Il n'est pas nécessaire de
présenter aux lecteurs de langue
française l'auteur de la brochure dont nous
publions une traduction, car tous ceux qui sont
quelque peu au courant de la littérature
religieuse contemporaine, connaissent le nom
d'Henry Drummond.
Professeur de sciences naturelles à
la Faculté de théologie de
l'Église libre de Glasgow et jadis
collaborateur du célèbre Moody, il
réunit en sa personne les connaissances d'un
savant, les convictions d'un chrétien
vivant, les dons d'un évangéliste et,
dans ses discours, comme dans ses écrits, il
poursuit, par des méthodes nouvelles, un but
qui, pour être ancien, n'a rien perdu de son
importance et de son actualité, à
savoir, la conciliation de la science et de la
foi.
Outre son principal ouvrage : Les lois
de la nature dans le monde spirituel, qui a eu en
Angleterre et en Amérique un succès
colossal et dont la traduction française a
atteint sa quatrième édition, M.
Drummond a publié, sous le
nom de Messages de Noël, une série
d'études remarquables sur des sujets
relatifs à la personne de Christ ou à
la vie religieuse. L'une d'entre elles, traduite en
plusieurs langues et intitulée La plus
grande chose du monde, est devenue populaire dans
nos contrées et a été en
bénédiction à un grand nombre
de lecteurs.
Celle que nous offrons au public
français traite également un des
points essentiels de la vie chrétienne.
Notre salut ne s'accomplit pas hors de nous et sans
nous ; nous ne saurions être
sauvés, si nous ne sommes changés,
mais ce changement ne peut avoir lieu que dans une
communion personnelle avec Christ, reproduisant son
image par une action lente, invisible et
permanente, dans l'âme de chacun de ses
disciples.
C'est cette divine méthode de
sanctification et de transformation que l'auteur
expose et développe dans cet écrit
avec une grande richesse d'aperçus originaux
et un rare bonheur d'exemples et d'expressions. La
traductrice a pensé rendre service aux
personnes qui ne connaissent pas l'anglais en
mettant à leur portée ces quelques
pages qui décrivent, en traits simples et
frappants, le chemin « de la
sanctification sans laquelle nul ne verra le
Seigneur, » et elle espère que plusieurs ne
trouveront
pas,
à les lire et à les méditer,
moins d'intérêt et de profit qu'elle
n'en a trouvé elle-même.
Chaux-de-Fonds.
M. COURVOISIER-SANDOZ.
« Ainsi nous tous, qui contemplons, comme dans un miroir, la gloire du Seigneur à visage découvert, nous sommes transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par l'Esprit du Seigneur. » 2 Cor. III, 18.
L'automne dernier, je découvris dans une
librairie de Californie un petit livre, sur la
première page duquel se trouvait mon nom.
J'ignorais l'existence de cet ouvrage que je
n'avais pas écrit et dont le titre
m'était également inconnu. Loin de
moi la pensée de reprocher à qui que
ce soit cette publication égarée, due
sans doute aux notes sténographiques prises
par quelque auditeur de l'un de mes discours. Ces
pages, telles qu'elles étaient, paraissaient
avoir déjà produit quelque bien. Mais
à la vue des imperfections qu'elles
contenaient, j'ai cru de mon devoir d'en donner une
édition plus complète.
Cette étude, de même que
d'autres appartenant à la même
série, ne présente qu'un seul
côté du grand sujet qui y est
traité, le côté de
l'activité humaine. C'est à ce point
de vue que le lecteur devra se placer pour faire la
part de la lumière et des ombres. J'en
appelle donc à sa bienveillante attention,
le priant de tenir compte de cette
délimitation et de ne pas s'étonner
si certains points, que la théologie nous a
toujours appris avec raison à mettre en
évidence, ne sont pas même
abordés ici.
C'est en assistant un jour dans les
montagnes de l'Écosse à une
conversation entre l'un de mes amis et quelques
simples habitants de la contrée, que mon
attention fut attirée pour la
première fois sur la solution pratique de ce
problème capital de l'expérience
chrétienne. Les pages suivantes doivent en
grande partie leur origine à cette
matinée de dimanche.
