Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

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LE ROI ATTENDU

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 Le jour suivant était jour de sabbat. L'atelier demeura fermé tout le jour, ainsi que le veut la Loi. Nous allâmes à la synagogue suivant notre coutume. J'espérais beaucoup y rencontrer Jésus, Joanna aussi. je lui avais raconté par le menu tout ce que j'avais entendu et vu le soir précédent. Émerveillée, elle aussi, cela va sans dire, elle me dit cependant : « N'en parle pas encore à mon père. Il faut que sa connaissance vienne seule, autrement son orgueil se butera encore. Il faut le laisser venir de lui-même ! Il y viendra ! Vois ! Il est encore tout pensif de son entrevue d'hier avec le Maître ! Je ne sais ce que Jésus a pu lui dire ; mais on dirait que vraiment, même s'il n'est pas pour Jésus encore, il n'est plus contre lui ! »

Je pensais, quant à moi, que Jonathan ne savait plus lui-même de quel côté il était. Une bataille devait se livrer avec grand tumulte en son esprit ; cela se lisait sur son visage et dans son regard. Et la bataille n'était pas finie ! En attendant, il ne soufflait mot.

Nous cherchâmes donc Jésus à la synagogue, mais il n'y vint pas. J'en avais eu le pressentiment. Jésus, me disais-je, n'avait pas réussi à conquérir notre peuple comme il pensait le faire, et l'amener à la repentance ; il devait donc trouver beaucoup d'ennemis dans les synagogues. La synagogue ne peut être la maison de Dieu que si la foule n'a qu'un seul coeur, une seule âme, une seule pensée. Or, nous étions à Capernaüm fort divisés sur l'accueil qu'il fallait faire à Jésus. Et si d'une façon générale, tout le peuple était pour lui, tous les pharisiens et ceux qui étaient versés dans la Loi avaient décidé qu'il n'était qu'un imposteur, et leur coeur s'était fermé à son égard.
Nous revînmes donc à la maison sans l'avoir vu ; ce fut une déception pour Joanna et pour moi, et, je suis sûr, aussi pour Jonathan.

Le lendemain, mon maître fut absent toute la journée. Si j'avais su, moi aussi j'aurais été absent. Mais personne ne m'avait prévenu. J'avais bien remarqué un va-et-vient inusité sur le chemin qui va vers le nord et qui contourne le lac, vers l'est. J'avais bien vu aussi que les barques se livraient à un trafic étrange : elles s'éloignaient, surchargées d'hommes et de femmes.
À la vérité, je n'avais pas à être prévenu. Mais absorbé dans mon travail - ce travail dont le salaire devait m'être si précieux - je n'avais pas prêté attention à la rumeur qui, en un clin d'oeil, avait envahi la ville, et qui disait que Jésus était de l'autre côté du lac. Déjà des foules immenses s'assemblaient autour de lui.

Jonathan, lui, avait tout de suite laissé l'atelier à notre charge et était parti. Il ne devait rentrer que le soir.
Lorsqu'il revint, la nuit était déjà tombée depuis un long moment. Nous sûmes plus tard que le voyage de retour, en barque, avait été très dur, parce que le vent était contraire. Mais le fils d'Ezra avait autre chose à faire que de nous parler du mauvais temps. Il entra en coup de vent dans la chambre où nous étions réunis pour le repas du soir, et sa voix éclata comme une trompette, ce qui créa en notre petit cercle paisible un gros tumulte.
- C'est lui, c'est lui ! Il est le Messie vraiment !

Joanna et moi nous nous étions levés, frémissants.
- Il est le Christ de Dieu ! Alléluiah !

Il nous était impossible de placer un mot. D'ailleurs nous n'avions rien d'autre à faire qu'à écouter. Les paroles coulaient en torrent de la bouche de Jonathan. Son visage vibrait dans son enthousiasme d'enfant. Jonathan n'était plus le même homme : il dansait. Il embrassa sa fille vingt fois.

