Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

CHAPITRE I

LE MOMENT DE DIEU

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Il y a plus de 40 ans que, le 28 novembre 1908, à la fin d'une réunion tenue chez des particuliers à Plumstead, un faubourg de Londres, je reçus le BAPTÊME DU SAINT-ESPRIT. Et cet événement est aussi frais dans ma mémoire que s'il s'était produit hier soir.

Cette merveilleuse descente de l'Esprit de Dieu dans mon corps, mon âme et mon esprit demeure l'expérience la plus importante, miraculeuse et révolutionnaire de toute ma vie chrétienne. Les paroles humaines sont absolument impuissantes à décrire ce don ineffable, l'avalanche d'onctions successives qui se déversa sur moi et en moi le jour glorieux où Dieu me scella de son sceau. Les mots employés pour tenter de décrire cette expérience peuvent paraître exagérés et, cependant, le langage le plus riche n'est qu'un moyen bien imparfait pour exprimer une chose aussi sacrée et aussi délirante à la fois.

Nous éprouvons quelque difficulté à parler de nos expériences les plus intimes. Une certaine retenue enveloppe les grands événements de notre vie, tels que la naissance, le mariage, la mort. Et il faut être doublement réservé et déférent dans la description des choses spirituelles les plus profondes. Car les incrédules, les impies nous guettent, tels des corbeaux lassés de cadavres et avides de chair fraîche. Et il est bien triste de constater que les chrétiens eux-mêmes, aveuglés par des préjugés et des traditions, sont parfois terriblement critiques et jugent faussement ce qui les dépasse. C'est pourquoi j'éprouve une certaine réticence à raconter mon histoire. Cependant, je ne puis m'empêcher de dire ce que j'ai vu et entendu, sachant qu'un grand nombre en seront encouragés et bénis.



El Bethel.
Combien de fois ne retourné-je pas en esprit, comme Jacob, vers cette petite maison de Plumstead qui se trouva être pour moi la maison de Dieu, la porte du ciel, un véritable « El Bethel » ! C'est là que fut déversé sur moi tout ce qu'un être humain peut supporter de ciel à la fois. Mon baptême fut une puissante immersion dans l'Esprit et la Puissance de Dieu, dans les profondeurs insondables de l'Amour divin. Chaque fois que je l'évoque, je sens à nouveau cette atmosphère céleste qui me jeta dans l'adoration et l'émerveillement tandis que, enveloppé d'une gloire indescriptible, je fus admis en la terrible présence de Dieu.

Pendant plusieurs jours, je fus sous l'effet salutaire et purifiant de cette onction surabondante et continue qui me rendit incapable de toute autre occupation. Je ne cessais de prier et de me réjouir. J'étais ébloui par la lumière qui enveloppait mon être. L'onction qui reposait sur moi était telle que je ne pouvais rien faire qu'adorer : tout ce que je souhaitais était de me tenir aux pieds du Seigneur. Le « poids de gloire » pesait sur moi nuit et jour. Tout mon être était si captivé par la seule occupation de louer Dieu que les effets de cette expérience me furent des plus salutaires et durent encore. Mes nombreux intérêts de jeune homme avaient comme fondu.
Depuis cette soirée merveilleuse j'ai parcouru le monde et beaucoup travaillé pour l'Évangile ; Il faudrait des volumes pour raconter tout ce que Dieu a fait par la prédication de Sa Parole dans les nombreuses campagnes de réveil que j'ai conduites. Mais rien de tout cela ne peut se comparer à la merveilleuse satisfaction, au miracle indiscutable qui fut mon partage lorsque Dieu me donna son Saint-Esprit.
Tout ce que j'ai vu depuis n'a fait qu'éclairer ma vision et confirmer la gloire qui avait éclaté dans mon âme ravie. Et jamais je n'ai douté que cela fût de Dieu et de Dieu seul.



