Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

IV

LA FLEUR ROYALE.

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Trois sabbats avaient passé depuis que Tsadok le possédé avait été délivré de son démon dans la synagogue. J'apportai, un soir, à Joanna, un bouquet de fleurs des champs. C'étaient de grosses anémones rouges, telles qu'il en pousse en grand nombre sur nos coteaux et nos collines.
Joanna respira longuement leur parfum. Elle palpa les pétales de ses doigts fins et déliés, et après m'en avoir fait dire les couleurs, elle caressa longuement les corolles gracieuses et les feuilles à fines dentelures. Puis, elle plongea tout son visage dans la gerbe embaumée, comme pour se remplir de tout le printemps qu'elle recelait, et pour voir avec ses joues, ses lèvres, ses doigts, ce que ses yeux ne pouvaient que deviner.
C'est alors que je lui dis la parole que j'avais entendue quelques heures auparavant : « Voyez les lis des champs ! Ils ne filent ni ne tissent, et pourtant Salomon même dans toute sa gloire n'a pas été vêtu comme l'un d'eux ! ».
- Qui a dit cela ? demanda-t-elle, en relevant la tête.
- Qui ? dis-je ; celui qui en ce moment nous ouvre les yeux à tous...
- Ouvre les yeux ?
- Ah ! je te demande pardon, Joanna.
- Pourquoi me demander pardon ? Continue.
- Je parlais de Jésus, le prophète de Nazareth qui nous fait voir aujourd'hui ce que nous aurions dû connaître depuis longtemps ! Mais nos esprits étaient fermés.
Oh ! Joanna si tu avais pu venir l'écouter tout à l'heure ! Je n'ai jamais rien entendu de si beau. Non, ces choses-là, il ne pouvait pas les dire dans les quatre murs de la synagogue. Pourtant, à ce dernier sabbat encore, il a parlé de merveilleuse façon.
- Oh, oui, me répondit Joanna. Il me semblait le voir tout resplendissant de force et de joie, alors qu'il expliquait ce que serait le monde nouveau où nous, les pauvres, ceux qui souffrent, ceux qui pleurent, aurons une place !
- Eh bien, aujourd'hui, il nous a encore parlé ainsi. Seulement, vois-tu, c'était en plein air. C'était plus près de Dieu. Il était en haut de la colline, debout, la tête dans le bleu du ciel, et nous étions nombreux à l'écouter. Il ne faisait pas de vent. Nous étions là en foule, tous nos pêcheurs du lac et un grand nombre de gens de Capernaüm. Le travail avait cessé. Tout au moins aurait-on pu le croire.
- Non, tout travail n'avait pas cessé. Mon père a travaillé toute la journée, et à la façon dont il jetait ses planches et ses outils, je comprenais qu'il était en colère. Je devine tout. Il est toujours ainsi depuis que Jésus a commencé à aller partout en guérissant les malades et en prêchant sa doctrine.

Elle poussa un profond soupir. Pour moi, je ne pouvais que m'irriter contre la folle de mon maître qui ne voulait entendre raison. C'est surtout l'enseignement de Jésus sur le Royaume qui le mettait hors de lui. Puis, aussi, ses guérisons le jour du sabbat. Jonathan avait des idées très nettes et très précises là-dessus. Quiconque différait de lui était, à l'entendre, ennemi de Moïse et de Dieu.

