Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE VI

Le baptême dans le Saint-Esprit.

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De toute évidence pour porter un jugement personnel sur le mouvement de Pentecôte, il faut se prononcer sur la question du baptême dans le Saint-Esprit. Ce baptême constitue en effet l'expérience initiale que nous avons vue à l'origine historique de ce Réveil. C'est lui également qui constitue la clé de voûte de tout le système doctrinal.

S'il s'effondre, tout le système Foursquare tombe avec lui. La conversion elle-même, la guérison divine, et le retour du Seigneur sont vus à la lumière de l'expérience du Saint-Esprit. Ces doctrines subsisteraient, mais avec un tout autre caractère, s'il fallait rayer le baptême du Saint-Esprit.
Beaucoup de chrétiens font, disent-ils, des réserves sur le Mouvement de Pentecôte. Attitude sage, mais qui ne saurait être définitive. Il est bon de réserver un temps son jugement. Mais il vient un moment où l'on est contraint par une sorte de logique vivante, de rejeter en bloc tout le Foursquare, ou bien de l'admettre comme un vrai mouvement de Dieu malgré toutes ses imperfections humaines. C'est ce qu'ont bien vu les opposants qui dénoncent en lui une vaste machination de Satan. Il faut donc aller plus profond que les réserves que l'on fait, lorsqu'on est surpris par telle ou telle affirmation ou par telle ou telle pratique inaccoutumée. Pour aller au coeur des choses, il faut étudier le baptême dans le Saint-Esprit.


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La prédication de Jean-Baptiste, lequel, ne l'oublions pas, est le dernier des prophètes, distingue nettement deux baptêmes : un baptême d'eau, qui est le sien, c'est le baptême de repentance pour la rémission des péchés, et un baptême de feu qui sera donné par Jésus lui-même. (Mathieu 3: 11 ; Marc 1: 8 ; Luc 3: 16 ; Jean 1: 33).
On interprète quelquefois cette distinction comme correspondant aux deux stades de la régénération du croyant : la repentance d'une part, et d'autre part la nouvelle naissance produite par le Saint-Esprit, bref la part de l'homme, puis la part de Dieu. Cette interprétation est démentie par la plupart des textes concernant le baptême d'eau et la conversion. Le mot repentance est employé comme synonyme de nouvelle naissance dans (Actes 11 : 18) : « Dieu a donc accordé la repentance aux païens, afin qu'ils aient la vie. » Du vivant de Jésus, il nous est dit que les apôtres prêchèrent la repentance, donc le même message que Jean-Baptiste (Marc 6: 12). Jean lui-même annonçait le Christ et voyait en lui l'agneau de Dieu qui ôte le péché du monde. (Jean 1 :29). Enfin aucun texte ne nous dit que Jésus ait rebaptisé les apôtres, qui pourtant n'avaient reçu que le baptême de Jean. (Cf. au contraire Jean 4: 2, où l'on voit que Jésus n'a pas baptisé).
Ces preuves sont absolument décisives : le baptême de Jean et le baptême au nom de Jésus (ou au nom de la trinité) sont un seul et identique baptême, celui par lequel on entre publiquement dans le corps visible de l’Église de Jésus-Christ.

Sur ce point, nous suivons exactement l'interprétation de Calvin dans le 4e livre de l'Institution chrétienne. Un seul texte paraît à première vue bien difficile à expliquer ; c'est (Actes 19: 1-6), où il semblerait que l'apôtre Paul aurait rebaptisé dans l'eau des personnes qui avaient reçu le baptême de Jean. Détail piquant, Calvin rejette entièrement ce sens, qui est contraire à celui de tous les autres textes du Nouveau Testament, et il propose une explication qui rejoint exactement les idées du mouvement de Pentecôte :
« Que veulent donc dire, écrit-il, ces paroles : Ils ont été baptisés au nom de Jésus ? Aucuns l'interprètent, que seulement c'est-à-dire qu'ils furent par saint Paul instruits de pure et bonne doctrine : mais je l'aime mieux entendre plus simplement, qu'il parle du Baptême du Saint-Esprit : c'est-à-dire que les grâces visibles du Saint-Esprit leur furent données par l'imposition des mains. » (Institution chrétienne, L. IV, Ch. XV, 18).