S'il était au pouvoir de quelque force
supérieure de me faire penser toujours ce
qui est vrai et de me faire accomplir toujours ce
qui est bien, à la condition que je sois
changé en une sorte d'horloge qui devrait
être remontée chaque matin, je
déclare que j'accepterais
immédiatement le marché.
Ces paroles sont de M. Huxley. Le
désir infini et l'infinie difficulté
d'être bon : ce thème est aussi
ancien que l'humanité. Il ne vit pas, celui
dont l'être intime n'a jamais laissé
échapper un semblable aveu, celui qui ne
donnerait pas son avenir tout entier en
échange de la possibilité de devenir
meilleur.
Ce marché, je viens aujourd'hui vous
le proposer très sérieusement. C'est
sans nécessité aucune d'être
changé en une sorte d'horloge que ce but
peut être atteint. Dans les conditions
normales, il est aussi naturel au caractère
qu'à la fleur de s'épanouir en
beauté, et si, sur la terre que Dieu
à créée,
il n'existait pas quelque procédé
capable de produire ce résultat, c'est que,
parmi tous les dons octroyés aux humains, le
don suprême aurait été
oublié. N'est-ce donc pas pour cela que
l'homme a été
créé ? Ne dirons-nous pas avec
le poète Browning : « Je
déclare que l'homme a été fait
pour progresser et non pour rester
stationnaire ; » ou mieux encore,
avec les mots plus profonds d'un plus ancien
livre : « Ceux qu'il a
préconnus, il les a aussi
prédestinés à être
conformes à l'image de son
Fils. »
Permettez-moi tout d'abord de passer en
revue, en éliminant la plupart d'entre eux,
certains procédés dès
longtemps en usage pour arriver à une vie
meilleure. Ces procédés sont loin
d'être mauvais. Ce que nous leur reprochons,
c'est de ne pas produire le meilleur
résultat possible.
La première de ces méthodes
imparfaites consiste à s'appuyer sur la
volonté. Le salut ne réside ni dans
la puissance de la volonté, ni dans des
résolutions spasmodiques. La lutte,
l'effort, l'agonie elle-même ont leur place
dans la vie chrétienne, comme nous le
verrons plus tard, mais elles ne l'ont pas dans la
phase dont nous parlons. L'autre jour, comme je
naviguais en plein Atlantique, l'
« Etruria, » sur lequel je me
trouvais, s'arrêta subitement. Quelque chose
s'était dérangé dans la
machine. Cinq cents hommes vigoureux se trouvaient
à bord. Croyez-vous que si nous nous
fussions tous mis à pousser le mât,
nous aurions pu remettre le navire en marche ?
L'homme qui cherche à atteindre la
sanctification par son propre effort est semblable
à celui qui tente de faire avancer son
bateau en poussant le mât. Il est pareil
à un homme qui se noie et qui croit pouvoir
se soutenir hors de l'eau en tirant ses propres
cheveux. Christ a en quelque sorte jeté le
ridicule sur cette méthode, lorsqu'il a
dit : « Lequel de vous peut par ses
inquiétudes ajouter une coudée
à sa taille ? » Le seul
côté bienfaisant de ce
procédé de l'effort personnel
consiste en ce que ceux qui en font l'essai,
découvrent presque immédiatement
qu'il ne les rapprochera pas du but.
Un autre expérimentateur dira :
« Ma méthode est toute
différente. J'ai reconnu la folie d'une
lutte à outrance dans les
ténèbres. J'agis d'après un
principe. Mon plan n'est pas d'épuiser mes
forces à tort et à travers, mais de
les concentrer sur un péché
particulier. En combattant ce péché
et en le crucifiant résolument, j'ai
l'espoir à la fin de les extirper
tous. » Ce plan malheureusement vient se
heurter à quatre objections. Et d'abord, la
vie est trop courte et le péché s'appelle
légion. Puis, s'occuper d'un seul
péché individuel, c'est laisser pour
un temps le reste de la nature intact.