Mais je repris vite la conversation sur le sujet dont j'étais tout rempli depuis que j'avais entendu Jésus parler sur la montagne.
- Oui, lui dis-je, il a parlé comme au dernier sabbat, dans la synagogue. Et pourtant, ce n'était pas la même chose. C'était en plus grand, en plus immense. Il y avait là le lac, et les collines, et le ciel. Tu comprends ?
- Oui, Elias, je comprends, me dit Joanna.
- Sais-tu à qui je pensais, alors que je le contemplais, debout contre le ciel, et que sa voix forte roulait jusque sur le lac, qui s'étalait à nos pieds comme un immense miroir ? Je songeais à Moïse.
- Moïse !
- Oui, quand de la montagne de Dieu il donna au peuple d'esclaves, nos ancêtres, les tables de la Loi.
Si tu l'avais vu ! Si tu l'avais entendu !
- Tu dis toujours la même chose ! Raconte tout ce qu'il a dit, alors je le verrai et je l'entendrai.
- Il nous a parlé comme à un peuple de malheureux esclaves que nous sommes ! Aux pauvres, aux humbles, à ceux qui pleurent, à ceux qui ont faim, à ceux qui sont persécutés pour être fidèles à la Parole et à la justice de Dieu.
- C'est vrai, dans ce sens, nous sommes tous esclaves - comme moi je suis esclave de la nuit.
- Chut ! Tu sais ce que m'a dit Tsadok : que Jésus pourrait te guérir !
- Tais-toi, mon père pourrait entendre ! Et qu'a dit encore Jésus ?
- Je me souviens de presque toutes ses paroles Tiens, je vais te les dire :

Heureux les pauvres en esprit : car le Royaume des cieux est à eux ;
Heureux ceux qui pleurent : car ils seront consolés ;
Heureux les débonnaires : car ils hériteront la terre ;
Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice : car ils seront rassasiés ;
Heureux les miséricordieux : car ils obtiendront miséricorde ;
Heureux ceux qui ont le coeur pur : car ils verront Dieu ;
Heureux ceux qui procurent la paix : car ils seront appelés fils de Dieu ;
Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : car le Royaume des cieux est à eux !

Je m'étais levé en répétant ces paroles que j'avais entendu Jésus clamer à plusieurs reprises, du haut de la colline, la terre tout entière lui faisant piédestal.

- Oh ! Joanna, repris-je, tu vois, le Royaume est pour nous ! C'est bientôt qu'il va paraître. Aujourd'hui, c'est l'aurore ou presque. Les premières lueurs de l'aube, avant que le soleil monte. Ce sont les promesses qui précèdent la réalité. Déjà nos coeurs s'en illuminent et tressaillent de joie. Il semble que c'est déjà arrivé. Oh ! Joanna, en écoutant Jésus, nous avions tous oublié qu'il parlait pour l'avenir. Nous avions tout oublié, même les misères dont il annonçait la disparition prochaine. Nos coeurs dansaient, et nous poussions des hosannas, comme si c'était l'envoyé même de Dieu qui nous parlait, l'oint du Seigneur.
- Et qui sait si ce n'est pas lui !

Je restai un instant interdit. Puis je lui dis :
- Joanna, tu sais bien que ce n'est pas possible. Le Messie de Dieu ne viendra pas comme cela !

Elle ne répondit pas.
Alors, je repris :
- Nous étions tous debout à crier notre approbation et il ne put reprendre ce qu'il voulait dire qu'un long moment après.
- Oui, répondit Joanna, et vous étiez tous tellement empressés à crier et à hurler votre contentement que vous n'avez pas fait attention à ce qu'il avait dit.
- Comment, pas attention ! Il nous a promis le royaume à nous, les pauvres, les malheureux, les opprimés.
- Elias, tu m'as bien dit tout cela, tout à l'heure - mais plus encore.
N'a-t-il pas parlé des doux, des miséricordieux, des purs de coeur et de pensée ? ...
- C'est vrai, Joanna. Puis il devait encore ensuite parler de ceux qui pardonnent à leurs ennemis, qui rendent service, joyeusement, de leur plein gré, à ceux qui leur font du mal.
- Il a dit cela ? Tu vois bien qu'il n'a pas fait des promesses seulement. Il a posé des devoirs.
« Je me demande, ajouta-t-elle pensivement, combien de ceux qui criaient hosanna et approuvaient avec leur tête, et leurs mains et leurs pieds, ont réfléchi un seul instant à ce que leur demandait celui qui leur parlait - ou Dieu, plutôt, puisque celui-ci est un prophète de Dieu ! »