De son récit entrecoupé de cent exclamations, nous apprîmes ce qui s'était passé. Toute la journée s'était écoulée dans l'enchantement de la parole de Jésus. Il avait aussi guéri de nombreux malades. La foule était considérable, composée surtout de Galiléens. Nos Galiléens s'enthousiasment vite. Ici, d'ailleurs, ils avaient toutes les raisons du monde pour s'enthousiasmer. Le Maître avait déployé devant leurs yeux les merveilleuses perspectives du Royaume tout proche.
Il avait montré la justice rétablie parmi les hommes et la paix entre les peuples, et Dieu donnant à chaque homme plus que son dû, puisque le Royaume de Dieu est le Royaume de l'amour et de la grâce.
Mais tout cela, au dire de Jonathan, n'était rien, auprès de ce qui devait suivre. Il y eut le signe, le signe prophétique attendu de tous ceux qui prendront part au banquet du Royaume. Était-on quatre mille, était-on cinq mille ? Jonathan ne pouvait le dire. Il est certain que par un mystérieux prodige, Jésus, qui ne disposait que de quelques pains et de quelques petits poissons, nourrit pourtant la multitude !
« C'était le pain de Dieu ! La manne nouvelle ! Dieu, de nouveau, nourrit son peuple ! Béni soit celui par qui le pain divin est rompu et distribué à la foule ! »

Nous n'étions tous qu'une voix pour crier notre émerveillement.
Puis, Jonathan se fit mystérieux.
- Nous avons son secret, dit-il ; mais il faut qu'on le taise. Il se ménage. Sa manifestation doit avoir lieu à Jérusalem. Nous avons voulu, tout à l'heure, le faire roi. il nous a suppliés de n'en rien faire, et comme nous insistions, il est parti soudain et nous ne l'avons plus vu.
Il a raison. C'est à Jérusalem qu'il doit être proclamé roi, là, à la face de l'ennemi orgueilleux aujourd'hui, épouvanté et en fuite demain !
- Mais quand sera-ce ? criai-je éperdu.
- Je sais, fit-il, plein de mystère. je sais, parce qu'il n'en peut-être autrement. Ce sera à la fête de Pâques.
- Comment le sais-tu ? repris-je étonné.
- Comment ? Parce que c'est à ce moment-là que tout le peuple se porte en foule au temple de l'Éternel ! Parce que c'est lé jour où depuis les temps anciens le peuple fête sa délivrance du pays de servitude ! Il faut comprendre les Écritures, il faut lire les signes. Pâques sera le signal d'une nouvelle délivrance, la grande, celle qui sera pour l'éternité !
Mon coeur battait à grands coups. Les événements allaient se précipiter. Le grand jour de l'Éternel allait poindre, éclatant de triomphe et de joie, pour nous les humbles et les hommes pieux du peuple élu, scellé par Moïse au Sinaï, pour l'éternité.
- Ils sont encore peu nombreux, ceux qui le suivent ! criai-je.
- Qu'importe, répliqua-t-il. Ce n'est pas maintenant encore qu'il peut attirer les foules ! Tu es impatient ! Attends l'heure de sa manifestation à Israël !
D'ailleurs, ne me l'a-t-il pas dit hier ?
- Il te l'a dit ?
- Il m'a dit et je l'ai bien compris : « Quand il aurai été élevé, j'attirerai tous les hommes à moi »
- Il t'a dit cela, mon père ?
- Oui ! Et où sera sa manifestation sinon au temple en Sion ! C'est moi qui le dis ! Ses ennemis verront sa gloire et s'enfuiront confondus.

Joanna et moi nous nous regardions. J'avais raconté à ma fiancée tout ce que j'avais entendu dans la maison de la belle-mère de Pierre. Je lui avais répété, mot pour mot, les paroles de Jésus, annonçant ses souffrances, ses humiliations, sa mort prochaine. Comment concilier ces paroles-là avec celles que nous rapportait Jonathan ?
À mes yeux, tout au moins, cette élévation dont le Maître avait parlé à Jonathan, était sans aucun doute sa manifestation messianique, peut-être du haut du temple, devant les peuples éblouis ! Qui sait ? Peut-être serait-il pris par les anges de Dieu, et amené sur le sol sans heurt ni chute, et peut-être serait-ce là le signe tant attendu pour marquer la fin de ce monde et le début du nouveau !
Mais alors ! Les propos de Jésus à ses disciples, la croix dont il parlait ?