De toutes manières, il est clair que le baptême d'eau et le baptême de feu sont deux choses différentes. Or la promesse de Jean-Baptiste sur le baptême de feu, est appliquée directement par le Seigneur lui-même aux expériences que devaient vivre les apôtres le jour de la Pentecôte dans le texte (Actes 1: 5). Puis, lorsque les païens en la personne de Corneille et des siens, entrent officiellement dans l'Église, l'apôtre Pierre applique la même distinction du baptême d'eau et du baptême de feu (Actes 11: 16) pour caractériser la répétition d'une expérience de Pentecôte, accompagnée du parler en langues.

Il faut donc conclure que le baptême du Saint-Esprit, reçu par cent vingt personnes probablement, à la Pentecôte, et par Corneille et sa maison, est identique au baptême de feu annoncé par Jean-Baptiste.

C'est le baptême que donne le Christ glorifié, et qu'Il avait lui-même annoncé dans (Jean 7: 37-39), passage qui souligne très nettement que le baptême dans l'Esprit ne pouvait qu'être postérieur à la Croix.
Dès lors, il y a eu au début de l'Église une distinction de ces deux baptêmes, baptême d'eau et baptême de feu. Les deux pouvaient être plus ou moins rapprochés dans le temps, ils n'en constituaient pas moins deux choses distinctes. Les résultats aussi étaient distincts. Par le baptême d'eau, on devenait membre du corps de Christ, par le baptême du feu, on devenait un témoin puissant pour la propagation du message du Christ (Actes 1: 8).

Toute la question que soulève l'actuel mouvement de Pentecôte est de savoir si le baptême de feu était destiné à tomber en désuétude ? Qu'il ait tenu peu de place à telles époques de l'histoire de l'Église, c'est un fait : mais le fait ici ne crée pas le droit. L'autorité de la Parole de Dieu demeure entière, quoi qu'aient fait ou cru les hommes. Or l'apôtre Pierre prêchant son premier sermon d'appel dit : « Vous recevrez le don du Saint-Esprit, car la promesse est pour vous, pour vos enfants, et pour tous ceux qui sont au loin en aussi grand nombre que le Seigneur notre Dieu les appellera. » (Actes 2: 38). Le mot promesse désigne ici sans aucun doute le don du Saint-Esprit ; il est ce que le Père avait promis (Actes 1: 4). Or, le même jour, quelques heures auparavant, les auditeurs de Pierre avaient vu la promesse s'accomplir sous la forme de la Pentecôte des cent vingt. Il est donc à penser que c'est une Pentecôte analogue que Pierre, en inaugurant l'Église, déclare accessible à tous ses membres dans tous les temps. Certes Pierre n'avait en vue à ce moment-là que les Juifs de naissance. Mais il constata devant le premier Concile, que Dieu avait donné le Saint-Esprit aux païens comme aux Juifs, « Il n'a fait dit-il, aucune différence entre nous et eux. » (Actes 15: 8-9. Ici encore, c'est d'une Pentecôte avec le parler en langues que Pierre parle. Passage frappant. L'apôtre ne dit pas que Dieu ait donné le Saint-Esprit à quelques païens, aux premiers à entrer dans l'Église ; il emploie l’expression La plus générale, comme pour ouvrir une porte toute grande : Dieu a donné le Saint-Esprit aux païens.