Le sacrifice indispensable.
Pour tout privilège, pour toute expérience spirituelle, il y a un prix à payer. Et bien souvent nous devons beaucoup à ceux qui nous ont précédés. Pour moi, j'ai envers mes parents une dette incalculable.
Parce que mon père et ma mère désiraient tous deux marcher avec Dieu dans la pleine lumière de Sa Parole, ils durent quitter l'Armée du Salut en 1908. C'était eux qui l'avaient fondée et dirigée en France et en Suisse. Le but du présent ouvrage n'est pas d'exposer les raisons qui les amenèrent à une si douloureuse décision. Ils avaient voué seize de leurs meilleures années à cette oeuvre dans ces deux pays et elle leur était extrêmement chère. Des milliers avaient été convertis par leur moyen. Cette pénible séparation se produisit tandis qu'ils exerçaient leur ministère en Hollande. Ce fut un coup terrible pour mon grand-père, le général William Booth, fondateur de l'Armée du Salut, qui considérait ma mère, sa fille aînée, comme le meilleur prédicateur parmi ses enfants. Mais j'ai la conviction — confirmée bien des fois par la suite — que si mes chers parents n'avaient fait ce pas, pour des questions de conscience, jamais notre famille tout entière n'eût expérimenté une véritable Pentecôte, comme ce fut le cas. En effet, ils voulaient pouvoir prêcher librement des vérités telles que la guérison divine, le retour de Christ. D'autre part, ils ne pouvaient admettre que des officiers de l'Armée du Salut s'engagent volontairement dans la guerre des Boers.

Au temps où l'Esprit de Dieu allait se répandre sur le monde entier, les Booth-Clibborn et leurs dix enfants y étaient préparés. Nous étions indépendants, libres de tout préjugé sectaire et n'appartenant à aucun organisme chrétien particulier. Ma mère exerçait avec des résultats magnifiques son ministère dans beaucoup d'églises qui se réveillaient. Mon père restait à la maison, se consacrant à l'étude et à la recherche bibliques. Par elles, il était arrivé à la conclusion que dans les derniers temps Dieu enverrait un grand réveil qui rétablirait les dons de l'Esprit dans l'église et il prévoyait que la principale caractéristique en serait le baptême dans le Saint-Esprit, tel qu'il se produisit le jour de la Pentecôte (Actes 2/4). Il parlait souvent de cette bénédiction imminente et en observait les indices dans le monde chrétien, priant de tout son coeur pour une prochaine réalisation.
Le réveil éclata chez nous au bon moment, car nous devions bientôt être dispersés.



Le premier à le recevoir.
Cela ne venait par conséquent pas de moi si je fus le premier de la famille à faire la merveilleuse expérience de la pluie de l'arrière-saison. Bien que nous ayons rompu avec l'Armée du Salut, nous demeurions à l'avant-garde de la prédication de l'Évangile et le culte de famille n'était pas négligé. Plusieurs de ceux qui passaient chez nous contribuaient aussi à nous enrichir spirituellement, Dieu savait qu'avec mon caractère plein de vie et d'initiative j'étais destiné — une fois que, j'aurais reçu le baptême — à amener tous mes frères et soeurs à Le rechercher plus intensément. Comme cinquième enfant, je pouvais influencer aussi bien les aînés que les plus jeunes. Ayant été le plus difficile, le plus indiscipliné de la bande, je devais par mon changement soudain et radical convaincre mes frères et soeurs de la réalité de ce qui m'était arrivé et de leur propre besoin de faire une semblable expérience.
C'est par la foi que mes parents m'avaient donné le prénom de mon grand-père. Et je crois que son manteau est tombé sur moi comme celui d'Elie sur Élisée ; j'en ai eu plusieurs fois l'assurance et ma mère a reçu, à ce sujet, des prophéties qu'elle a gardées dans le secret de son coeur. Mais ici je voudrais insister sur quatre faits qui donnèrent à mon expérience un caractère saisissant et durable.
Mon âge. J'avais quinze ans ; or, c'est entre dix et vingt ans que l'on peut le mieux découvrir les choses de Dieu.
Il n'y eut pas de longue attente dans mon cas. J'obtins le baptême le soir où je le demandai, de sorte qu'au lieu d'une succession de bénédictions grandissantes, je reçus en une fois un torrent de puissance et de gloire.
Aucune pression ne fut exercée sur moi, comme c'est malheureusement souvent le cas de la part de chrétiens trop zélés ; ils retardent chez autrui cette expérience qu'ils cherchent à provoquer par tous les moyens.
Mon ardeur et mon avidité étaient telles que je ne m'arrêtai pas jusqu'à ce que je fusse entièrement saturé et satisfait.