Jonathan avait repris son discours :
- Dès demain, nous nous mettrons au travail.
- À quoi faire ? demandai-je, interloqué.
- À quoi ? Mais, grand niais, crois-tu que le Roi aura usage de soldats armés avec des roseaux du Jourdain ? Au signal, nous brandirons nos armes prêtes, et nous les rougirons dans le sang de ces chiens de Romains !
- Mon père, demanda Joanna avec douceur, Jésus, qui assurément est le Christ, t'a-t-il dit qu'il lui faudrait une armée avec des lances, des flèches et des épées ?
- Non, concéda-t-il. Mais certainement il s'attend à ce que nous nous équipions nous-mêmes.
- Mon père, insista-t-elle, Dieu ne peut-il pas réduire à néant la puissance des méchants, sans se servir de ces armes sanguinaires ?
- Et comment les détruira-t-il, si ce n'est en les retranchant du nombre des vivants ?
- Mais, dis-je, toutes les paroles que j'ai entendues de la bouche de Jésus étaient des paroles de bonté et de miséricorde !
- Sans doute, sans doute ! Mais ne s'adressait-il pas aux brebis perdues de la maison d'Israël ?

Jonathan parla encore longtemps, et telle était l'ardeur de ses convictions que je me pris à me demander s'il n'avait pas raison, après tout. Je haïssais mon pauvre coeur troublé qui se mettait à battre plus fort, à l'annonce de la bataille prochaine. En étais-je donc arrivé à oublier le visage de Jésus si expressif de tendresse et de douceur, quoique de regard aigu et viril, pour me laisser entraîner par la poésie sauvage de Jonathan !
Car mon maître était déchaîné. Il récitait des paroles des prophètes et des psalmistes, des paroles de Salomon, d'Enoch le patriarche, et de Jésus le fils de Sirach. Il voyait la colère de Dieu éclater comme le tonnerre, les palais des impies s'effondrer en ensevelissant leurs occupants. Il voyait les rues de Jérusalem transformées en rivières de sang et charriant des cadavres. Que ne voyait-il pas ? Les cieux pleuvant du soufre, et les villes des Gentils connaissant le sort de Sodome et de Gomorrhe.
- il vient, il vient, hurlait-il, il vient, le Vengeur! Il vient !
Vous ne l'entendez pas ! Êtes-vous sourds? Esaïe ne l'a-t-il pas annoncé ?

Pourquoi tes habits sont-ils rouges,
Et tes vêtements comme les vêtements de celui qui foule dans la cuve ?
- J'ai été seul à fouler au pressoir,
 
Et nul homme d'entre les peuples n'était avec moi !
Je les ai foulés dans ma colère,
Je les ai écrasés dans ma fureur
Leur sang a jailli sur mes vêtements,
Et j'ai souillé tous mes habits ;
Car un jour de vengeance était dans mon coeur,
Et l'année de mes rachetés est venue.
Je regardais, et personne pour m'aider
J'étais étonné, et personne pour me soutenir
Alors mon bras m'a été en aide,
Et ma fureur m'a servi d'appui.
J'ai foulé des peuples dans ma colère
Je les ai rendus ivres dans ma fureur,
Et j'ai répandu leur sang sur la terre.

Avez-vous des oreilles pour ne point entendre, des yeux pour ne point voir ? Le Très-Haut nous appelle à la rescousse ! Nous serons aux côtés de son Oint au grand jour de la colère ! Nos muscles se feront d'acier et nos coeurs se feront de pierre ! Pas de pitié pour les ennemis de Dieu !
Il se tut soudain, et dans le silence nous n'entendîmes plus que les sanglots de Joanna. Jonathan n'y prit pas garde. Il était comme en extase, les yeux dans le vague, le visage frémissant et illuminé.
Et sa voix reprit, tantôt douce, tantôt âpre, une antique prophétie. Il la disait, la reprenait, la chantait et parfois il se précipitait comme un guerrier se jetant dans la mêlée, et parfois il psalmodiait, comme un prêtre sur les marches de l'autel.