Je n'avais pas pensé à cela. Je me rappelais maintenant avoir vu à mes côtés plusieurs hommes trépigner de joie à entendre Jésus proclamer la venue prochaine du Royaume. J'avais remarqué plusieurs des anciens de la synagogue ; je les connaissais bien. Ils étaient de la même trempe que Jonathan bien que moins violents. Ils n'avaient certes pas de tendresse pour les Romains ni de bon vouloir à leur égard. Maintenant que Joanna me le faisait remarquer, c'était bien cela en effet que Jésus demandait : qu'on pardonne à ceux qui nous oppriment, et que par amour pour eux, on aille même au-devant de leurs désirs. Je ne voyais pas comment les uns ou les autres, moi le premier, nous accepterions de nous mettre de gaîté de coeur à faire le double, et gratuitement, de ce que nous demandaient les hommes de la cohorte, qui ont le parler rude et le fouet facile !
- Tu ne dis plus rien, Elias, me demanda Joanna, la voix anxieuse.
- Oh Joanna, je voudrais pouvoir te dire tout ce que j'ai entendu. J'en ai oublié, mais attends, je pense que je vais pouvoir t'en dire encore.
Oui, je te rapportais ses paroles : « Aimez vos ennemis et bénissez ceux qui vous persécutent ! »

Je m'arrêtai brusquement. je venais de voir apparaître dans l'encadrement de la porte Jonathan, mon maître.
- Que dis-tu là ? me dit-il.
- Ce sont des paroles que j'ai entendues tout à l'heure, repris-je avec au coeur une appréhension contre laquelle le luttais en vain, et qui était bien étrange.

Le fait est que depuis quelque temps, mon maître me faisait plus peur qu'avant. Par moment, il devenait une sorte de sauvage. C'était à n'y rien comprendre du tout.
- Et qui les a dites ?
- Jésus de Nazareth, le charpentier.
- Je le savais ! Si une folie court nos campagnes, il faut que ce soit lui qui l'ait dite. Qui donc nous débarrassera de ce faux prophète ?
- Oh ! père, interrompit Joanna.
- Tais-toi ! Tu n'es qu'une fille ! Qu'est-ce que c'est que ces fleurs ?
- Oh ! dit-elle, le visage s'éclairant, c'est Elias qui me les a apportées.
- Ah ! Elles sont jolies. Tu es contente ?
- Oui, père. Et puis tu sais, Salomon dans toute sa gloire n'a pas été vêtu comme l'une d'elles.
- Qui a dit cela ?
- C'est lui, père, c'est Jésus.
- Encore lui ! Enlève ces fleurs odieuses. Vite ! Jette-les dehors !
Et toi, me dit-il avec brusquerie, que je te prenne encore à aller entendre ce faiseur de discours qui fait tourner la tête aux meilleurs du pays. Ils ne voient donc pas, les insensés, qu'il parle contre Moïse et contre les prophètes !
- Mais, maître !
- Tais-toi ! Sais-tu quelque chose de la Loi, toi ? Ah ! Celui-ci prêche l'amour des ennemis, le pardon des offenses ! Veut-il faire de nous tous des femmes faibles ! Il parle de Dieu et il ne sait pas que Dieu est un Dieu jaloux qui a en abomination ceux qui n'observent pas la Loi et oppriment les élus ! Il ne croit pas en Dieu, ce Jésus ; c'est je ne sais quelle doctrine d'homme qu'il prêche avec beau parler et mots suaves. C'est parce qu'il est agréable de visage que toutes les femmes de Capernaüm le suivent en foule, pour l'écouter, laissant maison ouverte et feu éteint. Il faudra bien que ce faiseur de miracles dont on dit tant et tant à vous en assourdir les oreilles, s'occupe aussi à nourrir toutes ces foules qui lui courent après, hommes et femmes ! Car on délaisse champs et cuisines. On ne peut pourtant pas se nourrir de discours !

