Dans quelle mesure mon maître
Jonathan participa-t-il à la trahison de
Judas qui vendit son Seigneur pour trente
pièces d'argent, c'est quelque chose qu'il
est difficile de dire. Souvent, dans la suite, il
me raconta la terrible épreuve par laquelle
il passa, cette nuit-là et le jour suivant.
Et de tout ce qu'il me dit, je puis apporter
l'assurance que jamais il n'eut d'autre
pensée que de hâter l'heure de la
manifestation glorieuse du Messie. Qu'il ait
péché par erreur, et aussi par
orgueil, et certainement par zèle, J'en suis
convaincu. Jamais pourtant, j'en suis
persuadé, le motif sordide qui fit de Judas
l'homme exécré du ciel et de la terre
n'effleura sa pensée. D'ailleurs, il demeura
toujours assuré que Judas n'avait eu d'autre
but, en vendant aux autorités le secret de
la cachette de Jésus, cette nuit-là,
que de forcer le Maître à affirmer
avec force et dans une victoire
éclatante, son autorité et sa
puissance divines. À entendre Jonathan, leur
pensée, lorsqu'ils causaient à deux
dans la ruelle qui va chez Simon, où
Jésus et les siens mangèrent la
Pâque, était d'obliger Jésus
à sortir d'une inaction qui, si elle devait
se prolonger, amènerait l'échec de
tout le mouvement préparé par
Jonathan et quelques autres, en vue de seconder le
Messie dans son oeuvre de purification et de
justice.
Je crois fermement que ce fut là
la pensée de Jonathan. Quant à Judas,
l'opinion de tous nos frères, c'est qu'il
commit son crime pour de l'argent ; car il
était avare.
Lorsque je les vis tous deux dans la
ruelle, je me sentis gêné et je
compris que quelque chose se tramait entre eux, en
dehors de la pleine lumière. J'étais
allé voir si Jean ou quelque autre des
disciples ne sortait pas de la maison. J'avais
hâte de savoir ce que Jésus avait pu
leur dire. Peut-être Jonathan avait-il eu, de
son côté, le même souci. Judas
était sorti le premier et n'avait pas fait
dix pas que Jonathan l'avait rejoint.
Ils se causèrent longtemps et
à voix basse. Lorsque je les aperçus
ensemble pour la première fois, ils
étaient sur le point de se séparer.
Je ne pus entendre de leur conversation que
quelques mots qui ne m'apprirent rien.
Lorsque Judas fut parti, et que je me
trouvai en présence de Jonathan, je ne sus
d'abord que balbutier quelques mots
incohérents. Comme si j'étais de
connivence avec lui, je lui demandai pour quand
était le signal attendu. Il me regarda
longuement avec ses yeux de fièvre.
- Demain, dit-il, il y aura du nouveau,
et même avant cela !
Une flamme de passion intense
brûlait au fond de son regard.
Gêné pour je ne savais guère
quel motif, je me
détournai et trouvai hâtivement une
excuse pour partir. Il me retint.
- C'est pour bientôt. Il vient de
refaire dans le secret le miracle de la plaine de
Bethsaïda, au bord du lac : il vient de
rompre le pain et de le distribuer. Judas a beau
hausser les épaules, je sais que c'est le
signe du Messie. Le Christ de Dieu donnera au monde
le pain céleste, comme Dieu jadis, au temps
de Moïse, a donné la manne à nos
pères dans le désert.
- Pourquoi Judas est-il parti
seul ? demandai-je.
Une vive lueur traversa ses yeux et
s'éteignit.
- Suis-je gardien des pas de
Judas ? dit-il brutalement. Judas est un fou
dont l'âme brûle bizarrement. Il ne
comprend pas tout ce que fait et tout ce que dit
Jésus. Alors, parfois, il va son chemin et
Jésus va le sien. Mais il revient toujours
à son Maître, et celui-ci le
reprend.
Comme je me disposais à partir,
il me retint vivement.
- Elias, dit-il, je ne sais si je
rentrerai ce soir, et je sais que mon frère
Simon doit s'absenter tard dans la nuit. Il faut
qu'il finisse d'abord son travail maudit,
ajouta-t-il entre deux grimaces. Il ne reviendra
que demain. Peut-être ferais-tu bien de ne
pas quitter la maison. Les femmes seraient
seules.