La sagesse de mon père.
Enfin, ce qui contribua grandement à la profondeur et à la réalité de mon expérience fut le fait qu'on me retira momentanément de l'école. Je pus donc me livrer entièrement à la prière, à la supplication et à la lecture de la Bible qui éclairait mon coeur d'une lumière nouvelle. Nous nous rencontrions chaque soir pour prier longuement. Ainsi, l'Amour et la Puissance purificatrice de Dieu continuèrent à se déverser sur moi. Le Saint-Esprit pouvait me révéler librement les mystères de Christ, ce qui n'est possible que lorsqu'on s'est entièrement abandonné à Lui. L'oeuvre initiale s'approfondissait. J'apprenais à connaître ce que c'est que de marcher selon l'Esprit et de garder une conscience pure et claire. Le sens du péché se faisait plus aigu, ainsi que la faculté d'en fuir les attaques et de confesser immédiatement toute transgression ou désobéissance. Je fus bientôt accablé d'un fardeau au sujet de chacun des habitants de la maison. Je combattais en esprit avec larmes et gémissements jusqu'à ce que j'eusse l'assurance d'avoir été exaucé. Parfois j'étais écrasé et le fardeau semblait insupportable, mais je luttais jusqu'au bout et je commençais à apprendre ce que signifie prier par l'Esprit. Le discernement me fut donné, de sorte que la moindre tendance charnelle me faisait mal et me poussait à la prière silencieuse. Il y eut encore beaucoup d'autres manifestations qui n'étaient que l'expression de ce qui se passait dans les coeurs.
Quel rafraîchissement cette splendide visitation spirituelle fut pour nous ! Esaïe 28/10-12 s'accomplissait sous nos yeux : « Car il donne loi sur loi, règle sur règle, un peu ici, un peu là. Aussi c'est par des lèvres qui balbutient et par une langue étrangère qu'Il parlera à ce peuple. Il leur avait dit : C'EST ICI LE REPOS, QUE VOUS DONNIEZ DU REPOS A CELUI QUI EST ACCABLÉ. C'EST ICI LE SOULAGEMENT ».
Dans les vagues de bénédictions qui passaient sur nous, nous apprenions à ne plus lutter par nous-mêmes. En effet, quand nous cessons la lutte, le Saint-Esprit travaille, prie, implore et souffre à travers nous les douleurs de l'enfantement. Quelle triste corvée que la vie chrétienne quand elle n'est pas portée, inspirée et stimulée par la puissance active de l'Esprit de Dieu en nous !

Dans le monde entier, les églises ont un immense et urgent besoin de renouveler leur foi, de réaffirmer le simple message du salut, de réveiller l'esprit de sacrifice. Et cela ne peut se faire sans une effusion du Saint-Esprit. L'Esprit qui baptise, qui rend la vie, qui évangélise peut répondre à tous les besoins, remédier à tous les manques, toutes les faiblesses. Mais il faut, au préalable, que nous fassions tomber les barrières des préjugés, de l'orgueil et de la présomption, et que nous implorions humblement une Pentecôte divine, afin qu'elle tombe sur nous d' En Haut, individuellement et collectivement.



CHAPITRE II

LE NOUVEAU RÉVEIL


Après des séjours prolongés sur le continent, notre famille avait fini par s'établir à Westcliff-on-Sea, à une cinquantaine de kilomètres de Londres.
Que de souvenirs heureux se pressent dans ma mémoire en repensant à cette époque ! Nous étions tous ensemble Evangéline, Victoria, Herbert, Augustin, William, Éric, Frieda, Evelyne, Théodore et Joséphine. Mon père, ma mère, les dix enfants, un ou deux secrétaires, la cuisinière, une gouvernante suisse et notre chère Adèle, notre seconde mère, nous étions en tout dix-sept, sans compter les fréquentes visites, car la maison était un centre d'activité évangélique.
Nous n'étions jamais à court de moyens pour inventer des jeux et des amusements de toutes sortes. Chacun avait son instrument et nous formions un orchestre. Puis c'étaient des charades, des jeux bibliques, des excursions, des parties de pêche, de canot, des courses à bicyclette — et, au milieu de tout cela, très peu de piété véritable, une foi plutôt déclinante. Comment en eût-il été autrement ? Avec toutes nos préoccupations, nos distractions, les intérêts toujours grandissants qui s'emparaient de nos esprits enthousiastes, quelle place restait-il pour Dieu ? Nous avions avancé dans cette voie ; allions-nous reculer ? Est-il possible de passer à côté des plus grandes bénédictions, et cela dans le plus heureux des foyers chrétiens ?