Jonathan maintenant était emballé. Rien n'aurait pu l'arrêter, et je me gardais bien de dire quoi que ce fût pour endiguer ce torrent furieux. il parlait moins à Joanna et à moi qu'à un auditoire invisible, fait sans doute des membres influents de la synagogue qu'il accusait de déserter la chaire de Moïse pour s'attacher à celle du premier venu.
- Et puis, quelle présomption que celle de cet homme ! Oh ! Je sais bien ce qu'il a dit cet après-midi. On est venu me le raconter tout au long.
Ne se met-il pas au-dessus de Moïse ? Tu y étais, Elias, n'a-t-il pas dit quelque chose comme ceci « Vous avez entendu qu'il a été dit dans la loi de Moïse oeil pour oeil, dent pour dent ! Mais moi je vous dis...
- Oui, aimez vos ennemis !
- Qu'importe ce qu'il a dit, tais-toi ! dit-il rageusement. Ce qui me met hors de moi, c'est ce : moi, je vous dis. Qu'est-il au juste, ce « moi, je vous dis » ? Un charpentier comme moi. A-t-il étudié ? Point. Moins que moi, sans doute. Car je connais la Loi, moi, et je la respecte. Qu'a-t-il à vouloir innover ? Qui veut du nouveau méprise l'ancien. Ce Jésus, ce charpentier prétend corriger Moïse ? C'est un blasphémateur.
- Pourtant il fait des miracles.
- Les miracles ! Il les fait par la puissance de Satan.
- Oh ! mon père !
- Tais-toi ! Qu'on ne me parle plus de ces guérisons C'est un scandale !
- Mais...
- Silence ! dis-je.

Il était frémissant de rage.
- Il veut amollir nos courages, affaiblir nos volontés.
Quand le Messie viendra, il lui faudra des lions pour guerriers. À suivre celui-ci, qui a pris le nom de Josué le Sauveur et qui ne peut être que notre perdition, nous serons bientôt tous des moutons.
Ah, ah, reprit-il en ricanant, des moutons, et bientôt prêts pour l'abattoir !
Mais nous prendrons nos précautions. Par Jacob notre père, avant que cela n'arrive, nous le mènerons lui-même, mouton, là où sûrement sa folie ne manquerait pas de nous mener - sous le couteau du légionnaire romain !
Qu'il y aille !
Pour nous !... Oui, quelque part dans l'atelier, dans une cachette, il y a une épée et une lance, Un jour, Dieu en aura besoin, comme il aura besoin de mon bras que voici !

Jonathan brandissait ses deux poings. Son visage brûlait de la flamme de ses deux yeux et sa bouche se tordait sous la violence de ses mots.
Il me fit un signe, et je sortis de la chambre. Il me suivit sans ajouter mot, ayant saisi dans ses mains, tremblantes encore de sa fièvre sauvage, les anémones que j'avais apportées pour Joanna, et qui étaient fanées maintenant, comme brûlées par sa haine. Il les jeta en un tas, dans la cour.

Pour moi, je m'en allai à mon occupation de chaque soir. Il me fallait ranger la cour, veiller à ce que tout le bois susceptible d'être volé fût rentré dans l'atelier, qu'aucun outil ne restât à rouiller à la rosée nocturne.
Je travaillais lentement. Rien ne me pressait. je pensais à tout ce que j'avais vu et entendu ce jour-là. Jonathan avait rudement assailli la confiance que j'avais si simplement et si ingénument donnée aux paroles de Jésus.
- C'est vrai, me dis-je. Il veut faire d'un rêve magnifique une réalité, mais c'est quand même et toujours un rêve. Comment libérer le peuple de ses ennemis en s'interdisant d'opposer violence à violence et en rendant le bien pour le mal ! Saurais-je, moi, tendre la joue droite à qui m'aurait frappé sur la joue gauche, ainsi qu'il nous l'a demandé ? Ne résistez pas au méchant, a-t-il dit. Que faire alors ? N'est-ce pas se condamner à un éternel asservissement ?