Je m'inclinai sans répondre et je
partis. Mais je me promettais bien de ne pas me
coucher, moi non plus, cette nuit-là.
Jonathan m'intriguait autant que Judas au visage si
sombre. Et je sentais - comment ne l'aurais-je pas
senti - que quelque chose se préparait
mystérieusement, et où celui que
j'aimais maintenant passionnément, quoique
avec crainte, devait jouer un rôle
essentiel.
J'allai trouver Joanna qui m'attendait
avec une anxiété douloureuse, et lui
dis tout ce que je savais.
Ce n'était certes pas
grand'chose. Mais interroger davantage Jonathan
était inutile. D'ailleurs, il ne devait pas
rentrer avant plusieurs heures.
Lorsque je racontai à Joanna que
j'avais surpris son père en conciliabule
avec Judas, l'homme de Kérioth, elle me
regarda avec un air d'épouvante.
- Oh, dit-elle, j'ai peur de cet homme,
j'ai peur de mon père. Ce sont des hommes de
violence. Ils n'ont pas compris le message d'amour
de Jésus. Ils n'ont, eux, qu'un coeur rempli
de haine. Ils sont ennemis de Dieu !
Elle me parlait, le regard fixe et comme
agrandi par une terreur dont je ne voyais pas la
raison.
- Mais, dis-je, pourquoi
craindre ?
S'il est de Dieu, il échappera à
leurs contraintes, ou à leurs complots, ou
à leurs embûches ! Il suivra tout
droit son chemin
- Elias, reprit-elle, le Messie mourra,
il l'a dit.
- Ce n'est pas possible !
criai-je
à tue-tête.
- Et malheur à ceux par qui le
crime sera commis, ajouta-t-elle.
Et elle éclata en
sanglots !
Je ne savais que dire ni que faire.
Malgré mes supplications, elle continuait
à pleurer et tout son corps était
secoué en spasmes violents. Je ne pouvais
comprendre encore ! Mais le coeur de Joanna
savait ce que ma tête ne pouvait encore
saisir. Elle pleurait à l'avance la mort de
Jésus et la défaite de Dieu.
Était-ce la première fois que Dieu
était mis en échec par son peuple
ingrat et endurci ? Elle pleurait sur
l'incompréhension de notre peuple, et sur le
rôle de son propre père !
Lorsqu'elle se fut apaisée, elle
se tourna vers moi :
- Tu ne comprends donc pas,
Elias ?
Tu m'as raconté qu'il leur a donné le
pain, en disant : ceci est mon corps !
Oui, il est le Messie ! Il restaurera le peuple,
il le nourrira, lui
rendra la vie, mais ce sera par le don de sa vie,
de sa chair déchirée et rompue. Tu ne
te souviens pas, Elias, des paroles du
prophète ? « C'est par ses
meurtrissures que nous avons la
vie ! »
Je sursautai. Je n'avais jamais
pensé à cela ! Joanna, elle,
devinait, Joanna était une sainte, une
enfant de Dieu. Le monde n'avait jamais
pénétré en elle. Elle avait le
regard pur, le coeur pur : sur son coeur
devait s'inscrire la parole de Dieu, et elle ne
disait que ce qu'elle entendait Dieu lui dire.
Joanna ne pouvait que dire vrai. Et la
vérité qu'elle me disait me
glaçait d'épouvante.
Ce n'était pourtant pas la
première fois qu'elle me parlait de
l'événement dont la fatalité
lui apparaissait avec tant de clarté !
Mais, maintenant, nous étions sur le seuil
même de la chambre pleine d'angoisse et de
deuil.
Cependant, j'essayai de me secouer et de
me refuser encore à croire ce qui semblait
à ma fiancée l'horrible
inévitable, devant quoi il nous fallait
courber la tête.
Je dis : « Tu verras,
Joanna, que nous nous trompons !
Demain sera le jour de triomphe pour
notre Messie bien-aimé ! Tu
verras ! »
Elle ne me répondit mot, mais
laissa couler ses larmes sur son visage qui
pourtant essayait de sourire.