Travail scolaire absorbant.
Nous entrions dans la période difficile de l'adolescence. Je venais d'avoir quinze ans. Ce fut le, moment choisi par Dieu pour nous visiter, pour nous faire passer de l'indifférence spirituelle à une ascension rapide dans les régions de la gloire, pour transformer l'eau stagnante de notre état spirituel en un flot puissant et impétueux.
Un soir, alors que je faisais mes tâches, mon père vint à moi, visiblement ému. « William, dit-il, j'aimerais t'emmener ce soir à Londres, entendre des gens extraordinaires, récemment arrivés. Veux-tu venir ? » — « Mais, papa, je ne peux pas ; tu sais bien que je dois faire tout mon possible pour passer les examens difficiles qui s'approchent. J'ai déjà, échoué deux fois et je n'y arriverai que si je ne perds pas une minute. »
Le soir, à table, mon père parla de nouveau de ces réunions à Londres : « Nous ne serons absents que pour le week-end ; cela ne te gênera pas dans la préparation de tes examens. J'aimerais que tu viennes ; tu recevras une bénédiction. » L'idée de m'échapper pour quelques instants de mes livres d'étude m'était assez agréable, mais j'objectai, encore.
« Très bien, reprit mon père, j'en prends la responsabilité. » Je me déclarai alors prêt à partir.
Je n'ai jamais cessé depuis de louer Dieu pour cette décision. Mon père avait été le moyen de ma conversion ; il avait guidé mes premiers pas dans la vie chrétienne et maintenant il allait me pousser plus loin.



La prière dans le train.
Nous étions juste à temps pour attraper l'express de 6 h. 30. Mon père n'avait pas été très bien et, avec Adèle, nous l'aidâmes à gagner la gare. Pendant tout le trajet — quarante-cinq minutes — nous fûmes seuls dans notre compartiment. C'est alors qu'il me parla de mon état rétrograde. Tout ce qu'il disait m'allait au coeur. Il termina par ces mots : « William, ne veux-tu pas de nouveau abandonner ta vie à Dieu ? »
Je reconnus que j'avais oublié Dieu. À peine trois ans auparavant, tandis que mes parents étaient à Paris, je m'étais converti dans un internat de Folkestone. Quel miracle que cette nouvelle naissance ! J'avais été le garçon le plus difficile de toute l'école et, en un instant, j'étais devenu un véritable enfant de Dieu. J'avais donné mon coeur à Christ, une nuit, tout seul, en pyjama, à trois heures du matin, après une lutte prolongée. Le résultat avait été une vie pleine de joie et de bénédictions. Au milieu des dures persécutions infligées par mes camarades, j'avais connu l'appui et le réconfort divin, je marchais avec Dieu, surmontant tous les obstacles. Une communion ininterrompue dans la prière et une joie inexprimable avaient transformé ma vie comme jamais je ne l'aurais cru possible. Ma Bible ne me quittait plus et les victoires enregistrées me rendaient hardi pour rendre témoignage à mes camarades et à mes maîtres.
Mais maintenant, tout avait changé. Depuis plus d'un an déjà, la joie du salut s'était envolée de mon coeur ; le feu de l'amour divin avait baissé ; la soif pour les choses spirituelles avait disparu. Nous connaissons tous plus ou moins les symptômes de la marche arrière spirituelle. Mes souvenirs m'accusaient et me condamnaient.
Mon père me prit la main et se mit à prier pour que Dieu bénisse notre visite à Londres et me rétablisse. La présence de Dieu commençait à se faire sentir d'une manière très réelle dans ce train. La prière de mon père allait-elle être exaucée ?