Je discutais avec moi-même le pour et le contre.
Il demande trop de nous, me dis-je. Il a oublié de quoi nous sommes faits. ça a l'air tellement simple en l'écoutant ! Et puis...
Oui, il nous faut appeler Dieu notre Père, et prier comme il a dit de faire. C'est simple, tout cela. Un enfant devrait pouvoir le dire, le faire. Et maintenant que j'y songe, comment s'y prendre pour sortir de ses habitudes, de la vie toute faite dans laquelle on est entré, pour ainsi dire, en venant au monde !
Il dit qu'il ne faut pas agir comme tout le monde, qu'il faut prendre un sentier pour soi tout seul, prier tout seul, jeûner tout seul, faire l'aumône tout seul. Mais qui peut faire cela ! je veux bien essayer, mais je sais bien que je retomberai dans mes habitudes qui sont les habitudes de tout le monde.
Joanna, elle, saurait le faire. Elle est toujours seule. Dans son âme elle s'est fait un temple. Ce n'est pas la lumière de ses yeux qui y pénètre. Mais c'est le Seigneur certainement qui met sa gloire au dedans d'elle. Je sais qu'elle converse avec lui, tout bas. Elle me l'a dit un jour. Elle m'a dit aussi que Dieu lui répondait.
Joanna comprendrait Jésus. Elle pourrait le suivre. Moi, pas. Je vois clair : le monde pénètre en moi par les yeux. Je vis trop dans le monde, et pas assez, tout seul, au fond de moi-même.
Pour moi, c'est impossible !

Je m'étais arrêté, pour m'accouder au petit mur bas qui entourait notre cour. Les yeux perdus dans le lointain, je me laissais aller au balancement de mes pensées, vers le large de la nuit. Les collines bleues étaient noyées dans la nuit bleue. Tout était bleu, infini.
Soudain, J'entendis des voix animées. Plusieurs silhouettes, dont une très blanche, s'avancèrent sur la route. Je tressaillis. Je reconnus celui qui venait ainsi. je me haussai sur une poutre si bien que tout le haut de mon corps dépassait le mur.
Je me répétais en moi-même, inconsciemment sans doute : impossible, impossible, pour moi c'est impossible !
Alors il s'arrêta comme s'il avait entendu ma pensée profonde.
Allait-il me parler ? De toutes les forces de mon âme j'étais tendu vers lui. Je ne voyais pas son visage, mais seulement sa longue robe blanche. Ses compagnons s'étaient arrêtés quelques pas en avant de lui. Il était seul, tourné vers moi.
Non, il ne me dit rien, mais il m'avait assez dit, et du fond de mon coeur, je le remerciai. Il savait que j'existais. Il s'était arrêté pour me regarder.
Non, rien n'était impossible. Absolument rien n'était impossible.
Il m'avait regardé.
Puis, il était parti, et avait rejoint ses compagnons.
J'étais maintenant tout seul. Non, pourtant ; quand je me retournai, je vis Joanna non loin de moi.
- Qu'y a-t-il ? lui demandai-je doucement.

Seul Jonathan, mon maître, pouvait parler à Joanna autrement que doucement.
- Elias, les fleurs royales ?
- Tiens, les voici, Joanna.
- C'est bien cela qu'il a dit, n'est-ce pas : « Salomon même dans toute sa gloire, n'a pas été vêtu comme l'une d'elles ? »
- Oui, mais il a encore ajouté ceci, que je ne t'ai pas dit tout à l'heure :
« Si Dieu revêt ainsi l'herbe des champs, qui est aujourd'hui et qui demain sera jetée au feu, combien plutôt vous revêtira-t-il, ô gens de peu de foi »
- Il a dit cela ?
- Oui, Joanna.

Je n'ajoutai mot, ni elle non plus. Elle ramassa ses fleurs, les caressa longuement de ses doigts fins, en frôla lentement sa joue, et reprit le chemin de la maison.
- O Joanna ! La fleur royale où se sont peintes et la splendeur et la magnificence du Roi des Cieux, je la connais ! C'est ton âme que seule éclaire la lumière de la gloire céleste ! Ton âme de patience, de douceur, d'attente sereine et confiante.
Joanna, je ne te l'ai pas dit, et je ne te le dirai pas avant l'heure, Tsadok et moi nous complotons ! Nous te conduirons à celui qui ouvre les yeux !
Je ne te le dis pas - car tu dirais ton espérance à Jonathan ton père. Je connais ton père. Il dirait : « Plutôt ma fille aveugle que guérie par ses doigts et sa parole ! »
Patience, Joanna, nous complotons. Dieu revêt de splendeurs toujours neuves et fraîches l'anémone des prés. Il prépare pour tes yeux une fête royale, afin que tu grandisses et t'épanouisses toi aussi dans la grande clarté de la joie et de la vie triomphante !

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