Il est écrit: TA PAROLE EST LA VERITE(Jean 17.17)... cela me suffit !

La formule de la sanctification.




Une formule, une recette pour la sanctification ? Serait-il possible de parler sérieusement de cette puissante transformation, comme si la marche en était aussi précise que la production d'un nombre déterminé de volts d'électricité ? Il n'est pas permis d'en douter. Tandis qu'une expérience mécanique réussit infailliblement, se pourrait-il que l'expérience suprême et vitale de l'humanité demeurât le jouet du hasard ? Le blé devrait-il sa croissance à une méthode et le caractère à un caprice ? Si nous ne pouvons calculer à coup sûr le produit des forces de la religion, alors la religion est chose vaine. Et si la loi qui régit ces forces ne peut être formulée en termes intelligibles, alors le christianisme n'est pas la religion de l'humanité, mais une mystification,

Où devons-nous donc chercher une pareille formule ? En général, les formules d'une science quelconque sont résumées dans les manuels qui traitent de cette science. Et si nous nous adressons au manuel du christianisme, nous trouverons une formule aussi claire et aussi précise que les formules des sciences mécaniques. D'ailleurs, pourvu que cette règle soit suivie sans hésitation, elle aura pour résultat la formation d'un caractère parfait, aussi bien que tout autre résultat garanti par les lois naturelles. La plus belle expression de cette règle qu'on puisse trouver dans l'Écriture ou dans n'importe quelle littérature est probablement celle tracée et condensée dans un seul verset de saint Paul. Vous la rencontrerez dans une lettre - la seconde aux Corinthiens - écrite par lui à quelques chrétiens qui, au sein d'une ville dont le nom était devenu le synonyme de dépravation et de licence, cherchaient les choses qui sont en haut. La voici :
Ainsi nous tous qui contemplons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur à visage découvert, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par l'Esprit dit Seigneur.

Remarquons tout d'abord la complète opposition qui existe entre les efforts décrits précédemment et cette simple phrase passive « nous sommes transformés, » nous sommes changés. Nous ne nous changeons pas nous-mêmes. Aucun homme ne peut se changer lui-même. D'un bout à l'autre du Nouveau Testament, partout où il est question de ces transformations morales et spirituelles, nous voyons que les verbes sont au passif. Plus tard nous en donnerons la raison logique ; mais en attendant, ne rejetez pas ces mots loin de vous, comme si cette passivité s'opposait à tout effort humain ou ignorait toute loi intelligible.

Ce qui est impliqué ici pour l'âme n'est rien de plus que ce qui est réclamé par tout pour le corps. En physiologie, les verbes qui décrivent le procès de la croissance sont au passif. La croissance n'est pas un acte volontaire ; elle a lieu, elle arrive, elle est produite par un travail sur la matière. Il en est de même ici. « Il faut que vous naissiez de nouveau. » - Nous ne pouvons nous faire naître nous-mêmes. « Ne vous conformez pas au siècle présent, mais soyez transformés. » -

Nous sommes soumis à une influence transformatrice. Nous ne nous transformons pas nous-mêmes. Il n'est pas plus certain que les variations du thermomètre sont dues à une action extérieure, qu'il ne l'est que le changement moral dans l'âme humaine est opéré par une cause existant en dehors d'elle. Il faut, cela va sans dire, qu'elle soit susceptible de subir ce changement, qu'elle soit partie intéressée dans l'opération ; mais soyons en sûrs, ni ses aptitudes, ni sa volonté ne peuvent produire ce résultat.

Quelque évident que ce fait doive paraître, il n'en est pas moins pour plusieurs une révélation saisissante. Le changement sur lequel se sont concentrés tous nos efforts ne peut être amené par aucun effort. Il doit être accompli en nous par le modelage de mains supérieures aux nôtres. De même que la branche s'élève, que le bouton éclate, que le fruit se colore par la coopération des influences diverses de l'air extérieur, ainsi l'homme atteint sa stature parfaite par des pressions invisibles venues du dehors.

Le défaut radical de toutes nos premières méthodes de sanctification consistait dans la tentative de créer du dedans ce qui ne peut être accompli sur nous que du dehors. Selon la loi primitive du mouvement, un corps persiste dans son état de repos ou de mouvement uniforme en ligne droite, aussi longtemps qu'il n'est pas contraint de changer d'état par des forces agissant sur lui. Cette loi est aussi la première loi du christianisme.