Alors, je fus comme un
possédé et je me démenai dans
la chambre comme un homme hors de sens. Dans la
cour, nous entendions le marteau de Simon, le
frère de Jonathan, qui frappait rageusement
sur ses poutres. Il avait hâte de terminer
l'odieuse corvée que l'officier de la
cohorte lui avait imposée.
N'y tenant plus, je sortis. La nuit
était maintenant complètement
tombée. Les bruits de la ville
s'étouffaient peu à peu et
s'ensevelissaient dans un silence lourd et
oppressant.
J'allai
dans la ruelle. Mais j'attendis en vain que
parût Jean, ou l'un des disciples, ou
Jésus lui-même. Ils étaient
déjà partis ; où, je ne
savais.
Lorsque je rentrai dans la maison de
Simon, le fils d'Ezra, tout le monde était
couché. Je ne pouvais songer à
dormir. Je résolus d'aller me baigner dans
le torrent qui coulait à l'est des murs de
la ville, au pied du mont des Oliviers. J'avais
découvert un endroit discret, et une ou deux
fois déjà, j'étais allé
reposer dans les eaux fraîches, mes membres
que la chaleur et une oisiveté
inaccoutumée rendaient las et pesants. Je
m'enveloppai d'un simple linge et je partis dans la
nuit dont les ombres s'épaississaient. Ce
devait être la fin de la deuxième
veille de la nuit. Je pus sortir sans encombre de
la ville, par la porte qui va à
Béthanie, et nul ne me demanda où
j'allais. Beaucoup de pèlerins, en effet,
ont coutume de passer la nuit dans les jardins et
sur les coteaux qui entourent la cité de
David.
J'allai sans hésiter à
l'endroit que j'avais choisi, et bientôt,
j'étais allongé de tout mon long dans
l'eau du torrent, si peu profonde qu'en tout
endroit de son cours, on pouvait le traverser
à gué ou en sautant d'une pierre sur
l'autre.
Je pense que j'aurais volontiers
passé la nuit entière en cet endroit.
Lorsque je fus sorti de l'eau, je m'étendis
sur l'herbe, le visage tourné vers le ciel
sans fond. Les hautes murailles et le temple qui
les couronnait me cachaient une partie du
firmament. Je me sentais comme écrasé
par cette masse sombre. Et je pensais à la
parole de Jésus que Jean m'avait
rapportée, et qui signifiait que, tout cela
fût-il jeté en bas, il le
rebâtirait en trois jours.
Sur ma gauche, s'élevaient les
pentes douces du Mont des Oliviers. Je distinguais
quelques arbres, tout
près de moi, ainsi que la haie haute qui
entourait un jardin, ce jardin dont j'appris le nom
plus tard - Gethsémané. Quelques
palmiers agitaient, au souffle de la nuit, leurs
palmes noires. Le silence était
parfumé, et je sentais s'apaiser en moi mes
craintes les plus vives. Je me disais, tellement
mon âme était imprégnée
de la solennité du lieu et de l'heure, que
Dieu règne, et que les hommes ne peuvent
rien contre sa majesté.
Je ne sais combien de temps dura ma
contemplation immobile et silencieuse. Je fus
arraché du charme où je me
complaisais, par un bruit de voix et de pas
d'hommes. En un instant je fus sur pied et,
accroupi derrière les rochers qui
constituaient ma cachette, je me mis à
rechercher d'où venait tout ce bruit. Une
troupe d'hommes traversait le torrent à
quelques pas de l'endroit où je me trouvais.
Ils portaient quelques torches, et à la
lueur des flammes rouges, je découvris, aux
reflets qui éclataient par moments sur les
cuirasses et les casques, que parmi ces hommes, il
y avait des soldats romains. Ils
s'arrêtèrent à la haie du
jardin. S'il avait fait jour, j'aurais
distingué sans difficulté les traits
de chacun d'eux.