Dites à la fille de Sion :
Voici, ton Sauveur arrive ;
Voici, le salaire est avec lui,
Et les rétributions le précèdent

Puis il sortit en courant. Un instant après, nous l'entendîmes dans l'atelier remuer les outils de la petite forge ; Jonathan était au travail : il préparait des lances pour l'armée de son roi.

Joanna pleurait toujours, le visage dans ses mains. Sa mère, affalée dans un coin de la chambre, nous regardait sans mot dire, les yeux hagards. Deux autres ouvriers étaient là, encore, mais pour eux, la scène avait été complètement incompréhensible. Nouveaux arrivés dans le pays, venus de Tyr où ils exerçaient leur métier de faiseurs de bateaux, ils n'avaient guère entendu parler de Jésus. Quant à moi, la tête me faisait mal à éclater, et mes pensées tournaient en tourbillon en mon esprit. Je sortis et pris le chemin de la colline. Je n'avais pas fait beaucoup de pas que déjà Joanna m'avait rejoint.
- Oh ! Elias, n'est-ce pas affreux ?
- Oh ! Joanna, dis-je, ce qui est affreux, c'est que je ne comprends plus !
- Quoi, qu'est-ce que tu ne comprends plus ?
- Joanna, mon pauvre coeur est indécis !

Je devinai, bien qu'il fît noir, que Joanna me regardait avec une sorte d'horreur douloureuse.
- Elias, reprit-elle doucement, avec tendresse, pour moi aussi il y a bien des choses que je ne comprends pas, ou que je comprends mal. Mais de ceci je suis bien certaine : Dieu tel que j'ai appris à le connaître, je dirai même à le voir, depuis que les yeux de ma tête se sont ouverts ainsi que les yeux de mon coeur, et depuis que j'ai contemplé le visage de l'oint du Seigneur, Dieu est amour, et il n'édifiera pas sa gloire sur les cadavres de ses ennemis ! De cela je suis bien sûre !
- Mais la justice, Joanna ! Sa loi dont ils se moquent ; sa parole, dont ils rient, sa sainteté devant laquelle ils n'ont que mépris ! Laissera-t-il tout cela sans châtiment ?
- Elias, je ne sais ! je ne suis qu'une pauvre fille de Capernaüm ! Mais s'il y a beaucoup de choses que j'ignore, d'une chose je suis certaine, parce que Jésus le dit, parce que la prière qu'il nous a apprise le dit, et parce que son visage le dit : Dieu est pardon et miséricorde ! Et il veut que nous soyons pardon et miséricorde, nous aussi.
- Mais sa Justice, Joanna !
- Peut-être, Elias, sa justice est-elle tout autre que ce que nous imaginions ! Car certainement, son Christ est tout autre que ce que nous pensions.
- C'est vrai !
- Elias, mon bien-aimé, il nous faut chercher notre joie dans nos certitudes, et pour les choses qui nous semblent confuses, attendre de Dieu qu'il manifeste lui-même ses desseins. Ayons confiance. Moi, le sais que le salut est proche, pour tous ceux qui croient.
- Mais comment expliquer ce que j'ai entendu Jésus lui-même dire de sa bouche, qu'il faut qu'il meure, qu'il soit crucifié, et qu'il nous faut, nous aussi, porter notre croix ?
- Je ne comprends pas non plus, Elias. Ne faut-il pas nous attendre à ce que celui qui possède les secrets du ciel et qui connaît les mystères de Dieu nous parle en paroles scellées ? Le temps viendra, sans doute, où tous les sceaux seront rompus.
Te souviens-tu, Elias ? « Il te sera fait selon ta foi ! » C'est la dernière parole que j 'ai entendue dans la nuit de mes yeux ! L'instant d'après, parce que il avais cru, je voyais, et la lumière du Père Céleste pénétrait en moi !
- Joanna, dis-je, grandement ému, tu es meilleure que nous tous ! Tu en sais plus que Simon Pierre lui-même et que Jean.
- Tais-toi, Elias, tu dis des bêtises ! Si tu avais comme moi toute ta journée pour penser aux choses de Dieu, tu comprendrais toi aussi !