Le caractère de tout homme reste ce qu'il est ou poursuit la direction dans laquelle il est engagé, à moins qu'il ne soit obligé de changer d'état par des forces agissant sur lui. Notre erreur a été de nous substituer nous-mêmes à ces forces. Deux choses sont nécessaires, l'argile et le potier ; nous avons essayé de faire mouler l'argile par l'argile lui-même.

La question qui se pose maintenant est celle-ci : D'où viendra cette action et où est le potier ? La formule répond : « Nous sommes transformés en reflétant comme un miroir la gloire du Seigneur. » Mais ces termes manquent de clarté. Qu'est-ce que la gloire. du Seigneur ? Comment un homme mortel peut-il la refléter ? Comment cette réflexion peut-elle agir à la manière d'une force pour le modeler en une plus noble forme ?

Le mot « gloire » - le mot qui à lui seul exprime la réunion de ces « forces agissantes » - est étranger au langage usuel, et notre premier devoir est d'en chercher un équivalent qui écarte tout équivoque. Ce mot suggère d'abord l'idée d'un éclat quelconque, de quelque chose d'éblouissant et d'étincelant, de quelque auréole pareille à celles dont les anciens maîtres aimaient à entourer la tête de leurs Ecce Homo. Mais ces auréoles n'étaient que de la peinture, de la matière, le symbole visible d'un éclat invisible. Quel est cet objet que personne ne voit ? C'est de toutes les choses que l'on ne voit pas la plus radieuse, la plus belle, la plus divine, c'est le caractère. Sur la terre et dans le ciel, il n'est rien de plus grand ni de plus glorieux. Ce mot a plusieurs sens ; en morale, il ne peut en avoir qu'un. La gloire, c'est le caractère, rien de moins, mais aussi rien de plus.
La terre est « remplie de la gloire du Seigneur, » parce qu'elle est pleine de son caractère.
La « beauté du Seigneur, » c'est le caractère ; la « splendeur de sa gloire, » c'est le caractère.
La « gloire du Fils unique et bien-aimé, » c'est son caractère, caractère qui est « plein de grâce et de vérité. »
Et quand Dieu fit connaître à son peuple son nom, il ne fit que lui révéler son caractère, c'est-à-dire Lui-même. « Et le Seigneur proclama son nom : l'Éternel, le Dieu miséricordieux et compatissant, lent à la colère, abondant en grâce et en fidélité. »

La gloire n'est donc pas quelque chose d'impalpable, de fantastique, de transcendent. S'il en était ainsi, comment saint Paul pourrait-il demander aux hommes de la refléter ? Débarrassé de ses langes matériels, elle est la Beauté, la Beauté morale et spirituelle, la Beauté infiniment réelle, infiniment élevée et cependant infiniment rapprochée et infiniment communicable.

Après cette explication, relisez encore une fois ce passage en le paraphrasant : Nous tous, reflétant comme dans un miroir le caractère de Christ, nous sommes transformés dans la même image, de caractère en caractère, d'un caractère misérable en un meilleur, Un meilleur en un autre un peu meilleur, de celui-ci en un autre encore plus complet, jusqu'à ce que, de degré en degré, l'Image parfaite soit atteinte.

La solution du problème de la Sanctification est donc condensée en une seule phrase : Reflétez le caractère de Christ et vous deviendrez semblables à Christ.
Tout homme est un miroir. Voilà la première loi sur laquelle repose la formule.

Une des définitions les plus exactes que l'on puisse faire d'un être humain est de dire qu'il est un miroir. Tandis que nous étions assis ce soir autour de la table, le monde au sein duquel chacun de nous avait vécu et agi pendant la journée était reflété dans la chambre comme en un foyer. Ce que nous contemplions, en nous regardant les uns les autres, ce n'était pas chacun de nous, c'était le monde de chacun de nous. Nous formions une combinaison de miroirs. Toutes les scènes auxquelles nous avions assisté étaient reproduites ; les personnes que nous avions rencontrées allaient et venaient, elles parlaient, elles saluaient, elles s'éloignaient, elles répétaient leurs actes comme dans la réalité. Lorsque nous parlions nous-mêmes, nous ne faisions pas autre chose que de regarder dans notre propre miroir et de décrire ce qui flottait à sa surface ; lorsque nous écoutions, ce n'étaient pas nos oreilles, mais bien nos yeux qui étaient en activité ; nous ne faisions que contempler le miroir de notre voisin.