C'est alors que je vis un homme
s'emparer d'une torche et dire, assez haut pour que
je l'entendisse :
« Suivez-moi ! Celui à qui je
donnerai un baiser, saisissez-le : c'est
lui ». Et comme il se retournait, je
reconnus son visage, maintenant en pleine
lumière, et que la flamme dansante balayait
tour à tour de traces rouges et d'ombres
sinistres. C'était Judas Iscariot, l'un des
Douze.
Une angoisse terrible m'étreignit
le coeur, et pendant un long moment, je fus comme
paralysé. Était-ce un rêve, ou
bien la sinistre réalité ? Ainsi
parmi les Douze, il y avait un
traître ! Et c'était Judas !
Ce ne pouvait être que Judas ; tout, sur
son visage, trahissait celui qui calcule et qui est
incapable d'aimer parce qu'il calcule. Une ombre
d'horreur m'envahissait l'âme.
Depuis un instant toute la troupe
était entrée dans le jardin. je
m'enveloppai vivement dans mon drap et je me mis
à courir vers la porte par où le
dernier porte-torche avait disparu. Mais au moment
où j'allais pénétrer à
mon tour par la poterne, une main me saisit
fortement au bras et me retint.
- Où vas-tu, Elias ?
Je me trouvais, en proie à une
panique indescriptible, en présence de
Jonathan, mon maître !
- Laisse donc ! Tu vas contempler
leur confusion ! Comme la cire fond au feu, tu
vas les voir disparaître devant l'élu
de Dieu ! Laisse ! Tu vas le voir sortir
de cet antre comme un lion rugissant à la
première flèche qui le touche. Nous
allons le voir, le vainqueur ! Il fallait bien
qu'on l'attaquât pour le décider
à attaquer à son tour ! Voici
l'heure de Dieu, Elias, l'heure de la grande
épouvante, l'heure de la grande
angoisse ! Ils sont entrés avec leurs
bâtons et leurs épées. Tu vas
les voir sortir, leurs armes brisées comme
des fétus de paille ! Ils sont
entrés pleins de l'orgueil de leur force,
porteurs des ordres du César maudit, du
Sanhédrin aveugle, et des sacrificateurs
traîtres à Jéhova ! Tu vas
les voir sortir, leur orgueil réduit
à néant, écrasés par
l'éclat de sa gloire !
Jonathan m'avait lâché.
J'allais crier, tellement sa main crispée
sur mon bras me causait de douleur. Je m'appuyai
contre un arbre, silencieux. La silhouette noire de
Jonathan s'agitait devant moi. Je devinais son
visage plus que je ne le voyais. Mais il parlait et
je suivais du regard, non pas son visage, mais sa
voix. Elle était
âpre et stridente, et parfois grondante comme
celle d'un fauve. Et quand il ricanait, il semblait
que c'était un démon.
Il parla encore un long moment !
« Châtie, ô Dieu, tes
ennemis ! Écrase-les,
piétine-les, comme le vigneron foule le
fruit au pressoir ! Nourris la terre de leur
sang, et les moissons seront douces à notre
bouche. Jette leurs entrailles dans le torrent, et
leurs corps au feu de la Géhenne !
Arrache de leur bouche la langue qui a
proféré le mensonge, et de leurs
mains les doigts qui ont accompli les actes que tu
condamnes ! Parais dans le feu et le
soufre ! Détruis leurs palais,
écrase sous les décombres et leurs
femmes et leurs enfants à la mamelle, afin
qu'ils sachent que tu es
Dieu ! »
À ce moment un homme parut qui
portait une torche.
Il sortait du jardin. Mon maître
s'était tu, et en quelques bonds
s'était approché de l'homme.
- Eh bien ?
- L'homme est là, répondit
l'autre. Il n'a opposé aucune
résistance.
Sa torche levée au bout de son
bras éclaira le visage de Jonathan qui
m'apparut hideux. Je m'approchai vivement.
Déjà d'autres
étaient sortis du jardin. Bientôt, je
vis Jésus, que je reconnus à sa robe
blanche. Ses bras étaient liés le
long du corps. Son visage, violemment
éclairé par les flambeaux,
m'apparaissait calme bien qu'infiniment triste et
comme fatigué. La petite troupe fit une
pause, comme pour attendre que tous fussent sortis
de l'ombre du jardin.