Troisièmement, une lutte isolée
contre un péché spécial
n'atteint pas la racine et la source du mal.
L'expérience nous montre que le
péché refoulé de l'un de ses
canaux, se précipite avec plus de force dans
les autres conduits de l'organisme. Une conversion
partielle est presque toujours accompagnée
d'une déperdition de forces morales, par
suite de la concentration des énergies sur
le point d'attaque, et le dernier état de
l'âme peut être pire que le premier.
Enfin, la religion ne consiste pas en mesures
négatives, en répressions partielles
du mal. Ce n'est pas à coups de serpette que
l'on parviendra à tailler un
caractère parfait.
Un troisième proteste et dit :
« Soit, je ne cherche nullement à
réprimer mes péchés un
à un. Ma méthode est
diamétralement opposée. Je m'attache
à copier les vertus une à
une. » Le côté faible de
cette méthode de copie, c'est qu'elle risque
de devenir mécanique. On pourra toujours
distinguer une gravure d'une peinture, une fleur
artificielle d'une fleur naturelle. En copiant une
à une les vertus, on arrivera à peu
près au même résultat qu'en
déracinant les vices les uns après
les autres. La conséquence immédiate sera un
caractère mal
équilibré et difforme. Quelqu'un a
défini le fat : une créature
trop bien nourrie relativement à sa taille.
On rencontre parfois des chrétiens de cette
espèce, trop bien nourris d'un
côté de leur être, mais
effrayamment maigres et d'apparence
famélique de l'autre. En copiant
l'humilité, par exemple, et en l'associant
à une vie mondaine dans ses autres
manifestations, on arrive à un
résultat simplement grotesque. Un
défenseur forcené de la
tempérance sera souvent, pour la même
raison, la plus misérable des
créatures, prospérant dans une vertu
unique et oubliant totalement que sa
tempérance le rend plus mauvais et non pas
meilleur. Ce sont là des exemples de belles
vertus perverties par de viles compagnes. Le
caractère est une unité et toutes les
vertus doivent progresser du même pas pour
composer un homme parfait. Cependant cette
méthode de sanctification suit la bonne
direction. Elle fait fausse route seulement dans
les détails de l'exécution.
Il est à peine nécessaire d'en
signaler une quatrième, car elle n'est
qu'une variété de celles
déjà nommées. C'est la
méthode du tout jeune homme, et, devant tant
de candeur, on craint de commettre un
sacrilège en y touchant. Elle consiste
à tenir un journal portant
des colonnes spéciales pour chaque jour de
la semaine et une liste des vertus avec un espace
blanc en regard destiné à noter des
observations. Ce livre orné, en
manière de préface, d'un grand nombre
de règles sévères, est
conservé à part dans un endroit
secret et de temps en temps, à la
tombée de la nuit, l'âme est
citée à sa barre comme à celle
d'un tribunal privé. Ce code de vie
était celui de Franklin et je suppose que
des millions d'individus pourraient nous dire
comment ils ont suspendu dans leur chambre ou
caché dans un tiroir fermé à
clef ces règles qu'en un jour solennel ils
ont tracées pour en faire le programme de
leur vie. Cette méthode n'est pas
fautive ; mais, pour une cause ou pour une
autre, son succès laisse à
désirer. Vous m'êtes témoins
qu'elle ne réussit pas et c'est
généralement pour une raison
très simple - bien probablement parce que
nous avons oublié notre
règlement.
Toutes les méthodes que nous venons
de nommer, celle de la volonté propre, celle
du crucifiement personnel, celle de l'imitation et
la méthode-journal sont parfaitement
humaines, parfaitement naturelles, parfaitement
irréfléchies et comme telles
parfaitement insuffisantes. Nous ne
prétendons pas, je le répète,
qu'elles doivent être abandonnées. Leur tort
consiste plutôt en ce qu'elles
détournent l'attention de la méthode
réellement efficace et en ce qu'elles
produisent un résultat relativement bon, aux
dépens du résultat parfait.
Efforçons-nous donc de découvrir
quelle est cette méthode parfaite.
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