Le Réveil du Pays de Galles, qui avait éclaté d'une manière si
merveilleuse à l'automne de 1904, s'était arrêté presque subitement
quelques mois après. Il avait provoqué dans la chrétienté évangélique
un grand frémissement de joie et d'espoir. Ce réveil religieux s'était
produit en ce point particulier du globe, à un moment où beaucoup
d'âmes chrétiennes soupiraient après un renouveau, au sein d'églises
assez froides dans leur ensemble. Aussi l'arrêt du grand mouvement,
qui s'est plus ou moins identifié avec le nom d'Evan Roberts, s'il
produisit une certaine déception, ne fit qu'augmenter chez plusieurs
la soif d'un Réveil mondial. Les dernières années du 19° siècle et les
premières du 20e seraient extrêmement intéressantes à étudier en
détail à ce point de vue. Il semble que, tandis que le Prince de ce
monde préparait la plus terrible des guerres, l'Esprit de Dieu
s'efforçait de susciter, chez les croyants, une foi suffisante pour
provoquer le plus beau des Réveils.
C'est dans ces conditions que l'on commença d'entendre parler,
vers cette époque, de chrétiens qui auraient reçu un baptême du
Saint-Esprit, ressemblant à celui que reçurent les Apôtres le jour de
la Pentecôte. Dans le réveil du Pays de Galles lui-même, les
effets surnaturels du Saint-Esprit furent puissamment manifestés.
Evan Roberts avait commencé la série de ses réunions triomphales après
avoir reçu un extraordinaire baptême du Saint-Esprit. Il n'était pas
le seul à connaître cet aspect généralement ignorée de l'expérience
chrétienne. L'évangéliste américain Torrey, qui était en Angleterre à
la même époque, avait cherché et obtenu longtemps auparavant le
baptême de puissance, auquel il rend témoignage dans son beau livre
sur La Personne et l'oeuvre du Saint-Esprit (The person and work of
the Holy Spirit, by R. A. Torrey).
Il est donc difficile de marquer un point précis qui serait à
proprement parler l’origine du mouvement, dit Pentecôte. Quand on
remonte dans le passé, on le voit rejoindre les grands réveils
antérieurs par toute une série de ramifications plus ou moins
secrètes, ignorées de l’histoire ecclésiastique officielle, mais qui
n'en sont pas moins réelles. On ne peut donc pas dire non plus que le
réveil actuel soit né en un endroit plutôt qu'en un autre. Toutefois,
tout le monde s'accorde pour attribuer une importance particulière à
une réunion mémorable, qui eut lieu à Los-Angeles, en Californie, le 9
avril 1906. Cette réunion fut l'aboutissant de réunions de prières
tenues dans cette ville, pendant des mois et des mois, pour demander
le réveil de la chrétienté.
Un pasteur baptiste, M. Smale, avait été un des animateurs de ces
réunions de prières. Il était allé au Pays de Galles pendant le
réveil, et il était revenu avec la flamme de l'Esprit. Une autre
personnalité marquante de ces réunions de réveil fut un homme de
couleur, un noir, nommé W.-J. Seymour, qui avait été évangéliste dans
le Texas. Bref, le 9 avril 1906, le surnaturel se manifesta au milieu
d'eux. Un homme qui a participé à cette réunion, M. Frank Bartleman
écrivait récemment à ce sujet :
« Le 9 avril 1906, les prières incessantes reçurent une
réponse. L'Esprit fut de nouveau répandu comme au jour de la
Pentecôte. Plusieurs personnes parlèrent en langues et
interprétèrent ; d'autres eurent des visions ou d'autres dons de
l'Esprit. Ce fut une libération. La réunion fut bientôt obligée de
chercher un local plus, grand ; ils rouvrirent une vieille église
méthodiste abandonnée au 312 Azusa Street, et Dieu commença d'y
manifester les miracles du 20e siècle et une restauration de la
Pentecôte. Le feu se répandit rapidement ; les nouvelles volèrent
vers toutes les parties du monde, comme sur les ailes du vent... Des
croyants et des ouvriers de réveil commencèrent à arriver de tous les
coins de la terre. Oh ! ce furent des jours glorieux. Les
réunions se poursuivaient jour et nuit, presque sans arrêt. Le péché
était dénoncé avec une force terrifiante. Plusieurs reçurent une
puissante onction de l'Esprit et repartirent, vers leurs pays
respectifs, porteurs du glorieux message du salut ». (Elim
Evangel., 19 mai 1932).
Des faits du même genre se passèrent à la même époque dans les
missions protestantes aux Indes. Il ne nous a pas été possible,
jusqu'ici, de savoir s'il y eut ou non une influence de personnes
ayant été à Los-Angeles. Nous avons rencontré une dame missionnaire,
Miss Ching, qui, mise en contact avec les chrétiennes hindoues qui
avaient le don des langues, reçut elle-même le baptême du Saint-Esprit
en 1907, ne sachant pas que des expériences analogues eussent déjà été
données à d'autres Européens. Quoi qu'il en soit, le réveil très
puissant qu'il y eut aux Indes eut son centre dans l'oeuvre fondée par
une femme hindoue, Pandita Ramabaï, en rapport avec des missions
américaines issues du mouvement de A.-B. Simpson. On sait que le
mouvement des disciples du Seigneur à Madagascar, qui ressemble de si
près au réveil de Pentecôte, se développait à peu près à la même
époque.
Avant d'aller plus loin, il sera bon de présenter une ou deux
remarques.
1- Apparente étrangeté des dons
surnaturels.
Il est évident que le réveil en question est lié dès son origine à des
faits surnaturels qui paraissent très étranges au premier abord. On
connaît bien le parler en langues d'après les textes des Écritures (chap.
16 de l'Évangile de Marc, chap.
