Toutes les églises chrétiennes ont
traversé au cours de leur histoire des
périodes de relâchement, de sommeil
spirituel. Aussi le christianisme a-t-il maintenu
sa vitalité grâce aux grands
mouvements de Réveil, qui sont venus donner
une nouvelle force aux principes fondamentaux de la
foi. Le grand évangéliste
américain, Finney écrit :
« Un réveil religieux suppose
qu’il y a eu déclin de la
piété. Presque tout ce qu’il y a
de religion dans le monde a été
produit par des réveils »
(Discours sur les Réveils religieux,
edit ; franç.1927 page 27).
En ce sens on peut dire que la Réforme du
XVI° siècle a été un
réveil ; le catholicisme a eu en France
un beau réveil au début du XVII°
siècle, du temps de Bérulle et de
saint Vincent de Paul ; le Jansénisme
peut aussi être regardé comme un
mouvement de réveil à
l'intérieur du catholicisme, et l'on sait
l'importance de Pascal pour la défense du
christianisme en France.
L'ère des grands réveils modernes
parmi les protestants date incontestablement du
mouvement des Frères Moraves avec
Zinzendorf, et du mouvement méthodiste avec
John Wesley et Whitefield ; au milieu, du XIXe
siècle, Charles Finney fut l'initiateur d'un
réveil dont les conséquences ne sont
pas encore aujourd'hui épuisées,
tandis que l'Armée du Salut doit
également sa naissance à un
réveil religieux ; plus près de
nous, Moody et Torrey continuèrent les
grandes campagnes de missions à la
manière de Finney ; Spurgeon fit de son
Tabernacle de Londres un centre permanent de
réveil. Enfin la chrétienté
évangélique tout entière fut
profondément secouée par le grand
souffle de réveil qui passa pendant l'hiver
de 1904-05 sur le Pays de Galles.
L'énumération que nous tenons de
faire est bien incomplète. Tant d'autres
réveils mériteraient d'être
mentionnés, dans les pays chrétiens
et dans l'admirable histoire des Missions. Nous ne
voulons pas prétendre du reste que tout soit
toujours parfait dans ces mouvements. Ils ont
rencontré de tous temps et parmi les
chrétiens de longue date eux-mêmes,
des opposants.
Le danger des réveils que nous voulons
loyalement souligner ici, c’est
l’esprit de secte.
Quand l'enthousiasme religieux saisit des hommes
qui ont vécu jusque-là, soit en
dehors des églises, soit dans des
églises plus ou moins froides ou
formalistes, quelle tentation pour eux de faire
bande à part et de se croire meilleurs que
les autres ! Ainsi risquent de se former
à côté des églises
fortement et régulièrement
organisées, des groupes de purs, de
convertis, d'intransigeants. L'orgueil les guette.
Ils accuseront les ministres du culte de mettre la
lampe sous le boisseau ; parfois ils iront
jusqu'à supprimer au milieu d'eux tout
ministère pastoral. Petits groupes
fermés, ils perdent vite leur puissance
d'attaque pour attirer à eux de nouvelles
âmes ; leur étroitesse
rebute.
Ils garderont une piété chaude
peut-être, mais qui deviendra le fait de
quelques familles repliées sur
elles-mêmes. Le grand fleuve du réveil
est alors perdu dans les sables de la dissidence,
de la secte.
Quelques personnes pensent que le résultat
est inévitable : d'où leur
condamnation des réveils. Tel n'est pas le
moins du monde notre point de vue.
Le réveil et la secte sont
à notre sens deux faits religieux
complètement distincts. Ils peuvent
à certains moments de l'histoire se
ressembler, ainsi que nous venons de le remarquer.
Mais c'est là un accident dû à
la faiblesse humaine. La secte tue le
réveil ; mais il n'y a aucune raison
pour que le réveil enfante la secte.
Bien au contraire, le Réveil est en
lui-même, tout l'opposé de la secte.
C'est ce que nous montrerons aisément en
comparant quelques traits distinctifs de l'un et de
l'autre.
1°) Le
réveil est un mouvement de l'Église
et pour l'Église ; la secte est un
mouvement hors de l'Église et contre
l'Église.
Les grands hommes de réveil, de Luther et
Calvin à Evan Roberts, en passant par
Zinzendorf, Wesley, Finney, et tous les autres, ont
été passionnés par
l'édification de l'Église. Ils ont
été des hommes d'église, il
faut peut-être dire des apôtres. Ce
dernier titre nous aiderait à voir que les
hommes de réveil sont au fond les
continuateurs des grands saints missionnaires du
Moyen-âge, des Pères de
l'Église et des apôtres
eux-mêmes.