Toutes les relations des hommes entre eux consistent dans la vue des choses reflétées. Je me trouve en chemin de fer avec un étranger. L'accent de sa première parole m'apprend qu'il est Anglais et originaire du Yorkshire. Sans le savoir il a reflété son lieu d'origine, ses parents et la longue histoire de sa race. Il est un miroir, même au point de vue physiologique.

Sa seconde phrase révèle en lui l'homme politique et une légère inflexion de voix dans sa manière de prononcer « The Times » indique le parti auquel il appartient. Dans ses remarques subséquentes je vois se refléter tout un monde d'expériences. Les livres qu'il a lus, les personnalités qu'il a rencontrées, les influences qu'il a subies et qui ont fait de lui l'homme qu'il est - toutes ces choses sont enregistrées là par une plume qui ne laisse rien passer et dont les traits ne peuvent plus jamais être effacés.

Ce que je lis en lui, il le lit dans le même moment en moi ; et, avant la fin du voyage, nous pourrions écrire en partie la vie l'un de l'autre. Que nous le voulions ou non, nous vivons dans des maisons de verre. L'esprit, la mémoire, l'âme, ne forment qu'une vaste chambre lambrissée de miroirs, et c'est de cette merveilleuse combinaison et de cette faculté que dépend pour nous la capacité de « refléter la gloire du Seigneur. »

Mais ce n'est pas tout. Si ces reflets de notre histoire intime sont visibles pour le monde extérieur, combien précise sera l'écriture, combien complet sera le récit, tels qu'ils se sont gravés dans l'âme elle-même. Car les influences que nous subissons ne s'arrêtent pas seulement un instant sur la surface polie, pour s'évanouir ensuite dans l'espace. Chacune d'elles se fixe à la place où elle est tombée, et elle est emmagasinée dans l'âme pour toujours.

Cette loi de l'assimilation est la seconde vérité et de beaucoup la plus impressive, parmi celles qui se trouvent à la base de la formule de la Sanctification. Elle pourrait s'exprimer ainsi : Les hommes sont des miroirs capables non seulement de refléter les choses flottantes qu'ils perçoivent, mais de les absorber dans leur substance intime et d'en conserver l'image d'une manière permanente. Qui expliquera jamais comment l'âme parvient à saisir ces choses ? Qui saura jamais comment s'accomplit le miracle ? Il n'est pas un phénomène dans la nature, pas un procédé chimique, pas un chapitre de nécromancie qui puisse nous aider à comprendre le premier mot de cette surprenante opération. Car, songez-y bien, le passé n'est pas seulement reflété dans l'âme d'un homme, il existe en réalité dans cette âme.
Comment pourrait-il être reflété par elle, s'il n'existait pas en elle ?

Toutes les choses du monde environnant que cet homme, dans le cours de son existence, a vues ou connues, crues ou senties, sont devenues une portion intégrante de sa personnalité qu'elles ont formée et transformée - il a été changé en leur image. Il aura beau le nier, il aura beau le déplorer, elles n'en sont pas moins là, attachées à lui, non par une simple adhérence, mais par un fait de transfusion. Il ne peut ni les altérer, ni les enlever par un frottement quelconque. Elles ne sont pas dans sa mémoire, elles sont en lui. Son âme est telle qu'elles l'ont remplie, formée, puis quittée. Ces objets, ces livres, ces événements, ces influences sont les facteurs de sa personnalité. Ce sont ces facteurs qui tiennent dans leurs mains la vie et la mort, la beauté et la difformité de l'individu. Lorsqu'une fois l'image ou la ressemblance de quelqu'une de ces choses est vraiment présentée à l'âme, aucune puissance au monde ne peut empêcher deux effets de se produire : l'absorption de l'image dans l'âme et son éternelle répercussion par le caractère lui-même.

C'est sur ces faits psychologiques surprenants, mais parfaitement évidents, que saint Paul fonde sa doctrine de la sanctification. Il reconnaît que le caractère est édifié lentement et graduellement, qu'il change heure après heure en bien ou en mal, suivant les images qui viennent flotter devant lui.

Faisons un pas de plus et nous nous trouverons en présence de l'application complète de ces idées au problème central de la religion.


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