Puis, je ne vis plus qu'une
chose :
ses mains liées. Je ne sais plus à
quoi je pensais à ce moment-là. je ne
pensais pas, sans doute ; j'étais
étourdi comme si j'avais reçu sur la
tête un coup de maillet. J'étais
hébété, perdu, et tout tournoyait en moi.
Je ne
voyais que ses mains liées. Avec
étonnement, je considérais ces
hommes, que la flamme des torches faisait de visage
étrange et d'accoutrement bizarre. Je
remarquai vaguement qu'un soldat romain me
regardait fixement. Je cherchai des figures connues
pourquoi ? Je n'aurais su le dire.
Peut-être voulais-je revoir encore une fois
le visage de l'homme qui avait trahi son ami. Je ne
le vis point. Et obstinément mon regard
fixait ces mains que les cordes tenaient
étroitement liées.
Ainsi, il était vaincu ! Il
était vaincu ! Oh ! Un sanglot
immense, irrésistible, me montait du plus
profond des entrailles et me suffoquait. J'aurais
voulu crier, et je ne pouvais pas. Je luttais
désespérément contre
l'invisible main qui m'étreignait à
la gorge.
Soudain, Jonathan bondit. Il avait
tiré une épée de dessous son
vêtement
- Faut-il frapper de
l'épée ?
Il avait crié comme on pousse un
rugissement. À peine eut-il jeté ces
mots, qu'un autre homme avait de l'ombre, lui aussi
armé d'une épée. Je le
reconnus sur-le-champ. C'était Simon Pierre.
Et j'entrevis, dans l'espace d'une lueur fugitive,
non loin de lui, les deux visages de Jacques et de
Jean.
Il est difficile de prendre des
légionnaires romains au dépourvu.
À peine Jonathan et Pierre eurent-ils brandi
leurs armes, que déjà plusieurs
d'entre les hommes de la cohorte se portaient en
avant, l'épée au poing. C'est alors
que pour la première fois j'entendis la voix
du Maître. Elle s'éleva claire, forte,
autoritaire, et à son bruit, tout tumulte
s'apaisa et les hommes
s'immobilisèrent :
- Remettez l'épée au
fourreau ! Car ceux qui prendront
l'épée périront par
l'épée.
Jésus avait fait quelques pas en
avant. Il s'avança entre les hommes qui se
surveillaient avec le regard aigu des combattants
qui ne veulent pas se laisser surprendre. Il se
tourna vers Pierre :
- Crois-tu, dit-il, que je ne pourrais
pas invoquer mon Père, qui me donnerait
aussitôt plus de douze légions
d'anges ?
Nous restâmes un moment
silencieux, comme dans l'attente de je ne sais
quelle intervention surnaturelle. Nos ennemis
eux-mêmes semblaient interloqués, en
tout cas fortement impressionnés.
Tout à coup nous entendîmes
une sorte de hurlement. C'était Jonathan qui
riait sauvagement, d'un rire démoniaque. Je
fus secoué d'horreur.
- Ah, faux Christ, faux Christ,
menteur !
Il jeta son épée par terre
et se précipita sur Jésus, comme pour
le souffleter. Un soldat s'interposa et rendit
impossible cette ignominie contre laquelle, encore
aujourd'hui comme à ce moment-là, ma
chair en même temps que mon coeur se
soulève et se révolte.
Alors, oh ! que son ricanement
était horrible à entendre - Jonathan
prit la fuite. La lune s'était levée,
éclairant étrangement toute la
scène. Jonathan courait, les deux bras
dressés vers le ciel. Et nous
entendîmes plusieurs fois encore son
hurlement de démon.
Mais déjà Pierre, Jacques
et Jean couraient aussi, comme des fous.
L'épouvante les avait saisis. Alors, je fus
pris moi aussi d'une affreuse panique. je poussai
un cri et je me mis à courir. Pourtant un
homme, un soldat romain, essaya de me retenir. Sa
main ne put saisir que le drap dont j'étais
vêtu. je me débattis avec violence, et
lui laissant l'étoffe entre les mains, je
m'enfuis tout nu et hurlant.
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