut :
« Est-ce que nous ne pourrions pas avoir
ensemble un moment de
recueillement ? » Quand il revint
à la maison, ils apprirent que durant ces
deux mois il avait eu chaque jour son
recueillement, à l'exception d'un seul
matin. Aussi son exemple avait tellement
frappé ses camarades que ceux qui
étaient sous la même tente
s'étaient joints à son recueillement.
C'était la seule tente dans le camp tout
entier où tous les campeurs, chaque soir,
s'agenouillaient ensemble pour prier.
L'été suivant, un
troisième enfant de la même famille,
le petit Freddy, âgé de cinq ans, fut
aussi envoyé à un camp de vacances.
La directrice s'informa, au bout de quinze jours,
pour savoir quel était le mouvement
religieux auquel cette famille se rattachait. Elle
avait entendu parler par un de ses assistants des
prières merveilleuses du petit Freddy. On
lui demanda s'il ne voudrait pas faire une
prière à haute voix, le dimanche,
à l'église, durant le culte. Il dit
que oui, pourvu qu'on lui permit de prier de sa
place. Sa prière, toute simple et
naïve, fit une grande impression sur tous les
campeurs.
L'hiver suivant fut pour Buddy une
période très difficile. Il dut
changer d'école, et dans celle où il
entrait l'un des maîtres était connu
pour son mauvais caractère. Il prit Buddy en
grippe. Les parents s'en inquiétaient et
priaient à ce sujet. Ils offrirent
même au jeune garçon de le mettre dans
une autre école, mais il refusa, en disant
qu'il voulait « tenir le
coup ». Chaque matin, il cherchait la
direction de Dieu pour son travail. Mais il
semblait que malgré tous
ses efforts, il ne parvenait pas à
être bien noté. Il cherchait dans ses
recueillements à organiser le mieux possible
son travail. Ce fut long, mais il arriva au but.
À la fin de l'année, le maître
si sévère l'avait pris en
estime.
Durant ce même hiver, sa soeur
Prue traversait la phase difficile de
l'adolescence. C'est l'âge, disait un fameux
spécialiste, où l'enfant n'est ni
chair ni poisson. Ce n'est plus un enfant, ce n'est
pas un adulte. Il est très malaisé de
les comprendre, ils ne se comprennent pas
eux-mêmes. Mais si une mère peut
gagner toute la confiance de sa fille dès le
début, alors je ne crains rien pour le
résultat final. Il n'y a pas de meilleur
remède à mes yeux qu'un partage total
et une communion parfaite.
Prue vint un soir trouver sa mère
dans sa chambre, et lui dit qu'elle menait une vie
en partie double. À la maison, elle vivait
en chrétienne, dans un milieu tout
chrétien. À l'école, dans un
milieu tout mondain, elle oubliait la
volonté de Dieu et ne pensait plus
qu'à se mettre elle-même en avant.
Elle voulait briller, être la plus en vue, et
elle y parvenait. Mais au fond d'elle-même
elle souffrait cruellement de cet état de
choses : cette double vie lui était
odieuse. Elle voulait arriver à vivre
partout selon la volonté de Dieu. Elle se
mit alors à genoux ; très
simplement elle fit l'abandon à Dieu de sa
volonté personnelle, et Lui demanda de la
guider d'heure en heure, de moment en moment. Elle
cherche maintenant à faire
pénétrer Dieu dans la vie de ses
compagnes, et l'influence qu'elle ambitionnait,
elle l'a maintenant sans la chercher.
« Avec tout cela, concluent
les parents, n'est-il pas naturel que devant les
difficultés que nous rencontrons, l'habitude
ait été prise dans notre famille de
toujours recourir à Dieu ? »
Chapitre précédent | Table des matières | Chapitre suivant |