2, 10,
19 des
Actes des Apôtres, chap.
12 à 14 de la 1ère Épître aux Corinthiens). Les théologiens
avaient même baptisé ce fait d’un nom savant : la glossolalie. On
savait aussi que des phénomènes analogues peuvent se produire chez
certains médiums spirites. Dans l’Église chrétienne, nulle trace
aujourd’hui du parler en langues, nul intérêt pour de pareilles
choses. Les uns pensent peut-être que l'Église primitive fut l'objet
de démonstrations plus ou moins anormales, qui rentreraient dans les
phénomènes étudiés aujourd'hui par les psychologues. D'autres seraient
disposés à y voir des manifestations authentiques du Saint-Esprit,
mais perdues une fois pour toutes. En général, l'annonce d'une
effusion de l'Esprit, accompagnée du parler en langues, tend à
provoquer le doute ou l'opposition.
Telle ne devrait pas être l'attitude du croyant en présence des
faits que nous venons de rapporter. Pour qui croit à la Parole de
Dieu, il n'est as possible de voir dans les dons que possédaient les
chrétiens du 1er siècle des phénomènes psychologiques de nature plus
ou moins inférieure. C’est au contraire, une règle d’interprétation
biblique, que, ce que Dieu a fait une fois pour les serviteurs et les
saints dont la vie figure dans les Écritures, Dieu est disposé à le
refaire pour tous les membres de l’Église de son Fils, selon la mesure
de Foi qui est départie à chacun par sa volonté souveraine. Si les
apôtres ont parlé en langues, c'est comme ils nous le disent, sous
l'action directe de Dieu lui-même en la personne du Saint-Esprit. Leur
expérience de communion avec Dieu à ce moment dut être sublime. Si
Dieu redonnait aujourd’hui une communion spirituelle avec Lui,
laquelle s'accompagnât du parler en langues, ce serait une grâce
tellement merveilleuse pour nous, qu'il y aurait tout lieu, non point
de mépriser ce don, mais de louer et de glorifier le nom du Seigneur.
Toute la question est de savoir si les faits sont exacts et s'ils sont
de Dieu. Ne nous laissons donc pas arrêter au début par l'étrangeté
apparente de ce réveil ; la suite nous montrera ce que, nous
devons en penser.
2- Le Réveil de Pentecôte n'a pas
de fondateur.
Il y a une autre remarque que nous voudrions faire avant d'aller plus
loin. C'est qu'il est impossible de dire que le réveil de Pentecôte
soit l’œuvre particulière d’un homme. W.-J. Seymour, qui avait pris
une part si active aux réunions de Los-Angeles, ne reçut le baptême du
Saint-Esprit que trois jours après les autres, et il ne devint jamais
un chef du mouvement. Le Réveil de Pentecôte n’est pas une théorie
qui se serait formée dans l’esprit d’un théologien, d’un
évangéliste, voire d’un hérésiarque. Le parler en langues n’était
pas recherché quand il a été reçu. Il n’y eut à l'origine aucune
théorie nouvelle, aucun pentecôtisme ; ce mot même que
l'on a forgé, et qui est si fâcheux, montre tout de même bien ce que
nous voulons dire, ici. Au début du darbysme il y a eu un homme,
Darby ; au début du réveil que nous étudions il y a eu... une
Pentecôte. Les faits et les réalités religieuses précèdent ici les
doctrines. Comme dans tous tes grands mouvements de réveil chrétiens.
Que l'on songe que ces réalités religieuses ont été manifestées, sans
intervention d'aucun docteur ou fondateur de secte, en des points
aussi divers du globe que la Californie et les Indes, on se verra
obligé d'écarter aussi l'idée qu'il s'agirait de phénomènes d'émotions
collectives. Il semble qu'une influence beaucoup plus haute
s'exerce : celle de Dieu même ou bien quelqu'autre ! Nous
voilà replacés devant la même question que tout à l'heure : les
faits sont-ils authentiques, sont-ils de Dieu ?
3- Le Réveil de Pentecôte doit-il
être rejeté parce qu'il est né loin de nous ?
Quelques-uns enfin, se scandalisent de ce que les origines du
mouvement présentent d'un peu exotique. Si encore Los-Angeles était
sur la côte Est des États-Unis ! Mais la ville est sur les bords
du Pacifique, Et voilà, dès le début, un noir qui prie dans ce réveil.
On nous parle des Indes, des femmes hindoues. Le christianisme
traditionnel ne risque-t-il pas d'être dévoyé par des courants que ne
dirigent point des esprits latins ? Là encore, il faut prendre
garde de ne pas se laisser aller à cette première impression. Il est
probable que nous vivons dans le temps d'un réveil mondial de
l'Église, comme nous vivons si évidemment dans le temps d'une révolte
mondiale des hommes contre Dieu. Comme il est beau, alors, de voir
qu'aux yeux de notre Père, aujourd'hui comme autrefois, il n'y a plus
ni Grecs, ni Juifs, ni barbares, ni Scythes, ni esclaves, ni
libres ; mais Christ est tout et en tous. Si nous prenons au
sérieux l'oeuvre des Missions, nous ne pouvons classer dans une
catégorie spirituelle inférieure le frère de couleur qui a reçu Jésus
pour son Sauveur.
De plus, rien n'empêche qu'un réveil qui se manifesterait dans
diverses couches sociales ou ethniques trouve des penseurs et des
chefs dans les Églises de l'Occident. Les gens les plus pauvres et les
moins influents ont, de tous temps, été les premiers à recevoir les
plus grandes grâces chrétiennes. Il a toujours plu à Dieu qui choisit
les choses faibles pour confondre les fortes de faire entrer les
petits et les ignorants un peu avant les autres, dans la plénitude de
ses grâces.
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