Le premier réveil est celui de la
Pentecôte, dix jours après
l’ascension de Jésus-Christ et le
premier homme de réveil fut l'apôtre
Pierre. Ainsi les hommes de réveil son
portés par un grand courant ; ils
cherchent à redonner à
l’Église, malgré l’usure du
temps, son élan primitif. Les hommes de
secte au contraire, ont
désespéré de l'Église
et se sont dressés contre elle. Qu'il nous
suffise de citer, pour l'époque antique,
Tertullien à la fin de sa vie, et pour
l'époque moderne, Darby.
2°)
Le
réveil remet en lumière les doctrines
fondamentales de l'Église ; la secte se
cristallise autour d'un point spécial de
doctrine.
Les réveils authentiques ont toujours
été produits par un retour à
la Parole de Dieu. Ils ont glorifié son
message central, Jésus-Christ, venu en
chair, crucifié, et ressuscité pour
le salut du monde. Le message du réveil est
clair, simple, direct.
La secte au contraire brandit comme drapeau un
point particulier de doctrine. Elle met sur le
même plan le secondaire et l'essentiel. Par
exemple, l'adventisme se sépare de
l'Église sur la question de l'observation du
repos du sabbat (samedi).
Certes, chaque réveil historique a pu mettre
plus spécialement en lumière un
aspect particulier de la vérité
fondamentale de Jésus. Par exemple, la
Réforme insiste avant tout sur la
justification par la foi, Wesley sur la
sanctification des convertis, William Booth sur
l’amour des déshérités.
Par suite le réveil risque de tourner
à la secte, s’il obscurcit le message
de Jésus au profit de ce côté
particulier de la vérité. Inversement
la secte a son utilité pour rappeler
à l'Église tel point quelle laissait
trop dans l’ombre ; Darby a beaucoup
contribué au renouveau de l’importante
doctrine du retour de Jésus-Christ.
Néanmoins, la distinction demeure ;
dans un réveil, on ne veut pas savoir autre
chose que Jésus-Christ et
Jésus-Christ crucifié ; dans une
secte on met sur le même plan tantôt
des vérités plus abstraites,
tantôt des doctrines secondaires
3°)
Le
réveil produit normalement un courant
d'amour dans la chrétienté ; la
secte le contraire.
Retrouvant d'une manière vivante le salut
qui est en Jésus seul, les chrétiens
de réveil sont portés à aimer
tous ceux qui aiment notre Seigneur
Jésus-Christ d'un amour inaltérable.
Le Saint-Esprit produit en eux des fruits d'amour
et de joie. Ainsi les restitutions, les
réconciliations, caractérisent les
réveils de Finney ; on connaît la
joie rayonnante des Salutistes. Un vif sentiment du
pardon qui est en Christ porte le chrétien
à pardonner aux autres hommes.
Après tout vrai réveil, on peut dire
ce que dit le texte sacré au sujet du
travail de l'évangéliste Philippe
à Samarie : « Il y eut une
grande joie dans cette ville ».
On ne peut malheureusement pas en dire autant des
mouvements sectaires. Les personnes qui les suivent
peuvent avoir le coeur excellent, la secte en
elle-même n'en a pas moins toujours quelque
chose de dur. Elle juge les autres. Elle se replie
sur elle-même. Elle voue facilement à
la condamnation de Dieu tous ceux
qu'elle-même condamne, parce qu'ils
n'admettent pas son point de vue particulier.
On nous dira que tels réveils ont
manqué, d'amour : soyez sûrs dans
ce cas que l'esprit de secte s'y était mis,
et que le mouvement ne méritait plus le nom
de réveil.
Ces remarques générales
étaient indispensables comme introduction
à notre étude sur le mouvement de
Pentecôte. En effet, si ce mouvement
constitue purement et simplement une nouvelle
secte, il est indéfendable ; et c'est
bien ce que l'on veut dire quand on le baptise du
nom barbare de pentecôtisme, les
vocables de ce genre servant souvent à
désigner les sectes (darbysme, adventisme,
aurorisme, etc...). Si l'on parle de pentecôtisme, on se
figure qu'il y a
une doctrine spéciale et secondaire, qui
prendrait la place de l'essentiel, et qui se
dresserait contre l'Église
chrétienne. Les faits sont autres.
Appliquant les trois principes que nous venons de
relever pour distinguer le réveil de la
secte, nous avons été amenés
à la conclusion, que, le mouvement de
Pentecôte est un Réveil. (C'est
à ce titre que nous jugeons son étude
intéressante. Nous ne chercherons pas
à donner maintenant une démonstration
théorique qui prouverait que ce mouvement
religieux est un réveil et non une secte. La
démonstration se fera d'elle-même au
cours d'un exposé plus concret.
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