Il y a plus, comme on sait, Philippe a évangélisé la Samarie, les foules ont reçu le baptême d'eau. Mais Pierre et Jean, étant venus, imposent les mains aux croyants, et ceux-ci reçurent le Saint-Esprit. (Actes 8: 17). De même Ananias impose les mains à Saul « pour qu'il recouvre la vue et soit rempli du Saint-Esprit. » (Actes 9: 17). Enfin Saint Paul impose les mains aux 12 hommes d'Éphèse dont nous parlions tout à l'heure. « Lorsque Paul leur eut imposé les mains, le Saint-Esprit vint sur eux, et ils parlaient en langues et prophétisaient. » (Actes 19: 6).

La conclusion est évidente. Les textes bibliques n'imposent aucune frontière, ni dans le temps, ni dans l’espace au baptême de feu. Donc, lorsque des croyants consacrés et dont la vie est réellement sanctifiée, viennent me dire qu'ils ont cru à la promesse du Saint-Esprit, qu'ils ont demandé le baptême de feu, et qu'ils l'ont reçu comme à la Pentecôte, la vérité scripturaire, aussi bien que la charité qui ne soupçonne point le mal, m'obligent à penser, à moins de preuve contraire, qu'ils n'ont point été victimes d'une contrefaçon démoniaque, mais que Dieu a réellement agi selon sa promesse en leur faveur.


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À moins de preuve contraire, disons-nous.
1. — On a quelquefois voulu alléguer de telles preuves, par exemple des passages qui prouveraient que Dieu a révélé sa volonté de retirer de l'Église le baptême dans le Saint-Esprit. Mais de tels textes, qui contrediraient tous ceux que nous avons étudiés, il n'y en a point. Le plus décisif en apparence, ce sont ces mots de (I Corinthiens 13: 8) : « Les langues cesseront. » Mais replacez-les dans leur contexte, vous voyez aussitôt que l'apôtre veut dire que les langues, aussi bien que la prophétie et la connaissance, cesseront quand ce qui est parfait, c'est-à-dire la gloire éternelle, sera venu. — Faute de textes précis, on présente diverses considérations : Jésus, puis l'apôtre Paul, auraient fait plus de miracles au commencement de leur ministère qu'à la fin ; ou encore, il serait question de ces choses surnaturelles au commencement du Nouveau Testament (Évangiles. Actes) plutôt qu'à la fin (Épîtres) ; donc, conclut-on, il ne doit plus y avoir aujourd'hui un baptême dans le Saint-Esprit accompagné de signes surnaturels. Spéculations intéressantes, qui portent sur la Bible, mais qui sont tirées de l'esprit de l'homme, non des paroles clairement prononcées par Dieu.

2. — Une autre preuve contraire serait, au dire de certains, que le baptême du Saint-Esprit est maintenant identique avec l'acte de se consacrer à Dieu, donc avec une expérience de sanctification. On se livrerait entièrement à Dieu ; on renoncerait à tout péché : et ce serait là le vrai baptême du Saint-Esprit, spirituel et moral, par opposition à un autre baptême, qui serait physique et grossier. Il y a certes une part de vrai dans cette vue, en ce sens que le baptême du Saint-Esprit ne peut être donné qu'à des croyants qui ont vraiment livré leur vie à Dieu. Mais cet acte de livrer sa vie n'est pas identique au baptême du Saint-Esprit reçu par les cent-vingt et tous les autres « qui parlaient en langues et prophétisaient ». Si on veut que cet acte de livrer sa vie soit supérieur en valeur spirituelle à l'expérience de Pentecôte, ici encore on se fonde sur une spéculation, non sur la Bible. Du reste, la plupart des croyants qui livrent leur vie à Dieu pour avoir part au baptême du Saint-Esprit, demandent tout simplement ce baptême de feu à cause de la promesse, et s'attendent à recevoir le Saint-Esprit. Leur position vient donc plutôt renforcer le témoignage du mouvement actuel de Pentecôte, qui n'agit pas autrement. Mais si des frères, après avoir demandé, reçoivent la visite divine sous la même forme que les frères d'autrefois, pourquoi y verrions-nous tout à coup une contrefaçon ?