Une nouvelle manière de chanter.
La salle de réunions de Mme Cantell, située dans un quartier de Londres, n'était pas grande. Elle contenait à peine deux cent cinquante personnes. Quand nous entrâmes, elle était pleine. Rien de prétentieux dans ce local : une petite estrade occupée par plusieurs personnes. Tout le monde chantait, debout ; la plupart avaient les yeux fermés et la main levée.
Ces gens étaient différents des autres chrétiens ! On sentait l'atmosphère chargée de l'Esprit de Dieu.
Les chants continuaient, dans un esprit d'abandon, de ferveur, de merveilleux élan, qui me rappelait le réveil du Pays de Galles. Un choeur répété plusieurs fois, avec toujours plus de conviction et d'unité, libérait l'auditoire et le stimulait dans l'adoration, comme c'est d'ailleurs le cas en général, car rien ne libère et n'unit comme le chant. L'atmosphère créée par un tel esprit de louanges est souvent plus convaincante et plus effective que la prédication elle-même. C'est un fait que la Parole pénètre mieux quand la note juste a été touchée dans l'adoration. Et le refrain chanté ce soir-là résonne encore en moi :
« Par le sang, le précieux Sang, Je reçois un coeur nouveau Par le précieux sang. »
Je réalisais que tous les yeux étaient tournés vers Jésus. Les gens étaient tellement transportés qu'ils en oubliaient leur entourage. Mais ce n'était pas mon cas. Je ne faisais pas un avec eux. Je connaissais le chant et la mélodie, cependant nous n'étions pas à l'unisson, je ne ressentais pas les mêmes émotions. Je ne pouvais pas me joindre à eux pour chanter :
« Gloire à jésus, gloire !
Gloire à l'Agneau mort pour moi !
je veux chanter Sa victoire,
Il a pris mes péchés sur la Croix. »



Le mystère du fardeau.
Inutile de dire que j'étais tous yeux et toutes oreilles. Tandis que les chants continuaient, je remarquai une dame en face de moi qui pleurait. Un peu plus tard, elle parlait en une langue étrange. Étonné, je fis signe à mon père, mais il n'y prit pas garde. Lorsque l'auditoire se fut rassis, une louange spontanée s'éleva de toutes les poitrines. Tous paraissaient si heureux et plusieurs rendaient témoignage de ce que Dieu faisait pour eux. Ce n'était pas nouveau pour moi, sinon qu'ils disaient avoir reçu le baptême du Saint-Esprit. On chanta encore. J'observais toujours la dame devant moi, cherchant à comprendre quelle langue elle parlait. Mon père connaissait huit langues et moi cinq et je pensais qu'à nous deux nous saisirions ce qu'elle disait. Je poussai mon père du coude, mais il me dit de rester tranquille. Maintenant elle était tombée à genoux, apparemment plongée dans une grande douleur, gémissant et priant dans cette langue étrange.
Je reconnus l'agonie dans laquelle j’avais été moi-même, lorsque, après ma conversion, je luttais avec Dieu pour mes camarades. Leur salut me tenait à coeur à tel point que parfois je me réveillais la nuit et criais pour eux au Seigneur. Il me vint tout à coup l'idée que, peut-être, cette femme priait pour moi. Dieu avait placé mon cas sur son coeur et elle portait mon fardeau dans l'Esprit !

Mais je ne pouvais comprendre pourquoi elle parlait cette langue extraordinaire. Mon père me chuchota : « Par l'Esprit et la Puissance de Dieu, elle emploie une langue qu'elle ne connaît pas. Ce sont là les « langues » dont parle l’Écriture. N'est-ce pas merveilleux que Dieu baptise à nouveau du Saint-Esprit, comme il le faisait dans l'église primitive ? »
Ensuite, derrière nous, un homme, qui avait chanté et ri dans l'Esprit, se mit aussi à parler une langue inconnue. Puis il y eut un silence. Quelqu'un d'autre se leva et interpréta en anglais son message ; chaque mot sondait mon coeur et me remplissait de dépit et de honte. Je me trouvais face à face avec Dieu et mon péché. Pendant des mois après ma conversion j'avais vécu une vie victorieuse du péché, guidé par l'Esprit de Dieu, conscient d'être porté par les Bras divins. Mais maintenant, je ne connaissais plus cette assurance.
Savez-vous qu'une fois qu'une âme a goûté de cette vie, tout le reste perd sa saveur ? Et si cette âme retombe, quels ne sont pas les souvenirs qui se pressent en elle jusqu'à la suffoquer lorsqu'elle pénètre dans un milieu où le Saint-Esprit parle ! (1 Cor. 14/24-25).

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