Nous allâmes jusqu'au sommet de la colline, à notre Béthel. Les pierres étaient là, près desquelles il nous était apparu, quelques soirs auparavant. Mais ce jour-ci, malgré notre secrète attente, nous ne le vîmes point.
- Je me demande, dis-je à Joanna, lorsque nous redescendîmes en nous donnant la main, comment ton père a-t-il ainsi, tout d'un coup, changé d'attitude à l'égard de Jésus ! Aucun homme ne peut haïr comme il a haï Jésus ; il n'y a pas quelques mois, il voulait le tuer ! Il y a quelques jours, ses paroles étaient encore pleines de violence, de colère ; et ce soir !
- Mon père est étrange, Elias, je le sais, mais je l'aime malgré tous ses défauts. Et il a un coeur capable d'aimer. Je sais qu'il m'aime, et sans doute est-ce son amour pour moi qui a été le commencement de sa nouvelle attitude envers celui qui m'a guérie. Pouvait-il encore le haïr ?
Mais mon père a plusieurs amours dans son coeur. Et son amour pour la Loi, pour Dieu, pour son peuple, chasse parfois tout autre amour ! Hélas ! Il ne devrait pas en être ainsi !

Joanna avait raison. Son père était possesseur de plusieurs coeurs ; ils habitaient ensemble dans sa poitrine. Mais cela expliquait-il que la haine que Jonathan avait pour Jésus se fût tout à coup muée en amour passionné ? je ne comprenais pas, à moins que par un miracle de Dieu, la haine pût se transformer soudain en un amour aussi violent.
- J'ai peur de quelque chose, me dit brusquement Joanna, c'est que Jésus ne soit pas le Messie que mon père attend. Alors, je pense qu'il le haïra plus encore qu'avant.
- Mais alors, c'est qu'il ne l'aime pas !
- C'est ce que je pensais, Elias, mais je n'osais pas le dire. Je crois que mon père est prêt à suivre jusqu'au bout celui dont il a vu tout à l'heure un miracle étonnant, et en lequel il a cru lire un signe. Il ne se trompait sûrement pas, en cela. Mais j'ai peur que ce ne soit pas de l'amour que mon père ait pour Jésus.
- Que serait-ce, alors ?
- La peur, Elias, me dit-elle dans un souffle. Car la puissance de Dieu est sur lui, il n'a pu que le voir. La crainte ! Et aussi naturellement son amour pour le Royaume promis. Il a sans doute compris que Jésus réaliserait point par point son rêve cruel et grandiose en même temps.
Je crois que mon père est sincère.

De cela, certes je ne pouvais douter. Mais je me dis avec Joanna :
« Que se passera-t-il, s'il est déçu dans son espoir, et si Jésus n'est pas le Christ qu'il attend ? »

Lorsque nous rentrâmes, Jonathan chantait dans l'atelier. Un homme était avec lui, que nous reconnûmes : c'était le forgeron qui habitait non loin de chez nous. Les deux hommes réparaient la petite forge que Jonathan avait dans un coin de sa cour. Demain, on forgerait des fers de lance chez Jonathan, le fils d'Ezra.
Et les choses se passèrent exactement comme nous l'avions prévu.

Plusieurs mois s'écoulèrent ainsi. Nous n'avions plus de nouvelles de Jésus, ce qui m'inquiétait fort. Mais Jonathan, lui, ne prenait pas souci de ce long silence. N'avait-il pas dit que c'était pour la fête de Pâques ? En attendant, le Messie se réservait. Son heure n'était pas encore venue.
Cependant, le printemps faisait belles nos collines, et belles nos espérances. Dans l'atelier du charpentier, on travaillait sans relâche. À plusieurs reprises, déjà, Jonathan, avec l'aide de quelques hommes venus des montagnes, avait enlevé des monceaux de lances. On les cachait dans des cavernes.
Ils en avaient emporté aussi dans des barques, vers Magdala et Tibériade et de là, vers les montagnes. L'armée du Roi ne manquerait pas d'armes lorsque l'heure sonnerait.

Un jour, environ trois sabbats avant la fête de Pâques, Tsadok arriva à Capernaüm, venant de Jérusalem.

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