3. — Reste enfin l'objection de la nouveauté. Mais pour la chrétienté évangélique, cette objection ne peut prévaloir contre l'autorité de la Bible. De plus y a-t-il réellement nouveauté ? La notion de miracle, d'exorcisme, de don surnaturel, a été mieux conservée par la tradition catholique que par la protestante, mais elle n'a jamais été absente de cette dernière. La puissance surnaturelle s'est manifestée au contraire dans tous les mouvements de Réveil. Dans la liturgie même des Réformés, l'imposition des mains au pasteur nouvellement consacré n'est certes souvent qu'une forme vide, parce que ceux qui imposent les mains ne s'attendent pas à ce qu'il se passe quelque chose. Mais la persistance même de ce geste sacré, qui fait partie des éléments de la doctrine chrétienne (Hébreux 6: 1-2), indique la persistance de la foi à la promesse du Saint-Esprit. Mais ce n'est pas tant dans l'exercice des dons surnaturels (miracles de guérisons, prophéties et parler en langues des Camisards, exorcismes, etc.) que nous verrions la persistance du baptême du Saint-Esprit dans l'Église : c'est dans l'expérience mystique elle-même.
On sait combien de chrétiens, connus ou inconnus, ont eu part à un état d'union avec Dieu qui a renouvelé leur être d'une manière ineffable. Or la nouvelle naissance par laquelle on devient chrétien, n’est pas un état d’union avec Dieu. Certes, Dieu travaille par son Esprit dans la créature qu’il purifie par sa Parole, mais il ne peut s’unir à cette créature en voie de régénération. La conversion, soulignons-le, n’est pas une expérience mystique au sens plein du mot. Dieu et l’homme y agissent comme deux volontés qui vont se rejoindre, après avoir été séparées ; c'est un temps de lutte, de mort et de résurrection intérieure. C'est le nouvel être ainsi créé qui peut connaître plus tard l'expérience mystique. Dans cette dernière, la volonté divine pénètre, et embrase la volonté humaine. Il n'y a plus seulement soumission, mais union. À des degrés divers, tout au long de l'histoire de l'Église, des milliers et des milliers de croyants ont connu cette union ineffable. Elle a eu une importance capitale pour l'édification du corps de Jésus-Christ, parce que c'est dans l'état d'union que sont nées toutes les grandes intuitions fondamentales de la pensée chrétienne. Cela est vrai de saint Paul, — que l'on relise le chapitre 2 de la première épître aux Corinthiens, — de saint Augustin, et de tous les autres artisans de cette oeuvre merveilleuse.

L'attention des historiens de l'Église se porte plus volontiers sur les doctrines que sur la réalité même des êtres. Mais si l'on pouvait connaître la vie intime des grands missionnaires de tous les temps, des grands conquérants d’âmes, il est probable que l’on trouverait à la base de toute leur activité, les grâces d’union avec Dieu, donc, un baptême du saint-Esprit. Cela est absolument évident par exemple pour sainte Thérèse d'Avila et pour saint Vincent de Paul. Et la puissance apologétique si durable de l'oeuvre de Pascal ne découlerait-elle pas de ce qu'on appelle sa seconde conversion, qu'il décrit très exactement lui-même comme une expérience d'union et de feu :

« L'an de grâce 1654, Lundi, 23 novembre....
Depuis environ dix heures et demie du soir jusques environ minuit et demi…. FEU ».

La distinction de la grâce qui sauve et de la grâce qui unit à Dieu, correspondrait donc à la distinction biblique du baptême d’eau et du baptême de Feu. S’il en était ainsi, le mouvement de Pentecôte aurait l'immense mérite d'ouvrir au protestantisme actuel les voies pour retrouver ce qui lui manque le plus : une réalité et une pensée mystiques.

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